Les fées penchées sur le berceau de la Formation Continue de l’Institut de Psychologie ont pris le parti de l’inscrire au sein du Département de Formation en Situation Professionnelle. Ce département est transversal aux quatre autres présents à l’Institut, eux référés à des approches de la psychologie (clinique, sociale, cognitive, du développement), lui déterminé par le statut de ses usagers : des professionnels. Outre notre revue, Canal Psy, il se compose de trois secteurs, trois modalités pédagogiques particulières :
- CFP, Contrat de Formation Personnalisé, qui permet à des salariés des horaires aménagés pour suivre un cursus en psycho, L1, L2... ; cursus « classique », avec des amphis (sur support audio), des T.D. en soirée ou les week-ends, des partiels…,
- FPP, Formation à Partir de la Pratique1,
- FC, Formation Continue, qui nous intéresse ici comme sujet de notre propos.
Dans le Département, elle a autrefois été dénommée « Cellule de Formation Continue ». Aujourd’hui, elle répond généralement à l’appellation de « Service » : je n’ai pas fouillé outre mesure l’écart, les liens, l’évolution entre ces deux acceptions, dont je fais l’hypothèse qu’elles ne sont pas sans effet sur le regard porté sur les formations, ni ceux qui œuvrent à son… service ! Si la Cellule métaphorisait peu ou prou la Formation Continue ; j’ai l’impression que Service la décrit au sein de l’Institut de Psychologie2.
Avec ses cousines du Département, la Formation Continue partage le public concerné par ses propositions de formation, des professionnels3, des praticiens.
Pas la visée : avec CFP et FPP, il est question d’obtenir des niveaux (Licence, M1…), en Psychologie, voire d’intégrer le M2 Pro à l’issue du parcours.
Ceux qui participent aux actions mises en place par la FC y trouvent des outils pour penser, spécifier, spécialiser, interroger, comprendre, décaler, mettre en perspective, améliorer, leur pratique professionnelle propre : sans doute par contiguïté, l’approche formative de la FC se soutient d’un parti pris « à partir de la pratique ». Les thèmes, les abords théoriques et techniques s’ancrent sur les pratiques des participants.
Les formations proposées trouvent origine dans les besoins des terrains, prennent forme épaulées aux objets de recherche des différents labos de l’Institut, au service des pratiques professionnelles.
Avec ce trépied (terrains, recherche, pratique), la tâche primaire de la Formation Continue participe à celle de l’Institut :
« Assurer principalement la formation initiale, ponctuelle et continue des chercheurs, des psychologues praticiens et des professionnels qui utilisent la psychologie. Observer les évolutions des pratiques, des emplois et des techniques […]. Répondre à des demandes venant d’organismes extérieurs […]4. »
Outre les cadres emboîtés d’appartenance (Département, Institut de Psychologie, Université Lumière Lyon 2…), le Service doit satisfaire aux exigences du cadre légal du Code du Travail concernant les actions de formation continue, ainsi qu’aux critères des fonds de formation quant à la teneur des propositions, de même que répondre aux attentes des stagiaires – et de leurs employeurs. Répondre n’est pas coller, néanmoins l’obligation d’autofinancement5 lie l’existence du service à sa charge d’activité. Ce qui suppose d’écouter l’ensemble des protagonistes d’une formation – intervenants inclus, qu’ils soient occasionnels ou enseignants de l’Institut – pour qu’elle voie le jour.
Écouter signifiant là entendre l’idéal de la formation pour chacun des partenaires et permettre que leurs principes de réalité respectifs s’articulent sans trop de déplaisir…
Des formations en lien avec les terrains, outillées par la recherche, au service des pratiques
L’assertion du sous-titre s’illustre de la genèse d’une formation, qu’elle soit « prêt-à-porter » ou « sur-mesure ».
Depuis sa fondation6, la Formation Continue édite chaque année un « catalogue » de propositions de formations, que nous qualifierons de « prêt-à-porter ». Pour 2007-2008, il en comporte une quarantaine, autour de thèmes et d’approches des quatre départements de l’Institut7. Il est envoyé à près de quatre mille adresses, qu’elles soient de lieux professionnels, d’anciens stagiaires, de psychologues, d’associations…
« Prêt-à-porter » : témoins du savoir-faire de l’Institut, elles naissent de l’hypothèse que tel outil, inventé dans un des laboratoires de l’Institut par des chercheurs, praticiens en ce domaine, serait utile sur le terrain (par exemple une méthode de repérage de l’illettrisme et donc des modalités pour le réduire). Rêvées en l’absence de demande de leurs destinataires, elles s’initient de la lecture d’un besoin.
