Hommes et femmes dans les prisons de la RDA

Récits d’enfermement de Birgit Schlicke et Bernd Pieper

DOI : 10.35562/textures.181

p. 65-77

Résumé

Ma contribution s’intéresse aux récits d’enfermement publiés par des citoyen.ne.s de l’ex-RDA condamné.e.s à des peines de prison pour raisons politiques. Elle est centrée sur l’observation d’éventuelles différences entre ceux rédigés par des hommes et ceux rédigés par des femmes et se fonde principalement sur deux textes, celui de Birgit Schlicke et celui de Bernd Pieper qui, s’ils présentent certains points communs (structuration globale selon le schéma arrestation-enfermement – libération ; thèmes abordés – espaces et temps de l’enfermement, relations avec les autres détenu.e.s, avec les interrogateur.trice.s, avec les gardien.ne.s…), n’en permettent pas moins de mettre en évidence des différences dans la manière de rendre compte de l’expérience de l’enfermement (expression des sentiments, place accordée au corps, style plus personnel et plus concret/style plus factuel et plus abstrait).

Texte

Même si la notion de prisonnier politique n’existait pas officiellement en RDA, un certain nombre de citoyens d’ex-RDA ont bel et bien été incarcérés pour des raisons relevant clairement de facteurs idéologiques : « propagande antisoviétique », appartenance à une « organisation illégale », « espionnage », « dénigrement de l’État », lecture publique de textes considérés comme subversifs, transmission d’informations (à l’Ouest), dépôt d’une demande de sortie définitive du territoire, tentative de fuite, voire simple projet de fuite dans le cas de personnes considérées comme détentrices d’informations confidentielles. Parmi les personnes arrêtées et condamnées à des peines de prison pouvant aller jusqu’à vingt-cinq ans dans les premières années de la RDA1, certaines2 ont rédigé, après coup, des récits de leur enfermement3. Que les récits aient été rédigés dès la sortie de prison ou de nombreuses années plus tard, il s’écoule souvent un laps de temps très important (parfois plusieurs décennies) entre l’incarcération et le moment de la publication qui se situe souvent après le Tournant de 1989, à une période où l’attention d’une partie de l’opinion publique se tourne vers les victimes du régime est-allemand et où il existe une demande d’informations concrètes quant aux crimes perpétrés au nom de ce régime. Du côté des victimes, l’ouverture des archives de la Stasi après 1989 permet la reconstitution précise du contexte de leur arrestation et du déroulement de leur procès (ainsi que l’accès à l’acte d’accusation) et rend en outre possible l’insertion de documents à l’appui de leur témoignage4. Sur ce point du décalage entre le temps de l’emprisonnement et le temps de la publication, il ne semble pas exister de différence significative entre hommes et femmes.

Il ne semble pas non plus en exister en ce qui concerne la construction des récits5. Tous optent pour un déroulement linéaire selon le schéma arrestation-enfermement-libération (qui n’interdit cependant pas les retours en arrière ou la présence en introduction d’un résumé des moments-clé de leur vie avant leur arrestation). Si une ligne de partage semble se dessiner entre ceux qui incluent des documents à l’appui de leur récit et ceux qui n’en incluent pas, elle ne passe pas très nettement par la différence de genre des auteurs. On ne trouve, dans notre corpus, que des femmes du côté des formes d’écriture sans documents, mais on trouve aussi bien des hommes que des femmes du côté de l’écriture documentaire. Il faudrait cependant peut-être entrer davantage dans le détail de la nature des documents et distinguer entre les documents officiels, administratifs et les documents plus intimes, comme les lettres envoyées aux proches et/ou reçues d’eux. Si l’on tient compte de cette distinction supplémentaire, on n’observe pas de différence notoire entre hommes et femmes : aussi bien Birgit Schlicke que Ralf Krolkiewicz insèrent des lettres personnelles à l’intérieur du texte6 tandis que Elisabeth Graul, Bernd Piper et les Jürgensen n’en incluent pas. Dans la pratique, les choses sont très complexes et la frontière entre une écriture « documentaire » et une écriture plus « libre » n’est pas toujours facile à tracer7.

Ne pouvant ici étudier plus avant l’ensemble de ces textes, nous avons décidé d’en choisir deux qui nous semblent à même de mettre en lumière quelques similitudes et différences pouvant exister entre un récit d’enfermement rédigé par un homme et un récit d’enfermement rédigé par une femme sans que cela ne permette a priori de généraliser !

Le premier est celui de Bernd Pieper, Roter Terror in Cottbus. 17 Monate in den Gefängnissen der DDR8 (Terreur rouge à Cottbus. 17 mois dans les prisons de la RDA). L’auteur, né en 1953 dans la partie Ouest de l’Allemagne, est arrivé en RDA à l’âge de 5 ans, suite à la séparation de ses parents. Étudiant à la faculté de pédagogie de Potsdam, il est arrêté en janvier 1975 pour « dénigrement de l’État », accusé de regarder et d’écouter les médias ouest-allemands, puis de rédiger et de diffuser auprès de ses condisciples des notes prises à la suite du visionnage ou de l’écoute d’émissions consacrées à des sujets subversifs comme L’Archipel du goulag de Soljénitsyne. Après cinq mois de détention préventive à Potsdam (auxquels est consacrée la première partie de son témoignage), il passe près d’un an à la prison de Cottbus (deuxième partie du livre). En juin 1976, il est expulsé vers la RFA après quelques semaines au centre de détention de Karl-Marx-Stadt/Chemnitz, le temps que s’effectue son « rachat » (sa libération contre rémunération par la RFA), troisième partie. Comme il l’explique dans la préface, il a rédigé un récit de cette expérience dès sa sortie de prison ce qui lui a permis d’avoir ensuite l’esprit disponible pour pouvoir commencer une nouvelle vie en RFA9. Puis il l’a mis de côté, même si des amis l’encourageaient à le publier. S’il ne s’étend pas sur les raisons de sa non-publication à l’époque, il indique que c’est notamment grâce au soutien d’un autre prisonnier politique de la RDA, Xing-Hu Kuo10 qu’il le publie en 1997, vingt ans plus tard, dans un tout autre contexte, mais dans son état premier afin d’en conserver l’authenticité.

