L’Italie du XXe siècle dans les récits de voyage de deux écrivains polonais : Stefan Żeromski et Jarosław Iwaszkiewicz

DOI : 10.35562/textures.315

p. 124-133

Plan

Texte

Pour la Pologne, l’Italie a été, depuis la Renaissance en particulier, un modèle dans le domaine artistique, le lieu vivant du patrimoine culturel européen, ainsi que l’une des destinations incontournables des voyages de formation des aristocrates et intellectuels (entre les XVIe et XVIIIe siècles). Ces derniers ayant déjà fait l’objet de nombreuses études, c’est à travers le regard de deux auteurs phares de la littérature polonaise moderne, Stefan Żeromski (1864-1925) et Jarosław Iwaszkiewicz (1894-1980), que je souhaiterais faire découvrir les représentations de l’Italie et de quelques villes italiennes au XXe siècle.

Ces deux auteurs ont en commun d’avoir produit des récits de leurs voyages en Italie, sous des formes cependant très différentes, et jamais traduits ni en français ni en italien1. Stefan Żeromski a laissé des notes, rédigées sur place, dans un carnet réservé à chaque voyage, des carnets publiés sous le titre Dziennik podróży (Journal de voyage) à titre posthume en 1933. Je complèterai leur étude par l’autre éclairage que donnent certaines lettres de Stefan Żeromski. Quant à Jarosław Iwaszkiewicz, peu de temps avant sa mort, il a consacré à ses voyages en Italie, réalisés à plusieurs reprises sur une cinquantaine d’années, un ouvrage synthétique intitulé littéralement Podróże do Włoch (publié en 1977, puis réédité en 1980).

Mon objectif sera de comparer les points de vue des deux écrivains, en me concentrant pour cela sur les villes (et régions) qu’ils évoquent parallèlement : Venise, Florence, Rome, Naples. Au-delà du témoignage autobiographique précieux que constituent les deux livres et la correspondance, permettant de mieux comprendre ces deux figures et le contexte matériel de ces voyages, plusieurs éléments caractéristiques ressortent de leur perception et de leur ressenti de l’Italie. En effet, les réflexions et émotions personnelles déclenchées par la vue du paysage, l’observation des monuments et des œuvres d’art, ou encore, plus prosaïquement, de scènes de la vie quotidienne, sont intimement liées à la production littéraire des deux hommes.

Enfin, on verra que l’originalité du regard polonais prend racine dans la dimension comparative entre le pays visité et le pays d’origine, inséré dans une culture européenne commune, ainsi que dans la réflexion mise en abyme d’Iwaszkiewicz au sujet des « récits de voyage » italiens au sens large et des attentes du voyageur et des lecteurs.

Les données biographiques et matérielles des voyages

Nous donnerons dans un premier temps un aperçu des modalités du voyage en ce qui concerne nos deux auteurs : leur but, les moyens pour s’y rendre, les lieux choisis, les dates, les compagnons de voyage, les activités sur place, leur impact. Certaines de ces modalités ne leur sont d’ailleurs pas spécifiques : ainsi, avant le développement du transport aérien – qu’a connu Iwaszkiewicz –, le Frioul et la Vénétie sont la porte d’entrée en Italie pour les Polonais, comme pour d’autres voyageurs d’Europe de l’Est, ce qui crée un point de vue distinctif par rapport aux voyageurs français, anglais et allemands par exemple.

Voyons tout d’abord les motifs du voyage. Dans les deux cas, évidemment, le tourisme intellectuel vers la destination incontournable qu’est l’Italie est de mise, mais pour Żeromski essentiellement, le choix de l’Italie, et de son climat méditerranéen, associe des besoins culturels à un conseil médical, afin de soigner ou au moins atténuer les symptômes d’une maladie (en l’occurrence la tuberculose). Quant à Iwaszkiewicz, il s’y est parfois rendu également pour des congrès de sociétés littéraires et des jurys.

L’étude comparative des deux auteurs confirme qu’il y a des passages obligés pour les voyageurs en Italie : les grandes villes du nord au sud de la Péninsule, dont Venise, Florence, Rome, Naples, sur lesquelles se concentrera notre analyse.

Żeromski a effectué cinq séjours en Italie, dont deux sur lesquels nous nous arrêterons en particulier. Son premier véritable voyage date du printemps 1902, sur la côte ligure et dans le nord de la Péninsule (carnet 1)2. Le deuxième voyage, qui l’a conduit jusqu’au sud cette fois, a eu lieu en 1907 (carnet 2)3. Quant à Iwaszkiewicz, comme nous l’avons rappelé, ses très nombreux voyages s’échelonnent de 1918 jusqu’au début des années 1970. Globalement, sont privilégiées les saisons intermédiaires, plus chaudes qu’en Pologne, comme alternative au pays natal.

