De la contestation par primaire au sein du Parti démocrate : la gauche états‑unienne face au défi du bipartisme

  • Confronting Bipartisanship: A Socialist Perspective in the Democratic Party

DOI : 10.35562/rma.688

Résumés

Les États‑Unis connaissent depuis quelques années un renouveau socialiste, qui s’est manifesté par les succès de diverses organisations, de journaux mais aussi d’hommes et de femmes politiques désormais médiatiques. Grâce à un succès dans ses actions militantes mais aussi dans les urnes, ce mouvement a modifié dans une certaine mesure la composition de l’échiquier politique états‑unien, et, à travers le mécanisme des primaires ouvertes, celle du Parti démocrate en elle‑même. Cet article revient sur cette stratégie socialiste de contestation par primaire en l’analysant comme réponse au contexte institutionnel particulier du pays. Il examine dans un second temps les différentes approches au sein du mouvement qui, loin d’être unifiées dans leur attitude vis-à-vis du Parti démocrate, parviennent toutefois à proposer un projet politique commun.

In recent years, the United States has been experiencing a socialist revival, which has manifested itself through the successes of various organizations, publications but also now media-savvy politicians. Thanks to measured successes in militant actions and in the ballot boxes, this movement has modified to some extent the composition of the American political scene, and through the mechanism of open primaries, that of the Democratic Party. This article revisits this socialist strategy of primary challenges, seeing it as a response to the country’s particular institutional context. It then examines the different approaches within the movement which, far from being unified in their attitude towards the Democratic Party, nevertheless manage to propose a common political project

Plan

Texte

Introduction

À la suite des élections présidentielles de 2016, les États‑Unis ont été témoins du retour sur la scène politique d’un spectre aperçu seulement de façon marginale depuis la fin des années 1960 : celui du socialisme. Le succès de la campagne aux primaires démocrates de Bernie Sanders, la croissance de l’organisation des Democratic Socialists of America (DSA) et les élections de figures devenues médiatiques telles que Alexandria Ocasio-Cortez ou Ilhan Omar au Congrès ont confirmé ce retour inattendu, porté par une nouvelle génération d’électeur·rice·s. Il est généralement admis que ces jeunes militant·e·s, qui considèrent faire partie d’une réelle « gauche socialiste » dans le pays (McGreal, Kluever) se sont pour la plupart développé·e·s politiquement à travers des mouvements comme Occupy Wall Street, the DREAMers ou Black Lives Matter et ont donc longtemps vécu en marge du Parti démocrate. C’est bien la campagne de Sanders en 2016 qui les amena à la politique électorale pour la première fois (Stewart). Depuis s’est développée une véritable stratégie de candidatures dissidentes à l’intérieur du parti (les « insurgent candidacies »), portée dans tout le pays par des groupes comme DSA ou Justice Democrats, un comité d’action politique ayant notamment formé Alexandria Ocasio-Cortez. Alors que les grands mouvements socialistes états‑uniens ont cultivé tout au long du xxe siècle un électoralisme indépendant, ces nouveaux militant·e·s cherchent désormais à défier l’establishment démocrate sur son propre terrain : celui des primaires ouvertes.

Ces tentatives, parfois couronnées de succès1, posent un certain nombre de questions vis-à-vis d’un mouvement ouvertement anticapitaliste, considérant notamment les démocrates comme structurellement opposés à l’émancipation de la majorité (DSA National Electoral Committee). Loin de constituer une stratégie désormais convenue « d’entrisme » de la gauche radicale vers un parti de centre-gauche, ces essais socialistes chez les démocrates constituent une réelle tentative de « capture » directe du parti, dont la dernière campagne de Sanders a été le moment fort. Dès lors, on peut se demander pourquoi ces groupes, qui se sont d’abord définis et constitués en dehors du Parti démocrate, ont fait le choix de cette stratégie, et comment elle s’organise. En vue de répondre à ces questions, cet article examinera d’abord le contexte institutionnel auquel se sont historiquement heurtés les socialistes états‑uniens et traitera des défis aux primaires démocrates comme réponse à ce dernier. Dans un second temps, il détaillera les principales orientations de cette gauche socialiste2 vis-à-vis de cette stratégie, dans leurs différences d’interprétations et de pratiques.

Le contexte institutionnel

« There are three big things standing in our way to winning a majoritarian government », explique Dustin Guastella, jeune syndicaliste et militant socialiste, lors d’une rencontre de la branche DSA de Philadelphie en février 2020: « the political system itself […] the Democratic Party […] and finally, money » (Philly DSA). Deux mois plus tard, dans un article du Jacobin3, c’est à travers la question des règles électorales qu’il explique l’origine du bipartisme :

The 1842 Apportionment Act essentially abolished at-large elections for Congress, replaced with the “single-member-district” system we know today. These first-past-the-post rules ensured that only outright winners of district elections were awarded seats. Theoretically, a party could win 49 percent of the vote in 100 percent of a state’s districts, and it would be awarded 0 percent of the seats. This incentivized party consolidation in an attempt to win outright majorities.

Ainsi, pour ces militant·e·s, ce sont bien les institutions politiques, notamment à travers les règles du scrutin uninominal majoritaire à un tour, qui sont en partie responsables de l’échec historique du mouvement socialiste aux États‑Unis.