Son récit suit, comme on l’a vu, un déroulement chronologique. Les trois parties consacrées à ses trois de lieux de détention successifs sont juste précédées d’une introduction qui se concentre sur quelques dates-clé de sa vie avant son arrestation : son départ de Bielefeld en 1958, la naissance de sa conscience politique en 1968, au moment de l’invasion de la Tchécoslovaquie par les chars soviétiques (il a alors quinze ans), son coup de foudre pour une jeune Soviétique en 1973 et leur décision de se marier en mars 1975.

Le texte de Birgit Schlicke, Knast-Tagebuch. Erinnerungen einer politischen Gefangenen an Stasi-Haft und das Frauenzuchthaus Hoheneck11 (Journal de tôle. Souvenirs d’une prisonnière politique à propos de sa détention par la Stasi et de la prison pour femmes de Hoheneck) se présente, comme l’indique son titre et comme on l’a déjà évoqué, sous la forme d’un journal pleinement assumé comme artefact12. Ce choix est justifié par son auteure au moyen de deux arguments. La forme diaristique lui a semblé la mieux à même de restituer « au plus près » « les expériences, pensées et ressentis personnels (tout à fait subjectifs)13 » qui ont été les siens ; elle lui permettait en outre de coucher sur le papier le journal qu’elle ne pouvait tenir que « dans sa tête » pendant sa détention. La rédaction du texte a un but thérapeutique clairement assumé14, mais elle a aussi une fonction sociale et pédagogique, répondant non seulement au « désir », mais aussi au « devoir » de partager avec d’autres ce qu’elle a vécu, notamment avec les plus jeunes, de témoigner d’un moment de l’histoire de l’Allemagne en dénonçant le caractère totalitaire du régime de la RDA, de lutter par là-même contre toute forme de refoulement, d’oubli et de falsification de la vérité15.

Comme Bernd Pieper (qui avait 21 ans), Birgit Schlicke est une toute jeune femme quand elle est arrêtée. Âgée de 19 ans, elle est accusée d’activités hostiles à l’État pour avoir, avec son père, écrit et dactylographié sur sa machine à écrire des lettres, transmises ensuite par l’intermédiaire d’un ami prêtre, à une organisation de défense des droits de l’homme ouest-allemande (BS, p. 11). Ses parents avaient, en effet, déposé quelques années plus tôt, en octobre 1985, une demande de sortie du territoire de la RDA (BS, p. 9) qui avait entraîné toutes sortes de pressions et de discriminations sur l’ensemble des membres de la famille – entre autres en juin 1986 son renvoi du lycée où elle préparait le baccalauréat (BS, p. 11). Arrêtée peu après son père, début mars 1988, elle passe six mois en détention préventive à Karl-Marx-Stadt. Après un procès qui se tient à huis-clos, elle est condamnée à deux ans et six mois de prison et envoyée à Hoheneck, une prison pour femmes située en Saxe, dans les Monts métallifères, où elle reste jusqu’à la mi-novembre 1989 (BS, p. 225). « Libérée en RDA » le 23 novembre (et non rachetée par l’Ouest puisqu’entre temps le Mur est tombé !), elle la quittera définitivement avec sa famille début décembre 1989 après la libération de son père.

Son récit quasiment au jour le jour s’appuie à la fois sur des documents (lettres, acte d’accusation) et, comme on l’a vu, sur le « journal qu’elle tenait dans sa tête16 » – certaines des formulations de ses interrogateurs notamment lui sont, dit-elle, restées telles quelles, mot pour mot, en mémoire17.

La comparaison entre les deux récits relatant, comme on l’a déjà souligné, l’expérience de deux jeunes gens sensiblement du même âge au moment de leur arrestation et tous deux dans une attitude de critique voire d’opposition vis-à-vis de la RDA, permet de faire apparaître un certain nombre de similitudes, mais aussi certaines différences. Si tous deux décrivent avec une grande précision le monde nouveau qu’ils découvrent et en abordent les mêmes aspects (lieux, rituels, vocabulaire spécifique, emploi du temps, relations avec les codétenus, avec le personnel…), il nous semble qu’ils ne le font pas exactement de la même façon. Le choix de genres littéraires différents, récit organisé de manière thématique à l’intérieur du découpage chronologique déjà évoqué d’un côté, journal qui décrit le quotidien et la succession des jours d’une manière plus analytique de l’autre18 ne font, par exemple, pas sentir de la même manière au lecteur le temps qui passe (trop lentement)19. Afin de ne pas en rester à des généralités et de mettre en lumière de manière plus précise ces différences et ces similitudes, nous nous proposons de procéder à l’étude de quelques micro-récits et de comparer brièvement la manière dont chacun des auteurs décrit certains moments qui nous ont semblé être des moments-clé. À partir de là et à la suite des observations effectuées, nous tenterons de vérifier si les tendances constatées peuvent être confirmées par l’étude de l’ensemble de chacun des textes. Nous nous demanderons enfin, pour conclure, si les différences observées peuvent être imputées à la différence de genre entre les deux auteurs.

Les moments choisis pour la comparaison de moments-clé sont au nombre de trois : le choc de la première cellule, le rituel du changement de vêtements et de la confiscation des objets personnels et l’annonce de la libération.