Ou bien parce qu’un besoin s’est fait demande. Je pense là aux nombreux coups de fil à la Formation Continue lors de la « sortie » de la IVe version du WISC8 émanant de psychologues cliniciens soucieux d’utiliser l’outil et de conserver la spécificité de leur lecture clinique, qui sollicitaient la possibilité d’une formation. En collaboration avec la « Testothèque9 » du Département Clinique, notre catalogue 2007/2008 s’enrichit une formation ad hoc, qui va avoir lieu au printemps 2008 : le groupe est déjà complet !
Il s’agit en effet de formations en petits groupes (huit à 15 personnes) qui permettent aux intervenants, à partir d’une proposition « prêt-à-porter » de tricoter « sur mesure ». Généralement de courtes durées (de un à cinq jours, réparties en séquences de deux heures, ou en journées filées), elles portent sur des thèmes variés (Groupes à médiations, Approche de l’adolescent, Illettrisme, Troubles des apprentissages, Photolangage, Clinique des addictions, Observation du bébé, Approche psychosomatique et clinique, Clinique de l’institution, Psychosociologie des organisations, Précarité…), avec des finalités diverses (élaboration de pratiques, acquisition ou actualisation de techniques…), à l’intention d’un public cible par formation, généralement ceux pour lequel les outils de la psychologie10, sont perçus pertinents (psychologues, infirmiers, travailleurs sociaux, cadres…).
Sur ce mode, elles ne sont pas l’objet de la délivrance – ou pas – d’un diplôme. Nous les disons « non diplômantes ».
Au catalogue figurent d’autres formations, elles diplômantes, les Diplômes d’Université (DU) proposés par le Service, en lien avec leurs responsables pédagogiques respectifs.
D’une durée d’une année universitaire à deux années civiles, ces formations connaissent aussi un temps de gestation plus long avant leur avènement. Leur projet pédagogique doit être approuvé par le Conseil de l’Institut, la décision prise en dernier ressort par le CEVU11.
Quatre DU, issus du Département Clinique, ont enrichi notre offre de formation dans les cinq dernières années, tous soucieux des réalités de terrain, en lien avec les objets de recherche, au service des praticiens. Pour illustrer notre propos, rapide présentation, rappel par ordre d’entrée en scène :
- Le DUSOPCEA, Diplôme Universitaire SOin Psychique, Créativité, Expression Artistique Les Colloques du C.R.P.P.C. autour de la Symbolisation en attestent, depuis longtemps « trainait » l’idée du besoin d’outils pour penser le lien « pratiques soignantes, éducatives, sociales ou artistiques et expression artistique ». Le DU a vu le jour, sous la responsabilité pédagogique de Jean-Marc Talpin, pour répondre aussi à la multiplication de pratiques, parfois nommées « d’art-thérapie », dans les domaines du soin psychique ou physique, de l’accompagnement social ou éducatif. Diplôme de niveau Bac + 3, il accueille, après sélection des candidatures, des infirmiers, des enseignants, des plasticiens, des éducateurs… justifiant d’une pratique de groupe et/ou artistique.
- Le DUAPr, Diplôme Universitaire Analyse de la Pratique Sur les terrains, l’accompagnement des professionnels par l’élaboration de leurs pratiques se développe. Travail en groupe, le plus souvent animés par des psychologues, des sociologues, ou des formateurs. Dans le même temps, la pensée autour du groupe et des institutions a évolué, elle est, plus qu’hier, l’objet de théorisation, de conceptualisations. Ce DU de niveau bac + 5, sous la responsabilité pédagogique de Georges Gaillard, propose, après sélection des candidatures, à ces praticiens un creuset d’élaboration de leurs expériences, d’interrogation de leurs points de butée, dans la rencontre avec diverses approches théoriques.
- Le DUAPGF, Diplôme Universitaire Approche Psychanalytique et Groupale de la Famille. La question de la famille est en mouvement : du point de vue social, du point de vue de l’évolution de la législation, et quant à la conceptualisation de modèles pour en penser les processus. Entre la formation initiale des psychologues et médecins confrontés à ces problématiques sur leur terrain, et les dynamiques actuelles, un écart. Le réduire est l’objectif de ce DU, de niveau bac + 5, sous la responsabilité pédagogique de Christiane Joubert et Evelyne Grange-Segeral, après sélection des candidatures, en éclairant les prises en charge des apports théoriques énoncées dans le titre.
