L’évolution de la gestion de l’islam par le droit français : entre adaptation et méfiance

DOI : 10.35562/rif.1259

Résumés

L’islam en France est incontestablement un sujet de société, très investi par la sphère politico-médiatique. Cette religion est celle de nombreux citoyens français en faisant la deuxième religion au national en termes de représentativité. Si son histoire peut remonter à l’époque coloniale, c’est surtout depuis l’implantation durable en France des travailleurs immigrés accompagnés de leurs familles que le droit positif français a évolué. Droits fondamentaux, liberté de religion, liberté d’association, organisation du culte, questions sécuritaires représentent autant les enjeux actuels qui font l’objet de ces évolutions ces dernières décennies. Toutefois, ces évolutions ne se déroulent pas sans remous mais dans un contexte de tensions sociales souvent palpables. Le Haut Conseil à l’intégration a même reconnu l’existence d’une « situation différente des religions dans l’accès au culte » qui pénaliserait le culte musulman. Il s’agit donc de questionner l’impact des tensions sociales existantes autour du fait religieux musulman, sur les évolutions du droit français de régulation de ce culte. Comment le régime juridique français tente-t-il de s’adapter au fait religieux musulman ? De quelle manière les tensions sociales se reflètent-elles au travers du régime juridique appliqué aux musulmans ? Il s’agira dans un premier temps d’aborder ces questions au prisme de l’histoire coloniale notamment afin de mettre en lumière des éléments de compréhension des tendances politico-juridiques adoptées ces dernières décennies. Force est de constater que le concept de « laïcité » ne fut pas une notion linéaire mais évolutive au fil des époques. En ce sens, la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État ne fut pas appliquée en Algérie française lors de son adoption en métropole, donnant lieu déjà à des conflits autour de la gestion publique du culte musulman. Par la suite, le droit positif s’est appliqué de la même manière pour tous les cultes présents sur le sol français ce qui a amené le culte musulman à bénéficier de la liberté de religion comme liberté fondamentale, au même titre que n’importe quel autre culte, donnant lieu notamment à la création de nombreuses associations ou encore d’écoles privées. Toutefois, on assiste ensuite au développement de la production normative plus particulièrement destinée à la gestion de l’islam donnant lieu à de nombreuses évolutions et mesures qui seront mises en exergue dans un second temps. Port du voile à l’école, organisation des services publics, ou encore interdiction de dissimulation du visage dans l’espace public sont autant de sujets qui ont fait l’objet de nouvelles mesures normatives requestionnant toujours plus les contours de la laïcité contemporaine.

Islam in France is unquestionably a subject of society, a question very invested by the political-media sphere. This religion is one of many French citizens, as it’s the second religion at the national level in terms of representativeness. If its history can go back to colonial times, it is especially since the permanent establishment in France of immigrant workers accompanied by their families that French positive law has evolved. Fundamental rights, freedom of religion, freedom of association, organization of worship, security issues all represent the current issues that are the subject of these developments in recent decades. However, these developments take place not without a stir but in a context of often palpable social tensions. The High Council for Integration even recognized the existence of a " different situation of religions in access to worship " that would penalize Muslim worship. It is therefore a question of questioning the impact of existing social tensions around the Muslim religious fact, on the evolution of French law regulating this cult. How does the French legal system try to adapt to the Muslim religious fact? How are social tensions reflected through the legal regime applied to Muslims ? The first step will be to address these issues through the prism of colonial history, in order to highlight elements of understanding of the political-legal trends adopted in recent decades. It is clear that the concept of " secularity " was not a linear concept but growing up over time. In this sense, the 1905 law of separation of the Churches and the State was not applied in French Algeria when it was adopted in mainland France, giving rise already to conflicts around the public management of the Muslim cult. Subsequently, the positive law applied in the same way to all the cults present on French territory which led the Muslim cult to benefit from the freedom of religion as a fundamental freedom, in the same way as any other cult. This has led to the creation of numerous associations and private schools. However, we then see the development of normative production, more specifically intended for the management of Islam, giving rise to numerous developments and measures that will be highlighted in a second phase. Wearing the hijab at school, organizing public services, or even banning the concealment of the face in the public space are all matter that have been the subject of new normative measures that increasingly require the contours of contemporary secularism.

Index

Mots-clés

laïcité, islam, France, religion, culte

Keywords

secularism, islam, France, religion, cult

Plan

Texte

Francis Messner, spécialiste du droit des religions en France, met en exergue les problématiques qui peuvent être perçues à l’occasion de la rencontre entre le droit français et l’islam, dans son fameux Traité de droit français des religions. Cette phrase lourde de sens nous permet de nous questionner sur la réalité des problématiques qui peuvent être vécues par extension, dans la société française en général.

On a parfois envie de réduire l’histoire commune de la France et de l’islam aux croisades ou à la bataille de Poitiers, au commerce ou encore à l’orientalisme, mais cela occulterait en réalité toute une partie de leur histoire depuis des siècles. La première gestion réelle de l’islam par la France se situe durant la colonisation de l’Algérie à la suite de quoi l’islam est devenu une réalité française (Frégosi, 1997). Le régime musulman et le culte sont alors sous tutelle de l’État français, et plus tard la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l’État n’y sera pas appliquée.

Il faut dans un premier temps définir les contours de l’étude. En effet, il n’existe pas à proprement parler de droit des religions en France, en tant que discipline autonome et formalisée. Le droit des religions français correspond alors plus à l’ensemble des normes juridiques applicables aux situations en lien avec le fait religieux, au sein du droit positif français, concentré autour de trois composantes : la neutralité, la liberté et l’égalité. Ces normes proviennent du droit international, du droit européen ou encore du pouvoir législatif ou règlementaire national. Pour étudier le rapport entre le droit positif français qui s’applique au fait religieux avec l’islam, il nous faut préciser le champ concerné. En effet, il ne peut y avoir de lien direct entre le droit positif et l’Islam, qui ne renvoie pas à un culte réellement et efficacement institutionnalisé en France. Il serait également impossible de se référer à une certaine vision de l’islam pour prendre certaines pratiques religieuses et faire fi de la diversité des courants et des visions qu’il existe de la religion musulmane. De même, se baser sur des éléments purement culturels ne permettrait pas d’appréhender la composante religieuse. Ainsi, l’islam est défini dans le dictionnaire Larousse comme la civilisation qui caractérise le monde musulman, comme l’ensemble des peuples qui professent l’islam, ou encore comme la religion des musulmans, ceux qui adhèrent au message du prophète Mohammed. Il s’agit plutôt ici de traiter des relations mutuelles entre le droit positif et le fait religieux musulman qui peut se manifester de diverses manières, dans toutes les sphères publiques ou privées, faisant référence de manière réelle ou supposée à la religion musulmane. Le fait religieux a été définit par Régis Debray en 2002 comme étant « un fait de psychologie collective, d’ordre mental, mais ayant acquis en chemin une dimension totalisante, en affectant réellement un espace social, des comportements individuels et des formes d’organisation collective » (Debray, 2002). Cette définition a donc l’avantage de la neutralité vis-à-vis du religieux mais aussi la prise en compte des éléments matériels, mesurables et quantifiables, ainsi que les éléments de la dimension croyante. Le fait religieux musulman est donc le fait religieux qui se rapporte à l’islam en tant que religion.

