Exil, répression et mémoires, le triptyque des trajectoires chiliennes en France à partir du 11 septembre 1973

  • Exilio, represión y memorias, el tríptico de las trayectorias chilenas en Francia desde el 11 de septiembre 1973
  • Exile, Repression and Memories, the Triptych of Chilean Paths in France Since September 11, 1973

DOI : 10.35562/textures.435

Le renversement violent du gouvernement de l’Unité populaire de Salvador Allende le 11 septembre 1973 constitue une rupture dans l’histoire politique chilienne. Une chape de plomb tombe immédiatement sur le pays et la Junte entame une croisade pour sauver le pays au bord du chaos. Les violations systématiques des droits de l’Homme terrorisent la population et elles provoquent un exil massif. Immédiatement des milliers de Chiliens et étrangers réfugiés au Chili deviennent des cibles à éliminer. Ce coup d’État radiophonique, télévisuel, puis cinématographique, et sa couverture médiatique singulière, confère à ce flux d’exilés une connotation particulière qui se traduit, en France, par une solidarité exceptionnelle. Dans ce contexte, la France, à l’instar de quelques pays, va devenir une terre d’asile pour des milliers de Chiliennes et de Chiliens. L’apport de la mémoire des victimes complète le triptyque édifié à partir de 1973 dont les trois panneaux représentent chronologiquement la répression, l’exil et la mémoire.

El derrocamiento violento del gobierno de la Unidad Popular de Salvador Allende el 11 de septiembre de 1973 constituye una ruptura en la historia política chilena. El país queda bloqueado, paralizado inmediatamente y la Junta inicia una cruzada para salvar al país al borde del caos. Las violencias sistemáticas de los derechos humanos aterrorizan a la población y provocan un exilio masivo. A raíz de esto, miles de chilenos y extranjeros refugiados en Chile se convierten en individuos que han de ser eliminados. Este golpe de Estado radiofónico, televisivo, cinematográfico y su cobertura mediática singular confieren a este flujo de exiliados una connotación particular que en Francia se manifiesta por una solidaridad excepcional. En este contexto, Francia, a semejanza de otros países, se convertirá en una tierra de asilo para miles de chilenos y chilenas. El aporte de la memoria de las víctimas completa el tríptico creado a partir de 1973 cuyas tres hojas representan cronológicamente la represión, el exilio y la memoria.

The violent overthrow of Salvador Allende’s government of Popular Unity on the 11th of September 1973 marks a break in Chilean political history. Immediately, a wall of silence surrounds the country and the Junta begins a crusade to save the country from chaos. The systematic violations of human rights terrorize the population and cause mass exile. Thousands of Chileans and foreign refugees immediately become targets to be eliminated. This coup broadcast on radio, television and then in movies, with its singular media coverage gives this flow of exiles a special connotation which is expressed, in France, in exceptional solidarity. In this context, France, like a few other countries, becomes a land of asylum for thousands of Chilean women and men. The contribution of victims’ memories completes the triptych constructed from 1973, the three panels of which chronologically represent repression, exile and memory.

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Introduction

Le renversement violent du gouvernement de l’Unité populaire de Salvador Allende le 11 septembre 1973 constitue une rupture dans l’histoire politique chilienne. Une chape de plomb s’abat immédiatement sur le pays. La Junte entame une croisade pour sauver le pays au bord du chaos. Cette guerre sainte anticommuniste contre le régime d’Allende, devenu illégitime, autorise toutes les formes de répression au nom de la raison d’État1. Les violations systématiques des droits de l’Homme terrorisent la population et elles provoquent un exil massif. Immédiatement des milliers de Chiliens et étrangers réfugiés au Chili deviennent des cibles à éliminer. Le putsch du « 11 septembre 1973 se constitua également en événement-monde en raison de la médiatisation qui l’accompagna2 », cette dimension internationale explique la dispersion mondiale de la diaspora chilienne et la dynamique humanitaire internationale remarquable pour accueillir les Chiliennes et Chiliens3. En effet, ce coup d’État radiophonique, télévisuel, puis cinématographique, et sa couverture médiatique singulière confère à ce flux une connotation particulière qui se traduit, en France, par une solidarité exceptionnelle. Les images de la Moneda bombardée par les avions de la FACH (Forces Aériennes du Chili) ont fait le tour du monde et la diffusion d’informations sur le Chili dans les foyers, ont accru la visibilité sociale des demandeurs d’asile chiliens en France et ont servi leurs intérêts4.

Nous nous proposons de présenter dans une première partie la rapide mise en place d’un système de bannissement qui va donner aux militaires la possibilité d’exclure du Chili toutes les personnes pouvant potentiellement critiquer le nouveau régime, s’opposer à ses excès et le combattre. L’exil devient une solution idoine pour les forces armées et une réponse pour éloigner autoritairement les résistances et construire un nouvel État au Chili. De fait, la répression prend alors une double facette martiale, juridique et politique. Dans ces circonstances, la France devient une terre d’asile au Chili grâce à l’action des diplomates, puis en France pour des Chiliennes et Chiliens qui ont été accueillis5.

La deuxième partie est consacrée à la résonance du coup d’État en France qui se traduit par un vaste mouvement de solidarité qui inclut les principaux acteurs sociaux et politiques. Il va se structurer immédiatement en raison de l’urgence de la situation, apporter dans la mesure du possible des réponses concrètes aux réfugiées et réfugiés chiliens. La troisième partie intègre l’aspect mémoriel sous la forme d’une compilation de témoignages d’exilés et de retornados, afin que ces mémoires complètent le triptyque édifié, entre 1973 et 1994, par ces Chiliennes et Chiliens, dont les trois panneaux sont chronologiquement la répression, l’exil et la mémoire.

Le coup d’État officialise la légalisation de la répression et du bannissement des opposants (1973-1980)

La violence de la répression s’inscrit dans le contexte international de la guerre froide. L’opposition idéologique entre les deux blocs est orientée en Amérique latine vers les États-Unis. Le voisin étasunien renforce son rôle hégémonique grâce à une coopération militaire et policière. Celle-ci prend la forme de réseaux transnationaux qui planifient la guerre contre-subversive, contre-révolutionnaire et anticommuniste de sécurité nationale6. Au nom de ces principes, la Junte chilienne organise la répression contre la population civile. Ainsi, la raison d’État autorise les militaires à réprimer voire éliminer sans état d’âme tous les éléments reconnus subversifs.

Ce contexte légitime le recours à la violence aveugle et symbolique qui prend toute sa signification au moment et après le coup d’État. Elle est justifiée par la thèse complotiste d’un fameux Plan Zeta décrit comme l’autogolpe de la Unidad Popular qui devait imposer la dictature du prolétariat au Chili7. Les mois suivant le 11 septembre sont marqués par une répression massive et peu sélective. Cette guerre contre-subversive met à contribution l’ensemble des services de sécurité et de renseignement pour éliminer les éventuels bastions de résistance. Cette phase de liquidation de l’opposition met en concurrence les services de renseignement des différentes armes, le Commando conjoint et la Dirección de Inteligencia Nacional, plus connue sous son acronyme DINA. En ce sens, ils vont rivaliser de zèle dans leurs tâches répressives8. Des milliers de personnes sont fichées et surveillées. Les partis politiques sont confinés dans une clandestinité précaire et ils doivent se prémunir contre les délations de la population et les infiltrations policières. Rapidement, les opposants sont décimés.