Bien conscients de ces barrières, les militant·e·s états‑unien·ne·s ont élaboré un long travail d’adaptation tout au long du xxe siècle, quand ils n’abandonnaient pas tout simplement le champ électoral. Michael Harrington, fondateur du Democratic Socialist Organizing Committee en 19734, avait fait de cette adaptation l’objectif initial de l’organisation. Prenant acte des échecs successifs du Socialist Party historique ainsi que des fortes contraintes pesant sur tout parti minoritaire, il fonda avec d’autres figures de la gauche comme Deborah Meier ou Irving Howe une organisation non électorale, qui militait alors à l’intérieur du Parti démocrate. Cherchant à incarner « la gauche du possible », Harrington avait déclaré sans ambiguïté « we must go where the people are, which is the liberal wing of the Democratic Party » (Ross 545). L’organisation travailla de près avec l’Internationale Socialiste de Willy Brandt et François Mitterand, et connut un pic de son influence lors de la campagne de primaires présidentielles du parti en 1980, en soutien au sénateur progressiste Ted Kennedy (Ross 550). Après la mort de Harrington en 1989, le groupe renommé DSA tomba progressivement dans l’oubli et renaîtra sous une nouvelle forme au milieu des années 2010. Symbolique de l’échec historique des socialistes à constituer une force politique crédible aux États‑Unis, l’organisation de Michael Harrington l’est aussi pour avoir imaginé une tentative de réponse aux fameuses barrières institutionnelles empêchant l’établissement d’un « third party » dans le pays.

Celles‑ci sont bien connues de la science politique états‑unienne : pour de nombreux chercheurs, un faisceau de facteurs influe fortement sur la représentation des groupes idéologiques minoritaires. Il est important de noter que ces facteurs ne sont pas individuellement responsables des échecs historiques des nombreux partis mineurs dans le pays. Comme le rappellent Lipset et Marks (2000), c’est bien leur conjonction, dans un contexte culturel et historique particulier, qui a provoqué tout au long de l’histoire états‑unienne cette situation de duopole partisan. Le premier de ces facteurs est évidemment représenté par les règles électorales, organisées autour du scrutin uninominal majoritaire à un tour, qui favorisent de fait une situation où les coalitions factionnelles ne peuvent qu’exister sur un mode intra, et non pas inter-partis comme on peut l’observer par exemple dans la plupart des pays d’Europe continentale. Ces règles sont défavorables aux groupes minoritaires en premier lieu car leurs électeurs sont par définition dispersés dans le pays. À l’inverse d’un mode de représentation proportionnelle, ce système tend à bloquer toute tentative de third party qui ne bénéficierait pas d’une implantation massive dans une circonscription donnée. Ici, le problème est circulaire : ne pouvant s’assurer de représentation même sur le plan local, le groupe minoritaire ne peut appliquer son programme et se condamne à rester inconnu du plus grand nombre. Également, l’absence de second tour aux scrutins bloque toute possibilité d’influence ou même d’alliance avec l’un des partis majoritaires, l’absence de score du petit parti au premier tour ne pouvant lui assurer un levier minimum. Le mode de scrutin tend donc à produire un biais systématique en défaveur des partis mineurs. Pour une même proportion de voix et au niveau national, les partis majoritaires gagnent un plus grand nombre de sièges et inversement. Cet effet, classiquement décrit comme « mécanique » produirait à son tour un effet « psychologique » (Shugart et Taagepera 116), au double niveau des élites politiques et des citoyen·ne·s. Par anticipation de ce biais, les unes ne se risqueraient pas à former de nouveaux partis et les autres à voter pour elles, de peur de « gâcher » leurs votes inutilement (Blais et Carty 80). Ces votes « stratégiques » correspondent à ce que les militant·e·s socialistes nomment l’effet de spoiler (Guastella) : les citoyen·ne·s, en votant pour le « moins pire » des deux grands partis, ne soutiendraient pas les projets électoraux progressistes, et ce malgré leurs éventuels penchants personnels. Cette tension entre principe politique et pragmatisme électoral, accentuée aux États‑Unis par le scrutin à un tour et dans le cas des présidentielles par le système du collège électoral, est vécue par certains groupes socialistes qui reconnaissent un danger dans la « mainmise » républicaine des institutions locales et nationales (DSA National Electoral Committee).

De façon plus directe, l’accès au scrutin en lui-même a souvent été vu comme l’une des barrières les plus importantes à l’établissement de partis mineurs durables aux États‑Unis (Rosenstone et al. ; Lipset et Marks). Bien que débattu (voir par exemple Tamas et Hindman), cet argument avance que les deux grands partis, historiquement bénéficiaires d’une mainmise complète sur les appareils des États, ont volontairement mis en place des règles extrêmement contraignantes pour tout parti minoritaire souhaitant être présent sur les bulletins de vote de chaque État individuel. Ces règles incluent notamment des exigences quantitatives parfois difficiles (un nombre minimum de signatures de citoyens à récolter, un pourcentage de vote aux élections précédentes…) et des procédures administratives très lourdes, différentes pour chaque État, rendant presque impossible pour un petit parti, qui ne dispose que de peu de militant·e·s « à temps plein », de présenter son ou sa candidate sur les scrutins des 50 États.

Les institutions politiques états‑uniennes peuvent donc être vues comme une barrière majeure au développement de groupes idéologiques minoritaires dans le pays. Également noté par ces militant·e·s (Guastella, Prakash et Girgenti 93), un autre aspect, propre à la nature particulière des grands partis états‑uniens, vient s’ajouter à ces difficultés : leur exceptionnelle décentralisation organisationnelle et la flexibilité idéologique qui en découle.