On estime que la France compte aujourd’hui 4,1 millions de musulmans selon l’Institut national d’études démographiques (INED), ce qui fait de l’islam la deuxième religion nationale. Ce chiffre est généralement celui le plus répandu et admis, bien qu’il existe une réelle difficulté à recenser l’ensemble des musulmans en France. En effet, il s’agit d’une donnée qui peut être difficilement collectée car interdite par principe1.

Depuis l’Algérie française, l’islam est devenu une question française de manière non équivoque. Mais les rapports ont évolué avec le temps. Des indigènes musulmans aux musulmans français, en passant par les personnes immigrées musulmanes, l’État français a été confronté à diverses formes sociales d’expression de l’islam par des acteurs différents. Si aujourd’hui l’islam est la deuxième religion de France, ce n’est pas un fait accepté sans tensions. Le Haut Conseil à l’intégration a même reconnu l’existence d’une « situation différente des religions dans l’accès au culte » qui pénalise lourdement le culte musulman2. Le sujet du fait religieux musulman en France pose question sous plusieurs angles : le social, le politique, le juridique. Force est de constater qu’il est un sujet actuel et très présent sur la scène publique notamment dans les médias et pour les personnalités politiques. Le journaliste Pascal Bruckner parle d’« un racisme imaginaire – islamophobie et culpabilité » (Bruckner, 2017), Causeur parle de « Mennel, icône malgré elle, de l’islamisme à visage citoyen » (Boughezala, 2018), et le quotidien Cnews présente « le débat plus vif que jamais après les attentats perpétrés dans l’Aude. Un arsenal durci face au jihadisme ? » (Hartmann, 2018). Si les deux premiers exposent l’avis de leur auteur, le dernier article met en lumière les conséquences des tensions autour du fait religieux musulman et du climat d’insécurité actuel sur le droit français et l’État d’urgence.

Dès lors, il semble légitime de se questionner sur l’impact des tensions existantes autour du fait musulman, sur la société et sur le domaine politique avec les conséquences très concrètes qu’il peut avoir sur le régime juridique qui va s’appliquer. Comment le régime juridique français tente-t-il de s’adapter au fait religieux musulman ? Quels sont les enjeux et conséquences ? De quelle manière les tensions sociales se reflètent-elles au travers du régime juridique appliqué aux musulmans ?

Dans un premier temps, il s’agira de constater de quelle manière le droit français a géré le fait religieux musulman depuis l’époque de la colonisation jusqu’au droit positif qui s’applique aujourd’hui à sa situation spécifique (I), pour traiter dans un second temps les enjeux juridiques et sociétaux liés à ce régime spécifique (II).

I. La gestion du fait religieux musulman par le droit français

Bien qu’il n’existe pas de droit des religions à proprement parler, l’État français a tout de même développé un droit morcelé s’appliquant aux différentes religions. Si c’est la laïcité qui s’est placée dès 1905 au cœur du rapport entre l’État et l’Église, les musulmans avaient quant à eux une gestion particulière dans le contexte colonial (I.1.). C’est seulement suite à la période historique de la décolonisation qu’un régime juridique général et supranational s’est développé, renforçant la protection des libertés fondamentales liées aux religions (I.2.).

I.1. Les premières tentatives de gestion juridique du fait religieux musulman

I.1.1. La naissance de la liberté de culte dans la France coloniale

Déjà le 21 février 1795, la liberté des cultes est instaurée en France par le décret de la Convention qui établit un régime de séparation des Églises et de l'État. Après le retour en arrière imposé par Napoléon, la laïcité à l’origine de la gestion actuelle du fait religieux en France est proclamée par la loi de 1905 de séparation des Églises et de l'État. La laïcité est définie par le dictionnaire Larousse comme la « conception et organisation de la société fondée sur la séparation de l'Église et de l'État et qui exclut les Églises de l'exercice de tout pouvoir politique ou administratif, et, en particulier, de l'organisation de l'enseignement ». Au titre de la loi de 1905, quatre fondamentaux composent la notion de laïcité qui sont selon Jean Baubérot « la neutralité de la puissance publique, arbitre des relations sociales ; la séparation des Églises et de l'État ; la garantie de la liberté de conscience ; l’égalité des droits » (Baubérot, 2012). Dans le même sens, l’écrivain et philosophe Ernest Renan en donne une définition centrée sur la neutralité de l'État par rapport aux religions, et le juriste René Capitant la qualifie de « conception politique impliquant la séparation de la société civile et de la société religieuse » (Touvet, 2009).

Ce développement des idées laïques intervient durant le contexte de la colonisation, notamment à une époque où l’Algérie était un département français. On assiste alors à la non-application de ces dispositions à l’égard de la gestion du fait religieux musulman en Algérie qui fera l’objet d’une gestion directe et publique du culte musulman par la France et qui sera soumis au statut spécifique de l’indigénat musulman.

I.1.2. La non application de la laïcité française en Algérie

La colonisation de l’Algérie fait suite à la Convention de capitulation de juillet 1830 avec le Dey Hussein. Son article cinq prévoit la protection de la liberté religieuse en Algérie et le respect du culte musulman. Cependant, la situation dans les faits sera différente : l’islam perd progressivement son autonomie, notamment à la suite de l’arrêté du 7 décembre 1830 qui prévoit de rattacher au domaine public du sultan les habbous3. Le culte musulman est progressivement institutionnalisé et passe sous la gestion de l'État français : la France récupère la gestion de l’enseignement religieux qui est alors affaibli à la suite de la prise des habbous. Raberh Achi, politiste et professeur agrégé de sciences sociales, dénoncera un « islam légitimiste créé de toutes pièces par l'État colonial » (Achi, 2015).