Des centaines d’individus sont arrêtés, emprisonnés, torturés et souvent exécutés. À la fin de l’année 1973, la Junte dispose d’un réseau d’infrastructures et de locaux étendus sur l’ensemble du pays pour incarcérer un nombre croissant de prisonniers9. Des camps de concentration (Dawson, Puchucavi, Chacabuco, Tres Alamos, Pisagua, Melinka, Isla Quiriquina, Ritoque) et des prisons sont ouverts dans tout le pays. Parallèlement, des opérations militaires de « nettoyage » sont conduites10. Des milliers de dirigeants et de sympathisants de l’UP doivent alors quitter le pays ou se réfugier dans des ambassades pour sauver leurs vies. Ces structures diplomatiques sont rapidement saturées.

Sous la pression internationale et pour sauver les apparences, le gouvernement décide d’accorder des sauf-conduits aux demandeurs d’asile et des visas de « courtoisie » aux membres de leurs familles11. Ces octrois de documents administratifs sont présentés comme une décision humanitaire dans la mesure où ils mettent un terme à l’incarcération. À cette émigration politique s’ajoutent les expulsions administratives de prisonniers politiques. Celles-ci sont expéditives, les personnes sont évacuées de leurs cellules, elles sont conduites à l’aéroport et les familles ne sont informées de leur situation qu’après l’exécution de la mesure d’expulsion.

Néanmoins, la peine d’exil est une infraction à l’article 9 de la déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948, selon lequel « nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu et exilé12 ». La Junte viole systématiquement tous les pactes, les conventions ou les déclarations internationales auxquels le Chili a souscrit.

De plus, le bannissement ou l’exil sont anticonstitutionnels au Chili. Ils constituent une violation de l’article 10 paragraphe 15 de la Constitution de 1925 qui assure à « tous les habitants de la République la liberté de demeurer en quelque endroit de la République qu’ils choisissent, de se déplacer d’un endroit à un autre ou de sortir de son territoire [...] ; sans que personne ne puisse être arrêté, jugé, emprisonné ou exilé sauf dans les formes déterminées par la loi13 ». De ce fait, le président de la République n’a pas la compétence juridique pour expulser ou interdire l’accès au territoire national à un ressortissant chilien. Pour légaliser le bannissement et l’exil, la Junte limite le pouvoir judiciaire de la Cour suprême en invoquant l’état d’urgence et elle va promulguer une série de décrets-lois14. Le décret-loi 81, du 6 novembre 1973, délègue à l’administration la gestion des procédures de bannissement. Elle peut alors décider du droit de vivre ou non au Chili pour tous les habitants. Le décret-loi 1 du 12 novembre 1973 autorise la Junte à ne plus respecter la Constitution si elle estime que la situation le nécessite. Le décret-loi 128 donne aux dispositions des décrets-lois promulgués depuis le 11 septembre un caractère constitutionnel. Le décret-loi 175 du 3 décembre 1973 précise que toutes les personnes qui attentent à la sécurité de l’État depuis l’étranger perdent leur nationalité lorsque l’État d’exception est reconnu. Cette faculté est prolongée par le décret-loi 1697 du 12 mars 1977 qui permet l’incarcération, l’expulsion ou la relégation de toutes les personnes qui violeraient l’interdiction d’exercer des activités politiques15.

Le décret-loi 604 du 10 août 1974 autorise les expulsions et interdit le retour aux personnes concernées par la mesure16. Pour éviter tout recours d’anti-constitutionnalité, le régime promulgue le décret-loi 788 le 4 décembre 197417. Dès lors, les militaires peuvent exclure tous les opposants du Chili. Le 10 mai 1975, le décret-suprême 504 publié au Journal officiel permet de commuer en bannissement les condamnations infligées par les tribunaux militaires18. Ce texte concerne uniquement les condamnés purgeant leur peine et leur interdit tout retour. Pour ce faire, les personnes reçoivent un passeport dont la validité est limitée à la sortie du territoire national. Par ailleurs, la Junte fait pression sur les gouvernements étrangers pour qu’ils accueillent des exilés. Ce stratagème lui permet de souligner la contradiction de certains pays qui refusent des Chiliens alors qu’ils dénoncent la violation des droits de l’Homme au Chili. Par ce biais, elle se débarrasse de milliers d’adversaires potentiels. Pour bannir les personnalités politiques, le régime militaire les condamne à la déchéance de nationalité. Le Chili est devenu une prison potentielle pour tous les opposants politiques.

Le 13 août 1977, pour amorcer une nouvelle étape, le régime vote une législation ad hoc sur la question de la violence politique en promulguant le décret-loi 2191, nommé loi d’amnistie. Dans son souci de rassembler une société chilienne désunie et pervertie par l’incurie de l’Unité populaire, le régime décide d’accorder l’amnistie aux auteurs, complices ou receleurs des infractions commises pendant l’état de siège entre le 11 septembre 1973 et le 10 mars 1978 ainsi que ceux condamnés par les tribunaux militaires19. Dès lors, la Cour suprême peut prononcer systématiquement un non-lieu à partir du moment où les faits sont couverts par l’amnistie. Toutefois elle ne s’applique qu’aux seules infractions en lien avec la violence politique et elle ne peut concerner les personnes responsables de l’assassinat de l’ancien chancelier Orlando Letelier et son assistante Ronnie Moffit, perpétrés par des agents de la DINA à proximité de la Maison Blanche, le 21 septembre 1976, ceci pour maintenir des relations diplomatiques avec les États-Unis20. Pourtant, ce texte permet les premiers retours de réfugiés.

La dernière phase de légalisation de l’exil se produit le 11 septembre 1980, jour où le général Pinochet organise un plébiscite en plein état de siège et d’urgence, simulacre démocratique qu’il remporte avec 67,7 % de « oui » et qui témoigne de la personnalisation du régime. Désormais, la république chilienne est dirigée par un homme cumulant tous les pouvoirs car cette nouvelle Constitution le dote de tous les attributs autoritaires pour assurer la paix sociale et écarter toute opposition du Chili21. L’article 41 et la disposition transitoire 24 autorisent le président de la République à expulser et à interdire le retour de Chiliens pour des motifs politiques sans possibilité de recours. L’article 11 entérine la déchéance de nationalité spécifiée après le coup d’État.

Au début des années 1980, la dictature est confrontée à de nombreuses campagnes internationales de dénonciation des violations des droits de l’Homme. En réponse, en octobre 1982, elle décide de créer une commission ministérielle chargée de la question de l’exil qui permet de lever l’interdiction de rentrer au pays de 125 personnes ; elle est rapidement dissoute. Jusqu’en 1988, le gouvernement institue un système de listes, publiant les noms des personnes autorisées à rentrer. Par ce biais, il joue avec les angoisses des exilés qui étaient dans l’attente de voir paraître leurs noms. Entre 1982 et octobre 1983, le ministère de l’Intérieur édite onze listes permettant à 3 542 personnes de revenir. La répression des protestas, qui fragilisent le régime entre 1983 et 1986, provoque un nouvel exil principalement d’étudiants et de jeunes issus des poblaciones (bidonvilles). La première liste officielle datée de septembre 1984, interdit l’accès au territoire chilien à 4 942 personnes. Jusqu’au mois de septembre 1986, le gouvernement diffuse dans les médias onze listes concernant 3 703 personnes interdites de séjour. D’octobre 1986 à mai 1988, le régime rend publiques 21 listes permettant à 3 137 Chiliens de rentrer22. Finalement, le 1er septembre 1988, la dictature promulgue le décret 203 qui met un terme à l’exil.

