La réflexivité au cœur du droit constitutionnel comparé

Considérations sur l’analyse méthodologique des cultures française et américaine de la constitution

DOI : 10.35562/droit-public-compare.357

Résumés

Réfléchir à l’émergence du concept de « culture de constitution » dans le débat académique pose la question de l’intériorisation par les acteurs politiques et juridiques des formes constitutionnelles dans leurs pratiques politiques. Inscrit dans une démarche comparatiste, ce phénomène permet de mettre en évidence des trajectoires nationales singulières, déterminées par l’histoire, les mœurs, les contextes sociaux et les règles de droit. Ce concept devient ainsi un étalon pour éprouver la légitimité et l’adhésion ressenties à l’égard de la Constitution. Une telle méthode juridico-culturelle nous informe plus largement sur la fonction réflexive du droit constitutionnel comparé : « connaître l’autre pour mieux se connaître soi-même ».

Reflecting on the emergence of the concept of « culture of constitution » in the academic debate asks about the internalization by political and legal actors of constitutional forms in their political practices. In other words « respect the constitution », what does it mean? Part of a comparative approach, this phenomenon makes it possible to highlight singular national trajectories determined by history, mindsets, social contexts and law. So, this concept becomes a yardstick to test the legitimacy and approval towards the Constitution. The cultural study of law informs us more broadly about the reflexive function of comparative constitutional law: « knowing the other to better know oneself »

Plan

Texte

Lorsque l’on a soutenu sa thèse et que cette dernière a occupé notre vie quotidienne ces dernières années, l’invitation plaisante à faire retour sur l’expérience vécue relève quasiment du travail psychanalytique. C’est donc avec plaisir que nous nous sommes obligés à nous interroger sur les questionnements suivants : « En réalité, qu’ai-je fait ? », « Quel a été le fil rouge qui m’a amené à défendre telle ou telle thèse dans ce travail ? ». Me concernant, si la méthode comparatiste s’est imposée d’une manière assez logique, et je l’expliquerai dans le cadre du développement, elle fut aussi initialement le produit d’intuitions. Rien n’est sûr au stade des recherches, tout cela s’établit à l’aune de conjectures que le travail scientifique vient confirmer ou invalider. Cette trajectoire ne donne le sentiment que nous maîtrisons notre méthode, ou tout du moins nous arrivons à la conceptualiser, que lorsque le travail est pleinement achevé. De ce point de vue, être convié à penser la démarche représente une occasion précieuse pour effectuer autant une introspection qu’une rétrospective, et de porter un regard sincère et honnête, sur le travail accompli et sur le chemin parcouru…

À titre d’introduction, je souhaite résumer dans les grandes lignes le propos tenu dans ma thèse intitulée La culture de la constitution en France. Reconnaissance d’une notion à la lumière des cultures constitutionnelles nationales (France et États-Unis).

Présentation de la thèse

L’objectif de mon travail de thèse est d’élucider la notion de « culture de la constitution » et d’expliquer pour quelles raisons la Constitution (et plus largement le droit) ne bénéficie pas d’une centralité au sein de l’imaginaire politique français. Compte tenu du fait que la France se veut l’héritière d’une histoire constitutionnelle et politique discontinue, les Français ont eu toutes les difficultés à entretenir une relation étroite avec leur pacte fondamental. L’imprévisibilité des événements, la culture de l’État dans les cultures politiques et la foi dans la force symbolique des principes ont conduit à une déconsidération à l’endroit du droit constitutionnel. Par-delà la logique légicentriste, qui a longtemps prévalu dans l’esprit des révolutionnaires français, la conjecture initiale de mon travail est de s’appuyer sur ces divers éléments pour souligner la difficile éclosion d’une culture de la constitution en France. À titre de comparaison, ce travail s’est appuyé sur l’histoire constitutionnelle américaine qui rend compte des discours célébrant le moment constituant de 1787. Assimilée à un texte fétiche quasi religieux, la Constitution de Philadelphie a le mérite de structurer le débat politique. Son appropriation par les acteurs juridiques et politiques, ainsi que par les citoyens eux-mêmes, est de nature à renforcer sa légitimité et participe à un processus d’interprétation : chaque membre du corps social défend sa propre interprétation de l’œuvre fondatrice.

Au regard de ce constat liminaire, une approche culturelle a permis de montrer que l’intériorisation sociale (qui souligne le caractère contraignant et obligatoire des normes) donne naissance à des réflexes et à des habitudes. Ces derniers renforcent un impératif juridique : l’application du droit relève moins de son processus d’édiction par l’État que du sentiment intime de devoir respecter le droit. À cet égard, l’apprentissage d’une culture de la constitution s’observe lorsque la constitution est « pratiquée » sous un aspect social et politique. Sous cet angle, il apparaît évident que le développement des Cours suprêmes et l’usage politique du recours juridictionnel au sein des démocraties contribuent à cette appropriation du texte constitutionnel par le peuple.