C’est dans ce contexte que la loi de 1905 est adoptée en France, dans un contexte de tension avec le Vatican, dont l’article premier vise à garantir la liberté de conscience et le libre exercice des cultes, et dont l’article deuxième précise que « l'État ne reconnaît, ne subventionne ni ne salarie aucun culte ». Cependant, presque dès le début de l’adoption de cette loi, il est clair qu’elle ne sera pas appliquée en Algérie. Ainsi, M’hamed Ben Rahal, homme politique algérien, l’annonçait déjà dans sa déclaration au congrès des orientalistes de Paris en 1897 : « si l’islam africain occidental ne se civilise pas par la France et pour la France, il se civilisera malgré elle et contre elle (...). C’est sous le canon de la chrétienté que se fera la renaissance de l’islam » (Ben Rahal, 1901).

Un régime dérogatoire est alors instauré pour l’Algérie par le décret du 27 septembre 1907 ayant pour finalité de conserver le contrôle et la gestion de l’islam, et qui prendra fin avec l’indépendance. Le chercheur Franck Frégosi qualifie la situation d’« exception musulmane à la laïcité » (Frégosi, 2011), l'État français conservant l’organisation du culte musulman notamment grâce au contrôle du financement des clercs musulmans. L’ironie qui fait écho aux problématiques actuelles liées à la laïcité est que dans ce contexte précisément, l’application de la laïcité faisait partie des revendications nationalistes algérienne4.

La volonté de contrôler le culte musulman peut être justifiée par ce que Francis Messner appelle « " le non-dit communautaire " du maintien du statut personnel musulman » (Messner, Woehrling, Riassetto, 2013). Il précise que :

« pour les tenants du pouvoir colonial, le statut personnel est un marqueur de la différence entre la communauté des colonisateurs et celle des colonisés, entre citoyens et sujets. Au mieux, on le considère comme une étape provisoire dans un processus d’intégration : tant que l’"indigène musulman" ne renonce pas à son statut personnel pour adopter celui du Code civil, il reste prisonnier de son appartenance communautaire ».

Ainsi, l’Algérie qui était pleinement française ne comptait que peu de citoyens français qui n’étaient autres que les colons, et qui seront ensuite augmentés par les juifs algériens qui auront automatiquement la nationalité française à la suite de l’adoption du décret Crémieux, creusant d’autant plus le fossé et les différences au sein de la société algérienne.

À travers cette histoire, se trouve un paradoxe, à savoir celui de la proclamation des Droits de l’Homme et du citoyen, universels, en France et de leur place centrale dans l’évolution de la société française face à la domination des autres peuples dans le même temps, réalisée dans une optique de domination coloniale et d’éducation et de civilisation des peuples. Mais c’est après la fin de la colonisation que la France aura une gestion différente du fait religieux musulman qui n’aura plus la même forme que durant la période de domination coloniale.

I.1.3. La gestion française des musulmans après la colonisation

Après l’indépendance des États colonisés et plus spécialement de l’Algérie, la France n’avait a priori plus de « citoyens » musulmans sous sa gestion. Cependant, depuis le début du XXe siècle, la France avait accueilli des travailleurs venant du Maghreb et nourrissait également une volonté d’hommage aux hommes indigènes qui avaient combattus au sein des rangs français durant la Première Guerre mondiale. C’est dans ce contexte qu’Edouard Herriot, homme d’État français, déclara dans la présentation du rapport au nom de la Commission des Finances que :

« si la guerre a scellé sur les champs de bataille la fraternité franco-musulmane et si plus de cent mille de nos sujets et protégés sont morts au service d’une patrie désormais commune, cette patrie doit tenir à l’honneur de marquer au plus tôt, et par des actes, sa reconnaissance et son souvenir ».

Dans la continuité de ces faits, le législateur français adopte la loi du 19 août 1920 actant la construction de la Grande Mosquée de Paris afin d’exprimer la reconnaissance de l’État français envers les peuples maghrébins. La Grande Mosquée de Paris est inaugurée le 15 juillet 1926 et comporte des bains, un restaurant, et des salles de prières. Elle se construit en tant que place culturelle et cultuelle de l’islam à Paris sans pour autant organiser de réelle organisation du culte musulman. Par ailleurs, c’est seulement en 2001 que le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) sera créé, ainsi que vingt-cinq Conseils Régionaux du Culte Musulman afin d’en assurer la représentativité, conformément à la loi de 1905.

Selon Pierre Vermeren, normalien et agrégé d’histoire, « l’histoire de cette période nous apprend la centralité de la question religieuse aux temps des colonies méditerranéennes, prisme rarement abordé en tant que tel » (Vermeren, 2016). Cette centralité semble impacter la mise en œuvre et l’appréhension de la notion de laïcité française et de la liberté de religion dans divers contextes d’application. De même, le groupe universitaire de recherche de Strasbourg dont Francis Messner fait partie va en ce sens que :

« les pouvoirs publics sont tiraillés d’une part entre l’obligation de mettre en œuvre la liberté de religion et de culte et d’autre part de marquer leur adhésion à un système de valeurs ancrées dans une laïcité philosophique qui n’accorde qu’un crédit limité au religieux. Cette position contradictoire favorise la coopération avec les groupements religieux dont la doctrine et les pratiques sont en conjonction ou apparaissent comme étant en conjonction avec la laïcité philosophique. Cet exercice est fort logiquement plus aisé pour les cultes traditionnellement implantés en France. La société française n’est pas sans réticence par rapport à un pluralisme religieux extensif, susceptible de déborder du cadre convenu ».

Il est alors difficile pour l’État français de traiter l’islam comme les autres religions déjà implantées en France. Ainsi, l’islam sur le territoire métropolitain est longtemps considéré comme un culte « étranger », importé et non pas ancré ni destiné à s’établir, et ce dès le début du XXe siècle. Mais par la suite, le développement du droit international et des droits de l’Homme a impliqué des changements du droit appliqué aux religions.

