Ce numéro de Voix contemporaines réunit quatre réflexions majeures sur Francisco de Quevedo, d’une part, et sur le sous-genre du sueño, d’autre part, et cela dans une démarche transmédiale et transséculaire au sein de laquelle dialoguent le texte du xviie siècle de Quevedo et des œuvres d’artistes et de dramaturges des xxe et xxie siècles.
Le propos est ici de s’interroger sur la manière dont un genre littéraire du xviie siècle, le sueño, peut inspirer l’art graphique et la dramaturgie des xxe et xxie siècles espagnols. Sont ainsi analysées les estampes d’Antonio Saura (1930-1998) et de Luis García-Ochoa (1920-2019), deux artistes du xxe siècle qui illustrent les écrits de Quevedo à partir de la traduction française du Sieur de La Geneste pour le premier et d’une version en espagnol pour le second. En outre, ce numéro étudie la (ré)écriture théâtrale des Sueños1 de Quevedo que propose en 2017 le dramaturge José Luis Collado.
Ainsi, à partir d’une méthodologie résolument transdisciplinaire, sont ici convoquées des grilles de lecture de nature intermédiale – texte et gravures –, transséculaire – xviie et xxe- xxie siècles – et transculturelle – version textuelle espagnole de Quevedo et version textuelle française du Sieur de La Geneste.
Une première réflexion présentée par Emmanuel Marigno et intitulée « De l’image rhétorique à l’image iconographique : Les Sueños de Quevedo illustrés par Antonio Saura (1971) et Luis García-Ochoa (1976) » reprend diverses analyses dédiées à un corpus de gravures de Saura et de García-Ochoa dans leur contexte artistique, culturel, littéraire et politique. Afin d’apprécier l’« Entre-deux » de cette version post-baroque de Saura et de la version baroque de Quevedo, un deuxième article intitulé « Figures grotesques du pouvoir dans les fantaisies morales de Quevedo (Les Sueños et autres textes) » présenté par Ignacio Arellano expose tout le substrat culturel et littéraire des Sueños de Quevedo, tandis que dans un troisième temps Victoriano Roncero s’efforce, dans son article « La censure morale et politique dans les Sueños de Quevedo », de rendre compte du contexte philosophique et politique du texte princeps illustré par Antonio Saura et Luis García-Ochoa. Une quatrième étude intitulée « Au-delà de l’image rhétorique et de l’image iconographique : l’image incarnée. Sueños (2017), une (ré)écriture de Quevedo par José Luis Collado mise en scène par Gerardo Vera », d’Emmanuel Marigno, propose l’analyse de la (ré)écriture théâtrale de José Luis Collado, qui referme ce dialogue entre modernité et post-modernité ou, en d’autres termes, entre baroque et post-baroque.
Les travaux ici réunis s’adressent ainsi aux enseignants et aux chercheurs travaillant sur les questions de transdisciplinarité, de transculturalité, de transsécularité, ou sur les arts contemporains. Dans la mesure où les textes satirico-burlesques de Quevedo n’ont pas été traduits, ou très peu et de manière discutable, il est ici fait le choix de maintenir la version espagnole et de ne pas traduire les citations dans l’ensemble du numéro.