La première partie de la thèse porte sur l’identification d’une culture de la constitution. La mise en scène de l’histoire constitutionnelle américaine, destinée à célébrer solennellement le moment constituant, a donné naissance à une « spiritualité constitutionnelle1 », la Constitution de 1787 étant un élément central de la religion civile américaine. Assurer l’autorité du texte constitutionnel consiste autant à respecter les dispositions juridiques qu’à « croire » dans ses bienfaits. Compte tenu du fait que l’ordre constitutionnel américain établit de nouvelles institutions et, parallèlement, donne naissance à un corps politique, l’appartenance à la nation s’évalue en référence au pacte constitutionnel. Bien que la rédaction du texte de 1787 se révèle lacunaire, les mythes fondateurs qui l’entourent, la déification des Pères fondateurs et les discours allégoriques et narratifs autour de la Révolution américaine participent à renforcer la fonction identitaire et intégrative du droit constitutionnel2. À l’inverse, l’épisode révolutionnaire français met en évidence la difficulté avec laquelle les hommes de 1789 vont trouver un consensus sur des principes de légitimité supérieurs. Si le Serment du Jeu de paume inaugure une ère eschatologique, la succession d’événements et l’incapacité du droit à contenir la radicalité politique vont faire perdre à la Constitution son aura. Entretenant davantage une foi dans les principes (liberté, nation, souveraineté, égalité, etc.) que dans les garanties juridiques, les révolutionnaires français sous-estiment l’importance des formes constitutionnelles quand bien même ces dernières sont indispensables pour protéger les acquis libéraux. Ce rapport contrasté au droit va empêcher une reconnaissance sociale de la constitution. Or, à la fin du xixe siècle, ce vide sera comblé par la mystique républicaine qui infuse, encore aujourd’hui, notre imaginaire collectif. Il est vrai que la culture française de la constitution est influencée par les valeurs républicaines, indissociables d’un légicentrisme et d’une prédominance de l’État sur la société. Aux États-Unis, la culture britannique de la common law et la stature sociale des juges (et, plus largement, des juristes) vont rapidement faire le jeu de l’instauration d’un contrôle de constitutionnalité des lois. En France, la conception mécanique de la constitution, l’idéalisation de la nation et la place symbolique et politique accordée au législateur ont durablement neutralisé l’épanouissement d’un tel contrôle. À cet égard, ce décalage entre les deux pays illustre parfaitement les voies discordantes qu’ils empruntent respectivement. Jusqu’en 2008, l’invocabilité tardive de la Constitution a éloigné cette dernière des citoyens profanes faisant du droit constitutionnel une discipline obscure et détachée des considérations sociales. Aux États-Unis, la sacralité accordée aux droits individuels protégés par le juge souligne la méfiance à l’égard du pouvoir politique (à l’inverse, en France, la protection des droits se réalise par la loi garante de l’égalité entre tous les citoyens sans distinction). Ainsi, les citoyens américains vont se saisir du droit pour affirmer leur identité personnelle contre l’État. L’obtention de droits grâce au juge participe d’une politique de reconnaissance : être citoyen américain ne se réduit pas à l’exercice du droit de vote. La citoyenneté s’exprime également par le recours juridictionnel qui s’assimile à un moyen de participation à la chose publique (le juge crée le lien entre l’espace public et l’espace politique). À cet égard, nous avons donc constaté que l’identité nationale américaine est avant tout une identité constitutionnelle (au vu des débats relatifs à la lutte contre le racisme, l’ère trumpiste a toutefois éprouvé les angles morts de cette alchimie : l’attachement à la Constitution est malheureusement impuissant à soigner les cicatrices béantes qui endommagent la mémoire nationale). Pour autant, la pérennité formelle de l’œuvre constitutionnelle de 1787 n’est pas synonyme de fossilisation. Grâce à l’interprétation de la Cour suprême, la Constitution se révèle être une matière vivante réactualisée grâce au travail herméneutique des juristes, des acteurs politiques et des citoyens collectivement rassemblés au sein d’une communauté d’interprètes. En France, la juvénilité de la culture de la constitution apparaît flagrante lorsque l’on observe l’instrumentalisation politique des révisions constitutionnelles (à l’occasion desquelles le peuple se révèle être le grand absent) et les débats persistants autour d’une VIe République. En dépit du fait que le débat révisionniste porte bien moins « sur » la Constitution qu’« au sein » de cette dernière, les espoirs investis en elle s’accompagnent de son lot de désillusions lorsque l’on sous-estime le poids des mentalités et des psychologies politiques (par exemple, sous la Ve République, l’attrait des Français pour l’élection présidentielle et la légitimité charismatique du président de la République renvoient à un inconscient monarchique qui rend malaisé un retour à un régime parlementaire moniste…).

Dans la mesure où la France s’est ralliée au modèle de l’État de droit et a adopté la question prioritaire de constitutionnalité, nous observons que la Constitution bénéficie d’un regain d’intérêt. Il était stimulant de se demander si le recours a posteriori est de nature à faire naître une appropriation citoyenne de la constitution (élément central de l’apprentissage d’une culture de constitution). Bénéficiant à présent de ses pleines propriétés normatives, la constitution trouve son autorité renforcée. Ce postulat étant communément admis, il convenait de se demander si cette effectivité juridique influence les pratiques politiques et sociales.

La seconde partie s’intéresse à l’apprentissage de la culture de la constitution qui met en évidence la centralité de la constitution dans l’imaginaire politique. À la faveur du développement du contrôle de constitutionnalité, les parlementaires français ont intégré que le recours devant le Conseil constitutionnel est autant une contrainte (la soumission de la décision politique à la rationalité juridique) qu’un moyen (l’opposition investit ce recours pour faire obstacle à la promulgation de la loi). Ce phénomène est de nature à repenser le régime représentatif et à mettre en œuvre une nouvelle temporalité démocratique (la volonté constituante prévaut sur la volonté momentanée d’une majorité politique temporaire). Pour autant, la manière dont est pratiqué le contentieux constitutionnel (motivations succinctes, modalités de contrôle calquées sur le contentieux administratif, refus des opinions dissidentes, etc.) illustre un habitus administrativiste très ancré. En France, le succès de la question prioritaire de la constitutionnalité prouve que les acteurs sociaux et juridiques (particulièrement les avocats) se sont formés aux codes du procès constitutionnel. Le combat politique se mène de plus en plus devant le prétoire du juge. Les droits que les citoyens n’obtiennent pas grâce à leurs élus, ils tentent de se les voir reconnaître par la voie juridictionnelle. Ainsi, le recours au juge s’apparente à un moyen de participation au pouvoir au point de faire émerger une « citoyenneté constitutionnelle » (le citoyen est de plus en plus un requérant, un ayant-droit).