Autant attribuée au système électoral qu’à la séparation des pouvoirs propre au pays et à sa grande diversité ethnique, sociale et géographique, cette décentralisation a été étudiée par certains politologues, l’associant alors au caractère idéologiquement « poreux » et flexible des partis (Lipset et Marks 65), voire même à leur absence de cohérence interne d’un point de vue programmatique (Epstein 263). Ces caractéristiques provoquent une situation où les liens idéologiques et programmatiques de deux membres du même parti peuvent être extrêmement ténus, voire inexistants. Ces partis sont en fait essentiellement opportunistes d’un point de vue électoral : non pas idéologiquement centrés, mais exceptionnellement stables, durables et aptes à gagner des élections (Epstein 264). Cela est facilité par une structure organisationnelle très faible, bien peu contraignante pour candidat·e·s et élu·e·s, qui tiennent bien plus à satisfaire leur propre base électorale et leurs soutiens financiers que l’appareil de parti (Epstein 264). V. O. Key, cité par Epstein (206), le souligne :

Often Party is in a sense a fiction. No finger can be put on any group or clique that has both the power and the inclination to exercise leadership in party affairs or to speak authoritatively for it in any ways.

Cette décentralisation implique alors une « ligne » partisane essentiellement dirigée par divers groupes d’intérêts, qui soutiennent financièrement les membres élu·e·s (Epstein 206). De ce point de vue, on pourrait considérer le développement au niveau national des comités d’action politique (les « PACs » et « super PACs ») comme le meilleur moyen de développer une réelle ligne partisane dans ces grands partis. Cela peut s’illustrer par les rares structures pouvant être considérées comme faisant autorité en leur sein : les Democratic National Committee (DNC), Democratic Congressional Campaign Committee (DCCC) et Democratic Senatorial Campaign Committee (DSCC) restent essentiellement des comités internes de financement de campagnes (Powell et Grimmer).

Cette souplesse idéologique, facilitée par l’absence de centralisation partisane, représente un risque, souvent évoqué par la gauche radicale, de « cooptation » ou de « récupération » de sa vitalité militante en faveur du statu quo. Certains exemples historiques pourraient tendre à confirmer cette accusation : l’évolution des positions politiques de l’American Federation of Labor au début du xxe siècle ou l’attitude de la ligne de Roosevelt vis-à-vis des mouvements sociaux des années 1930 restent des exemples cités par certain·e·s militant·e·s, mais également par des historien·ne·s (Lipset et Marks 71). La décentralisation des grands partis peut donc bloquer l’avancée de groupes idéologiques minoritaires. C’est pourtant précisément cette force adaptative, unique aux deux grands partis états‑uniens, qui pourrait représenter leur principale faiblesse. En s’articulant essentiellement aux élections de primaires à différents niveaux de gouvernement, cette dernière donne tout son sens à la stratégie socialiste contemporaine.

Le défi des primaires

Le mécanisme de nomination par primaires directes, introduit aux États‑Unis au début du xxe siècle a souvent été décrit comme affaiblissant de façon importante le contrôle des appareils de parti sur leurs propres organisations. Favorisant une « personnalisation » des campagnes locales ou nationales et permettant un contrôle direct des représenté·e·s sur le processus de nomination, ces primaires contournent et finalement sapent l’autorité des appareils de parti à tous les niveaux de gouvernement. Si le rôle traditionnel d’un parti est de « guider » l’électeur ou l’électrice vis-à-vis d’un choix politique donné, la primaire directe permet au contraire à un groupe suffisamment organisé de saisir sa base organisationnelle afin d’atteindre ses objectifs. Rackaway et Rice le rappellent notamment :

Primary elections represent a persistent threat to the ability of party organizations to coordinate and strategically plan their campaign messages. […] Party organizations struggle in primary elections, because the very concept is antithetical to what parties do […] No matter the intentions of the party organization, a well-motivated and mobilized electorate can overcome them. (5)

Les élections de primaires, traditionnellement analysées comme l’institutionnalisation d’une défiance vis-à-vis des organisations politiques (Epstein 210), fragilisent donc les appareils de partis qui « tiennent » essentiellement à travers une base électorale et des soutiens financiers communs. Pourtant, ces deux facteurs ne peuvent maintenir à eux seuls l’unité qu’une forte ligne idéologique et programmatique pourrait de fait assurer. La campagne de primaires présidentielles de l’année 2016 a été sur ce point paradigmatique : les deux grands partis ont été surpris par des insurgent candidates qui, sur de nombreux points, n’avaient que très peu de rapports avec leur ligne « traditionnelle ». Alors que du côté démocrate, un socialiste avoué a réussi à contester jusqu’à un certain point la nomination de la grande favorite de l’establishment libéral, du côté républicain une ancienne célébrité de télé-réalité aux positions politiques relativement floues a réussi à gagner la nomination du GOP, et finalement la présidence des États‑Unis5. Il est important de noter qu’aucun de ces candidats n’avait, avant cette campagne, de réelle relation avec leurs partis respectifs, et que tous deux ont par la suite cultivé des relations d’antagonisme avec les national committees de chacune de ces organisations (Burns et Haberman ; Shear et Rosenberg). Les révélations concernant le biais du DNC en défaveur de Sanders en 2016 expriment d’ailleurs, par la faiblesse de ses conséquences réelles, du peu de contrôle que l’organisation nationale exerce finalement sur le processus de nomination6.