I.2. L’évolution du droit positif spécifique appliqué au fait religieux musulman

I.2.1. La protection de droits fondamentaux en lien avec la liberté de religion

La liberté de religion est le principe philosophique et juridique qui permet de protéger divers éléments de l’exercice d’une religion. Elle peut être considérée comme une liberté fondamentale, en tant que droit inhérent à l’individu. Elle est consacrée et protégée dans l’ordre juridique international au travers de nombreux textes grâce au développement international de la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. En effet, la liberté de religion, mais aussi la lutte contre les discriminations en ce sens, sont consacrées par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, le Pacte de protection des droits civils et politiques de 1966, la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de toute forme d’intolérance et de discrimination fondée sur la religion de 1981, mais également par plusieurs normes de l’Organisation internationale du travail, à savoir la Convention n° 111 qui impose l'élimination de « toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur (...) la religion » qui aurait pour effet de « détruire ou d'altérer l'égalité des chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession » ainsi que la Convention n° 158 qui précise que la religion « ne constitue pas un motif valable de licenciement ».

Malgré le nombre important de textes garantissant la liberté de religion, force est de constater que peu d’entre eux sont assortis d’une force contraignante à l’égard des États signataires. En effet, seul le Pacte de 1966 dispose de mécanismes contraignants, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme étant par principe proclamatoire. La Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction de 1981 reprend essentiellement les mêmes dispositions que celles de l’article 18 du Pacte sur les droits civils et politiques, et n’est pas assortie de pouvoir contraignant. Cependant, son article 7 précise que « les droits et libertés proclamés dans la présente Déclaration sont accordés dans la législation nationale d’une manière telle que chacun soit en mesure de jouir desdits droits et libertés dans la pratique ».

Concernant l’ordre juridique européen, la liberté de religion fait également partie des droits fondamentaux protégés notamment par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (CESDH) dont le respect est assuré par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Par extension, l’Union Européenne reconnaît et s’engage à respecter de la même manière les droits et libertés protégés par la Convention. D’une part, l’article 9 de la CESDH protège la liberté de pensée, de conscience et de religion, en tant que liberté absolue (Renucci, 2004). D’autre part, c’est son article 14 qui va venir instaurer un principe de non-discrimination notamment dans son application. C’est la Cour de Strasbourg qui va, dans un second temps, venir compléter les dispositions de la Convention afin d’en préciser son application. Elle a notamment précisé l’importance de cette liberté de religion qui pour elle n’existe que pour les religions minoritaires dans la mesure où pour le culte majoritaire d’un État il n’existe a priori pas autant de difficulté à exercer cette liberté. De plus, elle a également précisé que la liberté de religion n’est faite que pour les religions qui heurtent, choquent ou inquiètent.

Par ailleurs, pour évaluer si une pratique religieuse est suffisamment importante, elle cherche à apprécier le caractère suffisamment élevé de sérieux, de sincérité, d’importance et de cohérence au niveau individuel pour une personne. Si la protection de la liberté de religion et la lutte contre toute forme de discrimination en lien avec la religion est protégée de manière non équivoque dans l’ordre juridique international, ce n’est pas avec autant de clarté et de force que ces dispositions se retrouvent dans l’ordre juridique interne français.

I.2.2. Le régime juridique de la liberté de religion en France

Le régime juridique français de la liberté de religion est essentiellement constitué aujourd’hui des notions suivantes : la séparation de l’Église et de L’État impliquant sa neutralité vis-à-vis des religions, le caractère laïc de la République, la neutralité des agents publics, la protection des libertés fondamentales et le droit des minorités. Ainsi, la liberté de religion n’est pas consacrée en tant que telle mais elle fait tout de même partie du bloc de constitutionnalité de manière expresse au travers de la liberté d’opinion « même religieuse », ainsi que par l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et l’article 1er de la Constitution. Dès lors, ces dispositions protègent plutôt l’aspect individuel de la liberté de religion, tandis que l’aspect collectif est protégé par l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l’État qui proclame le principe de libre exercice du culte. La liberté de religion peut s’exercer alors sous réserve du respect de l’ordre public et des libertés d’autrui.

Le Conseil d’État a souvent reconnu la liberté de religion notamment sur la base de l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, comme à l’occasion de sa décision du 28 septembre 1998 « Association de Mulhouse » dans laquelle il précise qu’« il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée violerait, par elle-même, la liberté de religion protégée par les dispositions de l’article 10 de la DDHC à laquelle renvoie le Préambule de la Constitution ». Par ailleurs, il a également reconnu le caractère de liberté fondamentale à la liberté de religion à de multiples reprises (Conseil d’État, Ordonnance du 6 mai 2008, Ordonnance du 25 août 2005), ainsi que de « principe constitutionnel de liberté d’expression religieuse » (Conseil d’État, Affaire Madame Mabchour, 27 juin 2008).

Malgré ces tentatives de reconnaissance de la liberté de religion en tant que liberté fondamentale, elle reste bien souvent protégée au travers d’autres libertés. Des conséquences peuvent en découler notamment à l’occasion de sa protection qui peut faire l’objet d’exceptions plus facilement dans la mesure où le contrôle peut parfois être restreint.

En ce sens, la décision du 7 octobre 2010 du Conseil Constitutionnel relative à la loi sur l’interdiction de dissimulation du visage dans l’espace public a validé sa constitutionnalité pour des motifs de protection de l’ordre public et de contrôle restreint du principe de proportionnalité. Aurore Gaillet, maître de conférence à l’Université de Strasbourg qualifie le contrôle réalisé par la Haute Cour de « contrôle de proportionnalité a minima » pour conclure que cette loi « ne porte pas d’atteinte manifeste aux libertés fondamentales », mais elle a aussi validé l’argument de protection de l’ordre public par l’adoption de cette loi contrairement à l’avis défavorable rendu par le Conseil d’État en 2010 sur ce sujet « à l’endroit d’une conception "renouvelée et élargie" de l’ordre public » (Gaillet, 2012).

Outre les dispositions qui peuvent être dotées d’un caractère supra législatif, ce sont surtout les dispositions de la loi de 1905 qui constituent le régime de droit commun lié à la question religieuse, sans surprise. Ainsi plusieurs libertés y sont consacrées, à savoir la liberté de conscience individuelle, la liberté d’expression des convictions, la liberté de réunion, la liberté d’association et le principe de non-discrimination.