En ce qui concerne la première cellule, ce qui frappe chez l’un comme chez l’autre, c’est la grande précision et le grand souci d’objectivité avec laquelle ils la décrivent. Son mobilier tout d’abord : tous deux commencent par les lits ou plutôt les grabats en bois (Birgit Schlicke décrit aussi les vieux matelas tachés et tellement minces qu’on se réveille avec des maux de dos et des bleus), évoquent ensuite l’un une table et une petite armoire murale, l’autre diverses petites étagères et une petite table, ainsi que le WC et le lavabo. Tous deux consacrent plusieurs phrases à la fenêtre en partie murée qui ne permet pas de voir à l’extérieur et qui ne laisse passer qu’un mince filet d’air. Tous deux décrivent aussi la trappe située dans la porte qui permet de faire passer les repas. Tous deux surtout insistent sur la présence d’un judas qui permet le contrôle régulier des détenus. Les adjectifs utilisés par l’un et par l’autre soulignent l’exiguïté des lieux20 et le caractère rudimentaire du mobilier21. Les différences pourraient se situer davantage dans la manière de donner à saisir un vécu. Du côté de Bernd Pieper, le récit est encadré, introduit et conclu par une « pensée » qui pourrait témoigner d’une volonté de garder le contrôle de la situation en s’affirmant comme sujet pour ne pas se laisser transformer en objet impuissant : « Il faut que je sorte d’ici22 ! ». Du côté de Birgit Schlicke, l’accent semble mis au contraire sur le sentiment de colère et de révolte provoqué par le constat qu’elle est, contre son gré et à son corps défendant, transformée en objet de jouissance pour les gardiens. Alors que Bernd Pieper se contente de noter son agacement à propos du bruit du judas23, Birgit Schlicke insiste sur le fait qu’elle ne parvient pas à s’habituer à être observée toutes les cinq minutes par le judas : « quoiqu’on fasse, que l’on se lave, que l’on aille aux toilettes, que l’on dorme etc., il y a en permanence un oeil masculin24 ! ». Elle évoque en outre, ce que ne fait pas Bernd Pieper, le projecteur halogène qui sert aux contrôles nocturnes et la poubelle dont le contenu est soigneusement contrôlé et de commenter : « Quelle stupidité25 ! ».

La deuxième scène choisie, celle de la confiscation des objets personnels, du changement de vêtements et de la fouille corporelle est décrite de manière assez différente par les deux auteurs. Lors du déshabillage, Bernd Pieper centre la description sur le gardien qui inspecte ses affaires, sur le plaisir qu’il semble éprouver à trouver les 160 marks de l’ouest qu’il avait tenté de dissimuler, sur son ignorance du fonctionnement de son coupe-ongles américain et sur son étonnement à la découverte de son slip de couleur qu’il veut à tout prix enregistrer sous le nom de « maillot de bain » ou de son classeur de « communisme scientifique » qui lui inspire le commentaire : « Se retrouver ici quand on étudie une telle matière26 ». Tout se passe comme s’il voulait, là aussi, garder le contrôle de la situation en inversant les rôles : l’objet se fait sujet, l’observé se transforme en observateur et l’observateur ignorant des modes de vie occidentaux et naïf quant à la réalité des convictions politiques de ses concitoyens est ridiculisé et n’est plus appelé que par son surnom, « Mongoli ». La fouille corporelle ne semble évoquée que très indirectement : « Mongoli m’examina à fond, constata que je n’introduisais aucun objet interdit et que je n’avais ni tatouage ni signe particulier27 » là où Birgit Schlicke entre dans les détails les plus crus en rapportant le dialogue entre la gardienne et elle. Cette dernière lui demande en effet d’écarter les jambes et de faire cinq flexions sans tenir compte de son objection : « Mais j’ai mes règles28… ». Elle « inspecte ensuite à fond tous [s]es orifices corporels29 » et lui demande de pencher la tête et de se passer les mains dans les cheveux. Alors que Bernd Pieper ne livre aucun des sentiments qui l’habitent, Birgit Schlicke fait entendre sa « voix intérieure », reconnaissable à l’utilisation d’italiques dans le texte, et laisse percer sa colère face à cette épreuve dégradante qui fait d’elle un objet : « Humiliation ! Ils veulent me faire craquer. Ils veulent me dire : tu es toute petite, tu n’es rien. Et : c’est nous qui commandons, toi tu n’es là que pour obéir30… ». Lors de la douche qui suit cette scène, douche au cours de laquelle elle est également observée par la gardienne, elle va même jusqu’à montrer l’état de choc et de sidération physique et psychique qui est le sien : le style qui se fait nominal, la parole suspendue qui se raréfie au point de se réduire en allemand à une syllabe en sont la traduction dans le texte : « J’étais comme paralysée… Sans voix. Choquée (au sens d’en état de choc)31 ».

Les deux auteurs détaillent en outre les vêtements et objets qui leur sont donnés. Bernd Pieper fait juste, pour chacun des vêtements, un commentaire sur sa taille. Lors de l’arrivée à la deuxième prison où tout ce rituel se répète, il se contente de noter que l’uniforme de détenu est le même que dans la première, ajoutant juste avec humour qu’il en profitera longtemps avant qu’il soit lavé32. Si Birgit Schlicke en reste à une simple liste lors du changement de vêtements à l’arrivée dans la première prison, elle insiste, lors de son arrivée à Hoheneck, sur leur caractère informe et sur leur taille inadaptée qui achèvent de faire perdre aux détenues leur identité et leur féminité : les sous-vêtements ont trois tailles de trop, les soutiens-gorge sont des soutiens-gorge d’allaitement ( !), les chaussettes sont des chaussettes d’enfant qui vont jusqu’aux genoux33, la chemise de nuit la fait penser à une « chemise mortuaire » (BS, p. 106)… Elle évoque ailleurs à l’inverse la renaissance associée au fait de pouvoir remettre ses vêtements civils lors des entretiens avec son avocat, lors du procès ou encore lors des visites de sa famille : « Dans ces vêtements personnels, je me sentis pour la première fois à nouveau comme un être humain. […] Ma conscience de moi-même s’accrut aussitôt34. »