Ainsi, les socialistes états‑unien·ne·s favorisent depuis quelques années une stratégie électorale axée autour des primaires démocrates. À travers une attitude de « hostile takeover » (Rackaway et Rice 6) vis-à-vis de la nomination, ils peuvent espérer capter la force organisationnelle du parti pour leur propre bénéfice. Cette stratégie est d’autant plus profitable qu’elle pourrait bénéficier d’un autre aspect unique au système du pays, à savoir la nature particulière des attachements partisans. On connaît depuis le fameux American Voter de Campbell et al. (1960) la relation d’identité forte qui s’observe entre chaque citoyen·ne et son parti de préférence, et ce de façon remarquablement stable dans le temps (Lewis-Beck et al. 138). Cette relation, apparemment forgée dès l’enfance et la préadolescence, prédéterminerait dans une forte mesure les comportements aux urnes des citoyen·ne·s se déclarant d’un parti ou de l’autre. Par la force de médiation que le parti exerce sur les choix politiques de ses sympathisant·e·s, la nomination effective d’un·e candidat·e par un parti affecterait par la positive leurs opinions de cette personne (Lewis-Beck et al. 116). Ainsi, l’« intrus » socialiste ayant remporté une primaire majeure pourrait associer sa propre base électorale (les électeurs « radicaux » ou « désaffectés ») à celle du parti, multipliant ses chances aux élections en elles‑mêmes. L’apport de cette double représentation est, selon nous, une des raisons pour lesquelles les questions concernant « l’élégibilité » de Sanders lors de la primaire 2020 sont peu pertinentes vis-à-vis du contexte contemporain. Si la base traditionnelle d’un parti y est de fait fortement attaché, c’est au contraire une partie de l’électorat de « l’outsider » qui, ne partageant pas d’identifications aussi fortes, risque de s’abstenir lorsqu’un candidat plus modéré remporte la nomination (sur ce sujet, voir également Utych).

Ces primaires permettent donc à des groupes minoritaires de « capturer » et de partiellement redéfinir un des grands partis. Alors que cela est vrai pour tous les types d’élections, les présidentielles permettraient un effet d’autant plus prononcé que leur audience est grande. Comme l’expliquent Brewer et Stonecash, ces élections constituent le moment de visibilité le plus intense pour le parti, « l’expression la plus visible [de ses] préoccupations » (7). Par son importance et sa médiatisation, ce moment électoral privilégié permettrait effectivement au candidat (nominé donc par primaire, et non par l’appareil du parti) d’associer dans l’esprit de la majorité des citoyen·ne·s son propre discours à celui du parti. De même, pour Bobbi Gentry, le candidat présidentiel peut parfois représenter plus que son parti, et mobiliser une plus grande part de la population que les partisan·e·s « classiques ». Citant l’exemple de la croissance du Parti républicain en 1984 sous l’impulsion de R. Reagan, elle montre comment, par un charisme ou une personnalité hors norme, un leader « inspirant » peut profondément modifier un parti en amenant de nouveaux·elles électeur·rice·s, et particulièrement chez les jeunes (Gentry 61). Ici, le parallèle est flagrant avec les campagnes de Bernie Sanders en 2016 et de 2020 : en cherchant notamment à axer sa stratégie autour des jeunes et des abstentionnistes, l’objectif de sa campagne était bien de « redéfinir » partiellement le Parti démocrate afin de composer une nouvelle coalition, plus à même de soutenir son projet politique. Bien qu’ayant échoué à ramener dans son sillage les fameux disaffected voters, sa stratégie vis-à-vis de l’électorat de moins de 30 ans semble avoir bien fonctionné. Dans un Parti démocrate qui possède une base électorale de plus en plus jeune (Pew b), ce segment démographique a largement favorisé Sanders dans la campagne des primaires de 2020 (Pew a).

On peut donc considérer que la gauche états‑unienne a réalisé un véritable travail d’adaptation lors de cette dernière décennie et a abandonné, en tout cas dans sa forme première, l’idée d’un grand parti indépendant qui, depuis Eugene Debs, l’avait animée tout au long du xxe siècle (Ross). Bien que la situation soit loin de ressembler à celle décrite par l’ex‑président Trump, où la « gauche radicale » contrôlerait entièrement le Parti démocrate, cette dernière a rencontré toutefois quelques succès électoraux et bénéficie d’une influence qu’elle n’a peut‑être jamais connue au sein du parti7. Le contexte institutionnel états‑unien, qui a historiquement fait barrière au projet socialiste, peut donc être vu comme un des facteurs qui paradoxalement contribue à mettre au jour ce nouveau projet politique. À ce stade, la possibilité d’un affaiblissement de la radicalité initiale du projet peut se poser. Cette question est cependant liée à l’interprétation que les militant·e·s se font de cette stratégie et de son avenir. Loin d’être unifiées, plusieurs tendances cherchent en effet à mettre en avant leur vision du futur pour le mouvement sur le long terme. Ces dissensions, qui portent principalement sur la nature du Parti démocrate, peuvent être attribuées dès l’origine à différentes conceptions du socialisme en lui‑même.

Confrontation ou coalition ?