Conformément au droit positif, ces libertés s’appliquent au fait religieux musulman. Ainsi, la communauté musulmane de France tente de se structurer afin de bénéficier de toutes ces dispositions, non sans difficultés. En 2001, le Conseil Français du Culte Musulman a été créé ainsi que 25 Conseils Régionaux du Culte Musulman qui rassemblent des représentants élus par les délégués des lieux de culte répertoriés sur le territoire français, et au prorata de la superficie du lieu de culte (Garay, 2009). À des fins d’organisation, les musulmans sont souvent constitués en associations régies par la loi du 1er juillet 1901 sur la liberté d’association et peuvent ainsi détenir un patrimoine. Dans la continuité de l’histoire, l’hôpital Avicenne a été créé après la Première Guerre mondiale pour soigner les musulmans de l’armée française, en région parisienne.

Par ailleurs, les musulmans ont le droit de constituer des écoles musulmanes sous contrat ou non, bien que dans la réalité des faits il n’existe aujourd’hui qu’un seul établissement scolaire musulman en France sous contrat c’est-à-dire financé par l’État : le lycée Averroès de Lille. Le décalage existant est donc frappant en la matière vu l’existence de neuf mille établissements scolaires privés sous contrat catholiques et cent trente établissements juifs (Géraud, 2015). Concernant les services funéraires, ils sont aujourd’hui gérés par nombre de sociétés privées musulmanes. Cependant, l’autorisation de la création de carrés musulmans dans les cimetières municipaux a été rendue quant à elle possible par les circulaires du 28 novembre 1975 et 14 février 1991. Le concours de l’État intervient également dans la prison, au sein de laquelle il doit prendre en charges les dépenses relatives aux services d’aumônerie, dans le cadre de la loi de 1905.

Les musulmans disposent de nombreux droits, depuis l’établissement progressif de l’islam en France en vertu du droit positif et de la protection des libertés fondamentales. Cependant, si la théorie veut que tous les cultes bénéficient des mêmes droits, nous avons vu que la réalité peut être différente en fonction de l’histoire de chaque culte, mais aussi de la place qu’ils occupent dans la société pouvant amener à des inégalités.

I.2.3. Les exceptions à la liberté de religion

La liberté de religion peut être restreinte pour des motifs de préservation de l’ordre public ou d’autres libertés, comme nous l’avons vu précédemment. C’est l’alinéa 2 de l’article 9 de la CESDH qui pose les conditions de restriction qu’un État peut apporter à la liberté de religion.

En effet, pour être valide, la restriction doit présenter plusieurs caractères à savoir être prévue par la loi, constituer une mesure nécessaire dans une société démocratique et donc être proportionnée sans être inutilement intrusive en démocratie, et enfin poursuivre un but précis en vue de protéger la sécurité publique, l’ordre, la santé, la morale publique, ou les droits et libertés d’autrui. Il est intéressant de noter que dans les buts qui peuvent justifier une restriction au sens du droit de la CESDH, le motif de sûreté nationale n’apparait pas, contrairement à d’autres dispositions telles que celles qui encadrent la liberté d’expression.

Selon l’arrêt du 13 février 2003 de la Grande Chambre de la Cour, l’État a alors un rôle d’« organisateur neutre et impartial de l’exercice des diverses religions, cultes et croyances », « ce rôle contribue à assurer l’ordre public , la paix religieuse et la tolérance dans une société démocratique » et « le devoir de neutralité et d’impartialité de l’État est incompatible avec un quelconque pouvoir d’appréciation de la part de l’État quant à la légitimité des croyances religieuses et (...) impose à celui-ci de s’assurer que des groupes opposés se tolèrent ».

L’historique des restrictions à la liberté de religion en France commence surtout par l’application du principe de neutralité aux agents du service public qui ne peuvent pas présenter de signes religieux face aux usagers, en vertu de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Cette restriction a ensuite été étendue dans le contexte de privatisation, aux organismes en charge d’un service public au motif que « la neutralité du service public, et notamment sa neutralité religieuse, est une garantie due aux usagers qui constitue un principe général du droit » (Gaudu, 2010), ce qui a été confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 19 mars 2013 à propos des agents d’une Caisse primaire d’assurance maladie. Dans la pratique, une question s’est posée dans la mesure où la restriction liée aux signes ostensibles religieux pouvait être admise clairement pour un « foulard islamique », mais pas de manière si évidente pour la charlotte médicale. En effet, une charlotte médicale est un accessoire médical et ne peut pas être vu comme étant un signe religieux par essence. Cependant, dans une affaire du tribunal administratif de Cergy Pontoise de 2008 le juge retient que la charlotte médicale n’est effectivement pas un signe religieux mais qu’il peut être tout de même considéré comme le « témoin d’une intention religieuse ».

Aujourd’hui, on assiste à l’extension de ce type d’interdiction dans des contextes professionnels privés. En effet, la Halde dans sa délibération du 6 avril 2009 retient l’argument de bonne marche de l’entreprise afin de valider des restrictions à la liberté de religion. De même, elle s’est également basée sur l’alinéa 2 de l’article 9 de la CESDH pour retenir l’argument « des considérations de sécurité au travail peuvent constituer une restriction objective ». Ces possibilités de restrictions dans le domaine privé ont été consacrées dans le cadre de la réforme du droit du travail à l’été 2016 à l’occasion de l’adoption de la loi dite El Khomri, qui permet désormais de restreindre la liberté de religion des salariés notamment pour des motifs de neutralité de l’entreprise.

Si par principe, chaque individu, quelles que soient ses opinions ou ses croyances, ne doit pas être inquiété et doit se voir garantir ses libertés fondamentales à ce titre, force est de constater que les tensions historiques et sociales autour de l’islam ne facilitent pas une adaptation apaisée au sein de la société française. La laïcité ne peut en aucun cas être entendue comme incompatible avec la liberté de religion, ce qui contredirait la neutralité de l’État vis-à-vis des religions, mais doit être mise en œuvre d’une manière aussi apaisée que possible dans la recherche d’adaptation du droit aux enjeux actuels. C’est en effet ce que souligne le Conseil Constitutionnel dans une décision du 19 novembre 2004 dans laquelle il rappelle que « le premier paragraphe de l’article II-70 reconnaissant à chacun, individuellement ou collectivement, de manifester par ses pratiques sa conviction religieuse en public n’est pas contraire à l’article premier de la constitution aux termes duquel la France est une République laïque ».

II. Le développement de la production normative en réponse aux tensions sociétales

Dans un contexte français d’inflation législative, le législateur intervient de plus en plus sur les sujets liés à la question religieuse. Cependant, l’actualité témoigne d’une production législative et règlementaire en développement sur les sujets liés à l’islam qui n’est pas détachée des tensions sociales existantes (II.1.) ravivant souvent les questionnements autour des contours du concept de laïcité (II.2.).

