Le comité de rédaction d’Arabesques a sollicité deux chercheurs pour évoquer leurs pratiques documentaires et leurs attentes.
Questions à… Catherine Monnier
Catherine Monnier est enseignant-chercheur en psychologie du développement à l’université Paul-Valéry Montpellier, laboratoire Epsylon. Son travail de recherche porte sur le développement de la mémoire de travail, et s’articule autour de 3 axes : Développement de la mémoire à court-terme verbale et tactile ; Humeur et capacité de mémoire de travail ; Développement d’outils.
Fréquentez-vous physiquement et/ou virtuellement « votre » bibliothèque pour votre travail de chercheur ?
Je fréquente trop peu souvent physiquement les bibliothèques Ramon Llull et Saint-Charles de l’université Paul-Valéry Montpellier 3. J’utilise de façon plus soutenue le site web de la bibliothèque interuniversitaire de Montpellier, qui me permet de trouver les articles dont j’ai besoin pour mon activité de recherche.
Quels services vous apporte la bibliothèque dans votre travail de chercheur ?
Il y a plusieurs d’années, la bibliothèque a mis en place une commission autour de la documentation électronique, véritable lieu d’échange entre les laboratoires et la bibliothèque ; cela a permis le développement de l’offre de ressources électroniques en tenant compte des besoins exprimés au sein de chaque composante. Par la suite, les bibliothécaires ont proposé des formations à la carte dans les laboratoires ou dans le cadre de la formation continue à l’université, autour des outils bibliographiques (bases de données, Zotero) et des modalités de valorisation de la recherche (archives ouvertes, identifiants des chercheurs, contraintes juridiques autour des réseaux sociaux des chercheurs,…).
Cela a été très utile pour moi, y compris dans le travail quotidien : maîtriser des fonctionnalités avancées de Zotero peut faciliter le travail en groupe pour une revue de littérature ou une méta-analyse, où vous devez manipuler des milliers de références. Comme je suis un cas un peu particulier, avec des chercheurs homonymes dans des domaines proches, les bibliothécaires m’ont également aidée à mieux comprendre le fonctionnement des identifiants des chercheurs dans le monde éditorial (j’ai ainsi découvert ORCID). Et, last but not least, j’ai pris le réflexe de déposer tous mes travaux, publiés ou pas, dans HAL, alors qu’auparavant je n’utilisais que ResearchGate. Comme la bibliothèque propose également un service de renseignement en ligne et des rendez-vous personnalisés, on peut très facilement poser des questions et les solliciter.
Quels sont les outils et les services d’opérateurs privés que vous utilisez pour votre travail de chercheur ?
En psychologie, le travail bibliographique requiert une importance particulière et nous avons la chance de disposer d’une base de données très complète, conçue du point de vue du spécialiste, PsycInfo ; c’est une ressource incontournable pour nos revues de littératures et toute recherche approfondie. Comme je travaille sur la mémoire chez les enfants, mes recherches vont dans des domaines annexes, comme la médecine ou les sciences du langage, et j’utilise en complément des bases de données spécifiques à ces domaines (Pubmed, LLBA,…). Les sites des éditeurs scientifiques sont également incontournables pour me procurer les documents : American Psychological Association, Sage, Science Direct, Springer, Wiley,…
Par ailleurs, j’utilise régulièrement Google scholar pour rechercher des articles, ResearchGate pour prendre connaissance du travail de mes collègues mais aussi pour l’accès à certains articles, Lexilogos pour l’anglais et plus spécifiquement Deepl pour m’aider dans la phase de rédaction d’articles. Enfin, j’utilise également le Web of Science pour tout ce qui concerne la bibliométrie (l’indice H, par exemple, qu’on nous demande régulièrement de suivre, mais aussi pour connaitre l’IF1 des revues scientifiques).
Qu’attendez-vous de la bibliothèque comme services pour votre travail de chercheur et qu’elle ne vous fournit pas encore ?
J’apprécierais une plus grande proximité, davantage d’échanges, d’interactions. Je pense qu’il pourrait être intéressant qu’un bibliothécaire vienne rencontrer les chercheurs dans les laboratoires une fois par an et que l’on puisse échanger sur nos usages des services proposés, sur l’existence de tel ou tel service ou de ressources spécialisées et sur ce qui pourrait être mis en place de nouveau pour nous accompagner dans notre travail de recherche. Dans un monde idéal, on pourrait avoir un bibliothécaire référent pour les chercheurs travaillant sur un domaine précis, ce qui faciliterait notre travail bibliographique.
Il y a également un autre domaine pour lequel nous aurions besoin de l’accompagnement des bibliothécaires : en psychologie, mais aussi dans d’autres disciplines, nos articles s’accompagnent souvent de données brutes présentant un réel intérêt ; comment les valoriser, où les déposer, de quelle manière les décrire de la manière la plus normalisée possible ? Un chantier primordial à l’heure où l’on parle beaucoup d’accès ouvert et d’intégrité scientifique.
Questions à… Karim Ramdani
Karim Ramdani est directeur de recherche à l’Inria2, et travaille actuellement à l’Inria Nancy Grand Est. Il est chercheur en étude mathématique et simulation numérique des problèmes directs ou inverses (notamment pour les ondes) et sur le contrôle et la stabilisation des équations aux dérivées partielles.
Fréquentez-vous physiquement et/ou virtuellement « votre » bibliothèque pour votre travail de chercheur ?
Il m’arrive d’avoir recours aux services de la bibliothèque de l’Institut Elie Cartan de Lorraine, le laboratoire de mathématiques de l’université de Lorraine. J’utilise également les accès numériques, principalement ceux des services de documentation de l’université de Lorraine, pour accéder à des documents. Avec le temps, ma pratique a évolué vers une consultation plus fréquente des documents au format numérique.
Quels services vous apporte la bibliothèque dans votre travail de chercheur ?
La bibliothèque me permet d’accéder à des monographies et des articles scientifiques pour mener à bien un travail de recherche bibliographique, de découvrir ou d’approfondir un sujet de recherche ou de préparer un cours.
Quels sont les outils et les services d’opérateurs privés que vous utilisez pour votre travail de chercheur ?
J’en utilise très peu. En particulier, je n’utilise jamais les réseaux sociaux scientifiques (comme ResearchGate), ni les outils bibliométriques comme le Web Of Science qui fournissent des indicateurs biaisés – voire erronés – pour le travail d’évaluation.
Qu’attendez-vous de la bibliothèque comme services pour votre travail de chercheur et qu’elle ne vous fournit pas encore ?
Avant tout, les bibliothèques doivent continuer à assurer un accès pérenne aux connaissances. Avec l’émergence du libre accès, les bibliothèques devraient évoluer pour jouer un rôle plus important dans :
• l’information et la sensibilisation des chercheurs, par exemple à travers l’organisation de demi-journées d’échange et de débat sur l’édition scientifique.
• le soutien financier et l’accompagnement dans la création de nouvelles revues « vertueuses » (idéalement sans frais ni pour le lecteur ni pour l’auteur), ce qui suppose une coordination nationale (comme c’est le cas en mathématiques avec le Réseau National des Bibliothèques de mathématiques), ainsi qu’un appui institutionnel (comme le fait l’Insmi3 avec le Centre Mersenne fondé en 2017).