Étudier le design sonore vidéoludique par l’écoute

Propositions théoriques et méthodologiques sur la relation entre design et écritures sonores vidéoludiques

  • Studying Video Game Sound Design with our Ears. Theoretical and Methodological Approaches to the Analysis of Game Sound Design and Game Sound Writing

DOI : 10.35562/marge.1249

Résumés

Ce texte propose de définir le design sonore vidéoludique, de qualifier sa relation avec l’écriture sonore vidéoludique, et de présenter une méthode pour l’analyser. Dans un premier temps, plusieurs définitions seront formulées. Ainsi, le design sonore vidéoludique sera défini comme le processus de création et d’intégration de matières sonores pour un jeu vidéo, et l’écriture sonore d’un jeu vidéo sera envisagée comme l’ensemble des stratégies spécifiquement sonores qui sont déployées par ce jeu pour se signifier en tant que tel. Dans un second temps, l’article proposera une méthode d’étude du design sonore d’un jeu par l’analyse de son écriture sonore. Cette méthode, fondée sur la transposition au jeu vidéo de la pratique de la marche sonore sera présentée d’abord à partir de publications mobilisant la marche sonore pour étudier le jeu vidéo, puis, en ouverture, à l’aide d’une analyse de l’écriture sonore de Horizon Zero Dawn (Guerrilla Games, 2017).

This text proposes to define videogame sound design, to qualify its relationship with videogame sound writing, and to present a method for analysing it. First, several definitions will be formulated. Videogame sound design will be defined as the process of creating and integrating sounds for a videogame, and the sound writing of a videogame will be considered as the set of specifically sonic strategies deployed by this game to signify itself as such. Secondly, the article will propose a method for studying the sound design of a game by analysing its sound writing. This method, based on the transposition to videogames of the practice of sound walking, will be presented firstly on the basis of publications using sound walking to study videogames, and then, as an opening, thanks to an analysis of the sound writing of Horizon Zero Dawn (Guerrilla Games, 2017).

Plan

Texte

À la suite de la journée d’étude Designs, designer, déjouer, cet article se concentre sur le design sonore vidéoludique et sur les moyens dont les chercheur·ses disposent pour l’étudier. Deux questions principales structureront ce texte : comment définir le design sonore vidéoludique ? Comment procéder à son étude ?

Pour y répondre, nous allons dans un premier temps nous attacher à définir le design sonore vidéoludique en relation avec un second concept : l’écriture sonore. Nous identifierons ainsi le premier à la fois comme un processus de création et d’intégration de matières sonores et comme l’expression employée pour désigner ces matières. Le second sera défini comme un ensemble de stratégies sonores de communication avec le·a joueur·se, auquel le design sonore contribue au même titre que d’autres processus mis en œuvre lors de la création d’un jeu vidéo.

Dans un second temps, nous proposerons une méthode d’étude du design sonore d’un jeu par l’analyse de son écriture sonore. À cette fin, nous discuterons d’abord des précautions nécessaires à toute analyse de la dimension sonore des expériences vidéoludiques qui chercherait à tenir compte de l’interactivité, voire de l’ergodicité1 du jeu vidéo. Ceci nous permettra de situer et de justifier la transposition au jeu vidéo de la pratique de la marche sonore qui est au cœur de la méthode d’analyse proposée. Enfin, nous proposerons en ouverture une application de cette méthode au jeu Horizon Zero Dawn2.

Définir le design sonore vidéoludique

Lorsqu’il est considéré dans son acception la plus large, c’est-à-dire lorsqu’il est détaché de tout secteur d’activité, média, industrie culturelle, le design sonore est avant tout un travail qui consiste en « [la mise d’un] savoir-faire (art) sonore au service de projets d’une autre nature et dont la finalité est donc extrinsèque3 ». Ainsi, les designers sonores sont des professionnel·les de la conception et de la création de matières sonores amenées à intégrer des dispositifs dans lesquels le sonore n’est qu’une modalité sensorielle parmi d’autres.

Avant cette définition synthétique formulée en 2021 de façon à être compatible avec un ensemble aujourd’hui très hétérogène de pratiques sonores, le design sonore est un concept fortement associé à la création sonore pour le cinéma ainsi qu’aux travaux pionniers de Raymond Murray Schafer. Ce dernier le définit ainsi comme une discipline hybride, à la fois scientifique et artistique, d’intervention sur l’environnement sonore. Il écrit :

Le design sonore est à la recherche des principes qui permettront d’améliorer la qualité esthétique de l’environnement sonore, ou paysage sonore. Pour ce faire, on comparera ce dernier à une immense composition musicale, en perpétuelle évolution, et l’on réfléchira à la manière dont son orchestration et ses formes pourront être modifiées afin de l’enrichir et de le diversifier, sans jamais cependant nuire à la santé ou au bien-être de l’homme. Ainsi le design sonore aura-t-il, entre autres rôles, celui d’éliminer ou de réduire un certain nombre de sons (lutte contre le bruit), de contrôler tous ceux, nouveaux, que l’on destine à l’environnement, mais également le rôle de conserver (empreintes sonores), et surtout d’imaginer pour l’avenir un environnement sonore agréable et stimulant4.