La « culture » étant une notion peu définie d’un point de vue juridique, ce sujet transversal suppose de se la réapproprier dans notre champ d’étude pour mettre en évidence la fonction intégrative et identitaire de la Constitution, la légitimité des principes et des valeurs contenus dans le texte et le sentiment de reconnaissance dont il bénéficie par le corps social. Pour autant, l’idée selon laquelle cette notion est sujette à un débat ne nous a jamais quitté l’esprit. Dès lors que notre postulat de départ renvoie à la discontinuité de l’histoire constitutionnelle et à la place symbolique accordée à l’État dans l’imaginaire politique français, il convenait d’observer l’évolution des cultures constitutionnelles au fil de l’histoire – précision faite qu’une culture constitutionnelle doit être entendue comme la perception, la compréhension de l’objet « Constitution » à la faveur de pratiques, de discours et de représentations. Notre travail s’est donc évertué à produire une analyse sur les discours juridiques et sur l’influence du contexte sur l’effectivité des constitutions. Pour cela, il était essentiel de s’intéresser aux représentations et dénouer les liens particulièrement étroits entre la société et la constitution. Le conglomérat de cultures constitutionnelles au sein d’un pays compose une culture de la constitution qui renvoie donc à la déférence à l’égard des formes constitutionnelles, à la centralité de la constitution dans l’imaginaire collectif, à la manière avec laquelle les acteurs intègrent la constitution dans leurs pratiques et plus précisément le rapport qu’ils entretiennent avec elle, et le rôle qu’elle remplit dans leur processus de socialisation.

Structure de l’exposé

La locution « à la lumière de », mentionnée dans le sous-titre de la thèse, aiguille sur la démarche comparatiste adoptée. En dépit du fait que la thèse porte principalement sur la France, ce sujet appelle à une utilisation du comparatisme pour mettre en lumière la singularité et les spécificités du constitutionnalisme français. Pour le dire autrement, c’est par la confrontation à un droit étranger que l’on constate ce qui est propre à un système constitutionnel. En ce sens, notre travail s’est donc intéressé à « la constitution comme structure identitaire3 » en ce que « toute Constitution s’appuie ainsi sur un ensemble de croyances qu’elle contribue à activer en permanence4 ».

À cette fin, l’approche culturelle du droit constitutionnel, combinée au comparatisme, est de nature à épouser une logique réflexive puisque, comme l’écrit Élisabeth Zoller5, comparer « ouvre les yeux et les esprits ». Cela diversifie et multiplie les angles de vue pour en appréhender l’entièreté. L’autre système constitutionnel et ses propriétés culturelles deviennent le miroir dans lequel se reflète le « moi constitutionnel6 ». À cet égard, les riches discussions qui ont eu lieu durant cette journée d’étude passionnante ont, entre autres, porté sur la distinction entre « droit comparé » et « droit étranger ». Or, faire du droit comparé revient forcément à s’intéresser aux droits étrangers. Le droit comparé n’est qu’une méthode illustrative ; et les droits étrangers sont des objets d’étude. Il est toujours possible de faire de l’étude des droits étrangers en faisant l’économie de la comparaison. Si l’on souhaite comparer plusieurs systèmes juridiques, il convient immanquablement de se plonger dans les droits étrangers. À charge après de s’interroger sur la sélection des éléments des systèmes juridiques qui vont faire l’objet d’une comparaison. Se trouve au cœur de ce débat une fois encore la question de la réflexivité et du regard du lecteur, et de l’interprétation que ce dernier formule sur l’écrit. En effet,

« on ne se contente jamais de décrire ce que l’on s’efforce de comparer. Comparer, c’est déjà interpréter. […] Aussi la réflexivité est-elle toujours une réflexivité croisée, composée d’une pluralité d’interprétation, au carrefour des traditions de commentaire et de l’inventivité individuelle7 ».

Or, cette interprétation n’est jamais détachée des savoirs et des pratiques dont nous sommes collectivement acculturés. Se confronter aux cultures constitutionnelles invite à l’humilité et à la curiosité pour reconnaître que l’autre (système constitutionnel) est à la fois autre et semblable à soi. En ce sens, la réflexivité et l’altérité sont au cœur du comparatisme constitutionnel (1.). Toutefois, il convient de se garder de ne pas céder à un travers que l’on pourrait qualifier de « culturaliste » qui aboutirait à tout justifier par la culture. Cela aurait pour conséquence de sortir du champ juridique et de céder à un nationalisme juridique qui se prétendrait chimiquement pur. Autrement dit, notre méthode nécessite une certaine prudence (2.).

1. L’altérité au cœur de la démarche comparatiste : connaître l’autre pour se connaître soi-même

Dans la mesure où il aspire à esquisser les contours d’un concept peu répandu dans la doctrine constitutionnaliste française, ce travail s’est inscrit dans une démarche de droit politique qui conduit à une recontextualisation du droit, participant à la légitimation du pouvoir (1.1.). Or, ce relatif impensé quant au concept de « culture » en droit a nécessité de se le réapproprier en mobilisant une démarche partiellement interdisciplinaire (1.2.).

1.1. Une démarche de droit politique : l’analyse des discours et des représentations

La recontextualisation du droit : analyser la Constitution par-delà son épure formelle

Le choix du pays de référence se révèle être le plus difficile puisqu’en tant que doctorant, on vise parfois l’exhaustivité. Nous avons tout de même privilégié les États-Unis, sous l’influence des écrits d’Hannah Arendt (De la révolution8) et d’Alexis de Tocqueville (De la démocratie en Amérique9), en raison du caractère écrit du constitutionnalisme (qui consacre la réification de la parole constituante), de l’intensité des mouvements révolutionnaires et d’une certaine attractivité que le modèle américain inspire. Cette proximité historique et idéologique, et particulièrement en ce qui concerne les concepts de « libéralisme », de « séparation des pouvoirs », permettait de s’appuyer sur un terrain d’analyse commun, tout en étant propice à éprouver les différences et les convergences. Prenant pour exemple le concept de libéralisme, Denis Baranger regrette une erreur majeure qui réside

« dans le fait de tenir le libéralisme pour une ressource homogène, disant toujours la même chose. […] Non seulement le contenu des valeurs du libéralisme constitutionnel a évidemment massivement évolué, et continue de le faire. Mais encore, le rapport des représentations en question au système institutionnel et aux règles juridiques peut être appréhendé de manières radicalement différentes10 ».

