Nature – environnement – écocritique

En guise d’introduction

  • Natur – Umwelt – Ökokritik. Als Einleitung
  • Nature – Environment – Ecocriticism. By Way of Introduction

Texte

Le but poursuivi par les auteurs du présent numéro de Textures est double : célébrer le 70e anniversaire de Ralf Zschachlitz, professeur émérite au département d’études allemandes et scandinaves de l’université Lumière Lyon 2, et le remercier pour son engagement d’enseignant, de chercheur et de directeur du laboratoire LCE d’une part. Il s’agit d’autre part de démontrer, à travers les contributions réunies par ses collègues, quelles impulsions l’écocritique, son principal champ de recherches1 depuis une dizaine d’années, est susceptible d’offrir à la germanistique.

En effet, après des études aux universités de Göttingen, Paderborn et Aix-la-Chapelle, un doctorat obtenu auprès du regretté Bernd Witte2 et une habilitation à diriger des recherches3 dont le garant fut Jean-Marie Valentin, Ralf Zschachlitz s’est largement investi dans l’enseignement, la recherche et l’administration de la recherche4 au sein du département d’études allemandes et scandinaves de Lyon 2.

La liste des publications de Ralf Zschachlitz est immense et fragmentaire à la fois puisque l’auteur est trop modeste pour la tenir régulièrement à jour. Mais il est évident qu’elle s’articule, en dehors des travaux sur Paul Celan5, autour de deux axes : la préparation aux concours de recrutement dans les domaines de la littérature et de l’histoire des idées d’une part, et, d’autre part, à partir de cette dernière, l’interrogation sur l’actualité de la pensée critique de Walter Benjamin6 et, plus généralement, de l’école de Francfort. Et c’est là que réside le fil conducteur qui relie la pensée critique à l’écocritique, un fil conducteur que l’on trouve également dans les travaux de Ralf Zschachlitz : des ouvrages comme La Dialectique de la Raison7 et Éclipse de la Raison8 ne doivent-ils pas être lus comme des précurseurs de la pensée écocritique9 ? La réponse ne peut qu’être affirmative, surtout si l’on considère l’anthropocentrisme, l’objet majeur de l’écocritique, comme la matrice de la modernisation des sociétés occidentales10.

La généalogie de la séparation néfaste entre nature et culture doit donc remonter, comme l’ont démontré Adorno et Horkheimer, jusqu’à Ulysse. Mais le propos des auteurs du présent volume est évidemment autrement plus modeste et consiste à démontrer, entre autres, les changements intervenus dans la perception de la nature au cours de l’entrée progressive dans la modernité industrielle. Les études présentées ici ouvrent ainsi également des perspectives métacritiques : se pose en effet la question de savoir quel est le rapport entre l’écocritique universitaire et la conjoncture littéraire, telle qu’elle se manifeste chez des auteurs comme Draesner, Zeh et Zander ou à travers le renouveau d’un genre abandonné pendant bien des décennies comme la Dorfgeschichte ? N’y aurait-il pas là deux champs intellectuels qui se nourrissent mutuellement pour former en fait un microcosme plus fermé qu’il n’y paraît ? Une question à laquelle répondront peut-être les futurs travaux de Ralf Zschachlitz.

Bibliographie

DÜRBECK Gabriele et ZSCHACHLITZ Ralf, « Ökologie und Umweltwandel in der deutschsprachigen Gegenwartsliteratur, betreut und bearbeitet von Gabriele Dürbeck und Ralf Zschachlitz », dans ZHU Jianhua, SZURAWITZKY Michael et ZHAO Jin (dir.), Akten des XIII. Internationalen Germanistenkongresses Shanghai 2015. Germanistik zwischen Tradition und Innovation. Band 10, Berlin, Peter Lang, 2018, 323 p.

DÜRBECK Gabriele, KANZ Christine et ZSCHACHLITZ Ralf, Ökologischer Wandel in der deutschsprachigen Literatur des 20. und 21. Jahrhunderts. Neue Perspektiven und Ansätze, Berlin, Peter Lang, 2018.

HORKHEIMER Max et ADORNO Theodor W., La dialectique de la Raison : fragments philosophiques, trad. Éliane KAUFHOLZ-MESSMER, Paris, Gallimard, 1974 [1944].

HORKHEIMER Max, « Zur Kritik der instrumentellen Vernunft », dans SCHMIDT Alfred (éd.), Gesammelte Schriften. Band 6. „Zur Kritik der instrumentellen Vernunft“ und Notizen 1949-1969, Francfort-sur-le-Main, Fischer, 1991 [1947], p. 19‑186.

HORKHEIMER Max, Éclipse de la raison, suivi de Raison et conservation de soi, trad. Jacques DEBOUZY et Jacques LAIZÉ, Paris, Payot, 1974.

MEEKER Joseph W., The Comedy of Survival. Studies in Literary Ecology, New York, Scribner, 1974.

VUILLEROD Jean-Baptiste, Theodor W. Adorno. La domination de la nature, Paris, Éditions Amsterdam, 2021.

ZSCHACHLITZ Ralf, Vermittelte Unmittelbarkeit im Gegenwort. Paul Celans kritische Poetik, Francfort-sur-le-Main, Berne, New York, Paris, Peter Lang, 1990.

ZSCHACHLITZ Ralf, « Le langage de la domination et les mythes modernes. La critique du langage chez Paul Celan et l’école de Francfort », Cahiers d’études germaniques, no 30, 1996, p. 131‑144, DOI : https://doi.org/10.3406/cetge.1996.1365.