La question s’est cristallisée ces dernières années autours de deux « options » majeures (Abbott). La première est celle du « réalignement », représentée par des groupes comme Justice Democrats, Our Revolution, le Working Families Party, mais également des magazines comme Dissent. Elle vise à travailler à l’intérieur du Parti démocrate, formant des alliances avec ses élu·e·s les plus progressistes tout en combattant par primaires les démocrates les plus conservateurs. Les partisan·e·s de cette approche prônent une stratégie de coalition, dans une démarche qui se veut coopérative. S’inspirant des grands réalignements politiques ayant pu se produire au cours de l’histoire états‑unienne, c’est bien ici le temps long qui est privilégié, et un désir de donner un nouveau souffle à un parti toujours tiraillé entre ses factions progressistes et conservatrices (Leifer). À l’inverse, certains socialistes, proches de DSA (et particulièrement de son Bread & Roses Caucus) ou du magazine The Jacobin, mettent en avant l’option de ce qui a été appelé le « dirty break8 », c’est-à-dire une rupture progressive du mouvement avec le Parti démocrate. Cette approche vise au court terme à utiliser les scrutins démocrates dans une diversité de circonscriptions afin de se constituer une base électorale propre et de pouvoir, à moyen terme, quitter le parti pour fonder un nouveau « bloc » socialiste qui pourrait représenter une réelle force législative. Elle se situe donc dans une démarche de confrontation, n’hésitant pas à chercher une lutte parfois ouverte avec les membres du parti. Historiquement, elle s’inspire entre autres des succès de la NonPartisan League (Abbott), organisation socialiste qui réussit dans les années 1920 à capturer l’appareil du Parti républicain dans certains États du Midwest et finalement certains postes clefs de la législature, notamment du Minnesota.

Deux options, qui se définissent par leur relation avec le Parti démocrate, s’opposent donc par rapport à cette question. Alors que l’une cherche à recomposer le parti, à le pousser sur sa gauche pour progressivement arriver à un réalignement politique, l’autre cherche à utiliser et à contourner le contexte institutionnel états‑unien pour former un nouveau bloc socialiste indépendant. Il est important ici de comprendre que ces débats, bien que profonds, n’impliquent en aucun cas une séparation complète du point de vue de la pratique. Au contraire, ces groupes travaillent ensemble sur les différentes campagnes de primaires et tiennent des rôles complémentaires sur le terrain. Les différences sont pourtant bien présentes, et reposent d’abord sur deux conceptions divergentes du projet socialiste. Alors que la ligne confrontationnelle maintient une analyse apparentée au marxisme, celle qui prône une stratégie de coalition porte un projet finalement plus proche de l’esprit démocrate de l’époque du second New Deal et de la Great Society.

La vision de certains groupes au sein de DSA tend en effet à interpréter le rôle des démocrates comme celui d’un parti résolument opposé au projet socialiste, de par sa nature même au sein de la superstructure capitaliste. Bien qu’actualisée dans son vocabulaire, c’est toujours à travers une analyse de classe de la démocratie « bourgeoise » que ces socialistes perçoivent les grands partis comme des instruments privilégiés par lesquels la classe dominante exerce son pouvoir politique de manière unilatérale (Schwartz et Schulman ; DSA National Electoral Committee ; Lucas et Gong). Nous retrouvons ici le Marx de L’idéologie allemande (44‑45) : c’est en tant qu’émanation des intérêts fondamentaux de cette classe dominante que le parti politique prend tout son sens, et toute la profondeur de son rôle social et historique. De ce fait, la stratégie socialiste ne peut s’appuyer sur un tel parti qu’en tant que moyen, et non pas en tant que fin, dans un projet où l’électoralisme ne peut être qu’une partie de la lutte :

We know that winning elections in a capitalist society is not the same as taking power. Without an organized working class […] socialist electoral victories will mean little. The essential task of the democratic road to socialism is rebuilding the organized power of the working class. (Bread & Roses DSA)

C’est bien l’idée d’une complémentarité entre politique électorale et mouvements sociaux qui est à retenir ici. Les campagnes aux primaires démocrates permettent de promouvoir le point de vue socialiste dans le discours public et de mobiliser un nombre toujours plus important de nouvelles personnes. Par là, elles contribuent à construire le mouvement en tant que tel qui permet, par la praxis9, de développer à son tour une conscience de classe chez les citoyen·ne·s et de consolider les victoires électorales. Il s’agit ici d’une sorte de cercle vertueux, permettant à la fois la conquête progressive de l’appareil d’état et l’émancipation de la classe ouvrière par elle‑même10. De là, le Parti démocrate semble bien loin, et il n’est en effet qu’un des moyens par lesquels ces socialistes cherchent à s’émanciper des barrières institutionnelles déjà mentionnées. Un extrait de résolution de la convention nationale de DSA en 2019 résume parfaitement cette stratégie :

DSA recognizes that the Democratic and Republican parties are organs of and represent the interests of the capitalist ruling class. However, we will work with and relate to the most progressive forces within the Democratic Party while we develop strategic work to build independent socialist political power and organization as a long‑term goal. (DSA National Electoral Committee)

Il serait bien sûr simpliste d’assimiler en bloc ce point de vue au marxisme canonique des premières internationales ouvrières. Le « socialisme démocratique » états‑unien a subi de profondes transformations depuis ses débuts, autant sur la forme que le fond de son discours. Cependant, il ne cache pas ses filiations intellectuelles et maintient, en premier lieu, la centralité du concept de classe dans son cadre analytique (Schwartz et Schulman). De là découlent les développements cités plus haut, informant une certaine vision de la lutte politique et de ses acteurs institutionnels.