Or, c’est le produit même de ces représentations qui est constitutif de « cultures constitutionnelles » au pluriel. Ce qui permet de réitérer l’idée selon laquelle, « si la culture est un objet, elle est aussi surtout un rapport à soi, aux autres et à eux-mêmes11 ». De plus, le concept de « culture » n’appelle pas simplement à un comparatisme géographique, mais également à s’inscrire dans le temps long historique. Effectivement, son antériorité (une culture ne se forme pas via une instantanéité, mais, au contraire, par un processus de sédimentation) est propice pour illustrer autant la permanence des formes juridiques que leur adaptabilité. Pour le dire autrement, la fonction des cultures constitutionnelles dans la formation de l’identité du corps politique fait référence à « la continuité d’une communauté dans le temps et elle est donc fortement liée à la question de la mémoire que l’on garde et de l’héritage que l’on transmet12 ». Dès lors, la corrélation étroite entre l’approche culturelle et le droit politique, propice à « constater la performativité, au moins occasionnelle, des discours13 », est résumée de la sorte par Tanguy Pasquiet-Briand lorsqu’il affirme que ce dernier « s’efforce d’analyser le contexte d’apparition des institutions politiques et d’étudier la tangibilité et la durée des phénomènes discursifs qui entourent ce contexte d’apparition14 ».

En réalité, une approche culturelle du droit constitutionnel permet d’aller au-delà du droit positif, sans le négliger, ou tout du moins à s’intéresser à « sa partie invisible ou du moins plus difficilement perceptible15 », celle des compréhensions et de l’interprétation, des imaginaires, des pratiques et des mentalités, pour mieux cerner l’effectivité du droit appliqué. À cet égard, cette démarche de recontextualisation du droit positif entre en écho avec le comparatisme puisque comme l’écrivait dès 1951, Boris Mirkine-Guetzévitch, « les études de droit comparé apprennent la relativité des textes, les formules et les dogmes16 ». Il ajoutait « les mystiques, les mœurs et les traditions sont les facteurs déterminants d’un régime » ; autant de phénomènes ancrés socialement qui font appel à divers champs disciplinaires.

La réhabilitation du concept de légitimité

Ce concept de « culture de constitution » renvoie donc plus largement à la partie immergée du droit qui conditionne son effectivité : la légitimité est « essentielle pour comprendre le fonctionnement des normes, à savoir leur formation et leur application17 ». En étayant l’hypothèse que la densité d’une culture de la constitution dépend de la reconnaissance que le peuple ressent à l’égard de sa constitution, nous avons souhaité réhabiliter l’idée que la juridicité de la norme constitutionnelle est liée au consentement et la confiance dans l’autorité politique18. Cela signifie que le droit procède de la société et dépend de la relation que cette dernière entretient avec lui : il n’est donc pas hermétique aux cultures qui l’irriguent, aux représentations et aux discours qui « disent » et « informent » sur le droit. C’est pourquoi, selon Jacques Chevallier,

« l’origine du droit se situe donc à première vue dans la sphère du non juridique : elle passe par un processus “politique” des transformations d’exigences sociales en normes juridiques, qui dépend des ressources respectives mobilisées par les différentes forces sociales et politiques en présence19 ».

Nuançons toutefois en affirmant que les principes de légitimité ou, dans une certaine mesure, les « idées de droit20 », pour reprendre un terme cher à Georges Burdeau, sont partie intégrante de la sphère juridique21. Les perceptions, constitutives de cultures, sont d’ailleurs même institutives du droit puisque

« si la reconnaissance collective est ce qui fait le droit, la norme, prise en elle-même, importera moins pour le droit politique que la façon dont elle est admise ou récusée, comprise, discutée, décrite par les organes politiques et les sujets de l’État22 ».

1.2. Une démarche partiellement interdisciplinaire

Dans le cadre de cette démarche de droit comparé franco-américain, s’est également imposée une logique interdisciplinaire23.

Une logique gouvernée par l’objet même de l’étude

Dans la mesure où l’effervescence américaine en la matière « ne suffit pas à faire oublier le retard à l’allumage du monde académique français24 », il fut nécessaire de se réapproprier le concept de « culture », régulièrement mobilisé dans les autres sciences sociales, pour le traduire dans la grammaire publiciste.

D’une part, une description des cultures constitutionnelles ne peut être établie en ignorant les phénomènes sociaux et historiques qui participent à leur éclosion. Le monde du droit n’étant pas hermétique au monde social, une approche culturelle doit être pluraliste, c’est-à-dire que les cultures constitutionnelles sont une des composantes de la culture juridique, cette dernière entretenant des rapports avec la culture sociale. Il apparaît indéniable qu’« en tant qu’êtres sociaux, les juristes s’insèrent en effet dans plusieurs réseaux culturels25 ». Sans compter que « la culture juridique a une influence sur d’autres cultures et subit, à son tour, l’influence d’autres institutions, politiques ou sociales26 ». Par exemple, il va de soi que les pouvoirs politiques français de la fin du xix siècle se sont appuyés sur l’institution scolaire et universitaire pour transmettre et promouvoir un patriotisme républicain. La culture du droit, enracinée aux États-Unis, a permis de mener le combat politique et idéologique contre la ségrégation raciale sur le terrain juridictionnel. Alors que les militants français ont toujours entretenu une méfiance à l’égard du droit (assimilé à être l’instrument des dominants), l’accès au juge a infléchi les pratiques et les stratégies associatives pour faire avancer les combats sociaux27.