Ils voyagent avec des membres de leur famille (femme, enfants, etc.) ou d’autres proches. Ainsi, en 1902, Żeromski part avec son beau-frère Rafał Radziwiłłowicz, tandis qu’en 1907 il emmène son fils Adam, malade lui aussi, afin de le soigner. Iwaszkiewicz vient par exemple en voiture en 1937 avec un ami pour une cure thermale à Montecatini.

Leurs séjours sont consacrés à des visites culturelles (églises, musées) et des promenades dans la nature. On trouve également des informations sur leur vie quotidienne : séjour en pension complète, rencontres avec d’autres compatriotes et/ou intellectuels de l’élite européenne, écriture de lettres à la famille. L’écriture fait en effet partie de la vie sur place : elle permet la pérennisation du souvenir et des réflexions suscitées par le voyage, les visites et le déroulement du séjour, une écriture intime dans le cas de Żeromski. En outre, un point commun est la créativité littéraire en Italie, par la conception ou même la production d’un texte ou de son ébauche, poésie ou roman. Tous deux ont en effet écrit soit des poésies, soit des nouvelles4 ou des romans directement inspirés de leurs voyages en Italie et/ou dont l’action s’y déroule en partie5 ou en totalité6.

Il s’en suit que l’Italie, de pays d’abord imaginé à travers les sources historiques et littéraires, devient concrète, et même familière. Iwaszkiewicz précise ainsi qu’après plusieurs séjours, il ne visite plus, il n’en a plus la nécessité. De plus, comme je viens de le signaler, l’Italie est leur Muse. Plus largement encore, elle donne lieu à une réflexion universelle. Par exemple, Iwaszkiewicz qui, contrairement à Żeromski, publie des récits rédigés a posteriori et sur l’impulsion de son ami Paweł Hertz, s’inscrit dans la tradition du Grand Tour et donne une portée formatrice à ces voyages, si ce n’est qu’elle n’est pas limitée à sa jeunesse mais valable sur le long terme : ses expériences italiennes ont façonné sa personnalité et lui ont appris à comprendre et exprimer le monde7.

La perception du paysage, de l’art, de la vie quotidienne

Stefan Żeromski

Plusieurs lettres de Stefan Żeromski couvrent les mêmes périodes pendant lesquelles il s’est rendu sur la Riviera italienne (1902) et a parcouru la Péninsule (1906-1907). Elles sont complémentaires aux carnets de voyage qui, par leur caractère intime et informatif, nous font découvrir ses impressions, ses descriptions de monuments, ses impulsions créatrices, son imagination, ses émotions et préoccupations. Ils montrent un aspect absent du reste de ses écrits – une réflexion sur le rôle de l’Italie dans sa vie et son œuvre, ainsi que des secrets littéraires – et servent de matériau pour la reconstruction des pélerinages en Italie8.

Le 18 avril 1902, Żeromski envoie en Pologne, à ses proches et à des relations professionnelles, plusieurs cartes postales de Pise, avec la tour penchée ou la photographie de Gabriele D’Annunzio. Les lettres du 20 et 22 avril 1902 développent quant à elles davantage l’admiration qu’il a immédiatement éprouvée pour Florence, où l’art est omniprésent. Il énumère les lieux visités en deux jours (Uffizi, Pitti, Loggia dei Lanzi, chapelle des Médicis, Santa Croce, jardins de Boboli) et quelques œuvres, comme dans ses notes de voyage durant le séjour de 19079. L’une des anecdotes de ce passage à Florence est la mention des sérénades nocturnes données près de son hôtel et qui l’empêchent de dormir, ce dont il se plaint. En 1907, il exprime son dégoût pour la polenta : « il faut être en bonne santé pour en manger » (carnet 2). Le 26 avril, il écrit depuis Venise où il a passé une journée et indique dans sa lettre : « je l’ai visitée dans ses grandes lignes et j’en ai assez ». Cette phrase hâtive est dûe au fait qu’il est malade et fatigué du voyage et a hâte de rentrer voir sa femme et son fils, il s’agit du voyage de retour. Juste après, il écrit que « la place Saint-Marc est merveilleuse, au-delà de toute expression », et qu’ils ont eu du mal à trouver un hôtel, un problème apparemment centenaire à Venise.

Comme l’indiquent plusieurs lettres, sa santé est fragile, et le climat italien est vanté en Pologne pour ses vertus thérapeutiques. En 1924, il écrira que les médecins le « chassent » de Varsovie pour le Sud, « pour se débarrasser du même coup de moi et de mes symptômes »10. Il est donc allé à Santa Margherita Ligure, mais la pollution est une entrave à sa convalescence : « on ne s’y trouvait pas bien car ce lieu surprenant est complètement submergé par la fumée de centaines de milliers d’automobiles ». Avec humour, et en maniant encore une fois l’hyperbole, il évoque également une invasion d’Allemands qui ont mangé tous les spaghettis et toutes les oranges. C’est sur la rive du Lac de Garde où il se rend sur conseil d’un médecin italien que sa toux s’estompera.