Si on analyse la temporalité de la judiciarisation de l’exil dès le pronunciamiento militaire, il est présenté comme un choix individuel, collectif et une concession bienveillante de la Junte. De ce fait, l’image d’un exil doré se dessine et se diffuse au sein de la société chilienne. Partir concerne des individus bannis, accusés d’être des traîtres à la patrie et des profiteurs d’une situation dont ils sont les principaux responsables. Quarante-six ans après le renversement de Salvador Allende, cette représentation pèse encore sur les mentalités23.

Procédures d’accueil pour les réfugiés, (septembre -décembre 1973). La question des réfugiés selon la Junte

Dès le 11 septembre, les réfugiés deviennent des cibles pour les militaires. Selon le responsable des missions du CIME (Comité des Migrations Européennes) au Chili, Robert Kozak, entre les mois d’octobre 1973 et 1979, la procédure d’asile s’est déroulée en quatre étapes24. Pour l’ambassade de France, il fallait répondre à l’urgence de la situation et construire une politique inexistante au Chili jusqu’au 11 septembre 1973. Les premières victimes de la Junte sont les réfugiés latino-américains accueillis au Chili sous l’Unité populaire, environ 12 000 personnes, dans l’impossibilité de rentrer dans leurs pays d’origine en raison des contextes politiques nationaux, au Brésil, en Bolivie, en Argentine, en Uruguay. En 1975, les ONG internationales, CIME et la Croix Rouge Internationale, signent un accord avec les militaires pour négocier le départ de prisonniers pour quitter le Chili, le décret-suprême 504 résulte de cet accord. Simultanément, les ambassades sont sollicitées du fait de la protection qu’elles offrent aux probables impétrants demandeurs d’asile. En effet, la situation des Chiliens est particulière. À la différence des étrangers, ils ne bénéficient pas du statut officiel reconnu par la Convention de Genève donc la seule solution est de pénétrer dans une ambassade. Pour éviter la diffusion des images et des informations relatives à cette situation à l’extérieur, le gouvernement empêche l’accès aux ambassades en installant des militaires ou carabiniers autour des sites. Il joue de la détresse des Chiliens entassés dans les locaux diplomatiques en retardant les procédures administratives obligatoires pour l’obtention des permis ou des sauf-conduits dans le but de les retenir au Chili dans des conditions humanitaires et matérielles extrêmes voire kafkaïennes25. L’incertitude du contexte fragilise psychologiquement les réfugiés car les familles sont dans l’ignorance de leur situation. Elles ne connaissent pas leurs statuts et les pays vers lesquels ils seront expulsés. Ainsi, les relations diplomatiques avec le nouveau gouvernement chilien vont avoir des impacts quant aux réponses fournies aux demandeurs d’asile, d’autant plus que les initiatives des diplomates au Chili ne vont pas toujours coïncider avec celles de leurs gouvernements26. Durant ces premières années, outre les positions particulières des ambassades, les locaux du comité Pro-Paz ont été un refuge pour ces populations27.

La position diplomatique de la France

Dès le 12 septembre de nouveaux rapports diplomatiques s’établissent. L’ambassade est informée, par une note du ministère des Affaires étrangères chilien, de la constitution d’un Conseil militaire qui va exercer un contrôle absolu du pouvoir sur le territoire national et les relations diplomatiques. L’ambassadeur de France à Santiago, M. Pierre de Menthon accuse réception de cette information et le 19 septembre, El Mercurio titre que la France reconnaît le gouvernement chilien. « Pour M. de Bouillane de Lacoste, premier secrétaire de l’Ambassade, cette position critiquée en France » s’explique par « le jugement sévère que porte le gouvernement français sur l’Unité populaire »28.

Quelques jours avant le coup d’État en raison de la conjoncture chilienne, le gouvernement français avait précisé à son ambassadeur que le refuge dans l’ambassade pour venir en France n’était accepté que dans des cas exceptionnels29. Après le 11 septembre, l’ambassadeur de France s’efforce, dans la limite de ses prérogatives, d’apporter une aide aux victimes de la répression et leur permettre de venir se réfugier en France.

M. de Menthon demande des précisions à G. Pompidou pour connaître la conduite exacte à suivre. La réponse de l’Élysée est la suivante : « votre comportement ne peut que s’inspirer des circonstances, mais vous devez faire tout le possible sur le plan humanitaire30. » En tant que responsable politique, le 27 septembre, il exprime toute son émotion en critiquant la politique de Salvador Allende. Cette position fort diplomatique est confirmée par le premier ministre, Pierre Messmer, qui « refuse de s’engager dans une croisade idéologique contre les autorités chiliennes31 ».

Dès lors, l’ambassadeur accueille les Chiliens pourchassés ou victimes d’actes de torture. Il va tenter de conduire des concertations avec les autorités militaires pour faire libérer des proches des prisonniers. Les portes de l’administration française restent ouvertes pour l’accueil des réfugiés et des crédits sont alloués par le cabinet du ministre des Affaires étrangères, Michel Jobert32. Nonobstant, durant les premiers jours, « les diplomates français ont assuré de leur poche, la nourriture de ces réfugiés qui campaient dans les jardins, les bureaux, les salons et jusque dans le logement personnel de la résidence de l’ambassadeur33 ».

La principale difficulté réside dans l’obtention d’une autorisation d’entrée sur le territoire français ainsi que la prise en charge des frais de voyage de Santiago à Paris des Chiliens réfugiés à l’ambassade. À ceux-ci s’ajoutent ceux qui désirent se rendre en France mais qui sont réfugiés dans d’autres ambassades ou placés sous la protection du Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR). Selon l’ambassadeur, l’ensemble du personnel a fait preuve d’un dévouement extraordinaire34. Parallèlement, il faut secourir les ressortissants français, sympathisants de l’Unité populaire, victimes de la répression. Ce travail de soutien aux populations s’effectue dans un climat particulièrement délétère mêlant confusion et violence aveugle. D’ailleurs, Menthon intervient lors de l’incident qui oppose l’ambassadeur de Suède, Harold Edelstam, aux forces de l’ordre dans une clinique de Santiago, le 25 novembre 1973, au sujet d’une réfugiée uruguayenne hospitalisée qu’elles voulaient arrêter. Ce fait eut un retentissement notable au Chili. L’ambassadeur de Suède est devenu persona non grata et a été expulsé. En outre, le diplomate français intercède auprès de la Junte pour éviter que Luis Corvalán, secrétaire général du Parti communiste chilien, et Clodomiro Almeyda, ancien ministre de Salvador Allende, ne soient exécutés.

Pour Roland Husson, attaché culturel de l’ambassade de France, les formalités administratives relatives aux réfugiés se déclinaient en quatre étapes : obtenir le droit d’entrer dans une ambassade, prendre une personne référente, présenter les documents officiels pour recevoir un visa en sachant que l’attente pouvait durer neuf mois, et être accompagné à l’avion pour quitter le pays. Différentes ambassades, à des degrés divers35, coordonnent leur action car rapidement les conditions d’accueil se sont avérées précaires devant l’ampleur des flux : manques de sanitaires, de cuisines et de chambres36. De fait, l’ambassade de France et la chancellerie sont devenues des zones de protection placées sous haute surveillance par les militaires et les carabiniers, à l’instar des représentations italienne et suédoise. Le 11 décembre 1973 marque un coup d’arrêt dans cette politique humanitaire lorsque la Junte décide de refuser de reconnaître à l’ambassade de France l’application du droit d’asile ce qui implique la non distribution de sauf-conduits pour quitter le Chili.