Façonnée dans un contexte de prise en compte croissante des problématiques de pollution sonore au Canada, cette définition détaillée scinde le design sonore en deux phases :

  1. L’étude de l’environnement sonore par l’écoute, qui permet d’identifier aussi bien des déséquilibres à corriger que des sons caractéristiques à préserver (les empreintes sonores), car constitutifs de l’identité sonore du lieu étudié.
  2. L’intervention sonore du designer, qui vise à agir sur l’environnement sonore par l’introduction de nouveaux sons ou la suppression de sons néfastes.

Cette définition explicite le cœur du travail des designers sonores selon Murray Schafer. Elle présente aussi l’intérêt de faire apparaître la dimension prescriptive de son travail. En effet, même s’il introduit sa définition en insistant sur la démarche de recherche nécessaire pour adapter l’action des designers sonores à leur lieu d’intervention, une certaine conception du paysage sonore beau et agréable traverse ses propositions théoriques. En idéalisant l’ordre et la tranquillité sonores, et en écoutant le bruit et la technologie avec une oreille inquiète, voire conservatrice, Murray Schafer érige les designers sonores en uniques dépositaires de principes esthétiques d’intervention sur le paysage sonore, au risque de prendre le pas sur la réflexion et l’action collectives. Si ce caractère prescriptif du travail de Murray Schafer a pu faire l’objet de critiques5, il fait toutefois apparaître une certaine auctorialité des designers sonores, que nous allons retrouver dans des conceptions du design sonore appliqués à la création artistique plutôt qu’au monde qui nous entoure.

Dans le contexte du cinéma en particulier, Chloé Huvet associe l’apparition et la consolidation de la figure du designer sonore avec « l’émergence d’une “auctorialité sonore”, à l’origine même des “nouvelles stratégies esthétiques” développées à la fin des années 19706. » Autour de créateurs comme Walter Murch ou Ben Burtt, c’est une nouvelle approche du son filmique qui prend forme, avec une implication du·de la designer sonore à toutes les étapes de création du film, plutôt qu’en fin de montage. Cette « vision d’ensemble précise de l’architecture sonore du film7 » place le·la designer sonore dans une position surplombante de créateur·rice au même titre que les monteur·ses et les compositeur·rices, avec qui il·elle collabore activement. Cette auctorialité se manifeste alors dans le film par l’intermédiaire de deux processus créatifs principaux8 : la spatialisation sonore et la création de sons spécifiques.

Les similitudes et les différences du design sonore cinématographique avec l’approche de Murray Schafer peuvent ici être identifiées. Dans les deux cas, le design sonore est également un travail esthétique de construction d’environnements sonores, mené par des créateur·rices disposant de compétences spécifiques de spatialisation et de création sonores, ou encore d’altération de sons existants. La spécificité du design sonore cinématographique réside finalement dans le statut de réalité de l’environnement sonore créé : il ne s’agit pas d’un paysage sonore réel, mais bien d’une fiction sonore sur mesure, destinée à mettre en sons le monde de l’œuvre. Là où l’auctorialité du·de la designer sonore pouvait prendre une dimension démiurgique chez Murray-Schafer et cristalliser certaines critiques, l’auctorialité du·de la designer sonore cinématographique est à envisager comme un atout au service du film, permettant de garantir sa singularité et sa qualité esthétique sur le plan sonore.

Malgré ces développements, dans la pratique, l’implication des designers sonores dans les processus de création des films reste encore bien souvent tardive, et tend à privilégier la dimension technique de leur travail, plutôt que sa dimension artistique9. De même, la production de matières sonores peut tendre à prendre le pas sur les processus de spatialisation sonore, au point de résumer la définition du design sonore pour le cinéma à « la création d’effets sonores10. » Il est nécessaire de prendre nos distances avec ces conceptions réductrices du design sonore cinématographique si nous voulons rapprocher les designs sonores cinématographique et vidéoludique afin de définir le second.

En effet, le design sonore vidéoludique ne se limite pas à la seule création de matière sonore. D’une part, il intègre lui aussi des processus de spatialisation sonore, afin d’organiser dans l’espace du jeu les sons qui vont être entendus par le·la joueur·se. D’autre part, il comporte un processus spécifique, l’intégration, qui est une conséquence de l’ergodicité du jeu vidéo. Par rapport au montage cinématographique qui impose une logique séquentielle et linéaire pour transmettre les sons aux spectateur·rices, les dispositifs vidéoludiques reposent sur une adaptation dynamique aux joueur·ses. Que ce soit pour les informer sur l’échec ou la réussite de leurs actions ou pour leur transmettre des impératifs d’action, l’ergodicité du jeu vidéo fait de l’interface sonore vidéoludique un dispositif de rétroaction, avec des logiques conditionnelles gouvernant la diffusion ou non d’un son. En ce sens, l’intégration est un processus qui est informatique avant d’être sonore, et qui comporte deux opérations principales : l’insertion des sons dans le programme du jeu sous la forme de fichiers audionumériques, la programmation des conditions de transmission de ces sons aux joueur·ses. Cette seconde opération est réalisée directement avec le moteur du jeu, c’est-à-dire avec le logiciel utilisé pour le créer, et le niveau de compétence informatique nécessaire dépend du langage de programmation du moteur choisi et de la complexité des logiques conditionnelles à mettre en œuvre.