La troisième scène que nous avons choisi d’analyser, celle de l’annonce de la libération, fait également apparaître des différences assez notables. Lorsqu’on vient le chercher dans sa cellule, Bernd Pieper est incapable de nommer les sentiments qu’il éprouve, il a recours à des images d’explosion et d’envol35 ; lorsqu’il se retrouve dans le car qui le conduit à Chemnitz, la dernière étape avant le départ pour la RFA, il s’en remet à la description du temps qu’il fait et de l’atmosphère générale pour faire sentir sa joie36. Il en va de même au moment du passage de la frontière de la RFA : il décrit de manière impersonnelle et collective la manière dont se comportent les uns et les autres sans énoncer en son nom propre le bonheur qui est le sien, sauf peut-être dans les tout derniers mots suivis d’un triple point d’exclamation : « Un cri de joie inimaginable retentit. Mathias et moi nous prîmes dans les bras et nous félicitâmes. Tout le monde étreignait tout le monde, joie infinie37 !!! ». Birgit Schlicke, au contraire, donne aussitôt libre cours à ses sentiments et s’exprime d’une manière beaucoup plus directe et plus spontanée que l’on pourrait même qualifier d’un peu adolescente (avec les multiples points d’exclamation). Lorsqu’on lui annonce sa libération prochaine, son premier mot est : « ENFIN !!!! » suivi d’une prière de remerciement à Dieu et d’une expression de joie à l’idée de revoir bientôt sa famille : « Je suis folle de joie à l’idée de revoir bientôt mes parents et mes frère et sœur38 !!!! ». Même si elle se dit incapable d’exprimer sa joie39, on constate néanmoins qu’elle s’exprime à la première personne et qu’elle souligne que cette joie est complexe et qu’elle se mêle à la « peur de la liberté et des gens40 ».

Les trois extraits étudiés font donc apparaître des différences assez nettes, notamment en ce qui concerne l’expression des sentiments et la place accordée au corps. Ces différences sont-elles propres à ces trois scènes particulièrement exposées ou caractérisent-elles, de manière plus générale, l’ensemble de chacun des deux récits ? À la lecture des deux livres, on constate clairement que l’attention à tout ce qui touche au corps et aux effets concrets de la détention sur la santé des détenues, tout d’abord, sont une constante dans le livre de Birgit Schlicke alors qu’ils sont beaucoup moins présents dans le récit de Bernd Pieper. Les questions de la nourriture et du sommeil en sont des exemples. Si Bernd Pieper est surtout sensible à la quantité de nourriture reçue (BP, p. 33) et évoque à plusieurs reprises la faim, Birgit Schlicke souligne plutôt le caractère déséquilibré des repas, le manque de protéines, de vitamines et les carences qui s’ensuivent, provoquant amaigrissement (BS, p. 49, 73), aménorrhée (BS, p. 49), chute des cheveux (BS p. 49) jusqu’à conduire à un état d’épuisement général41. Le manque de sommeil chronique – pendant la détention préventive, les interrogatoires ont lieu la nuit et il est rigoureusement interdit de s’allonger sur son lit pendant la journée ; à Hoheneck, les détenues travaillent en trois huit et changent d’horaire chaque semaine… – est un autre point régulièrement mentionné par Birgit Schlicke. Alors que Bernd Pieper ne fait état que de quelques minimes problèmes de santé comme des éruptions cutanées (BP, p. 122) ou un refroidissement (BP, p. 132), Birgit Schlicke évoque différents maux sans doute d’origine psychosomatique liés au stress de la vie en détention : sensation d’étouffement (BS, p. 80), violentes douleurs au coeur (BS, p. 197, 227) notamment. Mais tous deux sont sensibles aux questions d’hygiène : les chambres enfumées, la rareté des douches (une fois par semaine pendant la détention préventive (BS, p. 50) ; une fois par mois à Hoheneck (BS, p. 135)).

On constate en outre que si Bernd Pieper n’évoque que très allusivement la question de la sexualité en prison, mentionnant juste un comportement exhibitionniste (BP, p. 147) et un cas isolé d’homosexualité (BP, p. 169), Birgit Schlicke l’aborde à plusieurs reprises. Elle avoue sa peur des « lesbiennes » et son dégoût devant leurs tentatives de séduction42 (regards ou sifflements éloquents (BS, p. 124)) et devant les ébats de certaines de ses codétenues qui ne tiennent aucun compte de la présence de leurs compagnes de cellule (BS, p. 14043). Un autre sujet très peu présent chez Bernd Pieper est la violence entre détenus. S’il évoque sans s’y attarder un exemple de prisonnier devenu le souffre-douleur des autres (BP, p. 147), Birgit Schlicke analyse plus en détail les phénomènes de violence verbale, de menaces, d’intimidations, les brimades, les relations de pouvoir qui s’exercent entre détenues44 – elle décrit par exemple la savante hiérarchie qui règle l’ordre de passage dans la salle d’eau (BS, p. 127) et évoque également des formes de violence physique dont elle avoue être surprise de la part de femmes (BS, p. 120, 184).