En 1907, il est empêché de se rendre à Capri car il est malade de la grippe à Naples et attend de guérir pour se rendre sur l’île. L’hiver est rude cette année-là, il neige en février (« comme chez nous » – précise-t-il) : cela lui permet de jouer avec le proverbe « Vedi Napoli e poi muori », en italien dans le texte11. D’après Bronisław Biliński, Żeromski est le poète de la mer de Capri12 (Iwaszkiewicz quant à lui n’y est jamais allé semble-t-il) : il rédige un dialogue avec les ondes marines et y perçoit les traces de la mythologie (grottes, Ulysse, etc.). On peut rapprocher cette affinité pour l’antique de la célébration de la naissance de Rome (les Palilia, le 21 avril) en compagnie d’autres poètes polonais, en récitant les Odi barbare de Giosuè Carducci. À Capri, il fréquente souvent le journaliste et écrivain Leonidas Andrejew, avec lequel il discute d’art notamment et de Nietzsche, mais parmi les personnalités qu’il côtoie, la plus frappante est sans doute Maxim Gorki (évoqué également sous son vrai nom Alexei Peszkow), qui vit en exil à Capri depuis 1906 avec sa compagne.

Les longues promenades qu’il effectue à Capri avec son fils nous permettent de rappeler que Żeromski éprouve une véritable fascination pour la mer et la nature méditerranéenne, perceptible dans ses carnets de voyage. On y trouve des énumérations de plantes, de fleurs et d’arbres qui seront réinvesties dans les descriptions de paysages dans ses romans. Cette sensibilité est de ce point de vue nettement supérieure à Iwaszkiewicz.

En ce qui concerne les villes, c’est Florence qu’il considère comme la plus belle de toutes13. C’est d’ailleurs là qu’il choisira de s’établir en 1913-14 : pendant cette résidence à Florence, sa fille Monika y voit le jour et il fréquente le monde littéraire italien14. Ce long séjour donnera lieu à des descriptions plus détaillées de la vie quotidienne dans cette ville15. Il précisera cependant qu’il ne trouve pas d’intérêt majeur dans les « Gallerie », sauf la Calunnia de Botticelli16.

Même si, par certains aspects, les passages obligés du voyage en Italie ressortent, par exemple l’itinéraire touristique de l’époque qui consistait, à Rome, à aller dans certaines trattorie, faire des escapades fuori città etc., son regard est personnel et parfois critique, peu orienté par les écrits de ses prédécesseurs sur l’Italie17.

Jarosław Iwaszkiewicz

Il définit son ouvrage, composé de 8 chapitres qui portent des noms géographiques (villes/régions), comme une « mosaïque » de souvenirs ayant pour « dénominateur commun [sa] personnalité artistique », les voyages étant « le développement et le reflet de toute [son] individualité »18. Chaque chapitre synthétise ses différents voyages et intercale dans le récit des poésies ou des fragments composés sur place19. Les connaissances et amis polonais qu’il voit en Italie, et qui parfois y vivent, donnent lieu en plusieurs endroits à des digressions biographiques à leur sujet.

Dès la préface au lecteur, il explique le principe vers lequel il tend : ne pas répéter ce que d’autres ont déjà dit, et donc écrire autre chose20, au risque de décevoir paradoxalement une partie des lecteurs. C’est probablement la raison pour laquelle dans le chapitre « Toscane », il parle très peu de Florence, contrairement à Żeromski. À la fin de son recueil, il ressort qu’il va en quelque sorte à contre-courant d’une tendance :

Devais-je parler encore une fois de ce qui avait déjà été dit tant de fois ? Devais-je parler de la vie de Dante à la vue de Ravenne, alors que j’y ai bu un vin de paille excellent ? Devais-je philosopher sur le caractère éphémère de toute chose à propos du mausolée de Téodoric, alors que je suis passé à côté, en train, à une vitesse folle ?21

J’ai donc renoncé à décrire les paysages italiens et j’ai parlé de chiots22 et de chatons, parfois aussi de gens. Des gens que j’ai aimés. C’est cela qui ne plaît peut-être pas aux lecteurs et ils disent que je suis bête car je n’ai pas écrit que Michel-Ange était un bon peintre et je n’ai pas fait l’éloge de Botticelli. Je pense que Botticelli se passera de mon éloge »23.

Contre une sorte d’intellectualisme obligé, Iwaszkiewicz revendique sa subjectivité.

En réalité, les réflexions sur l’art et les œuvres d’art vues sur place ou liées à la ville et à la région sont nombreuses et profondes. Il livre les appréciations et les pensées sur l’homme et le monde qui lui viennent à l’observation de tableaux notamment, d’où une érudition présente et enrichissante, orientée cependant par ses critères personnels.