Pour rendre compte de cette spécificité de l’intégration, nous proposons de définir le design sonore vidéoludique comme l’ensemble des processus de création et d’intégration de matières sonores qui sont mis en œuvre pour un jeu vidéo. Même si elle insiste sur l’intégration, cette définition se situe dans la continuité des approches que nous avons présentées plus tôt, dans le sens où elle pose le design sonore comme un processus créatif entrepris par des personnes disposant de savoir-faire sonores particuliers. Avec une telle définition, les recherches sur le design sonore vidéoludique peuvent prendre de nombreuses formes. Les enquêtes auprès d’équipes de production et les études de réception constituent ainsi deux approches complémentaires concentrées respectivement sur les créateur·rices et les joueur·ses. Mais si nous pouvons nous satisfaire de sa cohérence vis-à-vis de définitions précédentes, ainsi que des perspectives de recherche qu’elle nous offre, cette définition peut être en tension avec certains usages de l’expression design sonore. En effet, celle-ci est fréquemment utilisée pour désigner les sons produits par les designers, plutôt que leur processus de création11. Dans ce cas, le design sonore n’est plus envisagé comme un processus de création, mais comme le résultat de celui-ci, et comme une catégorie de matières sonores, au même titre que la musique. Pour résoudre cette éventuelle tension et progresser vers nos propositions méthodologiques, nous allons présenter le concept d’écriture sonore.

Design et écritures sonores vidéoludiques

Dans le cadre de ses travaux sur la création sonore pour le théâtre, Daniel Deshays envisage l’écriture sonore d’une œuvre comme l’ensemble de ses manières sonores d’être au public12, et comme le fruit d’une négociation entre trois aspects interdépendants : une intention artistique, des contraintes techniques et matérielles, des codes de mise en son.

Ce principe de négociation est particulièrement prégnant lorsque Daniel Deshays met en évidence la dimension collective de l’écriture sonore d’une pièce de théâtre. Ainsi, ce que le public entend lors d’une représentation dépend tout à la fois des musicalités et des rythmes internes du texte, du jeu des comédien·nes, des sons supplémentaires intégrés au spectacle ou du matériel choisi pour les diffuser. Nous retenons ici de l’écriture sonore qu’elle est protéiforme et potentiellement précaire13, parce qu’entre les mains d’une multitude d’acteur·rices. Là où nous avons associé le design sonore à une forme d’auctorialité, celle-ci semble diluée ou du moins distribuée dans l’écriture sonore.

Ensuite, si la négociation articule la technique, l’artistique et la dimension collective de la création, un second principe de l’écriture sonore touche davantage à l’anticipation voire au cadrage de la réception et de l’interprétation de l’œuvre par les spectateur·rices. C’est ici qu’interviennent les codes de mise en son évoqués plus tôt. À leur sujet, Daniel Deshays écrit :

Pour chaque domaine de l’art utilisant le son, une écriture est devenue implicite, obligée. On n’enregistre pas la musique classique comme le rock and roll, et l’on ne construit pas un disque comme on construit, par succession de plans mis bout à bout ou bien fondus, la bande sonore d’un film14.

Ici, Daniel Deshays explique que pour être reçue par le public comme appartenant à un style précis, ou à un certain genre, une œuvre doit déployer une écriture sonore qui respecte les codes de ce style ou de ce genre. L’écriture sonore apparaît donc comme un moyen d’aligner des motifs formels et des signes sonores avec les horizons d’attente du public, mais aussi, et d’autre part comme un outil permettant de lui signifier un potentiel glissement d’un genre à un autre. Dans ce second principe de mobilisation de codes sonores, ce n’est pas la distribution de l’auctorialité dans le travail collectif qui complexifie l’écriture sonore, mais bien la diversité et l’hétérogénéité des profils de spectateur·rices. Comment s’assurer que ce qui est communiqué au public par l’écriture sonore correspond bien aux intentions artistiques des créateur·rices ?

Pour surmonter ces difficultés de conception de l’écriture sonore et préserver sa lisibilité pour le public, l’outil central que propose Deshays n’est autre que l’écoute. Selon lui, elle est essentielle d’abord à l’identification des sons à prélever dans le réel lors de la prise de son, pour que celle-ci puisse contribuer à l’écriture sonore, sur le mode de l’élimination d’excès de son. Ensuite, c’est aussi l’écoute qui oriente l’agencement des matières sonores sélectionnées par l’écoute augmentée de l’enregistrement pour composer l’écriture sonore dans le temps et l’espace, ainsi qu’en interaction avec les autres paramètres de la création. Enfin, dans un paragraphe que nous trouvons tout à fait transposable au jeu vidéo, et qui va nous permettre de basculer du théâtre vers le jeu vidéo, l’auteur explique comment l’écoute est à nouveau centrale pour penser comment l’écriture sonore est offerte au public :

Ce qui est primordial pour l’écoute, c’est la conservation de la liberté de choisir ce que l’on a envie d’entendre dans ce qui nous est offert. Et de pouvoir attribuer des temps d’attention différents selon l’intérêt porté à ce que l’on a choisi15.

Deux choses sont notables ici.