II.1. L’impact des tensions sociales dans le débat sur l’islam

On assiste aujourd’hui à des productions juridiques de plus en plus récurrentes pour traiter des situations de tension liées au fait religieux musulman. Cela a effectivement été le cas sur de nombreux sujets tels que l’affaire du voile en 1989, la limitation des signes ostentatoires religieux dans le monde du travail privé, ou encore sur la question de la formation des cadres religieux musulmans.

Ces sujets témoignent très souvent de tensions sociales actuelles, qui ne sont pas sans lien avec l’histoire. Dans son Traité de droit français des religions, Francis Messner confirme la présence actuelle des tensions héritées du passé : « les stéréotypes brouillent le débat politique et juridique, comme cela est apparu en 1986 lors des travaux de la commission Long sur le Code de nationalité », ainsi « l'héritage de la relation coloniale n'est pas seulement juridique mais aussi mental : il pèse sur les mémoires » (Messner, Woehrling, Riassetto, 2013). Pour le chercheur J.-R. Henry, spécialisé sur les relations méditerranéennes, « l'illustration la plus significative de ce compromis colonial a été la politique juridique " d'assimilation ", qui, jouant sur les mots et sur les temps, conjuguait l'égalité au futur pour éviter de l'appliquer immédiatement et totalement » (Henry, 1994).

Ainsi, le juriste de Strasbourg explique qu'à la suite de la colonisation :

« religion, législation et société musulmanes sont perçues et présentées comme monolithiques, figées, a-historique. (...) Dans ce contexte l'Islam apparaît comme une antithèse non plus de la chrétienté, mais de la modernité. Il est posé comme incompatible avec celle-ci, une incompatibilité culturelle qui induit aussi une hiérarchie : la civilisation musulmane est inférieure à la nôtre en raison de son archaïsme ».

Il précise que :

« toute cette problématique de la relation entre normes dicibles et convictions inavouables, et de la gestion du non-dit par le juridique, à se retrouver à l'époque présente. Entre la vision populaire d'un islam dangereux, les ajustements quotidiens à la réalité, les stratégies des acteurs, la gestion judiciaire des problèmes, et enfin l'élaboration d'une véritable politique juridique française à l'égard de l’Islam s'observent toute une série de décalages, de distorsions qu'il faut tenter de restituer pour analyser la relation du droit français Avec l'Islam ».

Selon lui, cette vision de non-modernité de l’islam justifiera l’interventionnisme étatique. On peut alors légitimement se questionner sur la transposition de cette posture de nos jours, qui a déjà poussé à adopter à l’époque la circulaire de mai 1933 du préfet d’Alger qui avait pour objet de contrôler le recrutement du personnel cultuel et de réglementer le droit de prêche. En ce sens, Francis Messner analyse les débats sur le foulard islamique comme témoignant :

« de la méfiance de la société française en général à l'égard de l'islam militant ou simplement organisé. Cette méfiance, qui charrie tout un passé de relations complexes avec le monde musulman, conduit souvent à voir, derrière le comportement de quelques élèves, une entreprise concertée de subversion aux valeurs républicaines. L'écho donne à la question du voile dans les médias et dans le débat politique révèle une sensibilité française singulière par rapport à l'islam, qui ne s'exprime pas dans les autres grands pays européens avec la même intensité. C'est une donnée qui a des retombées difficiles à mesurer sur le débat juridique ».

Le traité de droit français des religions expose ainsi un « traitement laïc différencié de l’islam » en précisant que bien que le Conseil d’État ait souvent rappelé les conditions juridiques strictes de la séparation de l’État et des cultes, « la gestion politico-administrative de l’islam répugne à opérer cette séparation ». Il poursuit en soutenant que :

« comme à l’époque coloniale, l’intervention de l’État dans ce champ religieux est sous-tendue par l’idée que l’islam n’est pas une religion comme les autres et peut culturellement représenter un danger pour la démocratie car privilégiant les solidarités externes et communautaires sur les pratiques individuelles. Ce présupposé explique qu’appliquée à l’islam, la laïcité n’a pas le même sens dans le discours juridique et dans le discours politique ».

Ainsi, les tensions sociales initient souvent un bras de fer avec la laïcité dans ses différentes formes. Mais lorsque cette dernière ne présente pas les éléments normatifs suffisants pour restreindre une pratique musulmane, on assiste alors à une intervention législative ou règlementaire supplémentaire afin de changer l’État du droit :

« là où l’approche juridique de la laïcité parle de protection des libertés individuelles, de respect mutuel et s’appuie sur les conventions internationales, la vision politique et combative de la laïcité dénonce la dangerosité de l’Islam, et pousse paradoxalement à l’accentuation du contrôle de l’État sur cette religion. La distorsion entre les deux laïcités peut aller très loin : lors des affaires de voile, on a pu entendre des hommes politiques, des intellectuels ou des journalistes affirmer que si le juge persistait à ne pas donner raison à l’opinion publique, il fallait changer les lois ».

Les crispations sociales rendent compte d’une réelle confrontation entre la laïcité et l’islam, qui a progressivement élargi le champ d’intervention de la laïcité. On assiste alors à la rencontre de diverses visions de la laïcité qui pour certains doit se diriger plutôt vers une laïcité plurielle, et pour d’autres plutôt vers une forme de laïcité de séparation stricte.

II.2. Une laïcité élargie pour le fait musulman ?

La question de l’adaptation du droit français au culte musulman reste un enjeux actuel majeur, aussi bien politique, juridique et philosophique. Toutefois, les tensions relatives à l’islam ont eu ces dernières années pour conséquence l’élargissement du champ d’action de la laïcité. Ainsi, l’obligation de neutralité issue de la laïcité concerne initialement les agents publics. En 2004, elle fut étendue aux élèves-usagers des écoles publiques puis en 2007 à toute personne collaborant au service public. Selon l’analyse des juristes S. Hennette-Vauchez et V. Valentin, cette extension de la laïcité est vue comme un projet politique : « ce que dit cette loi depuis un siècle, c’est que la religion ne doit pas être une affaire d’État. Le projet politique, républicain, de la nouvelle laïcité cherche à créer un espace commun, une société pacifiée. Mais il lui faut alors une société laïque – plus seulement un État laïc. Voire une société athée » (Faure, 2014).