Au sujet de la ville mythique par excellence, Venise, notre auteur parvient à éviter l’accumulation de clichés en développant des récits de lieux moins touristiques, en donnant une lecture personnelle des œuvres d’art, même si elles ont déjà été admirées par d’autres illustres prédécesseurs. Comme il le fera dans les chapitres suivants, il signale également les personnes atypiques qu’il a rencontrées. Les lieux communs tels que Saint-Marc, les canaux, le Florian sont inévitables, mais sa conception est que Venise est indescriptible, elle doit être vue, au point que la synthèse qu’il en donne est de ce fait nécessairement floue : Venise est « un mélange de couleurs, formes, froideur, tristesse et inquiétude », qui s’assimile par là-même à un cauchemar superposant les souvenirs24. Pour autant, il est satisfait de s’être rendu avec sa fille dans « la ville la plus singulière du monde, avant que nous disparaissions de la surface de la terre »25.

Dans une compénétration entre l’art, la vie et le paysage, les gens de San Gimignano et des environs (près d’une ferme, dans les années 1920) lui rappellent les personnages des tableaux de Benozzo Gozzoli. Il dit vouloir « comprendre la terre », lors de ses promenades dans la nature : ses couleurs, sa flore notamment. À San Gimignano, les peintres Ghirlandaio, Sodoma, Gozzoli lui deviennent familiers et impriment une trace durable dans son esprit et peut-être même son caractère, comme il l’affirme lui-même26. Puis, lors d’une nouvelle visite capitale dans les années 1960 à Sienne, c’est avec un nouveau regard qu’il constate l’effet positif de l’Italie sur lui : « ce retour à la peinture, à la peinture italienne, qui est toujours pour moi la plus belle du monde, m’a d’une certaine manière enrichi, et surtout rajeuni »27.

Comme on le constate en plusieurs endroits, Iwaszkiewicz se démarque donc à la fois des autres et de lui-même, par l’évolution de ses perceptions au fil des séjours et du temps. Mais il ne s’agit pas d’une règle, car parfois ce sont les premières impressions, datant de quarante ans auparavant, qui prennent le pas sur les changements de la réalité, comme dans le cas de San Gimignano28.

Toujours en Toscane, Lucques lui paraît étrange, serrée dans ses remparts, « enroulée comme une pelote de laine », avec ses rues étroites et sombres29. Lucques a pour lui une « double signification : l’une purement touristique, l’autre émotionnelle, liée à [s]on amie de longue date »30. Même si finalement il n’a pas apprécié certains lieux de visite « secondaires » (comme la Villa Puccini), Iwaszkiewicz donne au lecteur une alternative aux poncifs du tourisme italien.

Le voyageur peut aussi mettre en place une stratégie d’évitement, d’ordre émotionnel : ayant été à Pise seulement deux fois, la même année en 1932, il n’a toutefois jamais souhaité y retourner pour ne pas voir les fresques du Campo Santo en grande partie détruites par la guerre (car il a déjà vécu ce choc avec les fresques de Mantegna à Padoue)31. Malgré cela, il donne une très belle description, personnelle, de la Piazza dei Miracoli, l’un des symboles touristiques italiens : « des édifices de dentelle posés là comme des jouets d’enfants sur l’herbe d’émeraude d’un immense gazon »32.

Iwaszkiewicz apprécie particulièrement d’aller hors des sentiers battus : ainsi à Rome, plus que le Forum Romain et le Colisée, c’est la Piazza dei Caprettari qui l’émerveille pour son authenticité33 ; tout comme les oranges et les mandarines sur le marché, introuvables au pays natal. Les stéréotypes sont ainsi renversés, parfois avec humour, comme lorsqu’il écrit : « Le brouillard est très désagréable en Italie. C’est pour tous ceux qui croient qu’un ciel d’azur sourit toujours au-dessus de l’Italie »34. Il se sent par ailleurs attaché à la ville de Rome comme un habitant35 : le voyageur s’assimile ici à son environnement d’adoption, partageant ses joies et ses peines.

L’originalité du regard polonais, entre patriotisme et cosmopolitisme

La culture européenne commune, entre patriotisme et cosmopolitisme, est souvent mise en perspective avec les vicissitudes historiques et contemporaines de la Pologne, notamment lors des rencontres avec d’autres voyageurs ou d’autres étrangers établis au moins temporairement en Italie.

L’Italie, pays frère et pays miroir pour les idéaux de liberté et d’indépendance

Une phrase marquante de Żeromski, qui revient souvent sous la plume des chercheurs s’occupant de sa production36, est qu’il porte toujours métaphoriquement une graine de jusquiame sur lui en souvenir de sa patrie37.