Les départs vers la France sont alors gérés par les associations humanitaires chiliennes37, les organisations internationales, les institutions françaises, et l’Office pour les Migrations Internationales (OMI) en liaison avec les associations humanitaires françaises également chargées de la solidarité avec le Chili aussi bien en France qu’au Chili.

Résonance du coup d’État en France : solidarité et politique d’accueil. Les origines de la solidarité

Cette effervescence en faveur des Chiliens s’explique, selon A.-M. Gaillard, par le fait qu’ils « ont bénéficié d’un état de grâce au regard de la détermination du statut de réfugié que n’ont pas forcément rencontré les vagues ultérieures de demandeurs d’asile largement soupçonnés, à partir des années 1980, de détournement de la procédure d’asile38 ».

En outre, le contexte chilien génère une empathie exceptionnelle si l’on compare les conditions d’accueil des Chiliens aux autres flux de réfugiés ou demandeurs d’asile en provenance d’Amérique latine39. De ce fait, le renversement de l’Unité populaire a été fortement ressenti en France. La réactivité de la mobilisation dénote un haut degré de solidarité qui s’est propagé à l’ensemble du territoire dès l’annonce de la mort dramatique de Salvador Allende et de la chute de l’Unité populaire. En outre, la violence du coup d’État a provoqué une onde de choc qui participe à la mythification de cette utopie martyre. Un mouvement de solidarité immédiat se structure en collaboration avec les associations, les partis politiques et les syndicats et marque l’histoire de l’accueil des réfugiés en France. « Ce fut l’un des épisodes, trop rares, où des réfugiés politiques furent protégés et pris en charge dès le pays de départ et bénéficièrent en France d’un accueil organisé en coordination avec l’administration et des associations pour une prise en charge matérielle, linguistique et administrative40. » Le contexte politique et social français, hérité de la période post-68, marqué par la recomposition de la gauche française, suite au congrès d’Épinay en 1971 et de la signature du programme commun entre le PCF et le PS en 1972, a pesé sur l’accueil des réfugiés chiliens. D’autant que des groupes d’appui s’étaient déjà formés sous l’Unité populaire comme le Groupe inter-Amérique au sein du mouvement Justice et Paix et le Comité de soutien à la lutte révolutionnaire du peuple chilien. Ces relais ont été des soutiens supplémentaires et structurants pour organiser la solidarité.

Dès le début de l’expérience de l’Unité populaire, en septembre 1970, les principaux partis politiques de gauche, le Parti socialiste, le Parti socialiste unifié et le Parti communiste français, s’intéressent au nouvel élu avec un intérêt presque militant. Après le pronunciamiento, les parlementaires socialistes et communistes interpellent le gouvernement et le Premier ministre lors des sessions à l’Assemblée nationale sur la situation des droits de l’Homme au Chili. Ils demandent que la France se déclare prête à offrir l’asile politique aux réfugiés chiliens qui le demanderaient. Leur objectif était de créer des réseaux permettant aux Chiliens de se réfugier en France. De plus, les partis de gauche vont solliciter à de nombreuses reprises le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères pour que la France officialise sa position vis-à-vis de la Junte. Ainsi, Georges Pompidou annonce dans une conférence de presse, le 27 septembre 1973 que « nous avons des relations avec le Chili, comme nous avions des relations avec le Chili de M. Frei, excellentes ; avec le gouvernement de M. Allende, excellentes, nous avons et nous continuerons à avoir des relations avec le Chili et tel qu’il est et tel qu’il sera41 ».

Une vague de solidarité déferle sur la France

Les militants et sympathisants de gauche se mobilisent dès le lendemain du 11 septembre à l’appel des organisations politiques et syndicales qui décident de se regrouper au sein du Comité des 18. Conjointement des comités de solidarité se forment qui ne sont pas seulement des manifestations de militants ou de sympathisants de gauche. L’opposition spontanée à la Junte chilienne s’explique par les sentiments antifascistes, enracinés dans la mémoire collective des résistants durant la seconde guerre mondiale et des réfugiés espagnols lors de la Retirada et de la société française. La lecture de la presse française au lendemain du coup d’État témoigne de cet émoi42. L’ensemble des associations qui accueillent des réfugiés43 va donc constamment diffuser des informations sur les évènements au Chili44. Dans l’urgence, des appels sont lancés à la population française pour collecter des fonds de soutien reversés aux formations politiques chiliennes réprimées par la Junte comme le Parti socialiste chilien, le Parti communiste chilien, le MAPU, la Gauche chrétienne et le MIR.

En octobre 1973, l’association France terre d’asile (FTDA) lance l’Opération Chili45. Un mois plus tard, un comité de coordination est créé pour l’accueil des réfugiés qui rassemble des organismes publics, le ministère des Affaires étrangères, l’Office français pour les réfugiés et apatrides (OFPRA), le Service social d’aide aux émigrants (SSAE), et des associations laïques et d’obédiences religieuses diverses (catholique, juive, protestante)46. Il coordonne un dispositif d’accueil des familles en centres provisoires d’hébergement et d’aide à la recherche du travail. Pour favoriser des actions locales, des comités opérationnels agissent dans des domaines divers comme l’aide juridique, l’aide médicale, le logement, les billets d’avion, l’information et l’emploi. Ce mouvement de soutien aux réfugiés chiliens est actif dans toutes les villes où sont implantés des centres d’hébergement provisoires. À partir de 1974, l’association obtient l’autorisation, à titre provisoire, d’accueillir des demandeurs d’asile, alors qu’elle loge déjà 6 000 Chiliens dans ces centres d’hébergement provisoire. Avec le concours des comités opérationnels, de nombreux centres sont ouverts pour répartir les flux constants d’exilés. Dans le même temps, des accords sont passés avec le SSAE pour financer l’accès de certains réfugiés à un logement adapté. FTDA a également sollicité les offices des Habitations à loyer modéré (HLM) et la Société nationale de construction de logements pour les travailleurs (SONACOTRA) pour que des municipalités puissent ouvrir un centre d’hébergement. Par ailleurs, les associations informent les familles qu’elles peuvent prétendre à une aide financière fournie par le Fond d’installation locale pour les réfugiés (FILOR). Dans les centres d’hébergement, les exilés sont accompagnés dans leurs démarches administratives pour régulariser leur situation à l’égard de l’OFPRA. En effet, certains arrivent sans leurs passeports qui ont été confisqués par la chancellerie de Santiago. Ainsi, vingt centres d’hébergement ont été ouverts dans toute la France.

Les universités participent à ce mouvement de solidarité. La Sorbonne, Censier et Vincennes proposent des enseignements spécifiques. Le ministère du Travail, sous l’impulsion de la CGT et de la commission extérieure de la CUT, la CEXCUT, attribue des heures de cours pour que les réfugiés puissent accéder à une formation professionnelle.

