La mise en place du projet SGB mutualisé (SGBM) offre l’occasion de faire le point sur l’intégration des systèmes de gestion de bibliothèque (SGB) dans les systèmes d’information (SI) des établissements, de replacer ce dispositif dans des éléments de contexte et de dresser quelques perspectives. Point de vue d’un directeur des systèmes d’information.
L’intégration du SGB au système global d’information est actuellement loin d’être optimale dans la plupart des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Certes, des progrès sont opérés ici et là, mais il n’est pas rare de constater encore l’existence de deux démarches. Pourtant, il ne peut y avoir deux systèmes (deux annuaires et systèmes d’authentification, deux référentiels, etc.). Combien d’annuaires d’établissements intègrent la notion de lecteurs « occasionnels » (en dehors des étudiants et personnels d’établissement) ? Combien de SGB intègrent les étudiants et personnels directement à partir du SI de l’établissement ? Combien de bibliothèques intègrent les notions d’authentification unique et de fédération d’identité mises en place dans les établissements ? Combien d’établissements ont un comité stratégique du SI ou du numérique incluant le domaine de la documentation ?
Il est admis par tous que, pour permettre le développement du numérique et faciliter le pilotage, il est nécessaire d’intégrer les dispositifs, de les mettre en cohérence et en parfaite adéquation avec l’ensemble du microcosme constitué par l’établissement, mais aussi avec les partenaires comme les communautés d’établissements.
Les deux ne font qu’un, estampe non identifiée, 1791
© Trustees of the British Museum
Pour un référentiel de données unique
Typiquement, ne pas disposer d’un référentiel de données unique coûte trop cher en saisies multiples pour une qualité souvent perfectible tant au niveau du pilotage qu’à celui du service à l’usager. L’usager demande de plus en plus à bénéficier du meilleur service qui soit : il est unique et ne raisonne pas en termes de structure, mais de simplicité, d’intégration, d’accessibilité…Peu importent les raisons de cette faiblesse, due certainement à un manque de dialogue, à une position dogmatique des uns et des autres, mais aussi, et surtout, à un manque de gouvernance globale au service d’une vraie stratégie d’établissement et de développement des services désormais numériques. Du fait des applicatifs existant dans le monde universitaire, l’approche « silo » du système d’information est malheureusement encore très présente. Même si des établissements ont pu faire des choix de suites logicielles plus intégrées, il n’en demeure pas moins que cette dernière perdure quand il s’agit du système de gestion des bibliothèques. Mais il y en a certainement d’autres ! Constituer un référentiel de données communes, et apporter de la cohérence dans ce cadre, devient un bel enchevêtrement de liens incompréhensibles et inextricables (le fameux plat de spaghettis !) au service duquel il faut consacrer beaucoup d’énergie pour le maintenir un tant soit peu efficace.
La base même de la constitution d’un système d’information agile et performant, capable de répondre aux besoins des services et du pilotage, est le référentiel de données unique avec lequel chaque brique « métiers » va s’interfacer. Cela constitue la fluidité des données communes à plusieurs domaines dans une organisation des processus rénovée. Fort heureusement – mais malheureusement depuis trop peu de temps –, les établissements ont pris conscience de la nécessité absolue de constituer leurs systèmes d’information d’une autre manière que celle appliquée jusque-là. Le passage à l’autonomie, avec son besoin de pilotage fin, et les restrictions budgétaires ont certainement permis d’avancer dans la démarche avec des perspectives de mutualisation avancée.
Constituer un référentiel de données communes ou l’art de démêler les spaghettis…
Patrick Abi Salloum / Flickr (CC-BY-NC-SA 2.0)
Vers un système global d’information…
Les travaux du Comité de pilotage du système d’information (COPIL‑SI) de l’enseignement supérieur1, sous la présidence du ministère et de la Conférence des présidents d’université (CPU), le projet de référentiel lancé par l’Agence de mutualisation des universités et établissements (AMUE), l’implication forte des associations professionnelles des directeurs des systèmes d’information (DSI), des directeurs généraux des services (DGS) et autres, le rapprochement Cocktail/AMUE et le développement de la politique de site concourent aujourd’hui à développer fortement la notion de système global d’information et à lui donner une dynamique indispensable. Des cadres de cohérence ont été définis et sont en cours de mise à jour concernant la scolarité et la vie étudiante, la gestion des ressources humaines et la recherche. Il y a des cadres de cohérence techniques, mais aucun pour les ressources documentaires ou, plus globalement, pour les ressources informationnelles numériques. Cela est symptomatique du constat de progrès à réaliser.
À l’heure où l’on évoque, de manière de plus en plus prégnante, le recours à des outils mutualisés à tous les niveaux, il est important de veiller à ne pas faire voler en éclats le système d’information des établissements. Ce serait une véritable catastrophe pour ceux-ci tant sur le plan du pilotage que sur les aspects règlementaires et juridiques. L’établissement est l’entité juridique garante du respect de l’intégrité et de la confidentialité des données.
… et une fédération des identités
Chaque établissement dispose d’un système d’information dans lequel doit s’insérer le SGB. Le système d’information est global et ne peut plus se contenter d’une juxtaposition de « silos ». L’enjeu, face à l’avènement des dispositifs de « cloud », se situe au niveau de la qualité des services et la parfaite maîtrise des identités et profils des usagers. Comment aujourd’hui, dans un dispositif de services mutualisés ou de cloud, ne pas s’appuyer sur une fédération d’identité associant l’ensemble des établissements dans une relation partenariale forte. Déjà plus de 160 établissements d’enseignement supérieur et de recherche mettent en œuvre la fédération d’identité. Ils rendent leurs processus plus fiables en engageant globalement des démarches qualité. Un service mutualisé, comme le projet SGBM, se doit d’intégrer cette dimension rendant les établissements partenaires de la démarche globale. Beaucoup de dispositifs d’accès au wifi dans les établissements utilisent déjà ces mécanismes pour répondre au nomadisme des étudiants, mais également à celui des enseignants, chercheurs et autres personnels.
La mise en place des dispositifs de Cloud Computing offrant des services mutualisés va se développer. Le projet SGBM en est une des illustrations et il est indispensable pour tous de consolider le développement du système global d’information afin de pouvoir s’intégrer facilement dans une démarche de mutualisation ou partenariale. Il est tout à fait raisonnable de considérer que cela portera ses fruits dans les années à venir. Nous donnerons plus de force à cette démarche dans la mesure où tous les acteurs iront dans le même sens. Les tutelles, la CPU, les organes de mutualisation (AMUE, Cocktail…), les organisations professionnelles (ADGS, ADSI, ADBU…) et autres doivent travailler ensemble pour définir les grandes orientations au sein du COPIL-SI, mais il faut, aussi et surtout, que chacun des acteurs prenne conscience qu’il fait partie d’un ensemble et qu’il doit ainsi respecter les orientations et cadres de cohérence mis en œuvre. Il est donc important que le projet SGBM s’intègre totalement dans une relation partenariale forte avec les systèmes d’information d’établissement et qu’il prenne en compte tous les cadres de cohérence et travaux en cours de mutualisation.