Pendant ses voyages, il pensait en effet régulièrement aux douleurs et aux espoirs de sa terre natale et de son peuple38, dont l’actualité était inquiétante. Dans ses notes de voyage, Żeromski se présente comme un tambourin, un sans grade donc, symbole de l’écrivain qui accompagne ceux qui souffrent et combattent pour la liberté39. Les luttes italo-polonaises ayant été communes, pour l’indépendance de la Pologne et l’Unité italienne, sa sensibilité pour l’histoire, le paysage et le peuple italien fait écho aux mêmes thématiques concernant la Pologne, dont l’indépendance n’était pas encore advenue. Il est en effet connu pour ses romans d’inspiration historique mais aussi pour être le chantre de la nature polonaise. Qui plus est, les deux pays coexistent dans plusieurs œuvres. Ainsi, il est avéré que les visites réelles en 1902 de Venise, Vérone et Mantoue, ont servi aux descriptions des lieux de bataille dans le roman Popioły (1904), retraçant la participation des Polonais qui se sacrifiaient en espérant obtenir un soutien pour la libération de leur propre terre au XIXe siècle.

Il est frappant, de ce point de vue, que Colleoni soit célébré par les deux écrivains, pour son parallélisme avec les héros polonais : sa statue apparaît à Iwaszkiewicz comme semblable à celle d’un personnage polonais40, et chez Żeromski il est l’un des modèles dans l’œuvre Duma o hetmanie (1908).

Le voyageur cherche dans le pays-miroir les similitudes et les écarts avec sa propre identité. Fréquemment, Iwaszkiewicz établit des comparaisons avec la Pologne : par exemple à propos des champs et d’une race de bœuf dite « ukrainienne » lorsqu’il observe la vie dans la campagne de San Gimignano ; toujours dans cette ville, le « misérable cinéma » mis en place par les autorités fascistes lui rappelle le premier cinéma installé dans la caserne des pompiers d’une ville polonaise où il a vécu, Sandomierz41. Il en est de même, naturellement, chez Żeromski : une promenade matinale à Capri par temps de bruine lui rappelle instantanément un souvenir d’enfance, lorsqu’il marchait dans les herbes humides de rosée dans sa contrée natale, les Monts de la Sainte-Croix ; ou encore dans le paysage des environs de Bologne, des arbres qui lui rappellent « nos saules de Cracovie ».

La question de l’identité et le sentiment d’être étranger à quelque chose peuvent être soulevés également au contact d’autres voyageurs. Une fois, dans le train de Sienne à Rome, Iwaszkiewicz voyageait à côté d’un étudiant grec et de deux prêtres :

Des conversations sur des sujets grecs et chypriotes, un tout autre monde, un monde avec d’autres centres d’intérêt et d’autres conditions. Les intérêts du Proche Orient, du Sud, des îles grecques, qui ne me disaient rien. En écoutant cette conversation, je me suis senti comme un homme du Nord42.

L’Italie comme déclencheur d’une réflexion sur l’humanité

Les œuvres de Żeromski font réfléchir aux problèmes moraux et sociaux, et soulèvent des questions concernant le sens du sort de l’Homme et de l’Histoire. Son engagement pour les idéaux de justice, de liberté, de progrès, transparaît également dans ses carnets de voyage. Par exemple, lorsqu’il visite la Chapelle des Médicis43, il éprouve du dégoût, nous dit-il dans son deuxième carnet (1907), en raison du contraste entre ce faste et la richesse des Médicis d’un côté et la misère du peuple de l’autre. Les deux auteurs ont le même amour du peuple italien. Iwaszkiewicz élabore également des analyses historiques : il explique qu’il faut comprendre la popularité des empereurs germaniques Henri VI et VII, car ils véhiculaient l’espoir de l’unification : « mais ces essais étaient trop précoces, ratés et tragiques. L’unité est venue beaucoup, beaucoup plus tard, portant en elle le germe maudit des rêves accomplis »44.

Les transformations dues à la modernité, que les Polonais ne voyaient pas encore dans leur pays, sont analysées avec subtilité et parfois avec humour par Iwaszkiewicz : l’autoroute des années 30 relie les villes mais elle met selon lui à distance les voyageurs45 ; par ailleurs, il déplore la dangerosité de la circulation routière mais se félicite de l’aptitude des conducteurs italiens à éviter les accidents. Il est également question des valeurs de la société contemporaine : il condamne la mercantilisation des plages, par exemple à Viareggio46, fustige la décadence de la qualité esthétique des objets en verre de Murano, afin de satisfaire le goût des Américains et regrette que les personnes ne prennent pas le temps d’observer les merveilles qui les entourent, notamment à Venise47. Au-delà de ces constations transposables en d’autres pays, et face à la négligence, voire la haine pour l’art dans les sociétés contemporaines, il attribue à l’Italie un rôle de premier plan dans la conscience culturelle des Européens48. La prosopopée de Michel-Ange est frappante de ce point de vue. Iwaszkiewicz imagine que l’artiste s’adresse ainsi à nous : « Suis-moi, dit-il, là, tu vois la jeunesse de David, la beauté de sa force et de sa confiance en soi victorieuse. En le regardant, pense à la chose immense qu’est l’homme »49. Dans la pensée d’Iwaszkiewicz, l’héritage de cette culture artistique méditerranéenne est un don de l’artiste, de son génie qu’il a partagé avec nous par cette forme d’expression. C’est une chance extraordinaire pour les hommes de prendre part à ce monde de connaissances : le dialogue avec les hommes du passé, en nous élevant, nous rapproche de l’éternité50 et insuffle une note optimiste qui vise à convaincre tous les hommes de préserver l’art dans un sentiment d’appartenance à une communauté.

