Felix Uhlmann (ed.), Codification of Administrative Law. A Comparative Study of Administrative Law

Londres, Hart Publishing, 2023, 448 p.

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Felix Uhlmann (ed.), Codification of Administrative Law. A Comparative Study of Administrative Law, Londres, Hart Publishing, 2023, 448 p.

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L’ouvrage collectif dirigé par Felix Uhlmann, professeur à la faculté de droit de Zürich traite de la codification du droit administratif selon une approche comparative. L’apport de l’ouvrage est néanmoins loin de se limiter à son objet principal. On y trouve de riches développements sur la définition du droit administratif, et par là même sur l’étendue du champ de la matière dans les différents systèmes juridiques étudiés, mais aussi sur la distinction entre droit administratif général (la définition de droit administratif général qui se dégage est résumée par la formule « how the administration shall act […] or how it should not act » [F. Uhlman, p. 384]) et spécial, ou encore sur les sources du droit administratif. À ce titre, l’ouvrage constitue, au-delà de sa thématique principale, une source d’information utile sur la consistance et l’esprit du droit administratif dans des États représentatifs des traditions juridiques civiliste et de common law.

L’ouvrage propose d’aborder la codification du droit administratif au travers de l’expérience de 13 États (de tradition civiliste et de common law), de l’Union européenne (M. Heintzen), et du modèle ReNEUAL (A. Berger). La répartition des systèmes étudiés est la suivante : Allemagne (M. Heintzen), Autriche (K. Lachmayer), Belgique, (S. De Somer et I. Opdebek), France (D. Costa), Italie (R. Caranta), Pays-Bas (Y. Schuurmanns, T. Barkhuysen, W. den Ouden), Suède (J. Reichel et M. Ribbing), auxquels il faut ajouter la Norvège (J. C. Fløysvik Nordrum) et la Suisse (F. Uhlmann) pour les États d’Europe continentale hors Union européenne ; l’Australie (J. Boughey), le Canada (P. Issalys), les États-Unis (E. L. Rubin) et le Royaume-Uni (S. Nason) pour les États relevant de la sphère du common law. Le lecteur pourra être surpris qu’aucune précision ne soit fournie sur la pertinence du choix des systèmes étudiés (vise-t-il à mettre en perspective les tendances relatives aux pays de common law et de droit civil, et le cas échéant, les systèmes retenus ont-ils été considérés comme les plus représentatifs aux deux traditions juridiques ?), ou encore s’interroger sur la raison pour laquelle l’Allemagne et l’Union européenne figurent dans un même chapitre, alors que de l’aveu même de l’auteur de celui-ci « il n’existe aucune relation particulière entre les droits administratifs allemand et européen » (M. Heintzen, p. 146). La méthodologie employée pour parvenir à une trame unifiée dans l’ensemble des chapitres (un questionnaire a-t-il été soumis aux auteurs ?) est également passée sous silence. Ces ellipses méthodologiques n’altèrent néanmoins pas l’intérêt du contenu.

Le point de départ de la réflexion menée au sein de l’ouvrage est le constat général que le droit administratif est moins codifié que d’autres matières juridiques et a très souvent un caractère jurisprudentiel (F. Uhlmann, p. 388). L’ampleur de la codification, lorsque celle-ci existe, apparaît de surcroît à géométrie variable selon les États, certaines règles de droit administratif étant codifiées alors que d’autres ne le sont pas, sans que ce traitement différencié ne puisse être relié à l’importance pratique de celles-ci. La Suisse, a ainsi codifié le régime de la modification des décisions administratives, mais pas celui de leur abrogation (F. Uhlmann, p. 380), alors que la codification néerlandaise tend vers l’exhaustivité (voir Y. Schuurmanns, T. Barkhuysen, W. den Ouden, p. 193 sq.). L’ouvrage révèle également qu’il est plus aisé de codifier des principes procéduraux, tels que le principe de légalité – la procédure contentieuse étant d’ailleurs codifiée dans de nombreux systèmes juridiques étudiés – que des principes de fond tels que la proportionnalité des décisions administratives (F. Uhlmann, p. 405).