De l’autre côté du mouvement, la vision portée par les Justice Democrats nous apparaît comme un socialisme modéré, assez éloigné de l’analyse marxiste de certain·e·s membres de DSA. L’approche générale, comparable en ce sens à celle de Sanders, semble se situer autour d’un modèle social-démocrate ambitieux. Le but n’est pas ici d’utiliser mais de transformer le parti afin de parvenir à plus de justice sociale, et ce à travers un parlementarisme assumé. Suivant un topos classique de la social-démocratie (Jackson 426), les luttes politiques les plus « terre à terre » sont reliées à un ensemble d’idéaux et à une vision plus large : ainsi, celle d’une démocratisation politique et économique s’articulant à des demandes aussi diverses en apparence que l’augmentation du salaire minimum ou la mise en place de plafonds sur les financements électoraux (Leifer). De plus, par sa proximité avec la pensée de certaines économistes liées à la « modern monetary theory11 », le projet économique de ces militant·e·s serait plus assimilable à un progressisme post-keynésien qu’à un anticapitalisme radical. De ces points témoigne l’initiative du Green New Deal, qui se fonde en premier lieu sur l’affirmation d’un devoir du gouvernement fédéral à garantir certains droits considérés comme fondamentaux, et ce à travers un engagement notable du gouvernement dans l’économie (Prakash et Girgenti 7)12.

Dans son discours, cette approche s’articule autour de l’idée d’un retour aux promesses démocrates du second New Deal et de la Great Society. De ce point de vue (plus proche du On Socialism de J. S. Mill ou du « modern liberalism13 » de John Dewey que du Marx des Manuscrits de 1844), le Parti démocrate ne serait plus la représentation d’un ennemi à abattre mais celle d’un projet à retrouver : une social-démocratie bienveillante, qui par des politiques redistributives réaliserait un idéal démocratique et de justice sociale écorné par des décennies d’hégémonie néolibérale. On peut voir dans une vidéo de campagne des primaires de Sanders en 2020 la députée Ocasio-Cortez tenir un discours reflétant cette idée :

People accuse us of going too far left, we are not pushing the party left. We are bringing the party home […] It’s time that we become the party of FDR again. It’s time for us to become the party of the Civil Rights Act again. It’s time for us to become the party that fights for queer liberation again. An anti‑war party, a party that establishes peace and prosperity. That’s the party I wanna be again and I wanna go back home. (California for Bernie Sanders)

De façon plus concise, Waleed Shahid, porte-parole des Justice Democrats, résume cette idée de la façon suivante :

If we could bring the coalition that Sanders helped ignite in 2016 into Democratic primaries in down-ballot races and expand it, we could create a Democratic Party that reflected its voters, not big corporate donors. […] While the Tea Party had brought out the worst aspects of the Republican Party’s racism and corporate greed, the Sanders campaign was attempting to restore the Democratic Party to some of its redistributive roots in the New Deal and the Great Society. (Prakash et Girgenti 92)

Plusieurs points sont à souligner dans cette dernière citation : alors que Shahid sous-entend un lien entre les aspirations socialistes contemporaines et les « racines » idéologiques du Parti démocrate, il met également en lumière une rupture existante entre la ligne de ce dernier et sa base électorale. C’est en déplorant l’impact des soutiens financiers sur la direction du parti comme plus important que celui des électeur·rice·s que Justice Democrats justifie son désir de réalignement sur ce qui est considéré comme les réelles attentes des sympathisant·e·s. Épaulé sur ce point par le think tank et sondeur progressiste Data for Progress, le groupe montre que les propositions dites socialistes sont assez populaires pour une majorité d’États‑unien·ne·s, et particulièrement dans certains groupes démographiques : jeunes, urbain·e·s, diplômé·e·s, et racisé·e·s (Data for Progress).

Cela nous amène à une des différences pratiques les plus importantes des deux approches socialistes, découlant directement des points développés plus haut, c’est-à-dire la base électorale sur laquelle axer sa stratégie. Le groupe « coalitionniste » cherche à réaligner le parti, c’est donc logiquement à travers ce qu’il considère comme son électorat le plus « progressiste » qu’il souhaite articuler sa stratégie. En s’appuyant sur l’idée que ses propositions disposent d’un bien plus fort soutien dans les groupes démographiques cités plus haut, Justice Democrats cherche à concentrer sa stratégie de primaires dans les circonscriptions composées en grande partie de ces jeunes urbain·e·s diplômé·e·s. Alors que les politologues parlent de « polarisation asymétrique » (Rackaway et Rice 9) pour décrire un Parti républicain qui se radicalise et un Parti démocrate qui reste au centre, progressistes et socialistes cherchent dans un sens à « symétriser » cette polarisation et à retrouver un réel rapport de force dans la relation entre partis (Shahid dans Prakash et Girgenti 93). C’est donc en se concentrant sur une base électorale ciblée, ayant des demandes spécifiques et une sensibilité politique commune que le Parti démocrate pourra retrouver une homogénéité idéologique perdue. Cette coalition existe déjà : c’est celle des jeunes, des urbain·e·s et diplômé·e·s donc, mais également des Noir·e·s et Latinx dans les centres urbains, le problème étant pour ces catégories de réduire le taux d’abstention (McElwee). Dans cette perspective, les blue collar workers ou même les résident·e·s de zones rurales, perdu·e·s au parti depuis quelques décennies, ne seraient plus une priorité de la gauche. Dans un article nommé à point « Forget Trump Voters, the Democrats Need Young People of Color to Win », Sean McElwee, le fondateur de Data for Progress, résume en quelque sorte cette approche : « it’s much easier to persuade someone who agrees with you to vote than to convince someone who disagrees with your policies to switch sides. »