D’abord, l’écoute apparaît comme ce qui peut réunir les deux définitions du design sonore comme processus de création et comme résultat de ce processus. En suivant Daniel Deshays, elle relie en effet les designers sonores aux destinataires de leur travail par un continuum d’attention sélective. Du côté de la production, l’écoute permet d’identifier des matières sonores à prélever ou à créer, puis de les organiser dans l’espace et dans le temps. Du côté de la réception, elle est aussi le moyen par lequel le·la spectateur·rice accède aux manières sonores d’être de l’œuvre et en construit son interprétation. L’écoute réunit ainsi les deux moments du design sonore, production et réception, et c’est notre position à l’égard de l’un ou l’autre de ces moments qui déterminent notre usage de l’expression design sonore, entre processus de création et résultat de ce processus. De même, il est possible de tisser par l’écoute un lien entre design et écriture sonores. En effet, cette dernière est à envisager comme une stratégie sonore plus ou moins respectueuse de codes de mise en son et élaborée collectivement pour s’exprimer et signifier grâce au son. Aussi, lorsqu’une personne écoute une œuvre, elle n’a pas directement accès au résultat d’un travail mené exclusivement par les designers, mais bien à celui du travail d’une équipe plus vaste. Ceci nous permet premièrement de remarquer que notre tension définitionnelle n’est que partiellement résolue, parce qu’une différence subsiste entre les deux moments du design sonore. Deuxièmement, ceci nous donne l’occasion de formuler une précaution à adopter pour qui voudrait analyser une œuvre pour en comprendre le design sonore : l’analyse des sons d’une œuvre et de leurs relations avec ses autres éléments correspond à une analyse de son écriture sonore, et non de son design sonore. Celui-ci est bien une contribution fondamentale à l’écriture sonore, notamment par la création de matières sonores, mais le caractère collectif du travail de création de l’écriture sonore limite en partie les conclusions qui peuvent être formulées au sujet du design sonore à partir de la seule étude de l’écriture sonore. À moins d’être capable de distinguer par l’écoute les efforts des designers sonores de ceux des autres membres de l’équipe de création, ou de pouvoir s’entretenir avec cette équipe, l’intégralité du processus de design sonore ne peut pas être déduit de l’analyse de l’écriture sonore. C’est à notre sens pour cette raison que le design sonore est souvent simplifié, en particulier dans le contexte de l’analyse de film ou de séquence, comme une catégorie de matières sonores composée de sons non musicaux et non verbaux (donc distincte de la musique et des dialogues). Ainsi résumées aux effets et aux ambiances sonores, les matières du design sonore peuvent être étudiées pour elles-mêmes, mais aussi pour les relations qu’elles entretiennent avec les autres éléments formels de la séquence ou du film étudié.

Ensuite, la liberté dont parle Daniel Deshays nous semble particulièrement pertinente pour penser l’écriture sonore comme un catalyseur de la réception et de l’interprétation par le·la spectateur·rice, plutôt que comme un carcan sonore dirigiste. Il ne s’agit pas de presser l’écoute et de verrouiller l’interprétation en transmettant des signes dont le sens ne fait aucun doute. Au contraire, l’écriture sonore doit, selon Deshays, garantir la possibilité d’une sorte de flânerie dans l’écoute et exprimer un cadre dans lequel le·la spectateur·rice aura la liberté de percevoir et de comprendre à sa manière. Ceci rejoint à notre sens des réflexions sur la création des expériences vidéoludiques. D’une part l’incertitude et la possibilité de faire l’exercice des possibles16 sont centrales dans l’activité ludique, ce qui fait de leur entretien un enjeu fondamental de design17. D’autre part, et c’est principalement cela qui nous intéresse, la mobilisation de codes de mise en son dans l’écriture sonore apparaît comme un moyen de cadrer l’écoute sans la brider de la même manière qu’un dispositif ludique cherche à orienter sans contraindre l’action de ses joueur·ses. En effet, le propre de l’activité ludique est la superposition d’au moins deux situations de communication reliant toutes les deux les agents qui participent à la partie. Si la première consiste en l’échange d’informations sur l’état de la partie, la seconde est métacommunicationnelle18 et a pour enjeu d’établir et d’entretenir la situation ludique par la transmission de messages signifiant le caractère ludique de l’activité entreprise. Dans le jeu vidéo, le dispositif participe à la partie au même titre que les joueur·ses et doit donc, lui aussi, contribuer à cette seconde situation de communication et répondre à cet impératif métacommunicationnel. Par exemple, la présentation par un personnage d’une nouvelle capacité octroyée au·à la joueur·se aura du sens dans le monde fictionnel du jeu, mais aussi dans le système de règles de celui-ci. Dans ce cas, l’expression d’une nouvelle modalité d’action dans la diégèse est simultanément la signification d’une nouvelle légalité reconfigurant l’espace des possibles offert au·à la joueur·se. Sur le plan sonore, puisque chaque jeu vidéo doit se signifier comme un jeu au·à la joueur·se et l’informer sur la liberté d’action dont il·elle dispose, le respect ou l’infraction de conventions d’écriture sonore apparaissent comme des stratégies de communication et de métacommunication propices au cadrage de l’expérience de jeu et à l’entrelacement du narratif avec le ludique.

Enfin, lorsque Daniel Deshays explique comment la construction d’un décor théâtral conditionne l’écriture sonore d’une représentation par l’intermédiaire de l’acoustique architecturale19, nous retrouvons l’intrication délicate du design sonore vidéoludique avec les autres processus de création d’un jeu vidéo, tels que le game design qui en établit les systèmes de règles, ou le level design qui définit son espace jouable. En ce sens, l’écriture sonore vidéoludique présente un caractère profondément collectif, au même titre que l’écriture sonore théâtrale.

L’approche de l’écriture sonore comme négociée et codifiée que propose Daniel Deshays peut être transposée au jeu vidéo pour envisager comment l’emploi de certains marqueurs et motifs sonores peut contribuer à la (méta)communication avec le·la joueur·se et donc à sa lecture de la situation de jeu. Ainsi, nous définissons l’écriture sonore d’un jeu vidéo comme l’ensemble des stratégies de communication spécifiquement sonores qui sont déployées par ce jeu pour se signifier en tant que tel20.