Birgit Schlicke évoque cependant aussi, à l’inverse, de manière très touchante l’amitié et même la tendresse qui peuvent exister entre détenues, comme dans sa relation avec Margret, une détenue plus âgée avec qui elle partage tout, qui s’occupe d’elle comme une mère (elle la défend contre les autres (BS, p. 150), la réveille le matin en lui caressant les cheveux (BS, p. 196-197). Son départ avant le sien est une perte dont elle a du mal à se remettre (BS, p. 192, 194, 195, 197). Si Bernd Pieper évoque bien sûr lui aussi ses relations avec ses codétenus (il leur consacre même un chapitre entier de la première partie (BP, p. 59-8245), il le fait de manière beaucoup plus factuelle en se centrant, là encore, moins sur ses propres ressentis que sur le récit des raisons qui ont conduit tel ou tel à être incarcéré.

L’expression des sentiments est, comme on l’a déjà évoqué, l’autre grand aspect sur lesquels les deux récits diffèrent assez nettement. Si elle semble remarquablement directe et spontanée dans le récit de Birgit Schlicke, elle n’est pas absente chez Bernd Pieper, mais elle est le plus souvent indirecte. Pour donner une idée du sentiment de découragement qui s’abat sur lui lors de son arrivée à Cottbus, il utilise ainsi la description des bâtiments et note leur caractère « déprimant46 ». Comme on l’a vu en ce qui concerne le moment de l’annonce de sa libération, ce qu’il éprouve se fond dans l’évocation du sentiment général qui règne parmi les détenus. C’est le cas notamment dans toute la deuxième partie où le moral des détenus fluctue en fonction du rythme des « transports » (vers la RFA)47.

Dans le journal de Birgit Schlicke, au contraire, on suit de manière très palpable (« hautnah ») les états psychiques de la diariste, aussi bien durant la détention préventive qu’à Hoheneck. Durant la détention préventive, elle décrit de manière très concrète son épuisement après les interrogatoires48, la peur qu’elle éprouve face à l’un de ses interrogateurs particulièrement sadique qui, avec toute la perversité et le sadisme qui sont les siens (elle le compare à Mephisto49) lui présente la prison où elle aura à purger sa peine sous un jour plus qu’effrayant en lui montrant un livre sur les prisons de RDA publié à l’Ouest50. Elle ne passe pas sous silence ses moments de découragement51, évoque des phases de dépression52 et revendique même explicitement le droit de pleurer et d’exprimer sa faiblesse53. À Hoheneck, elle décrit de manière saisissante l’épuisante alternance d’espoir et de déception chaque fois qu’un « transport » a lieu54.

Si les deux témoignages présentent donc un certain nombre de points communs en ce qui concerne leur structuration globale (les parties correspondent aux différents lieux de détention) et la plupart des thèmes abordés, les différences concernent davantage la manière de rendre compte de la réalité du quotidien de l’enfermement. Alors que Birgit Schlicke décrit de manière très personnelle et très concrète les conséquences à la fois physiques et psychiques de l’incarcération, Bernd Pieper reste plus factuel et plus abstrait, plus à distance, sans que l’on puisse déterminer si la différence vient de la manière de percevoir et d’éprouver les choses (les hommes seraient psychiquement plus résistants au stress de l’incarcération ? comme le suggère Bernd Pieper, à moins que les conditions de détention ne soient encore plus dures à Hoheneck qu’à Cottbus55 ?) ou de la manière de les décrire, de les mettre en mots lorsque l’on rédige un témoignage destiné à être lu et qu’on préfère peut-être passer sous silence certaines expériences humiliantes (un homme montrerait moins sa faiblesse ?), alors que l’évocation de ces expériences peut aussi, comme le souligne Birgit Schlicke, être un moyen d’informer le public sur la réalité du régime de la RDA. Difficile de dire aussi si ces deux témoignages sont représentatifs d’une manière masculine/féminine de décrire l’expérience carcérale. Si d’autres témoignages de femmes (Elisabeth Graul, Gabriele Stötze) semblent assez proches de celui de Birgit Schlicke, celui de Ralf Krolkiewicz se caractérise également par une grande attention aux émotions et aux sentiments, alors que celui de Barbara Groβe est plus factuel. La différence de traitement de l’expérience de l’enfermement pourrait en outre tenir à d’autres facteurs : différence de génération (Birgit Schlicke est née en 1973 alors que Bernd Pieper est né en 1953), différence d’éducation et de socialisation, différence de genre littéraire choisi.

Bibliographie

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Jürgensen Uwe Jens, Jürgensen Elke Margarita, Ebers Volker, Im Netz der Stasi, Persimplex Verlag, 2012.

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Kuo Xing-Hu, Ein Chinese in Bautzen II. 2675 Nächte im Würgegriff der Stasi, Böblingen, Tykve, 1990.

Müthel Eva, Für dich blüht kein Baum, Frankfurt am Main, Fischer Verlag, 1957.

Pieper Bernd, Roter Terror in Cottbus. 17 Monate in den Gefängnissen der DDR, Berlin, Anita Tykve Verlag, 1997.

Schlicke Birgit, Knast-Tagebuch. Erinnerungen einer politischen Gefangenen an Stasi-Haft und das Frauenzuchthaus Hoheneck, Wiesbaden, Books on demand, 2001.

Stötzer Gabriele, Die bröckelnde Festung, München, Kirchheim Verlag, 2002.