La nouveauté ici, pour un mouvement de gauche, est donc d’abandonner une partie de la classe ouvrière et particulièrement le groupe souvent considéré comme formant partiellement l’électorat républicain : les hommes blancs non diplômés du supérieur (Gallup Inc). Cette idée fait toute la différence avec la position des confrontationnistes. Parce que ces dernier·e·s ne considèrent pas le Parti démocrate en lui‑même comme potentiellement libérateur, l’idée n’est pas de le remodeler mais bien de le dépasser en créant un mouvement de classe populaire le plus large possible. Cette stratégie, informée par l’analyse marxiste mentionnée plus haut et par une certaine compréhension de récents mouvements populistes (Abbott), implique le développement d’une nouvelle conscience de classe via une grande coalition de « non-affilié·e·s ». Elle se doit donc de viser plus loin que les partisan·e·s démocrates déjà mentionné·e·s en se concentrant sur les « déçu·e·s » de la politique électorale traditionnelle : abstentionnistes, indépendant·e·s et partisan·e·s peu attaché·e·s à leur partis (Abbott). Cette démarche, qui se veut populiste et vise à dépasser les traditionnelles déterminations électorales, cherche à retrouver le sujet premier de la lutte socialiste : la reconstitution d’une working-class depuis longtemps divisée aux États‑Unis, via un message de redistribution sociale et de confrontation des élites (Abbott).

On peut considérer que les campagnes de Sanders aux primaires démocrates de 2016 et 2020 illustrent chacune, à leur manière, une de ces deux stratégies. Alors qu’en 2016 sa force électorale se composait en partie de ces électeurs blancs non diplômés du supérieur, mais surtout d’indépendant·e·s et de citoyen·ne·s généralement hostiles aux élites politiques (Dyck et al.), l’attrait de Sanders a pu faire écho à la stratégie populiste du « dirty break ». À l’inverse, sa campagne de 2020, qui refléterait davantage la seconde approche, a révélé une coalition diverse, composée particulièrement de personnes se qualifiant de « libérales » (une caractéristique habituellement associée à de forts identifiants démocrates, dans les couches urbaines et diplômées) (Pew a). De façon plus générale, les deux campagnes ont démontré un avantage certain de Sanders chez les jeunes, de tous niveaux d’études et de revenus (Dyck et al.). Cela aurait tendance à indiquer que l’approche coalitionniste serait peut‑être plus pertinente pour le futur du mouvement. Alors que la base du Parti démocrate se transforme en devenant de plus en plus jeune et urbaine (Pew b), c’est précisément ces catégories que Sanders, et en dernière analyse le democratic socialism états‑unien dans son ensemble, attirent en premier lieu (Pew a).

Conclusion

Le mouvement socialiste contemporain aux États‑Unis se trouve aujourd’hui à un carrefour stratégique concernant la suite de son existence. Ayant évolué dans un contexte institutionnel hostile, il a réussi ces dernières années à le contourner ou plutôt à en tirer avantage pour mettre en avant ses idées auprès du plus grand nombre. En témoigne la popularité croissante de propositions telles que Medicare for All ou le Green New Deal, il semblerait que le « S word » ait perdu son statut de tabou politique dans le pays.

Il va sans dire que cette stratégie de contestation par primaires n’est pas le seul moyen d’action à la disposition de cette gauche. La réaction de groupes tels que Roots Action, Code Pink ou Progressive Democrats of America à certains choix de nomination du président Biden en est un exemple. À travers certaines menaces d’actions citoyennes massives mais non électorales (RootsAction), ces derniers démontrent que la gauche états‑unienne n’a pas que le temps des élections pour chercher à influer sur le parti. On peut également noter que les contestations par primaires n’ont pas toujours besoin de victoires éclatantes pour initier des changements : l’influence récente de Sanders à la Maison‑Blanche (Semler) ou la mise en place de changements institutionnels au sein du Congressional Progressive Caucus (Grim), en sont autant de preuves. Si la mesure de leur influence réelle sur la politique du gouvernement Biden reste difficile à évaluer, on peut tout de même leur attribuer, en partie, certaines dispositions « plus à gauche » récemment prises en politique intérieure14.

On a pu voir, bien que schématiquement, les différences d’interprétations et de pratiques qui existent vis-à-vis de la stratégie de contestation par primaires. Toutefois, ce serait une erreur de résumer la situation par un simple socialisme libéral pour les un·e·s et un marxisme intransigeant pour les autres. Bien que les divergences soient nombreuses, il existe des points essentiels où ces lignes fuyantes se rejoignent. Parce que le concept de socialisme, particulièrement lorsqu’il est « démocratique », est suffisamment large pour contenir une multiplicité de points de vue, le mouvement conserve une certaine cohérence interne qui lui permet de mener à bien ses actions. C’est surtout une évolution du concept dans sa multiplicité même, s’éloignant de l’orthodoxie marxiste mais visant toujours l’émancipation du plus grand nombre, qui permet au mouvement contemporain de s’accommoder du two-party system à son avantage et, jusqu’à un certain point, de construire un projet commun.

