« Y a-t-il trop d’étudiants en psychologie ? »

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Texte

Votre question insinue dans sa formulation au moins deux éléments sous-jacents : le premier, un nombre fixe de places à l’intérieur de cette formation que l’actuel effectif dépasserait, ce qui n’est pas le cas ; le second, une comparaison implicite avec d’autres formations universitaires où il y en aurait moins, ce qui est vrai. On peut donc y répondre de plusieurs manières et à des niveaux différents.

Essayons d’abord de se mettre à la place de quelqu’un qui visiterait incognito notre Institut en plein semestre. Lorsqu’il réussira à localiser le campus, le bâtiment et les salles – ce qui ne va pas de soi – imaginons qu’il décide de suivre quelques minutes un cours magistral dans un amphithéâtre. Première impression visuelle et quantitative : beaucoup de monde, certes, mais surtout beaucoup d’étudiantes. S’il multiplie les visites des amphithéâtres de psychologie, il sera en mesure de faire un second constat : contrairement à cette population, quasi exclusivement féminine, assez peu d’enseignantes dispensent des cours…

Il y aurait donc un premier constat à faire sur les effectifs des étudiants de psycho aussi bien sous l’angle du nombre, mais aussi du genre, le leur et celui de leurs enseignants1

Ensuite, quid des raisons qui poussent les étudiant(e)s à s’inscrire en psychologie ? Ceci n’est guère un secret, la filière « psychologie » est celle qui accueille le plus d’étudiants en pré-inscriptions avec des différences plus que significatives par rapport aux autres formations proposées. Pourquoi ? Et, surtout, comment un·e étudiant·e qui vient d’avoir son bac prend la décision de s’inscrire en « psycho » ? À partir de quelle « matière » se construisent les représentations de cette formation, de sa professionnalisation, du corps de connaissances qui la constitue, de son énorme diversité, de son utilité sociale ? La matière enseignée en lycée ? Elle est insignifiante pour justifier un tel pari. Il y aurait, à mon avis, beaucoup à dire sur la place qu’occupe la psychologie (et les « psys ») dans nos sociétés occidentales, notamment en France, dans la communication de masse, mais aussi dans le sens commun, le vocabulaire « psy » profane…

Je souhaite focaliser une partie de ma réponse sur les étudiants en Master 1 de psychologie dont je me suis occupé du point de vue de la coordination pédagogique ces deux dernières années. Y a-t-il trop d’étudiants en Master 1 de psychologie ? Sans doute, oui, mais alors pourquoi ? Certainement parce qu’ils sont déjà suffisamment nombreux en L3, donc cette réflexion sur les effectifs en M1 n’a de sens ni en dehors des trois années de Licence qui le précèdent2, ni des places offertes en Master 2. D’autant plus qu’il existe un nombre considérable d’étudiants de psychologie qui ne souhaitent pas devenir psychologues. Ils sont inscrits pour une formation à la psychologie qui pourrait soit les armer pour construire leur parcours professionnel futur (post Licence ou post M1), soit consolider et faire évoluer celui-ci lorsqu’il s’agit d’étudiants issus de la formation professionnelle.

D’où l’intérêt de distinguer finement le profil multiple de la population « étudiants » ; mais aussi d’accentuer le dispositif d’orientation, une orientation active, à l’intérieur et à l’extérieur de l’université, individuelle mais aussi collective. Sans omettre la mission de formation, une des missions principales de l’université publique.

Et comment peut-on s’étonner du « nombre » lorsqu’on le sait, qu’il existe un lien positif entre le niveau de formation et le revenu ? Ou encore, chiffre à l’appui, que dans les pays de l’OCDE, 84 % des diplômés de l’enseignement supérieur sont pourvus d’un emploi, contre 56 % pour ceux n’ayant pas de certificat de fin d’études secondaires ? Ou même lorsque suite à la récente réforme du LMD, les formations proposées, y compris celles en psychologie, ont essayé de gagner en attractivité et d’être davantage en phase avec la demande sociale3 ? L’évolution et l’évaluation de la formation en psychologie doit prendre en compte plusieurs facteurs – scientifiques, sociétaux, économiques et politiques – pour saisir cette réalité démographique.

Notes

1 Selon le récent rapport de l’Observatoire Universitaire Régional de l’Insertion Professionnelle (OURIP, 2005) 87 % des inscrits en 2e et 3e cycle de la filière psychologie sont des femmes. Les données du Comité consultatif animé par la Direction Générale de la Recherche à la Commission européenne (Groupe dit « d’Helsinki » – « Femmes et Science »), situe la moyenne française de la présence de femmes dans le champ académique des sciences humaines et sociales à 34 %…

2 En accord avec le récent avis du « comité de suivi Master » du Ministère de l’Enseignement Supérieur (17/01/07) (http://www.sup.adc.education.fr/lmdsuivi).

3 Selon la dernière étude de l’OURIP réalisée auprès des étudiants en psychologie de la région Rhône-Alpes, ceux qui sortent avec un diplôme de Master 1 en psychologie connaissent de bonnes conditions d’insertion avec une évolution professionnelle favorable. L’accès au premier emploi est rapide (73 % immédiatement) et 62 % n’ont connu aucune période de chômage.

Citer cet article

Référence papier

Nikos Kalampalikis, « « Y a-t-il trop d’étudiants en psychologie ? » », Canal Psy, 79 | 2007, 2.

Référence électronique

Nikos Kalampalikis, « « Y a-t-il trop d’étudiants en psychologie ? » », Canal Psy [En ligne], 79 | 2007, mis en ligne le 24 septembre 2021, consulté le 17 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=667

Auteur

Nikos Kalampalikis

Coordonnateur pédagogique Master 1, maître de conférences en psychologie sociale, Groupe de recherche en psychologie sociale (GRePS, EA 4163), Institut de psychologie, Université Lyon2

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