Notes

1 Eva Müthel et Edeltraut Eckert jugées respectivement en 1948 et en 1950 ont été condamnées à 25 ans de prison, Elisabeth Graul, condamnée en 1952, à une peine de 15 ans. Retour au texte

2 Andreas Eberhardt évalue leur nombre à plus de 200, dont un tiers ont été publiées après le Tournant de 1989, dans Verschwiegene Jahre. Biographische Erzählungen von Gefangenschaft und dem Leben danach, Berlin, Berlin Verlag, 1998. Retour au texte

3 En dehors des lettres à la famille (autorisées selon une périodicité bien établie et censurées), il n’était pas possible d’écrire dans les prisons de la RDA. Le cas de Edeltraut Eckert qui a obtenu l’autorisation de pouvoir écrire en prison semble tout à fait exceptionnel. Un recueil de ses poèmes et de ses lettres à sa famille a été publié en 2005 par Ines Geipel sous le titre Jahr ohne Frühling dans la collection « Verschwiegene Bibliothek », Frankfurt am Main, Büchergilde Gutenberg, 2005. Retour au texte

4 Dans certains cas, comme on le verra avec Bernd Pieper, les victimes ont écrit un premier texte dès leur sortie de prison, mais l’ont mis de côté. C’est souvent à la demande de proches (voir aussi Barbara Große) qu’elles se sont décidées, plus tard, à le publier. Dans certains cas, les associations de victimes ont pu jouer aussi un rôle dans la libération de la parole. Retour au texte

5 Nous nous limitons ici aux textes en prose. Andreas Eberhardt signale néanmoins l’existence d’un certain nombre de textes poétiques comme ceux de Alexandra Dust-Wiese …und schreie in den Wind… Gedichte aus Hoheneck, Böblingen, 1987 et Wilhelm Koch 3 Stasi-Poeme. Als Arzt inhaftiert in sieben Zuchthäusern, Hamburg, 1992 ou ceux réunis par Kurt Pförtner et Wolfgang Natonek Ihr steht aber im Licht. Eine Anthologie von Häftlingsgedichten, Tübingen, 1962. Retour au texte

6 La place accordée aux lettres personnelles n’est pas non plus la même chez tous les auteurs. Chez Ralf Krolkiewicz, c’est la relecture de sa correspondance avec sa fiancée qui semble à l’origine de l’écriture du livre tandis que chez Barbara Große on ne trouve que quelques lettres personnelles citées en complément du texte, comme documents parmi d’autres. Retour au texte

7 On trouve un texte qualifié de « roman », faisant intervenir des personnages fictifs, qui s’appuie cependant sur une expérience autobiographique bien réelle (Eva Müthel), un texte écrit à la troisième personne sans indication générique, mais également fondé sur une expérience vécue (Gabriele Stötzer), un texte qualifié de « roman autobiographique » (Elisabeth Graul), un texte rédigé sous forme de journal intime dont le caractère fabriqué est clairement expliqué dans la préface (Birgit Schlicke), un « récit » à la première personne, encadré par une introduction et par un épilogue rédigés à la troisième personne, faisant intervenir un personnage fictif, incluant des « lettres authentiques » et des poèmes de l’auteur, un témoignage sans documents qualifié d’« histoire vraie » (Petra Koch), un témoignage avec documents dans lequel les noms des témoins et des victimes ont été modifiés, mais qui relate des « événements authentiques » (Bernd Pieper), une autobiographie rédigée avec l’aide d’une biographe professionnelle, comme le précise la préface, incluant de nombreuses photos et de nombreux documents (Barbara Große), un témoignage à trois voix incluant des documents (Uwe Jens Petersen, Elke Margarita Jürgensen, Volker Ebers). Retour au texte

8 Berlin, Anita Tykve Verlag, 1997. Nous le citerons désormais en utilisant les initiales de son auteur BP suivies du numéro de la page. Son titre Roter Terror est à la fois une allusion à un écrit de Lénine et au surnom d’un surveillant, parfait représentant du régime qu’il servait (BP, p. 7). Retour au texte

9 « Als das Manuskript fertig war, stellte ich es in den Schrank und hatte gleichzeitig damit den Kopf frei für mein Studium und das Zurechtfinden in einer ganz neuen Umgebung. » (BP, p. 7). Retour au texte

10 Il a lui aussi publié un témoignage sur sa détention : Ein Chinese in Bautzen II. 2675 Nächte im Würgegriff der Stasi, Böblingen, Tykve, 1990. Retour au texte

11 Wiesbaden, Books on demand, 2001. Nous le citerons désormais en utilisant les initiales de son auteure BS suivies du numéro de la page. Retour au texte

12 « Hinsichtlich der Erzählform ist mein Bericht zum Teil ein künstliches Produkt, denn obwohl in Tagebuchform verfasst war es uns Häftlingen natürlich nicht gestattet [sic], über die Ereignisse Buch zu führen. » (BS, p. 5). Retour au texte

13 « Ich habe sehr bewußt die Tagebuchform gewählt, da sie in meinen Augen die beste Möglichkeit bietet, meine persönlichen (durchaus subjektiven) Erfahrungen, Gedanken und Empfindungen so realistisch und hautnah wie möglich zum Ausdruck zu bringen. » (BS, p. 5-6). Retour au texte

14 « Warum nun dieses Buch ? Meine Intention ist zunächst rein privater Natur. Mit dem Ausschreiben meiner Erlebnisse war es mir möglich, diese äußerst schwierige Zeit in einer Art Selbsttherapie zu verarbeiten. » (BS, p. 5). Retour au texte

15 « Gleichzeitig war mir von Anfang an klar, daß ich diese Erlebnisse mit anderen teilen wollte und mußte. […] geht es darum ein Stück Zeitgeschichte zu rekapitulieren und es vor allem jungen Leuten zugänglich zu machen. […] Dieses Buch soll deshalb auch mehr sein als ein rein zeitgeschlichtlicher Bericht. Neben der persönlichen Aufarbeitung meiner Hafterlebnisse ist es zugleich Anklage gegen das totalitäre SED-Regime und seinen gefürchteten Geheimdienst, die Staatssicherheit. » (BS, p. 5-6). Retour au texte

16 « So stützen sich meine Erinnerungen vorrangig auf das “Tagebuch in meinem Kopf” und einige Schrifstücke, die mir seit der sogenannten “Wende” zur Verfügung stehen. » (BS, p. 6). Retour au texte