Je voudrais terminer par une réflexion de Jarosław Iwaszkiewicz sur les attentes des lecteurs de récit de voyage. Il publie en 1977 et il mesure les risques à raconter, après tant de prédécesseurs, compatriotes ou non, ses voyages en Italie. Cela nous rappelle d’une part que ces récits font partie des « classiques », même pour un public polonais, et d’autre part que les écueils du genre sont effectivement les effets de « déjà lu », les lieux communs, les banalités, comme il l’exprime dans sa préface « Au lecteur »51.

Il est vrai qu’un certain nombre d’impressions et de descriptions croisent inéluctablement celles d’autres récits de voyage, mais, comme on a pu le voir, les angles d’approche qui leur sont propres parviennent à nous montrer des expériences uniques, de nouvelles facettes de l’Italie, nous faire découvrir de nouveaux points de vue, et des liens avec la Pologne. On peut dire que nos deux écrivains-voyageurs, en particulier Iwaszkiewicz, qui le déclare de façon consciente, aiment le détail52, insignifiant pour d’autres, et on lui a d’ailleurs reproché cette sensibilité53. Or, son texte peut justement servir de guide au lecteur. Avec le détail, le lieu « autre », secondaire, mais aussi la subjectivité forment les trois composantes d’un regard nouveau du voyageur sur l’Italie.

Dans le dernier chapitre « Conegliano »54, la première et la dernière ville du voyageur est-européen venant en train, il rappelle les critiques que lui a valu le fait d’évoquer, dans cette petite station, le chiot du chef de gare55, un détail inutile et superficiel pour ses détracteurs. Or, ce détail débouche en réalité sur une véritable réflexion. Voici comment il argumente la signification de ce détail :

Et tandis que, dans la pénombre étouffante, le train reprenait sa route vers un lointain sombre et inconnu, j’ai compris que l’on ne peut pas écrire sur l’Italie, car l’Italie est véritablement un miracle […]. Que ce serait une barbarie de [la] décrire une fois de plus (pour quoi ? pour qui ?) et jongler, s’escrimer avec des mots… pour quoi faire ?56

En fin de compte, si pour Iwaszkiewicz il est acquis que ni l’Italie ni le monde ne sont descriptibles par des mots57, et qu’il faut donc la vivre, la problématique soulevée ici est la suivante : un récit de voyage réussi est-il exclusivement objectif ou laisse-t-il de la place à la subjectivité de l’auteur ? On peut dire que plus on avance dans la tradition du voyage en Italie et de son récit, que le XXe siècle a amplifiée et démocratisée, plus l’auteur doit se démarquer et donc faire preuve d’originalité par un regard personnel et des choix dans la matière qui le distingueront des autres58. Ces deux auteurs polonais semblent bien remplir ces conditions et constituent un nouvel apport, enrichissant la littérature de voyage sur l’Italie.

Bibliographie

BILIŃSKI Bronisław, « Ispirazioni italiane di Stefan Żeromski », dans Stefan Żeromski nel centenario della nascita : 1864-1925, Accademia polacca delle scienze, fasc. 35, Wrocław, Warszawa, Kraków, Zakład Narodowy Imiena Ossolińskich, Wydawnictwo Polskiej akademii Nauk, 1968, p. 15-55.

IWASZKIEWICZ Jarosław, Podróże do Włoch [1977], Warszawa, Państwowy Instytut Wydawniczy, 2008.

ZIELIŃSKI Andrzej, « Dalla corrispondenza italiana di Stefan Żeromski », dans Stefan Żeromski nel centenario della nascita: 1864-1925, Accademia polacca delle scienze, fasc. 35, Wrocław, Warszawa, Kraków, Zakład Narodowy Imiena Ossolińskich, Wydawnictwo Polskiej akademii Nauk, 1968, p. 57-69.

ŻEROMSKI Stefan, Dziennik podróży, przygotowała do druku Hanna Mortkowiczówna, Warszawa, Drukarnia Naukowa, 1933.

ŻEROMSKI Stefan, Pisma Zebrane. Listy 1897-1904 (seria szósta), opracował Zdzisław Jerzy Adamczyk, Warszawa, Czytelnik, 2003.