Analyser les écritures sonores vidéoludiques

Dans cette définition, le design sonore trouve sa place dans la spécificité des savoir-faire sonores mobilisés pour créer l’écriture sonore, et il en est à ce titre une contribution fondamentale. Pour répondre à la deuxième question directrice de cet article, nous émettons donc l’hypothèse qu’il est possible d’étudier le design sonore vidéoludique à partir des écritures sonores vidéoludiques. Pour le dire autrement, nous pensons qu’analyser l’écriture sonore d’un jeu vidéo peut fournir des informations sur son design sonore, et en particulier sur ses aspects stratégiques : comment le jeu étudié communique-t-il avec son·sa joueur·se par l’intermédiaire de l’interface sonore, et pourquoi le fait-il de cette manière ?

La remarque que nous avons formulée plus tôt reste valable : parce que l’écriture sonore est élaborée collectivement, son analyse ne donne pas accès à l’intégralité du processus du design sonore. De fait, une approche centrée sur les objets, en l’occurrence les dispositifs vidéoludiques, gagnera donc toujours à être complétée par des études des pratiques de conception. En gardant cette précaution à l’esprit, nous allons à présent formuler des propositions méthodologiques pour analyser l’écriture sonore d’un jeu.

Pour commencer, l’analyse de l’écriture sonore d’un jeu doit tenir compte de l’ergodicité du médium vidéoludique. Analyser seulement des fichiers sonores, indépendamment de la situation de jeu dans laquelle ils sont entendus, ne permet pas de rendre compte de l’articulation de ces sons à l’exercice, par la·le joueur·se, de son agentivité. De la même manière, se concentrer sur un fragment de programme régissant la lecture de fichiers sonores sans prêter l’oreille à ceux-ci ne permet pas d’accéder à la matérialité sonore de cet agencement dans l’espace-temps de la partie. Pour approcher les deux opérations principales du design sonore, création et intégration, à partir de l’écriture sonore, l’analyse doit porter sur une séquence de jouabilité. Si cela rejoint des recommandations méthodologiques formulées plus tôt dans le champ des sciences du jeu au sujet de l’analyse de dispositif vidéoludique21, la focalisation de l’analyse sur le sonore exige de prendre des dispositions spécifiques.

En effet, si l’écriture sonore structure la dimension sonore de la rencontre entre jeu et joueur·se, alors l’écoute analytique de jeux vidéo doit adopter une position intermédiaire, attentive aussi bien à l’aspect stratégique de l’écriture sonore qu’à la marge de manœuvre tactique qu’elle propose à la personne qui joue. Du fait de ce nécessaire positionnement de l’écoute à mi-chemin de l’objet et du sujet, il n’est pas garanti qu’une partie jouée hors d’un contexte de recherche présente suffisamment de données pour mettre à l’épreuve des hypothèses de recherche sur l’écriture sonore. Par exemple, la présence de commentaires vocaux dans une vidéo trouvée en ligne, ou une façon de jouer trop libre à l’égard du cadre proposé par le jeu sont autant de sources potentielles de difficultés pour l’analyste. La manière de jouer doit donc, elle aussi, être adaptée au contexte de l’analyse : elle doit devenir plus réflexive, afin de faire de l’écoute en cours de partie une compétence centrale et non plus périphérique. C’est à cette condition que la partie documentée pourra servir de support à une écoute analytique dans un second temps. Il est donc préférable pour l’analyste de produire son propre matériau, en déployant une procédure de jeu singulière, adaptée à ses problématiques de recherches.

Cette préconisation fait suite, entre autres, au passionnant travail de Rachael Hutchinson sur le jouer observateur22, une posture de jeu qu’elle a développée spécifiquement pour analyser un genre de jeu particulièrement complexe : les jeux en monde ouvert. Du fait de la liberté d’action et des espaces jouables immenses que ces jeux offrent, il était nécessaire d’élaborer une façon de jouer particulière agissant comme une grille d’analyse. En l’occurrence, parce que Hutchinson souhaitait interroger la rhétorique déployée par le système de jeu, le jouer observateur a été conçu comme une posture de jeu studieuse vis-à-vis du jeu analysé, dans le sens où elle suit assidument les instructions que celui-ci transmet et respecte à la lettre le rôle idéal que le jeu lui attribue. Dans la continuité de la démarche de Hutchinson, nous proposons une méthode d’analyse des écritures sonores vidéoludiques centrée sur une manière de jouer spécifique. Cette dernière est fondée sur la transposition au jeu vidéo de la pratique de la marche sonore au jeu vidéo.

Analyse et marche sonore : documenter un jouer centré sur l’écoute en mobilité

Développée et conceptualisée à partir des années 1970, dans les travaux du World Soundscape Project (WSP) et notamment de Raymond Murray-Schafer et de Hildergard Westerkamp23, la marche sonore est une pratique d’écoute en mobilité aussi bien artistique que scientifique. Au cours d’une marche sonore, les participant·es créent ou suivent un parcours déambulatoire dans un environnement afin de s’en imprégner par l’écoute. Dans le contexte artistique, une marche sonore consiste en la proposition aux promeneur·ses d’une lecture sensible de l’environnement parcouru, par l’intermédiaire d’un parcours tracé pour faire entendre des spécificités sonores, voire une progression narrative dans l’espace. Pour la recherche, la marche sonore a essentiellement une fonction exploratoire, au service de démarches de cartographie et de classification sonores permettant de comprendre et de documenter le paysage sonore de la zone étudiée.