De plus, nous avons vu que la protection de l’ordre public peut justifier l’adoption de restriction à la liberté de religion. Cependant, cette notion semble parfois floue, notamment dans le cas d’affaires en lien avec le fait musulman. En effet, le rapport parlementaire de préparation de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public parle d’un ordre public « immatériel, symbolique » qui au nom de « valeurs abstraites […] justifient une restriction de la liberté ». De même, dans l’affaire de la crèche Babyloup qui traitait de la validité du licenciement d’une employée pour refus d’ôter le voile en 2010, la Halde avait initialement estimé le licenciement discriminatoire par un avis de son service juridique, dont la légalité sera affirmée ensuite en dernière instance. Les juristes Henette-Vaucher et Valentin interrogent cette contradiction dont ils cherchent à extraire le signe d’une « nouvelle laïcité plus liberticide et moralisatrice » (Faure, 2014). Dans d’autres affaires, qui ne concernaient pas nécessairement le fait musulman, c’est cette notion d’ordre public immatériel qui fut également questionnée.

En 1985, une affaire portée devant le Conseil d’État concernant des témoins de Jéhovah traitait d’un refus d’autorisation de recevoir des legs au motif qu’il leur manquait un « élément de notre ordre public social ». Cependant, depuis une décision de 2000, la haute juridiction a précisé que « le juge ne peut pas se contenter d’une allégation abstraite et générale de violation de l’ordre public. L’appréciation de l’ordre public est toujours liée aux particularités de l’affaire et il doit donc contrôler l’existence effective de ces atteintes à l’ordre public ».

Le juge de Strasbourg quant à lui effectue un contrôle précis des restrictions qui peuvent être apportées à la liberté de religion, selon les conditions de validité de l’article 9 de la CESDH. Il a notamment jugé de la validité de la loi portant interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public dans l’affaire SAS contre France de 2014. L’État français y invoquait d’abord des problèmes de sécurité publique, argument qui a été écarté par la Cour. Le deuxième argument présenté par l’État français, et qui fut également écarté, était celui de la volonté de la femme et de sa parole dont il fallait rétablir la liberté. C’est le troisième argument qui sera retenu, à savoir celui fondé sur le vivre ensemble, dont la contemplation du visage est un élément constitutif selon la France. En retenant cet argument, la Cour laisse la marge d’appréciation à l’État français libre de définir ce qui est important pour le vivre ensemble de sa propre population. Si l’on constate une position prudente de la Cour sur ce sujet, c’est celle qu’elle adopte sur la question du voile qui semble plus périlleuse. En effet, si la marge de manœuvre des États est habituellement un élément d’appréciation déterminant pour la Cour, elle peut parfois la réduire pour des États qui adoptent une position minoritaire s’il y a une convergence des politiques nationales par ailleurs, dans le but de les faire évoluer vers la position majoritaire. C’est alors à l’occasion d’une affaire qui traitait de l’interdiction du voile en milieu scolaire en 2008 que la Cour décide de suspendre son examen des statistiques des politiques nationales en précisant que les autres États n’autorisent pas le voile mais ne se sont pas prononcés, alors que trois États seulement l’ont interdit (le Canton de Genève, la Turquie et la France). Elle précisera ensuite qu’elle ne fera plus de statistiques sur cette question étant donné son caractère raisonnablement controversable en démocratie et laisse ainsi le champ libre à la totale marge d’appréciation de l’État pour l’interdire ou non. On assiste alors à une production juridique en développement pour réagir à ces sujets, ce qui nous pousse à nous questionner sur les conséquences potentiellement négatives d’un tel type de réponse. Par exemple, on peut se demander si le voile intégral, qui concerne un nombre de femmes estimé, dans des documents confidentiels du gouvernement, à deux mille environ (Gabizon 2009), nécessitait une intervention législative. Une explication complémentaire de l’adoption de ce texte peut donc être celle de la force symbolique de l’interdiction, en témoigne le rapport n° 2262 de l’Assemblée Nationale ayant servi de préparation à cette dernière disposition. Notons dans un premier temps que l’intitulé de la loi adoptée se situe en opposition avec l’objet clairement visé dans le rapport qui sont les musulmanes portant le voile intégral, sa première partie étant intitulée « des pratiques radicales, entre archaïsme culturel et prosélytisme intégriste ». De plus, le rapport lui-même tente de prendre en compte des éléments utiles de la théologie musulmane, et affirme que le port du voile intégral n’est pas une atteinte à la laïcité juridique mais plutôt philosophique, mettant en exergue les difficultés à cerner les contours du concept de laïcité.

Si plus tôt nous avons pu relever le caractère restreint du nombre de destinataires de la loi d’interdiction de dissimulation du visage dans l’espace public, c’est sa force législative qui a constitué la réponse au phénomène du port de la burqa qui, selon les estimations, représente 2000 femmes, et qui a effectivement abouti aujourd’hui à la condamnation d’environ 700 personnes (Gabizon, 2009).

Avant d’interdire le port de la burqa, c’est précédemment l’interdiction du voile à l’école qui a illustré l’impact des tensions sociales sur la modification de la législation. Pourtant, entre 1992 et 1997 des interdictions du foulard à l’école avaient été annulées initialement par le Conseil d’État, vu l’absence de caractère prosélyte et de signe de pression ou perturbation. L’étude du rapport de préparation de la loi, datant du 4 décembre 2003, met en lumière la place déterminante du voile islamique dans le choix de cette interdiction. Représentatif des tensions sociales, un sondage de novembre 2003 « l’opinion en question : le port de signes religieux » constitue un des fondements à l’origine du rapport : « selon un sondage BVA de novembre 2003, 43 % des Français estiment que les pouvoirs publics ne défendent pas la laïcité avec suffisamment de détermination ». Après le thème principal du rapport qui touche à la laïcité, c’est la question du voile qui est essentiellement traitée, de manière non équivoque :

« le port du voile relève de stratégies hostiles à l'intégration et il n'est pas sans intérêt de ce point de vue de rappeler, comme l'ont fait différents interlocuteurs, que ces coiffures et tenues sont apparues au moment même où, en France, les jeunes filles de familles maghrébines remportaient de plus grands succès que leurs frères dans leur scolarité et que grâce à l'école, elles s'intégraient réellement, sans grands problèmes. C'est en effet précisément dans ce contexte de rentrée scolaire qu'en 1989, "l'affaire de Creil" a ouvert la polémique et déclenché le trouble dans l'opinion française ».