D’autre part, cette réappropriation a pu être favorisée en ce que le concept de « culture », dans son sens courant, entretient des affinités avec la normativité. Effectivement, toute collectivité humaine agit au regard de codes qui ont une force contraignante. Or, ces codes sont intériorisés et perçus comme obligatoires : « inconsciemment, la culture informe dans les manières les plus intimes de penser et de sentir28 » et chacun « s’y retrouve en tant que membre du groupe, tandis que [les] infractions aux codes marginalisent, voire excluent29 ». Le concept bourdieusien d’« habitus » nous apprend d’ailleurs que les pratiques et les réflexes, intériorisés comme obligatoires, sont incorporés et intégrés au point d’être facteurs de conditionnement. Traduits dans les termes du droit, cela suppose que les cultures constitutionnelles encadrent la vie du droit constitutionnel et la pratique du pouvoir bien qu’elles agissent de manière insidieuse.

Une logique gouvernée par le matériau doctrinal

En outre, cette logique a été commandée en raison du paradigme constitutionnel américain, en tant que corpus juridique, mais aussi en tant qu’enseignement du droit constitutionnel aux États-Unis. Il est vrai qu’outre Atlantique, les disciplines juridiques entre elles et plus globalement les sciences sociales sont davantage imbriquées et moins cloisonnées. De diverses de revues académiques, comme Law & Society, The Journal of American Culture, Political and Legal Anthropology, intègrent de plus en plus une approche culturelle du droit ; cette dernière parachève la thèse selon laquelle le droit participe à la construction d’un imaginaire social30. Quand bien même notre travail n’a guère mobilisé la totalité de ces sources, une bonne partie de la doctrine constitutionnaliste américaine épouse cette logique dans son étude du droit positif au point d’en nuancer le formalisme. Par exemple, faisant écho au travail Paul W. Kahn, auteur de The Cultural Study of Law31, Akhil Reed Amar analyse le droit positif en remettant en cause la distinction (plus ou moins caricaturale) entre « constitution écrite » et « constitution non écrite32 ». Défendant la thèse qu’il existerait une « constitution non écrite inconnue » aux États-Unis, il fait référence aux symboles, aux discours (et particulièrement celui de Martin Luther King : « I Have a Dream ») et aux textes accessoires (comme, par exemple, le célébrissime ouvrage The Federalist Papers33) qui, selon lui, forment une « constitution symbolique » et qui participent à l’interprétation constitutionnelle. En outre, les méthodes des sociologues de droit américains font de plus en plus l’objet d’appropriations en France. En témoignent les travaux relatifs à l’usage et la perception du droit par les mouvements sociaux et les militants. À une époque où la judiciarisation de la société est relativement partagée dans les démocraties libérales, ces phénomènes politico-juridiques, observables des deux côtés de l’Atlantique, débouchent sur un rapprochement des méthodes34.

En définitive, la singularité des approches disciplinaires nationales enrichit la démonstration, car, comme l’écrit Marie-Claire Ponthoreau, « le comparatisme est une passerelle entre les différentes sciences sociales35 ». Néanmoins, il convient de ne pas sous-estimer les spécificités méthodologiques qui irriguent chaque discipline au point de rendre malaisé un syncrétisme. Il est vrai que le comparatiste français a toutes les difficultés à se défaire de sa culture savante, rétive à une approche inter/pluridisciplinaire, que les facultés de droit transmettent36. À cet égard, nous pouvons regretter que les cours de sociologie du droit ou d’anthropologie du droit soient rarement dispensés dans nos amphithéâtres… C’est pourquoi le jeune chercheur juriste se doit d’être prudent et humble pour ne pas endosser les habits d’un sociologue qu’il n’est pas…

2. Les écueils d’une telle démarche : le culturalisme

Il faut se garder d’une approche culturaliste du droit qui reviendrait à tout expliquer par la culture ou par des facteurs extrajuridiques. Cela aurait pour conséquence une sorte de mise à l’index de l’universalisme au point de promouvoir un protectionnisme juridique endogène. Il est vrai que « la démarche culturaliste est alors confrontée à un (autre) piège, celui de s’enfermer dans une dimension nationale, voire passéiste, du droit37 ». Or, nous savons, à cet égard, que le droit, surtout le droit constitutionnel, fait depuis toujours l’objet d’influences, d’emprunts et d’hybridations. Qu’il s’agisse d’une perspective historique ou plus contemporaine, les cultures constitutionnelles démontrent toutefois que les dialogues entre systèmes constitutionnels procèdent surtout de représentations et d’idéalisations qui supposent une adaptation38.