17 « Viele Formulierungen der Stasi-Vernehmer sind mir wortwörtlich in Erinnerung geblieben, andere habe ich sinngemäß und nach bestem Wissen wiedergegeben. » Elle précise à ce propos que les noms sont authentiques, seuls ceux des interrogateurs de la Stasi, qu’elle ne connaît pas, sont absents (BS, p. 6). Retour au texte

18 La différence tend cependant parfois à s’estomper, car le récit de Bernd Pieper se fait parfois chronique alors que le journal de Birgit Schlicke a parfois des entrées thématiques. Retour au texte

19 Voir BS p. 50, 53, 67, 76, 155. Retour au texte

20 Bernd Piper suggère que tout y est petit, voire minuscule : « ein kleiner Tisch », « ein winziger Wandschrank » (BP, p. 32). Birgit Schlicke note « Es ist schrecklich eng » et indique même les dimensions de la cellule prévue pour trois personnes : « environ 3 x 3 m, avec une hauteur sousplafond de 3, 50 m » (BS, p. 38). Elle précise même : « Weil alles so eng ist, müssen wir auf unseren Pritschen sitzend unser Essen einnehmen. » (BS, p. 39). Retour au texte

21 « Die Einrichtung war primitiv : zwei Pritschen, einfach aus Brettern zusammengenagelt […] », BP, p. 32. « Daß dies kein Sanatorium war, war mir klar. Aber diese hölzernen Pritschen bestehen wirklich nur aus den blanken Brettern », « (nur kaltes Wasser!) » (BS, p. 39). Retour au texte

22 « Ich sah mich um. Mein erster Gedanke : Ich muss hier raus! », (BP, p. 32). « Was für ein Tag lag hinter mir! Alle meine Träume und Wünsche, meine ganze Lebensplanung war im Eimer. Wie komme ich hier bloß wieder raus? Mit dem Gedanken schlief ich erschöpft ein. » (BP, p. 33). Retour au texte

23 « Klick, Klick ! Mindestens alle zwei Minuten : Klick, Klick ! » (BP, p. 33). Retour au texte

24 « Ich kann mich einfach nicht daran gewöhnen, daß alle fünf Minuten durch den Spion geglotzt wird. Egal was man macht : ob man sich wäscht, auf der Toilette sitzt, schläft etc. Ständig ist da ein männliches Auge! » (BS, p. 39). Retour au texte

25 « Dieser Eimer wird in Abständen geleert und alle Abfälle genau kontrolliert. Wenn das nicht bescheuert ist. » (BS, p. 39). Retour au texte

26 « ”So ein Studienfach, und dann hier”, murmelte er beim Betrachten meines Schnellhefters Wissenschaftlicher Kommunismus. » (BP, p. 31). Retour au texte

27 « ‘Mongoli’ untersuchte mich gründlich, stellte fest, daß ich keine verbotenen Gegenstände einschleppte und über keine Tätowierungen oder besondere Kennzeichen verfügte. » (BP, p. 31). Retour au texte

28 « Aber ich habe meine Tage… » (BS, p. 33). Retour au texte

29 « Peinlich genau inspizierte sie alle Körperöffnungen » (BS, p. 33). Retour au texte

30 « Erniedrigung! Jetzt wollen sie mich auf diese Weise fertigmachen. Wollen mir sagen: du bist ganz klein, ein Nichts. Und: wir befehlen, du hast nur noch zu gehorchen. » (BS, p. 33). Retour au texte

31 « Ich war wie gelähmt… Völlig sprachlos. Schock. » (BS, p. 33). Retour au texte

32 « An dieser [der Sträftlingsuniform, E. A-B] würde ich lange Freude haben, bis es zum ersten Wäschetausch kam. » (BP, p. 115). Retour au texte

33 « Die Knast-Unterwäsche war […] drei Nummern zu groß […], Unterwäsche in Größe 44, vier Paar Kinderkniestrümpfe, drei Still-BH (!) […] » (BS, p. 119). Retour au texte

34 « […] in diesen Privatsachen fühlte ich mich zum ersten Mal wieder wie ein Mensch […]. Mein Selbstbewußtsein stieg sofort. » (BS, p. 88). Elle note même que certaines femmes tentent de se maquiller les yeux avec du cirage noir et les lèvres avec le colorant rouge des allumettes (BS, p. 145). Retour au texte

35 « Etwas explodierte in mir. Ich fühlte, daß ich schwebte, davonflog, frei war. » (BP, p. 192). Retour au texte

36 « Das Wetter war prächtig und warm, unser Stimmungsbarometer auf dem Höchststand. » (BP, p. 196); «Kein Wölkchen stand am Himmel. Wir hätten jubeln und singen können. » (BP, p. 197). Retour au texte

37 « […] brach ein unvorstellbarer Jubel los. Matthias und ich lagen uns in den Armen und gratulierten einander. Jeder umarmte jeden, Freude ohne Ende!!! » (BP, p. 215). Retour au texte

38 « ich bin überglücklich, dass ich meine Eltern und Geschwister bald wiedersehen werde !!!! » (BS, p. 229). Retour au texte

39 « Meine Freude kann ich nicht in Worte fassen » (BS, p. 229). Voir aussi « So, und ab morgen bin ich frei!! Yippie-Yeah!! Wer weiß, ob ich heute nacht überhaupt schlafen kann…? Ich bin so aufgeregt!!!!! » (BS, p. 230). Retour au texte

40 « Es beunruhigt mich auch, daß ich nicht frei von Angst bin… Angst vor der Freiheit und vor den Menschen. Am liebsten will ich außer meiner Familie niemanden sehen. Ist das normal? Wohl kaum! » (BS, p. 229). Retour au texte