Dans le contexte des sciences du jeu, cette seconde approche de la marche sonore, à des fins d’observation et de collecte de données sonores en vue d’une analyse, a déjà été mise en œuvre par plusieurs chercheur·ses. Trois publications récentes24, en particulier, positionnent au moins en partie leur travail dans la continuité directe de ceux de Raymond Murray-Schafer et de Hildegard Westerkamp, pour écouter les paysages sonores vidéoludiques et étudier la place sonore qu’y prennent les personnages jouables et non jouables. Dans chacun de ces travaux, jouer en réalisant une marche sonore est ainsi un moyen de répondre à une problématique de recherche centrée sur l’écriture sonore du jeu étudié. Qu’il s’agisse de l’analyse de la construction par le son d’un genre vidéoludique (le walking simulator pour Hambleton) ou, dans le cas de Dwyer, de l’étude de la représentation des travailleuses du sexe dans la reconstitution d’un quartier de San Francisco, la marche sonore est une grille d’analyse qui agit à la manière d’un tamis sonore. Parce que les interactions du personnage incarné par le·la chercheur·se avec le monde du jeu se limitent à son déplacement à une vitesse réduite, la présence sonore du personnage jouable est réduite pendant la marche, par rapport aux sons produits pendant la course. Cela facilite une focalisation de l’écoute sur l’environnement et sur les réactions de celui-ci à l’approche du personnage. Ensuite, et c’est un second intérêt de la marche sonore, la vitesse de déplacement réduite de la marche rend l’identification de points ou de zones de déclenchement sonore plus aisée. Ainsi, par sa lenteur, la marche sonore peut donner accès à certaines logiques d’intégration sonore ainsi qu’à certaines stratégies de spatialisation des sons dans l’espace.

Pour ce qui est de la production de matériaux d’analyse, dans les trois publications mises en évidence plus haut, les marches sonores font l’objet d’une documentation grâce à des dispositifs complémentaires : un système de captation et un carnet de terrain. Le premier offre la possibilité de réécouter la marche a posteriori, par exemple pour accorder une attention particulière à certains sons et les écouter plus précisément. Le second permet d’une part de consigner certaines informations sur la marche en cours de route, pour garder une trace d’impressions ressenties, mais aussi, d’autre part, de narrativiser l’expérience de jeu subjective du·de la chercheur·se, de façon à mettre en évidence des éléments sonores particulièrement saillants dans cette session particulière. Une fois ces matériaux produits, l’analyste peut recourir à des outils d’analyse sonore classiques, tels que l’écoute réduite pour décrire et caractériser la morphologie des sons écoutés, ou la production de typologies sonores. Il est également possible et pertinent d’emprunter certains outils aux analyses filmique ou musicologique, par exemple pour localiser les sources des sons écoutés par rapport à la diégèse ou pour étudier des sons musicaux aussi bien diégétiques que non diégétiques.

Enfin, les résultats de ces différentes étapes de travail pourront amener le·la chercheur·se à réaliser de nouvelles marches sonores, afin d’éclaircir d’éventuelles zones d’ombre. La marche sonore se prête ainsi très bien à une approche itérative, dans laquelle un même parcours sonore est reproduit en ajustant la configuration du jeu ou de façon à identifier de possibles déclenchements sonores aléatoires. Pour fournir un exemple de cette logique itérative dans l’analyse par la marche sonore, nous allons nous appuyer sur l’étude de l’écriture sonore de Horizon Zero Dawn25que nous avons réalisée précédemment et qui a été présentée plus longuement dans une publication antérieure26.

Afin d’analyser les stratégies sonores immersives des jeux vidéo en monde ouvert, nous avons mené une série de marches sonores autour de Meridian, la principale zone urbaine du jeu postapocalyptique Horizon Zero Dawn. Dans ces différents parcours, le corps du personnage principal, Aloy, fonctionnait comme une extension du corps du chercheur dans l’espace du jeu, et la marche était mobilisée comme une forme d’interaction minimale avec la diégèse, au profit de l’écoute. Par l’intermédiaire de notre avatar, nous nous sommes concentrés sur l’écriture sonore de la cité de Meridian, suivant trois approches, politique, fonctionnelle et esthétique, avec une marche sonore propre à chacune de ces approches. En articulant l’écologie sonore telle que conceptualisée par Murray-Schafer avec les approches de ce même concept par les sciences du jeu, nous expliquons comment l’écriture sonore de la zone étudiée contribue à la construction du monde du jeu en chargeant l’écologie sonore d’informations. Grâce à la marche sonore, les sons produits par l’avatar, les interventions ponctuelles des autres personnages, ainsi que les ambiances et les effets qui parviennent aux oreilles d’Aloy construisent, par leur spatialisation, leur plasticité et leur chevillage au système de jeu, une représentation sonore complexe de la cité de Meridian. Celle-ci est à la fois un carrefour culturel et commercial concentrant de nombreuses activités ludiques potentielles, un lieu de pouvoir politique et religieux au cœur de la narration et un symbole poétique des processus de reconstruction après un cataclysme écologique entrepris par les différents peuples du jeu. Cette conclusion est nourrie par les trois approches complémentaires adoptées pour orienter l’attention pendant chaque marche sonore sur la construction de l’écriture sonore suivant les trois axes du politique, du fonctionnel et de l’esthétique.