En outre, ce concept offre une opportunité pour apprécier l’existence d’une « trajectoire constitutionnelle » orientée par les événements politiques, historiques et sociaux. Il semblerait qu’il n’existe pas un modèle type de culture de la constitution. En fonction de son histoire et de ses singularités propres, chaque pays façonne son rapport à la constitution. Certes, il est évident que les cultures française et américaine de la constitution connaissent des invariants (la croyance politique et sociale dans les bienfaits du constitutionnalisme, l’autorité juridique et la protection juridictionnelle de la constitution, la prudence indispensable à l’occasion des révisions, la mise en œuvre de modalités d’appropriation par le peuple, etc.), mais cette notion est simplement une déclinaison nouvelle de l’autolimitation de l’État. Qu’il s’agisse de sa variante républicaine en France ou théologico-politique aux États-Unis, nous avons rappelé, dans les lignes précédentes, qu’il n’y a du droit que lorsque les individus se sentent intimement obligés. En tant que loi fondamentale, la constitution se révèle être une boussole propre à aider les citoyens à emprunter un destin commun. Au sein de sociétés multiculturelles, la préséance de notre pacte fondamental et le souci des formes juridiques apaiseraient les tensions éthiques. Alors que la passion révolutionnaire veut que tout soit politique, la vertu du droit aurait le mérite de soumettre la délibération publique à certaines règles communément admises. Pourtant, la juvénilité de la culture de la constitution en France nous a parfois conduits à pêcher par sévérité à l’égard de notre propre système juridique. En ce que la facture théologique de ce concept aux États-Unis confine parfois à la caricature, les différences apparaissent des plus flagrantes au point de regretter la désinvolture française à l’égard des formes constitutionnelles (en témoignent la marginalisation des contre-pouvoirs en période d’état d’urgence, la disparition progressive du concept de responsabilité ou du discours impertinent du pouvoir politique vis-à-vis du Conseil constitutionnel…). Pour éviter ce travers qui aboutit à défendre une conception « militante » du concept, il est indispensable de réintroduire la pluralité en son sein. Pour le dire autrement, il n’y a pas un modèle unique et chimiquement pur de culture de la constitution : il y a « des » cultures de la constitution. Fidèle à la logique wébérienne de l’idéal-type, cette précaution autorise à « classer des phénomènes tout en offrant un terme de comparaison qui aide à percevoir les singularités des expériences concrètes39 ».

Les brèves considérations évoquées dans ce propos ont donc visé à mettre en lumière la nécessité de valoriser les approches culturelles comme apports essentiels du droit constitutionnel comparé. Loin de s’inscrire en dehors du droit positif, une telle démarche participe à expliquer les ressorts de son effectivité. Elle rappelle également en creux la place primordiale (et parfois sous-estimée) du droit au sein du concert des sciences sociales. À l’heure où la matière juridique est au cœur de toutes les considérations politiques et éthiques (l’épisode de la pandémie de covid-19 a prouvé qu’un tel bouleversement dans la vie quotidienne des Français trouve des débouchés d’un point de vue juridique, sous la dénomination d’« état d’urgence sanitaire »), le droit constitutionnel, en ce qu’il est autant rattaché à la société qu’à l’État, se doit d’être versé dans le débat public pour unifier la communauté politique. Cette tâche, à laquelle s’étaient assignés les révolutionnaires français, semble de plus en plus ignorée sous l’emprise d’une instrumentalisation communicationnelle de la Constitution par les pouvoirs publics40. Si cette tendance, regrettable à bien des égards, se révèle problématique, c’est sûrement parce qu’elle n’endigue pas un sentiment de défiliation qui traverse toutes les sociétés occidentales. Si ce travail doctoral a d’ailleurs souhaité rendre compte du patriotisme constitutionnel américain, nous sommes tenus de reconnaître que la Constitution et l’attachement dont elle fait traditionnellement l’objet rencontrent des difficultés à résorber les fractures qui abîment la cohésion de la société aux États-Unis41.

De plus, le traitement juridique des problématiques politiques actuelles (la globalisation, les revendications séparatistes ou la montée des mouvements populistes en Amérique ou en Europe, etc.) ne saurait faire l’économie d’une démarche culturelle puisque les implications constitutionnelles, qui en découlent, doivent être comprises à l’aune du terreau social et politique propre à chaque pays. À cet égard, si le triomphe du paradigme de l’État de droit se présente comme « la fin de l’histoire incarnée par le modèle universel de la démocratie libérale42 », l’avènement de dirigeants populistes nous incite à questionner les présupposés du constitutionnalisme, façonnés par des représentations et des narrations. Peut-il être pensé un constitutionnalisme illibéral ou un constitutionnalisme populiste ? Malgré la juridictionnalisation du droit constitutionnel, les règles juridiques peuvent-elles être réduites à de simples barrières de papier ? La constitution peut-elle être une arme contre les libertés individuelles ? Apporter des réponses à ces interrogations oblige à analyser « les conditions intellectuelles présentes pour agencer de manière originale les institutions43 ». Pour le dire autrement, cette démarche, visant à expliquer le droit tel qu’il est pratiqué et interprété, renvoie à ce que les Américains qualifient Law in Context (le droit en contexte)44. Or, cela nécessite de multiplier les regards et les perspectives, mais également de ne pas réduire la science du droit à une discipline dogmatique bénéficiant d’une autonomie pleine et entière (la légitimation doctrinale du Conseil constitutionnel en France et l’activité jurisprudentielle de ce dernier, ont favorisé l’autonomie de la discipline et un tournant épistémologique normativiste ; ce qu’une partie de la doctrine déplore, y constatant « un appauvrissement singulier du droit constitutionnel45 »). En réponse au formalisme normatif kelsénien,46 le publiciste weimarien Hermann Heller reprend une métaphore hégélienne qui mérite d’être méditée : « le droit n’existe que comme branche d’un tout, comme la plante grimpante qui s’enroule autour d’un arbre existant en soi et pour soi47 ». Les cultures constitutionnelles ne formeraient-elles pas, en ce sens, une composante des racines sur lesquelles cette branche tire sa force pour englober la vie sociale ? Ce fut l’une des propositions formulées dans la culture de la constitution en France à la lumière des cultures constitutionnelles française et américaine…

Notes

1 O. Appaix, « Aux États-Unis : la “religion civile” ou la spiritualité constitutionnelle », Autres Temps. Cahiers d’éthique sociale et politique, no 68, 2000, p. 76-88. Retour au texte

2 Selon M.-C. Ponthoreau, Droit(s) constitutionnel(s) comparé(s), 2e édition, Paris, Economica, 2021, p. 300, « la constitution est entendue comme la garantie du consensus fondamental nécessaire à la cohésion nationale. […] Pour durer, une constitution doit bénéficier de signes tangibles d’une volonté de vivre ensemble. Il y a en quelque sorte une relation circulaire : l’identité collective (préexistante) structure la constitution et la constitution structure l’identité nationale. Il est important de garder à l’esprit qu’en pratique toutes les constitutions cherchent à concilier ethnos et demos. Si la constitution y parvient, elle peut alors aider à la construction de l’identité collective ». Retour au texte