ŻEROMSKI Stefan, Pisma Zebrane. Listy 1905-1912 (seria szósta), opracował Zdzisław Jerzy Adamczyk, Warszawa, Czytelnik, 2006.

Notes

1 Je proposerai une traduction française des passages exploités. Retour au texte

2 Ce voyage correspond au premier carnet, qui n'évoque pas toutes les villes réellement visitées : Riviera Ligure, Pegli, Nervi, Genova, Ventimiglia, Corse, Florence, Bologne, Mantoue, Vérone, Desenzano, Padoue, Venise. La première visite en 1893 fut très brève, à Pâques et seulement à Milan. Retour au texte

3 Milan, Florence, Rome, Naples, Capri et, sur le chemin du retour : Rome, Florence, Bologne, Venise. Ce deuxième voyage est relaté dans le carnet 2. Le quatrième séjour, plus long, se déroule à Florence en 1913-14, tandis que le dernier a lieu en 1924, sur la côte ligure et le lac de Garde. Retour au texte

4 Jarosław Iwaszkiewicz : Anna Grazzi (1938, dans Dwa opowiadania) ; Koronki weneckie (dans Nowele włoskie, 1947) ; Śpiewnik włoski (1974) ; Ogrody (1974). Retour au texte

5 Stefan Żeromski, Dzieje grzechu (1908) ; Uroda zycia (1912) ; Walka z Szatanem (1916-19). Retour au texte

6 Stefan Żeromski, Popioły (1904) ; Duma o hetmanie (1908) ; Charitas (dans la trilogie Walka z Szatanem, 1916-19). Retour au texte

7 Jarosław Iwaszkiewicz, Podróże do Włoch [1977], Warszawa, Państwowy Instytut Wydawniczy, 2008, p. 8. Retour au texte

8 Andrzej Zieliński, « Dalla corrispondenza italiana di Stefan Żeromski », dans Stefan Żeromski nel centenario della nascita: 1864-1925, Accademia polacca delle scienze, fasc. 35, Wrocław, Warszawa, Kraków, Zakład Narodowy Imiena Ossolińskich, Wydawnictwo Polskiej akademii Nauk, 1968, p. 58. C’est également le cas pour Iwaszkiewicz, qui nous fait régulièrement entrer dans son laboratoire d’écriture (en expliquant ce qu’il a inventé et ce qui est repris de faits rééls, ou justement en avouant qu’il ne fait plus lui-même la distinction entre réalité et imagination). Retour au texte

9 On peut y découvrir sa fascination notamment pour Andrea del Sarto, Fra Angelico, Dante. Retour au texte

10 Lettre du 22 mai 1924. Retour au texte

11 « vedere Napoli e poi muori », lettre du 4 février 1907. Retour au texte

12 Bronisław Biliński, « Ispirazioni italiane di Stefan Żeromski », dans Stefan Żeromski nel centenario della nascita : 1864-1925, Accademia polacca delle scienze, fasc. 35, Wrocław, Warszawa, Kraków, Zakład Narodowy Imiena Ossolińskich, Wydawnictwo Polskiej akademii Nauk, 1968, p. 36-37. Biliński souligne d'autre part la similitude entre les impressions de Capri et l’acte IV du drame Róża (1909), où une divinité de la mer, l’« Idolo », est mis en scène. Retour au texte

13 Dès sa première visite (lettre du 20 avril 1902). Retour au texte

14 La lettre du 20 novembre 1913 fait part du succès de son article sur Francesco Nullo, que Maciej Loret fait traduire en italien et qui est publié dans plusieurs journaux. Żeromski veut également faire traduire son roman Wierna rzeka en italien car il peut trouver un écho en Italie (une traduction par Janina Gromska était en préparation). La lettre du 18 mai 1913 évoque la représentation des Bacchantes d’Euripide, avec chœurs et masques, dans le théâtre romain de Fiesole, à laquelle il a assistée. Retour au texte

15 Par exemple lorsqu’il s’attarde sur les jardins de la Pensione Zamboni, les oiseaux, les parfums, les repas, la vie du quartier (lettre du 26 avril 1913). Retour au texte

16 Il parle également du faste de Orsanmichele, du tabernacle d’Orcagna (lettre du 29 avril 1913). Retour au texte

17 Ainsi à Rome, au Musée du Latran et dans l’église Santa Prassede, c’est un critère esthétique qui provoque une invective contre des décisions papales qui déshonorent les œuvres d’art d’après lui. Retour au texte

18 Jarosław Iwaszkiewicz, Podróże do Włoch [1977], Warszawa, Państwowy Instytut Wydawniczy, 2008, p. 7-8, « Au lecteur ». La traduction est mienne. Retour au texte