Le futur du socialisme états‑unien reste encore à écrire. « Lancé » réellement par Sanders et sa campagne de 2016, une certaine boucle semble se fermer après une nouvelle défaite 4 ans plus tard. De par son âge, on peut estimer que Sanders a réalisé sa dernière campagne ; cependant, le mouvement qu’il représente est encore très jeune, et son avenir reste ouvert.

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Notes

1 Mais malgré tout à relativiser : avec moins de 10 élu·e·s seulement au niveau fédéral, nous sommes encore loin de l’écrasant succès du Tea Party aux midterms de 2010, à qui l’on a souvent comparé ce mouvement (Golshan et Nilsen). Retour au texte

2 Il va sans dire que le terme de « socialisme » ne peut se réduire à une définition fixe et rigide, et représente plutôt un ensemble de tendances parfois opposées. Ici, le terme est employé dans son sens élargi et dans la mesure de son utilisation par les acteurs eux‑mêmes. Dans l’intérêt de notre démonstration, mais sans toutefois chercher à être exhaustifs, nous chercherons à délimiter dans cette partie les principales approches existant au sein du mouvement. Retour au texte

3 The Jacobin est un journal se revendiquant explicitement du socialisme et très proche d’organisations comme DSA. Retour au texte

4 L’organisation fut fondée à la suite du Socialist Party et se renommera Democratic Socialists of America en 1982. Retour au texte

5 Les raisons de l’échec de l’un et du triomphe de l’autre dépassant le cadre de cet article, nous ne pourrons les traiter ici. Le point sur lequel nous souhaitons avant tout insister est bien le risque que représentent ces candidatures pour les appareils de parti, au‑delà des éventuelles contingences pesant sur leurs succès. Retour au texte

6 On peut toutefois relativiser cet aspect en prenant en compte le rôle des « super délégués » dans le processus de nomination. Cependant, et comme a pu le montrer Ryan (2011), ces élites prennent bien en compte, dans une certaine mesure, les inclinaisons de leurs bases. De plus, des réformes récentes ont drastiquement réduit leur indépendance vis-à-vis du vote populaire. Retour au texte

7 Sur la santé par exemple : alors que l’establishment démocrate s’est longtemps opposé à toute forme de développement du Obamacare, la pression socialiste pour le Medicare for All a poussé la campagne de 2020 de Biden à proposer, au côté des assurances privées, une « option publique ». Sur le climat, la campagne du Green New Deal a redonné une légitimité certaine à cette question et a poussé la campagne de Biden vers un projet moins ambitieux, mais qui reste tout de même substantiel. Retour au texte

8 À l’inverse du « clean break », qui ne pourra être traité dans cet article. Ce dernier vise à rompre directement avec les démocrates et à se présenter via des partis mineurs. On peut mentionner ici les partisans des Greens ou du projet d’un New People’s Party, regroupant certains radicaux et déçus de la campagne de Sanders. Retour au texte

9 Que l’on peut définir en des termes marxistes comme « le mouvement ‘pratique’ » par lequel le « changement ‘massif’ » des hommes ne peut que s’opérer ; « l’unité dialectique de l’objectif et du subjectif, la médiation par laquelle la classe en soi devient pour soi » (Löwy). Retour au texte

10 On peut retrouver ce type d’analyses entre autres dans les textes publiés directement par le Bread & Roses Caucus (Bread & Roses DSA), mais également dans son journal The Socialist Call (voir par exemple Meyer). Retour au texte

11 Souvent abrégée en « MMT », c’est une théorie économique hétérodoxe proche du post-keynésianisme. De ces économistes, on peut notamment citer Stéphanie Kelton, associée à plusieurs reprises à Justice Democrats ou Alexandria Ocasio-Cortez (Ocasio-Cortez, Hasan) et qui a pu jouer un rôle de conseillère de premier plan dans la campagne de Sanders en 2016. Retour au texte

12 De ces droits une « garantie fédérale au travail », qui s’inspire directement d’écrits d’économistes de la MMT, est particulièrement mise en avant (Nersisyan et Wray). Retour au texte

13 Théorisé notamment dans son Liberalism and Social Action (1935), où Dewey préconise une refonte du libéralisme « classique » et laissez-fairiste en défendant entre autres le rôle du gouvernement dans la réduction des inégalités. Retour au texte

14 On pourrait citer par exemple certains décrets présidentiels concernant la question climatique, ou celle du non‑renouvellement de contrats de prisons fédérales privées. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Thomas Jeangirard, « De la contestation par primaire au sein du Parti démocrate : la gauche états‑unienne face au défi du bipartisme », Représentations dans le monde anglophone [En ligne], 23 | 2021, mis en ligne le 15 décembre 2021, consulté le 17 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/representations/index.php?id=688

Auteur

Thomas Jeangirard

Thomas Jeangirard est doctorant en civilisation américaine au sein du laboratoire REMELICE (EA 4709) de l’université d’Orléans. Son projet de recherche, constitué sous la codirection des Professeures Karin Fischer (Université d’Orléans) et Lori Maguire (Université de Reims), a pour objet les nouvelles formes de la gauche dite radicale aux États‑Unis, à travers l’étude des Democratic Socialists of America, une organisation socialiste contemporaine. Ses axes de recherche incluent l’histoire de la gauche et des mouvements sociaux aux États‑Unis ainsi que ses expressions politiques contemporaines.

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