Le voile s’érige comme le symbole de l’hostilité à la laïcité sur fond de difficulté d’intégration et de repli identitaire :

« le problème de recherche d'identité et de valorisation de l'image de soi de tous ces jeunes garçons et filles tentés par des comportements de repli identitaire est apparu d'autant plus préoccupant à la mission, qu'ils sont français à 95 %, scolarisés à l'école publique depuis leur plus jeune âge et n'ont pourtant pas l'impression d'habiter en France ».

La comparaison est tout de même effectuée avec les signes d’autres religions, à savoir la question du port de la kippa qui semble selon le rapport :

« mieux toléré que le voile par les enseignants, mais surtout il est beaucoup moins fréquent dans les écoles publiques en raison de l'existence d'un nombre non négligeable d'écoles juives sous contrat où ce port est largement répandu. Pour autant, le port de la kippa pose les mêmes problèmes que les autres signes religieux ou politiques du point de vue du respect de la laïcité ».

Cette partie du rapport, bien que portant l’intitulé « d'autres signes d'appartenance religieuse expriment également un repli identitaire » revient rapidement à la question musulmane pour traiter de la barbe ou encore les vêtements tels que la djellaba ou les calottes, dont on peut douter du caractère précisément religieux. Le rapport traitera tout de même de la question du christianisme dans un court paragraphe qui indique qu’une croix devrait faire l’objet d’interdiction si « elle est ostentatoire c'est-à-dire si elle est se voit à l'extérieur ou est agressive » avant de conclure que « puisque le voile, le foulard, la calotte, la barbe des musulmans ou les bouclettes des juifs orthodoxes expriment une appartenance religieuse qui n'échappe pas aux regards, il est nécessaire de les interdire indistinctement à l'école ».

Selon le rapport de « Open Society Foundations » sur les restrictions vestimentaires à l’encontre des femmes musulmanes dans l’Union Européenne, publié en avril 2018, seuls huit pays sur vingt-huit ont imposé des restrictions. La France est le pays qui comporte la plus grande communauté musulmane selon les estimations, mais elle est également celle qui présente le plus de restrictions vestimentaires. La tendance aux restrictions vestimentaires légale et réglementaire pousse également à les étendre à des cas qui n’en feraient pas nécessairement l’objet normalement. En effet, la question s’est posée de l’interdiction faite aux mères accompagnatrices de sorties scolaires de porter le voile. Elles ne sont pas en principe soumises à une obligation de neutralité étant donné qu’elles ne sont pas investies d’une mission de service public, cependant certaines directions d’établissement scolaire ont voulu l’interdire ce qui avait été consacré ensuite par la circulaire Chatel de 2012. Mais dans son jugement du 9 juin 2015, le tribunal de Nice a rappelé les conditions d’application de la laïcité dans ce cas et a estimé que les mères accompagnatrices de sorties scolaires ne pouvaient pas se voir refuser la possibilité de le faire pour un motif de port du foulard. Le sujet est revenu sur le devant de la scène – ou plutôt de la toile – avec la présence d’une mère accompagnatrice portant le voile lors d’une sortie scolaire au Conseil Régional de Bourgogne Franche Comté, contre laquelle s’était insurgé un élu du Rassemblement National. Le débat public a donc donné lieu à une proposition de loi au sein du Parlement dans le but d’étendre l’interdiction des signes religieux ostentatoires aux accompagnateurs scolaires.

Dans le même sens, la tendance à la généralisation des restrictions vestimentaires s’est illustrée dans les affaires d’interdiction du burkini sur les plages par arrêtés municipaux, notamment à Nice, Villeneuve-Loubet, Cannes, ou encore Fréjus. En août 2016, le Conseil d’État a malgré tout annulé l’interdiction pour motif de restriction de la liberté de conscience de manière non légitime.

Si l’on remarque aisément que le fait musulman reste un sujet de tension dans la société française qui occupe une place encore centrale au fil des années, il paraît alors légitime de se questionner sur la pertinence et l’efficacité de l’utilisation de la production législative ou réglementaire récurrente comme parfois seul et unique mode de réponse. Cette dynamique de production ne reste pas sans conséquences et semble parfois alimenter d’autant plus les tensions sociales par les polémiques qu’elles font vivre, mais également par les conséquences discriminantes en théorie ou en pratique qui subsistent envers les musulmans. C’est donc un défi de taille d’adaptation du culte musulman ainsi que des pouvoirs publics qui se présente, afin de créer des conditions plus favorables au vivre ensemble et à la préservation des libertés de chacun.

1 Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, interdisant le recueil et le traitement de données faisant

2 Haut Conseil à l’Intégration, « L'islam dans la république », novembre 2000, p. 27.

3 Les habbous sont les biens constituant le patrimoine des institutions religieuses telles que les mosquées ou encore les madrasas (écoles proposant

4 À ce propos, voir la lettre de l’émir Khaled du 3 juillet 1924 adressée à Edouard Herriot, demandant la séparation de l’État et de la religion en

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Page web

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Open Society Foundations, Restrictions on Muslim Women's Dress in the 28 EU Member States: Current law, recent legal developments, and the state of play, 25 avril 2018, disponible sur : https://www.justiceinitiative.org/uploads/47ccdb53-649b-4cce-aaba-8bc3628dad63/restrictions-on-muslim-women's-dress-fact-sheet-20180710.pdf.

Notes

1 Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, interdisant le recueil et le traitement de données faisant apparaître « les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses (…) ».

2 Haut Conseil à l’Intégration, « L'islam dans la république », novembre 2000, p. 27.

3 Les habbous sont les biens constituant le patrimoine des institutions religieuses telles que les mosquées ou encore les madrasas (écoles proposant notamment l’enseignement coranique).

4 À ce propos, voir la lettre de l’émir Khaled du 3 juillet 1924 adressée à Edouard Herriot, demandant la séparation de l’État et de la religion en Algérie.

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Référence électronique

Manuella Pinelli, « L’évolution de la gestion de l’islam par le droit français : entre adaptation et méfiance », Revue internationale des francophonies [En ligne], 9 | 2021, mis en ligne le 03 juin 2021, consulté le 16 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/rif/index.php?id=1259

Auteur

Manuella Pinelli

Manuella Pinelli est ingénieure d’études en sciences juridiques et en sociologie notamment par ses travaux menés au sein du laboratoire Population, environnement et développement (LPED) de l’Université Aix-Marseille (AMU-IRD). Ses recherches portent sur la place de l’islam en France, son organisation et sa gestion publique en France.

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