3 M.-C. Ponthoreau, « La Constitution comme structure identitaire », in : D. Chagnollaud (dir.), 1958-2008. Les 50 ans de la Constitution, Paris, LexisNexis, 2008, p. 31. Retour au texte

4 J. Chevallier, « Pour une sociologie du droit constitutionnel », in : D. de Béchillon, P. Brunet, V. Champeil-Desplats, E. Millard (dir.), L’architecture du droit. Mélanges en l’honneur de Michel Troper, Paris, Economica, 2006, p. 297, cité par M.-C. Ponthoreau, op. cit., p. 34. Retour au texte

5 E. Zoller, « Qu’est-ce que faire du droit constitutionnel comparé ? », Droits, no 32, 2000, p. 123. Retour au texte

6 Selon Jacques Chevallier, cette démarche est de nature à « se placer en position d’extériorité par rapport au droit, en adoptant un point de vue réflexif et critique » (« Pour une sociologie… », op. cit., p. 282). Retour au texte

7 O. Remaud, J.-F. Schaub, I. Thireau, « Pas de réflexivité sans comparaison », in : O. Remaud, J.-F. Schaub, I. Thireau (dir.), Faire des sciences sociales. Comparer, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2012, p. 14. Retour au texte

8 H. Arendt, De la révolution [1963], Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 2013. Retour au texte

9 A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique [1835], Paris, GF Flammarion, 2023. Retour au texte

10 D. Baranger, « Le piège du droit constitutionnel. L’histoire constitutionnelle et la science du droit constitutionnel », Jus Politicum, no 3, 2009, p. 11 Retour au texte

11 A.-S. Chambost, « La culture juridique : combien de divisions ? Introduction aux approches culturelles des savoirs juridiques », in : A.-S. Chambost (dir.), Approches culturelles des savoirs juridiques, Paris, LGDJ, 2020, p. 8. Retour au texte

12 M.-C. Ponthoreau, « Cultures constitutionnelles et comparaison en droit constitutionnel. Contribution à une science du droit constitutionnel », in : J. du Bois de Gaudusson, P. Claret, P. Sadran, B. Vincent (dir.), Démocratie et liberté : tension, dialogue, confrontation. Mélanges en l’honneur de Slobodan Milacic, Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 220. Retour au texte

13 A. Le Divellec, « Le droit constitutionnel est-il un droit politique ? », Les Cahiers Portalis, no 6, 2018, p. 104. Retour au texte

14 T. Pasquier-Briand, La réception de la Constitution anglaise au XIXe siècle. Une étude du droit politique français, Paris, LGDJ-Lextenso, 2017, p. 35. Retour au texte

15 M.-C. Ponthoreau, « Cultures constitutionnelles et comparaison en droit constitutionnel. Contribution à une science du droit constitutionnel », op. cit., p 227. Retour au texte

16 B. Mirkine-Guetzévitch, Les constitutions européennes, Paris, PUF, 1951, p. 13, cité par M.-C. Ponthoreau, ibid., p. 230. Retour au texte

17 M.-A. Cohendet, « Légitimité, effectivité et validité », in : Collectif, La République. Mélanges Pierre Avril, Paris, Montchrestien, 2001, p. 213. Retour au texte

18 D. Baranger, « Notes sur l’apparition de la souveraineté (et des droits de l’homme) », Annuaire de l’Institut Michel Villey, vol. 4, 2012, L’auteur souligne que « la reconnaissance implique que ce qui apparaît est doté d’autorité. […] Dans le contexte du droit, ce que l’on reconnaît, c’est l’autorité de l’autre, c’est-à-dire le pouvoir qui est de droit. […] Par ailleurs, celui qui reconnaît (et donc est reconnaissant, y compris au sens moral et affectif du terme) se voit lui-même investi d’autorité ». Retour au texte

19 J. Chevallier, « Le regard de Jacques Chevallier [à propos du droit en contexte] », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, no 70, 2013, p. 60. Retour au texte

20 Pour Georges Burdeau, l’idée de droit renvoie à « l’aménagement du Pouvoir politique en accord avec l’ordre social que les hommes entendent faire prévaloir » (cf. G. Burdeau, Traité de sciences politiques, 3e édition, Tome 1, vol. 1, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1980, p. 42). Voir également, O. Passelecq, « L’idée de droit chez Georges Burdeau », in : B. Chantebout (dir.), Le pouvoir et l’État dans l’œuvre de Georges Burdeau, Paris, Economica, Presses universitaires d’Aix-Marseille, coll. « Droit public positif », série « Travaux de l’Association française des constitutionnalistes », 1993, p. 23-49. Retour au texte

21 J. Hummel, Essai sur la destinée de l’art constitutionnel, Paris, Michel Houdiard, 2010, p. 51, défend l’idée selon laquelle qu’en « exprimant et [en] rappelant la parole constituante du peuple souverain, les dispositions constitutionnelles définissent le critère – le titre de légitimité – au regard duquel il est possible de reconnaître le caractère juridique (au sens de légitime par la légalité) des prétentions de domination ». Il poursuit en rappelant que « l’art constitutionnel réside dans l’affirmation d’une loi fondamentale (ici au sens d’une loi dans laquelle sont énoncés les principes et valeurs assurant la cohésion de la société) », Ibid., p. 54. Nous soulignons. Retour au texte

22 C.-M. Pimentel, « Reconnaissance et désaveu : contribution à une théorie du droit politique », Jus Politicum, no 1, décembre 2008. Retour au texte

23 Voir à ce sujet, V. Champeil-Desplats, Méthodologies du droit et des sciences du droit, Paris, Dalloz, 2014, p. 340-352. Retour au texte