- Le DIUADAPE, Diplôme InterUniversitaire Adolescents « Difficiles » Approche Psychopathologique et Éducative. Ce diplôme est le fruit d’une collaboration entre Lyon 1 et Lyon 2, sous la coresponsabilité scientifique de Jean-Marc Elchardus, Nicolas Georgieff et Pascal Roman, en partenariat avec les secteurs concernés par la prise en charge des adolescents (Santé, Éducation, Justice…). Il s’adresse aux professionnels de ces secteurs, quelles que soient leur formation initiale ou leurs fonctions, généralement sous couvert de leur institution, qui intègrent la formation après sélection. La visée, outre l’apport des développements récents en matière « d’adolescence », tels que stipulés dans l’intitulé, est de parvenir à mettre en place et faire vivre sur le terrain des réseaux et relais entre les différents secteurs.
Pour chacun des DU, l’obtention du diplôme dépend de la production d’un écrit, trace d’une appropriation suffisante du corpus conceptuel dans l’élaboration de sa pratique professionnelle et des remaniements que la formation y aura opérés.
À partir de la connaissance de l’Institut sur les terrains professionnels, des spécificités de ses objets de recherche, de ses options théoriques, à partir aussi des propositions du catalogue, reflet d’un savoir-faire, il nous parvient des demandes de formations en « intra », c’est-à-dire à organiser sur site à l’intention d’un personnel donné, équipe pluridisciplinaire, ou professionnels de même métier, de la même institution.
Moment intéressant que cette première demande, qui institue une intervention « sur mesure ».
Entre l’appel d’un directeur, chef de service, voire psychologue, d’une structure, le plus souvent de soin, éducative, à visée d’insertion, ou encore collectivité locale qui nous sollicite de faire, par exemple, pour les éducateurs la formation sur l’Adolescence proposée page x, pour les infirmiers la formation Contes page y, ou celui d’un professionnel d’une équipe porteur de l’aspiration d’un groupe, déjà constitué dans la structure, autour d’une thématique, et la réalisation de l’action, que de négociations entre l’idéal et le possible, que de renoncements parfois dans les allers-retours entre les acteurs ! Que de temps – et souvent, il est urgent d’attendre, de laisser mûrir…
Ces configurations de demande sous-tendent bien souvent des enjeux institutionnels12, plus ou moins aigus, que l’énonciation du projet, puis sa construction mettent en travail.
Tel un couturier armé de son mètre, toutes les mesures sont à prendre, dont vont dépendre la forme de l’intervention.
Mesure de la demande : qui demande quoi, pourquoi, comment ?
Mesure du groupe concerné : taille, fonctions, degré d’adhésion des participants potentiels… ?
Mesure des créneaux possibles : jours, horaires ? (Les formations interviennent le plus souvent sur des temps d’activité professionnelle. Faire coexister l’idéal du besoin de formation avec la réalité matérielle, la nécessité de la formation dans la prise en charge des usagers et priver pour un temps ces mêmes usagers des services des professionnels, demeure une équation complexe…)
Mesure de l’enveloppe budgétaire allouée et sur quels fonds (utiliser le budget de fonctionnement ou recourir aux fonds de formation n’impliquent pas les mêmes contraintes) ?
À partir de ces contours, un ou plusieurs intervenants sont pressentis, enseignants de l’Institut, ou occasionnels, pertinents sur le registre, disposés sur le thème et disponibles sur les créneaux retenus, dont la tâche, et non des moindres, sera de permettre à un groupe de stagiaires, de transformer13 en formation, ce qui n’était qu’une proposition.
Ce dernier aspect vaut d’ailleurs pour toutes les propositions émises par le Service.
Autre point commun à l’ensemble des propositions : inventer des dispositifs suffisamment souples, adaptés aux besoins de formation, et compatibles avec les règles internes (administratives et comptables de la fonction publique, dont l’Institut fait partie) et externes (législation relative à la formation continue, aux fonds de formation). Cela sollicite une sacrée créativité… et tout le savoir-faire, les compétences, le travail des personnels administratifs, à qui revient sur ce registre le mérite de permettre aux formations d’exister.
Malgré les efforts combinés de ceux qui œuvrent à réaliser une action, le registre fantasmatique est suffisamment convoqué, qu’il demeure illusoire d’imaginer lisser l’écart entre l’offre et la demande de formation14.
Ceci n’exclut pas, au contraire, que les formations soient ou pas l’enjeu d’un diplôme, qu’elles fassent l’objet d’une évaluation.
Pour le stagiaire, la mise en formation est un temps critique15 de son parcours professionnel : le temps du bilan, de l’évaluation, ritualise une fin, accompagne le dépassement nécessaire.
Pour l’intervenant, c’est un temps riche d’élaboration réflexive sur sa pratique « d’animateur » et l’adéquation de la proposition aux besoins des participants.
Pour le Service, ces retours sont utiles pour adapter projets et modalités, rendre compte aux structures porteuses de la demande et aux fonds de formation… Je ne développerai pas plus avant : l’évaluation est le thème de l’interview de Jérôme Renoult, dans ce numéro de Canal Psy.