Les syndicats sont sensibilisés par l’actualité chilienne. L’expérience socialiste d’Allende avait fortement intéressé les dirigeants de la CFDT. Avant le coup d’État, sa commission exécutive avait fait parvenir à la CUT un message de soutien contre la menace de coup d’État47. Après le 11 septembre, ce syndicat appelle les travailleurs à se mobiliser pour défendre le socialisme chilien. Il participe, aux côtés des partis de gauche et de la CGT, au Comité Chili et aux diverses initiatives lancées au mois de septembre. Le 17 septembre ces syndicats lancent un appel à une grève unitaire qui est suivie par 45 % du secteur public et 20 à 25 % du secteur privé dans la région marseillaise48. Dès lors, l’action de solidarité s’organise autour du Comité Chili qui devient le Comité solidarité Chili qui s’est élargi à d’autres syndicats et organisations49. Lors de ses réunions, il est décidé de tenir des meetings et des conférences de presse, de prévoir des arrêts de travail et de collecter des fonds avec des visées politiques affirmées pour le rétablissement de la démocratie. La CGT et la CFDT appellent au boycott économique du Chili et militent pour l’arrêt des importations de produits chiliens. En mars 1974, les syndicats critiquent la décision du gouvernement français, au sein du club de Paris, d’accorder à la Junte un délai supplémentaire pour le paiement de la dette alors que cette demande avait été refusée au gouvernement de Salvador Allende. Ce désir d’isoler la dictature chilienne est maintes fois réitéré entre 1973 et 1976, période durant laquelle elle affronte une grave récession qui ne pouvait plus être incombée à la gestion socialiste de l’Unité populaire. Néanmoins, les effets induits de ces pratiques ont été limités. Et progressivement, les gouvernements français vont s’aligner sur les condamnations de principe de l’ONU. Cette solidarité prend également une dimension transnationale avec des réunions à Rome ou à Helsinki et la constitution de comités dans de nombreux pays d’accueil50. De même, la CEXCUT s’installe à Paris pour assurer les coordinations des actions de solidarité dans le monde grâce à des financements du Comité solidarité Chili.

Dans le cadre de l’accueil, le gouvernement a appliqué la procédure d’urgence pour l’aide médicale gratuite car de nombreuses Chiliennes et Chiliens ont été accueillis dans des états physiques et psychologiques précaires. Néanmoins, la question matérielle la plus urgente est l’insertion professionnelle pour obtenir une certaine autonomie financière. Mais, accéder immédiatement à un emploi n’est pas possible car la législation ne permet pas à un étranger de travailler, même s’il signe un contrat de travail. Par contre, les étudiants titulaires du statut de réfugié, peuvent bénéficier de bourses identiques à celles des Français51.

Les universitaires français, à travers le Syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESUP), se mobilisent pour accueillir des professeurs et chercheurs chiliens et nouer des réseaux transnationaux de soutien aux victimes. Ils s’efforcent d’organiser la solidarité avec le peuple chilien au niveau des facultés. Le 15 septembre 1973, ils lancent une pétition, condamnant le fascisme au Chili et affirmant le soutien des enseignants du supérieur et des chercheurs français au peuple chilien. La Fédération internationale syndicale de l’enseignement52 (FISE) mène des campagnes de solidarité durant les premières années qui suivent le putsch, elle va intervenir dans les sessions du Conseil exécutif de l’UNESCO.

Les associations chargées de l’accueil ne sont pas les seules à mener des campagnes d’information sur la conjoncture chilienne, les associations de luttes pour les droits de l’Homme, Amnesty International et l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) fondée en 1974, servent de courroie de transmission avec la population réfugiée. Elles aident à la réalisation de programmes humanitaires au Chili et elles dénoncent les excès du régime.

Pour faire écho à ces mouvements de solidarité, des artistes français collaborent avec ces associations. Certaines productions culturelles, prennent fait et cause pour les Chiliens. Elles personnifient l’oppression, et le Chili incarne un territoire où les violations des droits humains sont réelles. Souvent engagés dans les luttes sociales en France, des artistes variés et populaires dénoncent les évènements chiliens pour interpeller et informer la société française53. Grâce au talent de Plantu, le général Pinochet prend l’aspect d’un officier à l’allure débonnaire portant une paire de lunettes noires et une moustache de grand-père. Ce dessin va personnifier pendant des décennies les dictateurs et autocrates dans le monde. Pinochet devient l’allégorie de la violence politique et de l’autoritarisme. L’auteur s’est inspiré en partie de la photo prise par le photographe néerlandais Chas Gerretsen en 1973, dont la Junte a vainement tenté d’éviter la diffusion. Désormais, le nom de Pinochet est indissociable des tortionnaires et tyrans du xxe siècle. Il est devenu un modèle de trahison et un symbole universel des violations des droits de l’Homme. Il est un stéréotype, « dès les premiers jours qui suivirent le coup d’État du 11 septembre, même s’il était encore difficile de connaître précisément le rôle qu’il jouerait au sein du nouveau régime, ce qui conduisit rapidement au fait que le personnage ne fasse plus qu’un avec la dictature54 ».

Ces métaphores du dictateur permettent de réveiller les consciences au gré des évènements au Chili. Elles sont devenues des supports, aux caractères psychologiques paradoxaux, à la solidarité avec le peuple chilien. La presse spécialisée55, des laboratoires et des centres de recherche56 compétents en sciences humaines et sociales ont servi cette cause57. Ce soutien reste constant et il dénote du poids symbolique du Chili et de son degré de sympathie au sein de la société française.

Mémoires d’un conflit et d’exil (1973-1988) du Chili à la France

Les phases de la répression et de l’exil ont été précédemment exposées à l’aide de différentes sources, archives publiques, privées, syndicales et associatives, presse, mais la partie sur la mémoire de la répression et de l’exil est rédigée sur la base de témoignages parus dans des articles de presse, travaux scientifiques et des ouvrages résultats d’enquêtes de terrain menées, pour certaines, personnellement en France et au Chili, abordant la thématique de l’exil chilien en France à partir de 1973. En multipliant et en diversifiant ces témoignages, nous voulons éclairer ces expériences collectives pour reconstituer ces parcours individuels, marqués par des trajectoires communes aux ressentis généralement convergents mais inévitablement teintés d’une certaine empathie chez les auteurs et les chercheurs. Ces mémoires d’exil vont être précisées autour de thèmes récurrents : la répression, le rôle de l’ambassade de France, l’accueil, la solidarité et l’engagement pour le Chili.

La violence du coup d’État dans un contexte de conflit politique et social est mentionnée avec précision comme le cœur du projet migratoire. Edicto explique : « Ils sont venus me chercher dans un camion militaire, armés jusqu’aux dents et avec tout le “traitement”. Ils m’ont conduit au camp de concentration de la Marine58 ». Augusto se souvient : « En septembre 1973, j’étais enseignant à l’université technique, membre du PCC et délégué de la CUT. Le 11 septembre, l’UTE a été encerclée par les forces armées et nous avons suivi les consignes de la CUT. L’assaut a été donné le lendemain et j’ai été emprisonné au Stade Chile puis au Stade National. De là, j’ai été déporté au camp de Chacabuco. J’y suis resté jusqu’en septembre 1974, date à laquelle l’exil m’a été proposé »59. Sergio décrit sa situation :

Mon arrestation a eu lieu le jeudi 15 mai 1975. [...] J’ai été arrêté à 11 heures et je me suis évadé à 18 heures. [...] J’ai réussi à tromper leur vigilance pendant qu’ils discutaient entre eux pour trouver refuge dans les locaux du Comité Pro Paz. Je suis resté caché pendant un mois. [...] J’ai été transporté en catastrophe dans un local tenu par des religieuses nord-américaines, des femmes formidables. [...] Puis nous avons quitté le Chili60.