41 Bernd Pieper mentionne juste une fois le manque de vitamines (BP, p. 121) et note en passant qu’il a perdu une dizaine de kilos pendant les six mois de sa détention préventive (BP, p. 107). Retour au texte

42 On lui explique par exemple le rituel de la « Miezenteller », une assiette de friandises qu’une détenue offre à une autre en guise de déclaration d’amour (BS, p. 121). Retour au texte

43 Elle consacre toute l’entrée du 13 septembre 1988 à cette question, notant que si elle peut comprendre que ces relations entre femmes puissent être « vitales » pour certaines détenues condamnées à perpétuité ou à de longues peines, elle se montre beaucoup plus sévère vis-à-vis des détenues condamnées à de courtes peines et des « politiques » (BS, p. 140). Elle mentionne même le fait que la Stasi peut utiliser ces relations pour faire renoncer une « politique » à sa demande de départ pour la RFA. Retour au texte

44 Elle explique par exemple le test de la serviette à ne pas ramasser sous peine de devenir l’esclave de la détenue qui l’a volontairement laissée tomber (BS, p. 120, 126). Retour au texte

45 Voir aussi dans la deuxième partie la présentation de ses compagnons de cellule (BP, p. 133-137). Retour au texte

46 « Zum ersten Mal konnten wir uns die Anstalt bei Licht besehen. Der Eindruck war absolut trostlos. » (BP, p. 115) ; voir aussi « Der Transportmeister brachte uns nach Haus II. Im ersten Stock schloß er die Gittertür zu EB 10 und öffnete Zelle 259. […] Mein neues Zuhause deprimierte mich. » (BP, p. 125). Il évoque ailleurs le gris de sa cellule (BP, p. 118). Retour au texte

47 Il note ainsi à un moment où les transports s’espacent : « Ende September war die Stimmung auf dem Tiefpunkt. » (BP, p. 149). Après un nouveau transport à l’inverse, il constate : « Die Stimmung besserte sich. » (BP, p. 172). Retour au texte

48 « Mir war übel, ich hatte Kopfweh und war durch die ganze Situation ganz verstört. Immer wieder brach ich in Tränen aus, weil ich zunehmend mit den Nerven am Ende war. » (BS, p. 3 ; « Als ich heute, völlig mit den Nerven am Ende, wieder von der Vernehmung kam […] » (BS, p. 47). Retour au texte

49 « Dann kam Hinkebein (surnom qu’elle donne à l’un des interrogateurs) zur Tür herein, um mich zu verhören. Ich habe noch nie soviel Angst vor einem Menschen gehabt wir vor diesem Mann. Die Inkarnation des Bösen! Ich muß ständig an Mephisto aus Goethes Faust denken. » (BS, p. 61). Retour au texte

50 « Wahrscheinlich hat er mir das Buch nur gezeigt, um mir noch mehr Angst zu machen als ich ohnehin schon habe. Das ist ihm wirklich gelungen. Ich habe wahnsinnige, panische Angst!!! » (BS, p. 76). Retour au texte

51 « Ich bin erschreckend apathisch geworden und ertrinke oft in Wellen der Hoffnungslosigkeit […] Werde ich überhaupt jemals wieder normal leben können ? » (BS, p. 177). Retour au texte

52 Dans une lettre de mai 1989 : « Ich bin wieder einmal in einer Krise… Ich möchte Euch ja nicht mit meinen Stimmungen belasten, aber ich habe gerade ein ganz großes Tief. Ich bin so unsagbar traurig und allein. » (BS, p. 199). Retour au texte

53 « Ich bin sofort wieder in Tränen ausgebrochen. Was der blöde Hauptmann denkt, ist mir total egal. Ich habe kein Problem damit, Schwäche zu zeigen. » (BS, p. 40). Retour au texte

54 « Kaum brannte bei der Stasi letzte Nacht das Licht in deren Büro, schon steigerten sich die Erwartungen und die Nervosität wieder mal ins Unerträgliche. Immer wieder die gleiche Frage: Gibt es demnächst einen Transport??? Die ständige Ungewißheit und die unausbleiblichen Enttäuschungen sind für alle Politischen Woche für Woche unendlich zermürbend. » (BS, p. 188) ; « Die Briefe von daheim klingen zur Zeit wieder sehr optimistisch. Inzwischen bin ich aber zu oft enttäuscht worden ; ich kann nichts mehr glauben. Es fällt mir immer schwerer Enttäuschungen zu verkraften. Immer diese Hoffnung auf den nächsten Transport - und dann wieder nichts. Das ist psychische Folter. » (BS, p. 201) ; « Im Juli war ich noch hoffnungsvoll wie nie zuvor, jetzt sieht aber alles schon wieder ganz anders aus. Es ist ein ständiges Auf und Ab. Mal himmelhoch jauchzend, dann wieder zu Tode betrübt. Daß das an den Nerven zehrt, ist logisch. » (BS, p. 214). Retour au texte

55 « Dort waren die Politischen eine kleine Minderheit. Sie verbüßten ihre Strafen bei strengem Regiment unter fetten, von oben bis unten tätowierten Schwerkriminellen, die meist noch lesbischwaren. […] Das Essen und die Arbeitsbedingungen müssen noch unerträglicher gewesen sein als in Cottbus. Vor allem verkrafteten die Frauen psychisch die Haft schlechter » (BP, p. 137). Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Emmanuelle Aurenche-Beau, « Hommes et femmes dans les prisons de la RDA », Textures, 23 | 2018, 65-77.

Référence électronique

Emmanuelle Aurenche-Beau, « Hommes et femmes dans les prisons de la RDA », Textures [En ligne], 23 | 2018, mis en ligne le 17 janvier 2013, consulté le 20 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/textures/index.php?id=181

Auteur

Emmanuelle Aurenche-Beau

Université Lumière Lyon 2

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