24 A.-S. Chambost, « La culture juridique… », op. cit., p. 5. Retour au texte

25 J. Bell, « De la culture », in : P. Legrand (dir.), Comparer les droits, résolument, Paris, PUF, 2009, p. 261. Retour au texte

26 Loc. cit. Retour au texte

27 L. Israël, « Faire émerger le droit des étrangers en le contestant, ou l’histoire paradoxale des premières années du GISTI », Politix, 2003, vol. 16, no 62, 2033, p. 115-143. Retour au texte

28 B. Valade, P. Laburthe-Tolra, « Culture et civilisation » in : M. Borlandi, R. Boudon, M. Cherkaoui, B. Valade (dir.), Dictionnaire de la pensée sociologique, Paris, PUF, 2005, p. 150. Retour au texte

29 Loc. cit. Retour au texte

30 C. Geertz, The Interpretation of Culture. Selected Essays, New York, Basic Books, 1973; L. Rosen, Law as Culture. An invitation, Princeton, Princeton University Press, 2006. Retour au texte

31 P. W. Kahn, The Cultural Study of Law, Chicago, Chicago University Press, 1999. Retour au texte

32 A. Reed, America’s Unwritten Constitution. The Precedents and Principles We Live By, New York, Basic Books, 2012. Retour au texte

33 A. Hamilton, J. Madison, J. Jay, The Federalist Papers [1787-1788], New York, Bantham, 2003. Retour au texte

34 A. Sarat, S. A. Schneignold, Cause Lawyers and Social Movements, Stanford, Stanford University Press, 2006 ; B. Gaïti, L. Israël, « Sur l’engagement du droit dans la construction des causes », Politix, vol. 16, no 62, 2003, p. 17-30, DOI : 10.3406/polix.2003.1274 ; L. Israël, L’arme du droit, 2e édition, Paris, Presses de Science Po, 2020, DOI : 10.3917/scpo.israe.2009.01. Retour au texte

35 M.-C. Ponthoreau, Droit(s) constitutionnel(s) comparé(s), op. cit., p. 245. Retour au texte

36 P. Noreau, « Interdisciplinarité regard de l’autre et compréhension nouvelle du droit contemporain », in : P. Noreau (dir.), Dans le regard de l’autre, Montréal, Les Éditions Thémis, 2005, p. 1, assimile, dans le monde de la recherche, le droit comme une « forteresse isolée, plantée au beau milieu du champ de la connaissance ». Il constate que « la forme juridique se travaille sur elle-même de l’intérieur entretenant une complexité sophistiquée » qui participe à « une vision étanche du monde juridique ». Retour au texte

37 M.-C. Ponthoreau, « Penser le(s) droit(s) constitutionnel(s) comparé(s) », in : B. Mathieu (dir.), 1958-2008. Cinquantième anniversaire de la Constitution française, Paris, Dalloz, 2008, p. 651. Retour au texte

38Hummel, « De la circulation à la standardisation des modèles constitutionnels. La reconnaissance des identités constitutionnelles à l’âge de la globalisation », in : A-S. Chambost (dir.), Approches culturelles des savoirs juridiques, op. cit., p. 283-302. Retour au texte

39 J.-M. Denquin, Les Concepts juridiques. Comment le droit rencontre le monde, Paris, Éditions Garnier, 2021, p. 425. Retour au texte

40 Condorcet, « Discours du 10 avril 1793 », Œuvres de Condorcet, Tome XIII, Paris, Frimin Didot frères, 1847-1849, p. 548, écrit qu’« une constitution adoptée aurait l’avantage précieux d’offrir aux citoyens un point fixe auquel ils s’attacheraient au milieu des divisions, des querelles que la différence des opinions, le choc des prétentions et des amours-propres, continueront de produire. Ces divisions existent dans tous les pays libres ; mais, elles n’y sont qu’utiles, si l’attachement et la soumission à une constitution établie y maintiennent l’unité sociale, y assurent l’exécution des lois ». Cette ambition semble de plus en plus contrariée à l’époque contemporaine… Retour au texte

41 R. Halévi, Le chaos de la démocratie américaine, Paris, Gallimard, 2012. Retour au texte

42 J. Hummel, « Histoire et temporalité constitutionnelles. Hauriou et l’écriture de l’histoire constitutionnelle », in : C.-M. Herrera, A. Le Pillouer (dir.), Comment écrit-on l’histoire constitutionnelle ?, Paris, éditions Kimé, 2012, p. 151. Retour au texte

43 D. Baranger, « Le piège du droit constitutionnel. L’histoire constitutionnelle et la science du droit constitutionnel », op. cit., p. 18-19. Retour au texte

44 Voir à ce sujet, le numéro intitulé « Le droit en contexte » de la Revue interdisciplinaire d’études juridiques, vol. 70, no 1, 2013. Retour au texte

45 J.-M. Denquin, « La jurisprudence du Conseil constitutionnel : grandeur ou décadence du droit constitutionnel ? », Jus Politicum, no 7, 2012. Retour au texte

46 H. Kelsen, Théorie pure du droit [1960], 2e édition, Ch. Einsenmann (trad.), Paris, Bruxelles, LGDJ, Bruylant, 1999. Retour au texte

47 G. W. F. Hegel, Grundlinien der Philosophie des Rechts (Principes de philosophie du droit), Berlin, éditions Eduard Gans, 1833, p. 209, cité dans H. Heller, La crise de la théorie de l’État [1926], O. Jouanjan (trad.), Paris, Dalloz, 2012, p. 47. Retour au texte

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Référence électronique

Alexis Buixan, « La réflexivité au cœur du droit constitutionnel comparé », Droit Public Comparé [En ligne], 2 | 2024, mis en ligne le 01 juillet 2024, consulté le 01 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/droit-public-compare/index.php?id=357

Auteur

Alexis Buixan

Docteur en droit public de l’université de Rennes, enseignant-chercheur contractuel à Sciences Po Rennes

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