ZSCHACHLITZ Ralf, « Épiphanie » ou « Illumination profane » ? L’œuvre de Peter Handke et la théorie esthétique de Walter Benjamin, Berne, Berlin, Bruxelles, Francfort-sur-le-Main, New York, Oxford, Vienne, Peter Lang, 2000.

ZSCHACHLITZ Ralf (dir.), Paul Celan, « Die Niemandsrose ». Lectures et interprétations, Nancy, Centre de recherches germaniques et scandinaves de l’université de Nancy II, 2003.

ZSCHACHLITZ Ralf, « „Es kann die Spur von meinen Erdetagen nicht in Äonen untergehn“? Der Mythos von Philemon und Baucis im letzten Akt von Goethes Faust II als Topos der Ökokritik avant la lettre », Études germaniques, vol. 299, 2020, p. 533-560, DOI : https://doi.org/10.3917/eger.299.0533 [accès restreint].

ZSCHACHLITZ Ralf, « “Catastrophisme pronostique” – L’Ange de l’Histoire change de perspective, Revue d’Allemagne, vol. 52, no 1, Le catastrophisme environnemental, dir. Olivier HANSE et Marc LACHÉNY, 2020, p. 17‑31, DOI : https://doi.org/10.4000/allemagne.2191.

Notes

1 Gabriele Dürbeck et Ralf Zschachlitz, « Ökologie und Umweltwandel in der deutschsprachigen Gegenwartsliteratur, betreut und bearbeitet von Gabriele Dürbeck und Ralf Zschachlitz », dans Jianhua Zhu, Michael Szurawitzky et Jin Zhao (dir.), Akten des XIII. Internationalen Germanistenkongresses Shanghai 2015. Germanistik zwischen Tradition und Innovation. Band 10, Berlin, Peter Lang, 2018. Retour au texte

2 Ralf Zschachlitz, Vermittelte Unmittelbarkeit im Gegenwort. Paul Celans kritische Poetik, Francfort-sur-le-Main, Berne, New York, Paris, Peter Lang, 1990. Retour au texte

3 Ralf Zschachlitz, « Épiphanie » ou « Illumination profane » ? L’œuvre de Peter Handke et la théorie esthétique de Walter Benjamin, Berne, Berlin, Bruxelles, Francfort-sur-le-Main, New York, Oxford, Vienne, Peter Lang, 2000. Retour au texte

4 De 2007 à 2010, Ralf Zschachlitz dirigea, parallèlement à ses travaux de recherche prolifiques, le département d’études allemandes et scandinaves. De 2012 à 2018, il fut directeur du centre de recherche LCE et à partir de 2013, il poussa le sens du sacrifice jusqu’à siéger, en tant que membre élu, dans le conseil d’administration de l’ESPE de l’académie de Lyon. Retour au texte

5 Ralf Zschachlitz, Paul Celan, « Die Niemandsrose ». Lectures et interprétations, Nancy, Centre de recherches germaniques et scandinaves de l’université de Nancy II, 2003. Force est cependant de constater que même le travail sur Celan ne s’éloigne jamais de la pensée critique. Voir Ralf Zschachlitz « Le langage de la domination et les mythes modernes. La critique du langage chez Paul Celan et l’école de Francfort », Cahiers d’études germaniques, no 30, 1996, p. 131‑144. Retour au texte

6 Ralf Zschachlitz « “Catastrophisme pronostique” – L’Ange de l’Histoire change de perspective, Revue d’Allemagne, vol. 52, no 1, Le catastrophisme environnemental, dir. Olivier Hanse et Marc Lachény, 2020, p. 17‑31. Retour au texte

7 Max Horkheimer et Theodor W. Adorno La dialectique de la Raison : fragments philosophiques, trad. Éliane Kaufholz-Messmer, Paris, Gallimard, 1974 [1944]. Retour au texte

8 Max Horkheimer « Zur Kritik der instrumentellen Vernunft », dans Schmidt Alfred (éd.), Gesammelte Schriften. Band 6. „Zur Kritik der instrumentellen Vernunft“ und Notizen 1949-1969, Francfort-sur-le-Main, Fischer, 1991 [1947], p. 19‑186 ; traduction française : Éclipse de la raison, suivi de Raison et conservation de soi, trad. Jacques Debouzy et Jacques Laizé, Paris, Payot, 1974. Retour au texte

9 Sur un plan littéraire, on peut évidemment remonter plus loin encore et songer au second Faust comme l’a démontré Ralf Zschachlitz, « „Es kann die Spur von meinen Erdetagen nicht in Äonen untergehn“? Der Mythos von Philemon und Baucis im letzten Akt von Goethes Faust II als Topos der Ökokritik avant la lettre », Études germaniques, vol. 299, 2020, p. 533-560. Retour au texte

10 Joseph W. Meeker, The Comedy of Survival. Studies in Literary Ecology, New York, Scribner, 1974. Pour la pensée de Theodor W. Adorno dans ce contexte, voir Jean-Baptiste Vuillerod, Theodor W. Adorno. La domination de la nature, Paris, Éditions Amsterdam, 2021. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Emmanuelle Aurenche-Beau et Wolfgang Fink, « Nature – environnement – écocritique », Textures [En ligne], 29 | 2025, mis en ligne le 02 décembre 2025, consulté le 08 décembre 2025. URL : https://publications-prairial.fr/textures/index.php?id=1094

Auteurs

Emmanuelle Aurenche-Beau

Université Lumière Lyon 2, LCE (Lettres et civilisations étrangères), F-69007 Lyon, France

Articles du même auteur

Wolfgang Fink

Université Lumière Lyon 2, LCE (Lettres et civilisations étrangères), F-69007 Lyon, France

Articles du même auteur

Droits d'auteur

CC BY 4.0