19 Par exemple Koronki weneckie, Voci di Roma (publiés dans Nowele włoskie, 1947). Retour au texte

20 Jarosław Iwaszkiewicz, Podróże do Włoch, op. cit., p. 17. Retour au texte

21 Ibid., p. 224. Retour au texte

22 L'auteur fait allusion à son récit « List o piesku naczelnika stacji Conegliano », paru dans Pejzaże sentymentalne (1926), et sur lequel nous revenons à la fin de cette contribution. Retour au texte

23 Ibid., p. 226. Retour au texte

24 Ibid., p. 40-41. Retour au texte

25 Ibid., p. 41. Retour au texte

26 Ibid., p. 49. Retour au texte

27 Ibid., p. 55. Retour au texte

28 Ibid., p. 54. Retour au texte

29 Ibid., p. 59 et 61. Retour au texte

30 Ibid., p. 63. Il s’agit de la traductrice Felicja Baumgarten, devenue Madame Campetti. Retour au texte

31 Ibid., p. 64. Retour au texte

32 Ibid., p. 68. Retour au texte

33 Ibid., p. 79-80. De même, son admiration pour Caravaggio, bien qu’à son époque il soit encore controversé, démontre une sensibilité moderne et anticipatrice. Retour au texte

34 Ibid., p. 74. Voir aussi : « Malheureusement, le mauvais temps me suit partout en Italie » (p. 70). Retour au texte

35 Ibid., p. 79. Retour au texte

36 Par exemple Bronisław Biliński, « Ispirazioni italiane di Stefan Żeromski », op. cit., p. 15 et p. 52. Retour au texte

37 Stefan Żeromski, Dziennik podróży, op. cit., p. 51-52. Retour au texte

38 Ibid., p. 107-111. Retour au texte

39 Ibid., p. 52. Retour au texte

40 Jarosław Iwaszkiewicz, Podróże do Włoch, op. cit., p. 23. Retour au texte

41 De même, le style architectural des murs du Campo Santo fait écho selon lui à ceux du Dmitrowski Sobor à Włodzimierz nad Klaźmą : « Quel miracle que des recherches humaines du beau et des formes se répondent en de si lointaines contrées telles des notes d’une œuvre musicale » (Jarosław Iwaszkiewicz, Podróże do Włoch, op. cit., p. 68). À Florence, dans l’église Santa Annunziata, non visitée par les touristes, il repère une statue de Saint Roch réalisée par l’artiste polonais Wit Stwosz, ce qui donne lieu à ces impressions : « tellement nordique, parmi ces monuments et peintures méridionales : soudain, elle a émis un parfum de pin nordique, quelque chose de lointain et de très émouvant » (Ibid., p. 72). Retour au texte

42 Ibid., p. 56-57. On remarque également l’influence de la langue natale dans certaines reprises de mots italiens : pensione devient ainsi masculin, son genre en polonais (pensjonat), p. 44. Retour au texte

43 Stefan Żeromski, Dziennik podróży, op. cit., p. 51 (deuxième carnet). Retour au texte

44 Jarosław Iwaszkiewicz, Podróże do Włoch, op. cit., p. 69. Retour au texte

45 Ibid., p. 59. « Rien ne change plus vite en Italie que le réseau des transports », p. 64. Retour au texte

46 Ibid., p. 64. Retour au texte

47 Ibid., p. 31. Retour au texte

48 Ibid., p. 83-84. Retour au texte

49 Ibid., p. 78. Retour au texte

50 Ibid., p. 78. Retour au texte

51 Ibid., p. 9-17. Retour au texte

52 Cette conception peut le rapprocher de Matvejevitch, qui a renouvelé la littérature sur Venise par cette approche par le détail (Predrag Matvejevitch, L’autre Venise, Paris, Fayard, 2004). Retour au texte

53 Jarosław Iwaszkiewicz, Podróże do Włoch, op. cit., p. 223. Retour au texte

54 Ibid., p. 223-226. Retour au texte

55 Il s’agit d’une allusion au récit « List o piesku naczelnika stacji Conegliano », paru dans Pejzaże sentymentalne (1926). Retour au texte

56 Ibid., p. 225. Retour au texte

57 Iwaszkiewicz, p. 225. Retour au texte

58 Iwaszkiewicz, p. 8 : « Ce livre [...] parle davantage de moi que de ce pays magnifique ». Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Anne-Marie Telesinski, « L’Italie du XXe siècle dans les récits de voyage de deux écrivains polonais : Stefan Żeromski et Jarosław Iwaszkiewicz », Textures, 26 | 2021, 124-133.

Référence électronique

Anne-Marie Telesinski, « L’Italie du XXe siècle dans les récits de voyage de deux écrivains polonais : Stefan Żeromski et Jarosław Iwaszkiewicz », Textures [En ligne], 26 | 2021, mis en ligne le 01 février 2023, consulté le 20 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/textures/index.php?id=315

Auteur

Anne-Marie Telesinski

Université de la Sorbonne Nouvelle – Paris 3

Droits d'auteur

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