Conclusion

Dans le cadre de cet article, nous avons d’abord défini le design et l’écriture sonores vidéoludiques en nous appuyant sur des définitions générales de ces concepts ou issues d’autres formes artistiques que le jeu vidéo.

Ensuite, en mettant en évidence l’écoute comme le sens pouvant relier designers sonores, joueur·ses et chercheur·ses, nous avons affirmé qu’il était possible d’étudier le design sonore vidéoludique à partir des écritures sonores vidéoludiques. Après avoir indiqué plusieurs enjeux d’une telle démarche, nous avons proposé une méthode d’analyse d’écriture sonore vidéoludique par la marche sonore. Cette méthode repose sur l’augmentation de l’écoute du·de la chercheur·se par l’interface sonore du jeu étudié, voire par le personnage incarné, qui fonctionne alors comme un dispositif d’écoute mobile dans l’espace du jeu.

Si cette méthode présente un intérêt certain, comme en attestent les publications récentes qui la mobilisent, elle n’est pas exempte de limites. Sa mise en œuvre dépend en effet de la possibilité de créer et d’arpenter un parcours dans le monde du jeu, de préférence avec un avatar opérant comme une extension virtuelle du corps de l’analyste. Cette méthode s’applique donc de façon privilégiée à des jeux vidéo dans lesquels les joueur·ses contrôlent un personnage, et dans lesquels la marche est une modalité possible d’appréhension de l’espace. Les jeux dont la jouabilité repose sur une navigation dans des interfaces hypermédiatiques, potentiellement sans personnage manipulable, ou qui rendent la marche impossible, risquent de résister probablement à une analyse par la marche sonore et nécessiteront la mise en œuvre d’autres outils. À cette fin, le croisement de l’analyse par la marche sonore avec le modèle sémiopragmatique de Roger Odin27 nous semble une perspective prometteuse. En effet, parce que les outils développés par ce chercheur visent à identifier les signes employés par une œuvre pour susciter un certain mode de lecture plutôt qu’un autre, leur application à l’étude des écritures sonores vidéoludiques, qui ne sont autres que des stratégies de communication sonores mobilisant des codes de mise en son, nous semble particulièrement stimulante.

Bibliographie

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Notes

1 Dans Cybertext : Perspectives on Ergodic Literature Espen Aarseth définit un média ergodique comme un média nécessitant un effort non trivial pour prendre forme. Pour préciser, considérer une œuvre comme ergodique signifie que cette œuvre « contient, matériellement, son propre mode d’emploi et intègre certains prérequis qui permettent de distinguer automatiquement le succès ou l’échec de la personne qui joue. » Espen Aarseth, Cybertext: Perspectives on Ergodic Literature, Baltimore (MD), John Hopkins University Press, 1997, p. 179. Je traduis.) L’ergodicité apparaît ainsi comme une forme particulière, plus restrictive, d’interactivité. Retour au texte

2 Guerrilla Games, Horizon Zero Dawn, 2017. Retour au texte

3 Laura Zattra, « Introduction », dans Frank Pecquet, Paul Dupouey (dir.), Design Sonore. Applications, méthodologies et études de cas, Malakoff, Dunod, 2021, p. 3. Retour au texte

4 Raymond Murray-Schafer, Le paysage sonore : le monde comme musique [1977], S. Gleize (trad.), Marseille, Wildproject, 2010. p. 382-383 Retour au texte

5 Par exemple par Jonathan Sterne qui reproche à Murray Schafer de « confondre la cacophonie avec le désordre social, voire avec l’inhumanité », (Jonathan Sterne, Une histoire de la modernité sonore, Paris, La Découverte, coll. « La rue musicale », 2015, p. 488) et qui explique que, dans l’affirmation de préférences esthétiques, Murray Schafer formule une définition du paysage sonore qui « dissimule une préférence proprement autoritaire pour la voix d’un seul homme au détriment du bruit du nombre. » (Ibid., p. 488) Retour au texte

6 Chloé Huvet, D’Un nouvel espoir (1977) à La Revanche des Sith (2005) : écriture musicale et traitement de la partition au sein du complexe audio-visuel dans la saga Star Wars, thèse en art et histoire de l’art, Université Rennes 2 et Université de Montréal, 2017, p. 456. Retour au texte

7 Ibid., p. 374. Retour au texte

8 Ibid., p. 374. Retour au texte

9 Chloé Huvet, « Sound design, cinéma et art de l’image : de Walter Murch à Gary Rydstrom », dans Frank Pecquet et Paul Dupouey (dir.), Design Sonore : Applications, méthodologies et études de cas, Malakoff, Dunod, 2021, p. 58, DOI : 10.3917/dunod.pecqu.2021.01.0069.. Retour au texte

10 Laura Zattra, op. cit., p. 7. Retour au texte

11 À titre d’exemple, c’est le cas dans la thèse de doctorat de Chloé Huvet, citée plus tôt, mais aussi dans une partie de la littérature citée par cette dernière. Retour au texte

12 Dans Pour une écriture du son (2006), Deshays ne fournit pas de définition explicite de l’écriture sonore. Son ouvrage a plutôt pour vocation d’établir une définition complète, mais en creux de ce concept en identifiant les nombreuses étapes au cours desquelles il est possible que « ça écrive ». Daniel Deshays, Pour une écriture du son, Paris, Klincksieck, 2006, p. 34. Retour au texte