L’une des principales questions abordées est celle de savoir si, comme on pourrait le penser de prime abord, la codification du droit administratif renforce la sécurité juridique au détriment de la mutabilité de la règle de droit. Sur ce point, la multiplication des sources du droit administratif (droit international et européen, droit constitutionnel, droit privé, jurisprudence) contribue à le rendre complexe et difficile d’accès. La codification a donc l’utilité de faciliter son accessibilité (F. Uhlmann, p. 397). Ce souci d’accessibilité de la norme a notamment conduit certaines organisations internationales à vocation économique (OCDE, Banque mondiale) à recommander la codification du droit administratif dans une optique de « good regulation » (J. C. Fløysvik Nodrum, p. 235).

L’objectif de simplification et d’accessibilité du droit administratif fait l’objet d’un consensus dans la plupart des systèmes juridiques couverts par l’ouvrage, à l’exception du Royaume-Uni. The UK Independant Review of Administrative Law (IRAL), commission chargée d’une réflexion en vue d’une éventuelle réforme du judicial review s’est montrée réservée quant à l’utilité d’une codification des grounds for review, c’est-à-dire les cas d’ouverture du judicial review. Si le Parlement codifie le judicial review, qui trouve sa source dans le common law, en lui donnant ainsi un fondement législatif, il existe alors un risque qu’il le circonscrive (S. Nason, p. 309-315). Il n’y a donc pas eu de codification des grounds for review dans le Judicial Review and Courts Act 2022, ceci dans le souci de protéger les justiciables d’une fermeture de l’accès au prétoire pour contester les décisions ou l’action de l’Administration.

En dehors de cette réticence spécifique, le principal inconvénient de la codification mis en exergue par l’ouvrage est un risque de cristallisation du droit administratif, par opposition à la plus grande plasticité offerte par l’existence de règles purement jurisprudentielles, laquelle favorise l’évolution constante du droit (F. Uhlmann, p. 399). Les modalités de codification peuvent néanmoins contribuer à éviter de figer le droit administratif, dès lors que les règles codifiées ménagent une marge de manœuvre suffisante au pouvoir réglementaire et au juge en vue de permettre l’adaptation et l’évolution du droit administratif, ce dont témoignent les expériences néerlandaise (Y. Schuurmanns, T. Barkhuysen, W. den Ouden, p. 197-198), norvégienne (J. C. Fløysvik Nordrum, p. 232) et française (D. Costa, p. 138-140).

L’ouvrage met également en exergue la difficulté induite par le fédéralisme, dont la logique « centrifuge » s’oppose par nature à celle, « centripète » (P. Issalys, p. 125) de la codification. L’uniformatisation juridique inhérente à la codification limite ainsi les possibilités de codifier. La constitution de l’État fédéral peut par exemple ne pas permettre une telle uniformisation (F. Uhlmann s’interroge, sur ce point, sur le cas de la Suisse, p. 407), et même si elle ne s’y oppose pas, la codification ne peut être limitée qu’à une série de principes généraux, en raison des spécificités administratives des États fédérés, ce qui ressort notamment de l’expérience allemande (M. Heintzen, p. 152-153).

Une interrogation sur l’utilité sociale de la codification est enfin formulée par Felix Uhlmann dans la conclusion générale de l’ouvrage. L’auteur se demande si les justiciables consultent réellement les codes administratifs et si, dans l’affirmative, la codification suffit à leur rendre la règle de droit intelligible (F. Uhlmann, p. 399). Étant donné les enjeux pratiques de cette question pour les justiciables (notamment quant à leur capacité à invoquer la règle de droit pour former des recours administratifs ou des recours contentieux dispensés de ministère d’avocat), la question mériterait une étude empirique.

References

Electronic reference

Nicolas Gabayet, « Felix Uhlmann (ed.), Codification of Administrative Law. A Comparative Study of Administrative Law », Droit Public Comparé [Online], 3 | 2024, Online since 15 décembre 2024, connection on 01 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/droit-public-compare/index.php?id=584

Author

Nicolas Gabayet

Professeur de Droit Public à l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne

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