Les parcours de Ricardo, de Carmen et d’Oscar rappellent le contexte conflictuel dans lequel nombre d’exilés vont nouer une relation avec l’ambassade de France ou les autorités françaises. Hector raconte :

Quand j’ai été arrêté le 14 novembre 1974 […] Je suis resté en garde à vue pendant trois mois. [...] Après j’étais dans une prison secrète. Ensuite, j’ai été emmené, au bout de trois mois et demi à Tres Alamos, puis à Ritoque. [...] J’y suis resté pendant de longs mois et quand je fus libéré, on a fait des démarches pour essayer de rester en province. [...] tout ça a contribué à ce qu’on demande à la France un visa et, au moment de quitter le Chili avec un visa français on a été expulsé61.

Carmen se remémore ces instants douloureux : « J’occupais un poste au gouvernement avec mon mari et je n’ai pas pu rester au Chili. J’ai reçu l’ordre de me rendre auprès des forces armées. Je ne voulais pas aller dans une ambassade et j’étais prête à rester au Chili dans la clandestinité. Mais dès le 11 septembre, mon mari a été arrêté, alors je me suis rendue à la Nonciature où je suis restée trois mois avant d’être présentée à M. de Menthon ambassadeur de France62 ». Oscar raconte :

J’ai été arrêté en 1974 et incarcéré dans un camp. [...] Comme je faisais beaucoup de choses dans le camp, un attaché culturel français Roland Husson, en poste au Chili au moment du coup d’État, s’est intéressé à moi, ainsi qu’à beaucoup d’autres artistes victimes de la dictature. [...] J’ai été libéré en novembre 1976 grâce à l’intervention du gouvernement français. J’ai reçu l’aide aux démunis et les gens du Théâtre du Soleil m’ont accueilli. Ils m’ont logé dans un bel appartement de la rue de Vaugirard63.

L’accueil en France est reconnu unanimement comme un moment inoubliable en raison de la sympathie de la population à leur égard. Cette amitié est évoquée lors des commémorations qui se sont tenues à Gaillon pour célébrer le 40e anniversaire de l’arrivée des réfugiés chiliens dans la commune : « À notre arrivée à Gaillon, Maurice Maire, maire, accompagné d’un groupe de personnes bénévoles nous attendaient au foyer Sonacotra pour nous souhaiter la bienvenue [...]. Nous sommes arrivés sans parler, ni écrire le français. Mais cette chaleur humaine, cette solidarité envers nous, valaient plus que des mots64. » On retrouve la bienveillance de certaines municipalités dans les propos de Pierre Mauroy, ancien premier ministre de François Mitterrand et ancien maire de Lille, lors d’un repas d’accueil et de soutien en 1975 : « La solidarité du conseil municipal est acquise pour les aider à trouver un toit et un travail. J’espère que nous allons trouver une solution à chacun des problèmes douloureux qu’il y a derrière ces visages qui sont des visages de combattants de la liberté et de la démocratie65. »

Guillermina reconnaît : « J’aurai toujours une affection et une reconnaissance profonde pour mon pays d’accueil, c’est là-bas que j’ai grandi en tant que femme, que j’ai eu mes enfants, que je suis devenue autonome et indépendante66. » Pour M., exilé à Grenoble : « C’est la première fois que j’ai compris le sens du mot asile. J’ai été accueilli. Ils ne me persécutaient pas, ils m’ont accueilli67. » Edicto :

Ils nous ont ouvert leurs bras, leur cœur et cela a beaucoup contribué à ce que nous puissions récupérer et commencer petit à petit à vivre dans une réalité différente. [...] Je suis allé dans un foyer pour réfugiés, à Lyon. Nous avions le droit d’y vivre six mois. Ce temps était nécessaire pour nous adapter, pour trouver un espace pour notre propre intimité, trouver un appartement et n’importe quel travail. [...] Nous avons mené des tâches de solidarité pour dénoncer le fascisme et ce qu’il se passait là-bas68.

Les années qui suivent l’arrivée en exil sont marquées par un intense travail de solidarité avec le Chili pour aider les victimes, et faire en sorte qu’elles ne soient pas oubliées. Cet engagement collectif a été la matrice de cette période69. Pour Patricio, ancien membre de la Gauche chrétienne et fonctionnaire sous le gouvernement de Salvador Allende, « durant les dix premières années d’exil, j’ai milité en organisant des manifestations de solidarité pour me sentir utile ». Donner un sens à l’exil à travers l’action s’impose pour de nombreux réfugiés. Eugenia se souvient de cet engagement politique : « J’ai travaillé pendant 10 ans au Comité de solidarité avec le Chili. Nous avons beaucoup dénoncé les violations des droits de l’Homme dans le cadre de programmes internationaux, pour soutenir les intellectuels chiliens et les professionnels de la santé. Nous nous occupions des Chiliens qui arrivaient en France70. » Augusto voulait que cette période d’exil enrichisse ses idéaux politiques et qu’elle soit axée sur la résistance à la Junte : « À Paris j’ai poursuivi mon activité militante au sein du PCCh ; nous bénéficions d’un cadre organisé, car nous étions soutenus par le PCF. La vie quotidienne était organisée autour de l’action militante71. » L’action de Carlos est dirigée vers une solidarité active : « En arrivant en France, je me suis engagé dans le mouvement des Jeunesses chrétiennes. Ensuite, j’ai milité dans un Comité de Chiliens ; nous travaillions avec les Français, qui organisaient des meetings. Nous avions mis en place un réseau pour recueillir des informations et développer la coopération humanitaire avec le Chili72. »

Pour Katia, psychiatre avant le coup d’État, puis arrêtée et torturée par la DINA, en exil il s’agissait de « faire une recherche sur la torture au Chili73 » : « Pendant quatre ans avec des collaboratrices, nous avons travaillé auprès des exilés qui avaient vécu des expériences traumatiques comme la prison, la torture ou une disparition parmi les proches. Pour les besoins de notre recherche, nous collaborions avec la CIMADE. Mon action est restée dans le cadre de la lutte pour le respect des droits de l’Homme au Chili74. » La seconde génération participe aux côtés des parents, Malena s’est intéressée aux événements chiliens. « Les premières années, mes parents m’emmenaient aux meetings, puis à l’âge de treize, quinze ans, j’ai milité au sein des Jeunesses communistes françaises75. »

Conclusion

La conjoncture chaotique du début du printemps austral 1973 peut se définir comme un contexte de quasi-guerre civile opposant des forces politiques et sociales insurgées à un gouvernement légitime soutenu par une partie de la population dans un cadre démocratique qui va être instrumentalisé par une tendance conservatrice de l’Armée pour le contourner. Ainsi, à la suite du coup d’État, la Junte décide de se débarrasser des franges de la société civile qui représentent un danger pour un projet politique et économique qui n’est encore qu’à ses balbutiements. Endoctrinés et persuadés des vertus de leur action, les nouveaux dirigeants chiliens judiciarisent leur désir de bannir les opposants tout en violant sans discernement les droits de l’Homme. Ils rendent alors impossible à des milliers de Chiliennes et Chiliens la possibilité de résider dans leur propre patrie. Les diplomates français en fonction en 1973 prennent donc des dispositions humanitaires pour ouvrir les portes de l’ambassade et de la chancellerie à Santiago pour sauver des personnes pourchassées et leurs familles.