13 Ceci est explicité en détail dans le chapitre « Le théâtre, un dispositif modèle de conception sonore » (ibid., p. 87-143). Retour au texte

14 Ibid., p. 16. Retour au texte

15 Ibid., p. 93. Retour au texte

16 Pour reprendre une expression chère à Jacques Henriot. Jacques Henriot, Sous couleur de jouer : la métaphore ludique, Paris, José Corti, 1989, DOI : 10.4000/books.enseditions.45920. Retour au texte

17 On pourrait aussi rapprocher les propos de Deshays de la définition du jeu par Colas Duflo : « le jeu est l’invention d’une liberté dans et par une légalité. » (Colas Duflo, Jouer et Philosopher, Paris, Presses universitaires de France, 1997). Retour au texte

18 Gregory Bateson, « A Theory of Play and Fantasy », Psychiatric Research Reports, no 2, p. 39-51. Retour au texte

19 Daniel Deshays, op. cit., p. 102-107. Retour au texte

20 Ce à quoi nous ajoutons : voire pour signifier son appartenance à un genre vidéoludique particulier. Mais une explicitation satisfaisante de cette précision dépasserait le cadre de cet article. Retour au texte

21 Sur ce sujet, deux articles de synthèse peuvent apporter des éléments d’information, l’un plus ancien, mais fondateur (Mia Consalvo, Nathan Dutton, « Game Analysis: Developing a Methodological Toolkit for the Qualitative Study of Games », Game Studies, vol. 6, no 1, 2006, URL : https://gamestudies.org/0601/articles/consalvo_dutton [consulté le 19 mai 2025]) et le second qui en est une actualisation et une ambitieuse extension (Rowan Daneels, Maarten Denoo, Alexander Vandewalle, Bruno Dupont et Steven Malliet, « The Digital Game Analysis Protocol (DiGAP): Introducing a Guide for Reflexive and Transparent Game Analyses », Game Studies, vol. 22, no 2, 2022, URL : https://gamestudies.org/2202/articles/gap_daneels_denoo_vandewalle_dupont_malliet [consulté le 19 mai 2025]). En complément de ces textes généralistes, l’ouvrage Understanding Game Music (Tim Summers, Understanding Game Music, Cambridge, Cambridge University Press, 2016) et les contributions d’Elizabeth Medina-Gray et d’Isabella van Elferen à l’ouvrage collectif Ludomusicology : Approaches to Video Game Music proposent des outils d’analyse spécifiquement sonores très riches. (Elizabeth Medina-Gray, « Modularity in Video Games », dans Michiel Kamp, Tim Summers, Mark Sweeney (dir.), Ludomusicology: Approaches to Video Game Music, Sheffield, Equinox Publishing, p. 92-115 et Isabella Van Elferen, « Analysing Game Musical Immersion: The ALI Model », ibid., p. 32-52) Retour au texte

22 Notre traduction d’observant play. Rachael Hutchinson, « Observant Play: Colonial Ideology in The Legend of Zelda: Breath of the Wild », Game Studies, vol. 21, no 3, URL : https://gamestudies.org/2103/articles/hutchinson [consulté le 19 mai 2025]. Retour au texte

23 Hildegard Westerkamp, « Soundwalking », Sound Heritage, vol. 3, no 4, 1974. Retour au texte

24 Il s’agit des publications suivantes : Kate Galloway « Soundwalking and the Aurality of Stardew Valley : An Ethnography of Listening to and Interacting with Environmental Game Audio », dans William Gibbons, Steven Reale (dir.), Music in the Role-Playing Game: Heroes & Harmonies, New York & Londres, Routledge, coll. « Routledge Music and Screen Media Series », 2020, p.159-178 ; Elizabeth Hambleton, « Gray Areas : Analyzing Navigable Narratives in the Not-So-Uncanny Valley Between Soundwalks, Video Games, and Literary Computer Games », Journal of Sound and Music in Games, vol. 1, no 1, 2020, p. 20-43, DOI : 10.1525/jsmg.2020.1.1.20 ; Lyne Dwyer, « Sex and the City : A Sonic Analysis of Sex Work and Socioeconomic Class in Watch_Dogs 2 », Game Studies, vol. 22, no 2, 2022, URL : https://gamestudies.org/2202/articles/gap_dwyer [consulté le 19 mai 2025]. Retour au texte

25 Guerrilla Software, Horizon Zero Dawn, Sony Interactive Entertainment, 2017. Retour au texte

26 Charles Meyer, « Incorporation et écologie sonore vidéoludiques : la marche sonore comme outil d’analyse », Kinephanos, numéro spécial, mars 2020, p. 73-100, DOI : 10.7202/1082344ar . Retour au texte

27 Notamment dans Roger Odin, De la fiction, Bruxelles, De Boeck Supérieur, coll. « Arts & cinéma », 2000 et dans Roger Odin, Les espaces de communication, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, coll. « La communication en plus », 2011. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Charles Meyer, « Étudier le design sonore vidéoludique par l’écoute », Nouveaux cahiers de Marge [En ligne], 10 | 2025, mis en ligne le 05 septembre 2025, consulté le 08 septembre 2025. URL : https://publications-prairial.fr/marge/index.php?id=1249

Auteur

Charles Meyer

LIRCES, Marge (EA3712), OMNSH

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