Entre 1973 et le début des années 1980, entre 5 000 et 15 000 ressortissants chiliens sont venus en France en application de la ratification de la convention de Genève par la France et pour fuir la violence politique intrinsèque à la doctrine de sécurité nationale appliquée par la Junte. En outre, le renversement de l’Unité populaire a eu un écho inattendu au sein de la société française. De façon immédiate, des réseaux associatifs se structurent pour venir en aide à ces Chiliennes et Chiliens apatrides. Une dynamique d’accueil est alors enclenchée en France et au Chili avec l’ambassadeur de France qui a fait preuve d’une solidarité extraordinaire jusqu’au 11 décembre 1973. L’exil a permis de pérenniser la mémoire de l’Unité populaire et du coup d’État à une échelle mondiale et intemporelle grâce au militantisme des réfugiés dont l’étude reste à approfondir.

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https://www.ohchr.org/EN/UDHR/Documents/UDHR_Translations/frn.pdf

Notes

1 Libro Blanco del cambio en Chile, Ed. Lord Cochrane, 1973, p. 6-16. Return to text

2 Olivier Compagnon et Caroline Moine, « Introduction. Pour une histoire globale du 11 septembre 1973 », Mondes no 8, 2015, p. 20-24. Return to text

3 Kim Christiaens, Idesbald Goddeeris, Magaly Rodríguez García (eds.), European Solidarity with Chile, 1970s-1980s, Francfort-sur-le-Main, P. Lang, 2014. Return to text

4 Gérard Noiriel, Réfugiés et sans-papiers, Pluriel, Paris, 2012, p. 241-242. Return to text

5 Entre 1973 et 1983, les appartenances politiques de gouvernements et les effets de la mondialisation néolibérale influent sur les modalités de l’accueil en France (jusqu’en 1974, ordonnance du 2 novembre 1945 ; 1974 : limitation de l’accès au statut de réfugié, 1981-1983 : régularisation des étrangers arrivés avant le 1er juillet 1981 ; 1984 : réforme de la procédure d’accès au statut de réfugié en soumettant la transmission des demandes d’asile de l’OFPRA à un agrément administratif). Pourtant, si l’on observe les flux enregistrés, ceux-ci ne semblent pas avoir pâti de cette tendance au contrôle des flux migratoires. Entre 1974 et 1979, selon les statistiques des préfectures 3 231 Chiliens résidaient en France. FTDA s’est chargé d’accueillir 3 511 Chiliens munis d’un visa, la CIMADE recense 3 231 Chiliens. L’OMI a attribué une carte de séjour à 2 198 ressortissants chiliens mais nous ne disposons pas des données de l’OFPRA qui n’établit pas de statistiques précises avant 1981. De son côté, le HCR enregistre le départ de 2044 Chiliens vers la France. La France, l’Espagne et la Suède, sont les pôles d’accueil majeurs en Europe. On peut alors estimer que la présence de Chiliens disposant d’un titre de séjour légal se situe entre 5 000 et 15 000 personnes entre 1973 et 1983. Return to text

6 Voir « L’Amérique latine des régimes militaires », Vingtième siècle. Revue d’histoire, no 105, 2010. Return to text

7 Libro Blanco del cambio en Chile, p. 54-65. Return to text

8 Informe de la Comisión nacional de verdad y de reconciliación, t. 2, Santiago, Chile, 1991, p. 718-744. Return to text

9 Informe Comisión nacional sobre prisión política y tortura, Santiago, Chile, 2004, p. 231-240. Return to text

10 Patricia Verdugo, Los Zarpazos del Puma, Santiago, CESOC, 1989. Return to text

11 Vicaria de la Solidaridad, Exilio y desexilio, Santiago, 1990, p. 217. Return to text

12 https://www.ohchr.org/EN/UDHR/Documents/UDHR_Translations/frn.pdf. Return to text

13 https://www.bcn.cl/Books/Constitucion_politica_de_Chile_1925/index.html#p=11 Return to text

14 CARVAJAL-DEL MAR Zunilda, « Les manquements du pouvoir judiciaire chilien pendant le régime militaire d'Auguste Pinochet », Matériaux pour l’histoire de notre temps, n° 111-112, 2013, p. 54-58. https://www.cairn.info/revue-materiaux-pour-l-histoire-de-notre-temps-2013-3-page-54.htm [consulté le 10/11/2022]. Return to text

15 Jorge Tapia et al., Chili, la force contre le droit. Critique de la légalité du système chilien, Paris, L’Harmattan, 1989, p. 52-53. Return to text

16 Vicaria de la Solidaridad, Exilio…, p. 49. Return to text

17 Jorge Tapia et al., Chili… Return to text

18 Joaquín Ignacio Sáez Salazar, Extrañamiento en Chile: El Decreto Supremo 504 y la situación de los presos políticos de Dictadura, durante los primeros años de los gobiernos de la Concertación de Partidos por la Democracia, Santiago, Museo de la Memoria y de los Derechos Humanos, 2013. Return to text

19 Informe de la Comisión nacional de verdad y de reconciliación, t. 1, Santiago, Chile, 1991, p. 69-70. Return to text

20 Zunilda Carvajal del Mar, « La cour suprême chilienne et la répression des violations des Droits de l’homme commises pendant la dictature », dans Jimena Paz Obregón Iturra et R. Jorge Muñoz (dirs), Le 11 septembre chilien. Le coup d’État à l’épreuve du temps, 1973-2013, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 55-67. Return to text

21 Jorge Tapia et al., Chili…, p. 63-67. Return to text

22 Estella A. Aguirre, Sonia M. Chamorro, Memoria gráfica del exilio chileno, 1973-1989, Santiago, Ocho libros editores, 2008, p. 29-31. Return to text

23 Nicolas Prognon, « Histoires et mémoires de l’exil et du retour des réfugiés Chiliens, des enjeux pour la société chilienne à travers l’exemple de la diaspora en France », Amnis, no 18, 2019. URL : http://journals.openedition.org/amnis/4189 [consulté le 10/11/2022]. Return to text

24 Lire Yannek E. Smith, Una perspectiva institucional del proceso de asilo para los refugiados y perseguidos politicos en Chile después del Golpe de estado, Santiago, Museo de la Memoria y de los Derechos Humanos, 2013. Return to text

25 Lire Ana Vásquez, Les bisons, les bonzes et le dépotoir, Lyon, Fédérop, 1977. Return to text

26 Yannek E. Smith, Una perspectiva…, p. 15. Return to text

27 Nicolas Prognon, Les exilés chiliens en France, entre exil et retour (1973-1994), Sarrebruck, Éditions universitaires européennes, 2011, p. 74. Return to text

28 Luis Pradenas Chuecas, « Le témoignage des diplomates français face au coup d’État civilo-militaire. Ambassade de France. Santiago du Chili, septembre 1973 », dans Jimena Paz Obregón Iturra et R. Jorge Muñoz (dirs), Le 11 septembre chilien. Le coup d’État à l’épreuve du temps, 1973-2013, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 328. Return to text

29 Pierre de Menthon, Je témoigne. Québec 1967, Chili 1973, Paris, Éditions du Cerf, 1979, p. 68. Return to text

30 Pierre de Menthon, Je témoigne, p. 69. Return to text

31 https://www.jean-jaures.org/publication/chili-1973-le-soutien-de-lambassade-et-du-ministre-aux-refugies/ Return to text

32 Pierre de Menthon, Je témoigne, p68. Return to text

33 https://www.jean-jaures.org/publication/chili-1973-le-soutien-de-lambassade-et-du-ministre-aux-refugies/ Return to text

34 Pierre de Menthon, Je témoigne, p. 70-71. Return to text

35 Pierre de Menthon, Je témoigne, p. 75-77. Return to text

36 L’ambassade de France aurait accueilli d’après la Vicaría de la Solidaridad jusqu’à 800 réfugiés. Return to text

37 Le Comité pro Paz, remplacé par le Vicariat de la Solidarité en janvier 1976, la Fondation d’Aide Sociale des Églises Chrétiennes (FASIC), le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), le CIME, l’OFPRA et le SSAE. Return to text

38 Anne-Marie Gaillard, Exils et retours. Itinéraires chiliens, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 41-42. Return to text

39 Nicolas Prognon, Les exilés chiliens…, p. 81-92. Return to text

40 Marie-Christine Volovitch-Tavares, « L’accueil en France des réfugiés après le 11 septembre 1973 », Hommes et migrations, no 1305, 2014, p. 49. Return to text

41 Olivier Compagnon et Caroline Moine, « Introduction… », p. 16. Return to text

42 Pierre Vayssière, Le Chili d’Allende et de Pinochet dans la presse française. Passions politiques, informations et désinformation, 1970-2005, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 43-61. Return to text

43 Nicolas Prognon, Les exilés chiliens…, p. 71-73. Return to text

44 Pierre Vayssière, Le Chili d’Allende…, p. 13. Return to text

45 Nicolas Prognon, Les exilés chiliens…, p. 90. Return to text

46 Alice Médigue, Mémoires latino-américaines contre l’oppression. Témoignages d’exilés du Cône sud, 1960-2000, Paris, Indigo, 2008, p. 109. Return to text

47 Claude Roccati, Un internationalisme entre discours et pratiques. La politique internationale de la CFDT (1964-1988), thèse de doctorat en Histoire moderne et contemporaine, Université du Havre, 2014, p. 431. Return to text

48 « Après la grève nationale d’une heure, les syndicats et les partis de gauche vont poursuivre leurs actions de solidarité », Le Monde, 19 septembre 1973. Return to text

49 Claude Roccatti, Un internationalisme…, p. 435. Return to text

50 Nicolas Prognon, « Les exilés chiliens, ambassadeurs d’une résistance transnationale », dans Nathalie Fürstenberger (dir.), Discours de résistance au Chili de Pinochet, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 19-34. Return to text

51 « Au mois de mai 1974, 81 bourses avaient été accordées pour des réfugiés du Chili et 140 pour l’année universitaire 1974/75. […] Par le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD), cinq bourses ont été attribuées. Les critères d’attribution sont essentiellement formulés par rapport à la durée des études (2 ans maximum) », CIMADE Information, février 1975, p. 28. Return to text

52 À laquelle appartient le SNESUP. Return to text

53 Olivier Compagnon et Caroline Moine, « Introduction… », p. 23. Return to text

54 Manuel Gárate Chateau, « Augusto Pinochet dans la caricature de presse française et anglo-saxonne, 1973-2006 », Monde(s), no 8, 2015, p. 115. Return to text

55 Problèmes d’Amérique latine (publication de la documentation française), le Monde diplomatique, la revue Histoire, la revue les Temps modernes. Return to text

56 Institut des hautes études sur l’Amérique latine, le Centre national de recherche scientifique, l’ORSTOM, le Centre de recherches et de documentation sur l’Amérique latine (CREDAL) à Paris, les cahiers de l’économie et du développement de l’Université Dauphine (Paris VIII), le CEDOCAL. Return to text

57 Entre 1973 et 1990, 41 articles se rapportant au Chili sur les 275 inventoriés par Gustavo Mujica, poète chilien, directeur de la revue Canto Libre, exilé à Paris de 1976 à 1993 et chargé par le ministère des Affaires étrangères chilien de compiler les publications des intellectuels en exil entre 1973 et 1990. Return to text

58 Véronique Brunet, Mémoires d’un exil chilien, 1973 et après…, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 61. Return to text

59 Entretien réalisé en août 1995 au département d’histoire de l’USACH, Santiago. Return to text

60 Marianne Boscher-Gontier, Mathieu Vicens, Paroles d’exil, Paris, L’Harmattan, 2017, p. 49. Return to text

61 Véronique Brunet, Mémoires …, p. 61. Return to text

62 Entretien réalisé en août 1995 à Santiago. Return to text

63 Marianne Boscher-Gontier, Mathieu Vicens, Paroles d’exil, p. 26. Return to text

64 Aurélie Hébert, « Gaillon [Commémoration] Les réfugiés chiliens gaillonnais éternellement reconnaissants », Actu.fr, 25 septembre 2016. URL : https://actu.fr/normandie/andelys_27016/gaillon-commemoration-les-refugies-chiliens-gaillonnais-eternellement-reconnaissants_11148600.html [consulté le 16/05/2023]. Return to text

65 Emmanuel Magdelaine, « Réfugiés : il y a 40 ans, Lille accueillait des familles venues du Chili », France3, 10 septembre 2015. https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/refugies-il-y-40-ans-lille-accueillait-des-familles-venues-du-chili-804135.html. Return to text

66 Anne-Marie Gaillard, Exils et retours, p. 103. Return to text

67 Témoignage réalisé le 28 février 2013 par l’association repérages de M. Q.IM. Cité par Jacques Barou, « Des réfugiés chiliens Isère, « Exiliados. Le refuge chilien en Isère. 1973-2013 », Musée de la Résistance et de la Déportation, Isère, 2013, p. 489. Return to text

68 Véronique Brunet, Mémoires…, p. 34. Return to text

69 Nicolas Prognon, « La culture chilienne en exil en France : une forme de résistance à la Junte (1973-1994) », Pandora, no 8, 2008, p. 205-219. Return to text

70 Entretien réalisé en août 1996 à Santiago. Return to text

71 Entretien réalisé en août 1995 à Santiago. Return to text

72 Entretien réalisé en juillet 1995 à Santiago. Return to text

73 Katia Reszczynski, Paz Rojas, Patricia Barcelo, Torture et résistance au Chili. Étude médico-politique, Paris, L’Harmattan, 1984. Return to text

74 Entretien réalisé au siège du Codepu à Santiago en août 1995. Return to text

75 Entretien réalisé en août 1995 à Santiago Return to text

References

Electronic reference

Nicolas Prognon, « Exil, répression et mémoires, le triptyque des trajectoires chiliennes en France à partir du 11 septembre 1973 », Textures [Online], 27 | 2023, Online since 01 juin 2023, connection on 20 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/textures/index.php?id=435

Author

Nicolas Prognon

Université Toulouse Jean Jaurès, Framespa (France, Amérique, Espagne, sociétés, pouvoirs, cultures), F-31058 Toulouse, France

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