La Société historique et littéraire polonaise et la Bibliothèque polonaise ont pour objectif, entre autres, de mieux faire connaître la Pologne en France en vue de créer un pont culturel supplémentaire entre les deux pays.
La Société organise de nombreuses manifestations culturelles, et notamment, tous les ans, une exposition temporaire de documents historiques, littéraires et iconographiques issus de ses propres collections. Des conférences, des colloques, des « soirées d’auteur » sont aussi régulièrement proposées au public, ainsi que des cycles de rencontres autour du cinéma polonais, des concerts, des expositions de peinture, etc.
Une histoire riche et tourmentée
En 1832, après l’échec de l’Insurrection nationale de 1830‑31, treize fondateurs issus de la Grande Émigration polonaise installée en France créent la Société Littéraire, association ayant pour objet de réunir et diffuser tous documents concernant l’histoire de la Pologne, et dont Frédéric Chopin sera l’un des membres. Ces mêmes personnalités vont léguer à la nouvelle Bibliothèque Polonaise leurs collections de livres de valeur. En effet, les émigrés estiment qu’il est de leur devoir de déposer à la bibliothèque ce qu’ils ont emporté du pays ou réuni au cours de leur exil.
Les ambitions de cette création sont clairement politiques : après l’écrasement de l’Insurrection dite de Novembre 1830 par le tsar Nicolas Ier, l’élite de l’émigration polonaise vivant à Paris avait une vue précise de la situation tragique dans laquelle se trouvait la Pologne opprimée. Julian Ursyn Niemcewicz, député au « Parlement de Quatre ans » et poète, s’exprime ainsi dans son appel du mois de mai 1838 : « Lorsque par la violence et par la ruse des gouvernements étrangers sapent sur les terres polonaises les bases anciennes de notre existence... lorsque les trésors qui raniment les traditions du patriotisme... sont devenus la proie de l’invasion, nous avons décidé d’élargir et d’élever le champ de nos activités. Grâce aux dons initiaux, on crée la Bibliothèque Polonaise qui va se développer, si Dieu le veut ».
Très tôt, l’association diversifie ses activités en créant une section historique et une section statistique. La bibliothèque est créée en 1838, entre autres à l’initiative du poète Adam Mickiewicz, futur professeur au Collège de France. La bibliothèque et la Société littéraire déménagent en 1854 dans un hôtel particulier de l’île Saint‑Louis.
Les collections originelles sont donc essentiellement des dons des nombreux émigrés qui ont fui leur pays après l’écrasement de l’Insurrection. La bibliothèque est un « arsenal de guerre pour l’indépendance ». D’environ 25 000 volumes en 1848, les collections dépassent les 80 000 volumes en 1912.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’immeuble est occupé et dévasté par les forces allemandes d’occupation, et les collections sont emportées en Allemagne, même si la direction de l’époque réussit à cacher en France les documents les plus précieux juste avant l’arrivée des Allemands. S’en suivra après-guerre un difficile travail de reconstitution des collections emportées.
Avec la chute du système communiste, à partir de 1989-1990, les relations sont renouées entre la Société historique et les nouvelles institutions démocratiques polonaises. Au début du XXIe siècle, d’importants travaux de rénovation sont menés à bien, qui associent, pour leur financement, le Sénat polonais, le Conseil régional d’Ile-de-France, le ministère français de la Culture, la Fondation pour la science polonaise et la fondation Zygmunt Zaleski. La bibliothèque fait partie d’un ensemble culturel qui inclut : le musée Adam Mickiewicz, créé en 1903, qui conserve des souvenirs personnels du plus grand poète romantique polonais ; le salon Frédéric Chopin, qui présente des souvenirs personnels du compositeur (portraits, tableaux, partitions musicales) ; et enfin le musée Boleslas Biegas, peintre polonais qui vécut entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, avec d’autres œuvres de peintres polonais ayant vécu en France.
Des collections riches : archives, manuscrits, documents cartographiques…
Les collections de livres, documents, manuscrits et tableaux sont considérables. On y trouve plus de 200 000 imprimés (en polonais dans la majorité des cas), près de 2 600 dossiers de manuscrits, près de 25 000 dessins et gravures, près de 8 000 cartes, atlas, tableaux et sculptures, près de 1 000 affiches, près de 5 000 photographies, près de 600 médailles, près de 1 000 titres de périodiques et près de 90 000 brochures éphémères. Au vu de la quantité et de la qualité de ses collections, la Bibliothèque constitue l’une des bibliothèques polonaises les plus riches au monde.
Certains livres ont une valeur particulière, comme les trois premières éditions historiques de l’œuvre de Nicolas Copernic, De revolutionibus orbium coelestium (publiées en 1543, 1566 et 1617), l’une des premières éditions des œuvres de Martin Luther et d’autres fondateurs de la Réforme, surtout en Pologne et en Europe centrale, de rares éditions de la Bible Polonaise du Père Jakub Wojek et des œuvres du Père Piotr Skarga. On trouve également des collections d’homélies du XVIIe siècle, des incunables juridiques et politiques, d’anciens ouvrages d’héraldique, une riche littérature politique polonaise et française des XVIIIe et XIXe siècles, etc.
En lien étroit avec les musées et le salon Frédéric Chopin, la bibliothèque conserve des ouvrages dans les domaines de l’histoire, de la littérature, de la philosophie et de l’art du XIXe au XXIe siècles, ainsi que de rares imprimés de différentes régions de Pologne des XVIe‑XVIIIe siècles. La collection est aussi riche de nombreux manuscrits, notamment des autographes royaux des XVIe‑XVIIIe siècles, les archives du prince Constantin et celles concernant les soulèvements nationaux, mais aussi des archives et documents sur l’histoire de l’émigration polonaise aux XIXe‑XXIe siècles, et sur les relations franco-polonaises. Elle possède en outre plusieurs milliers de pièces rares relevant de la cartographie, atlas, cartes des terres polonaises, etc.
Trois catalogues en ligne pour décrire les collections
La Bibliothèque polonaise possède également de rares collections de la presse polonaise des XVIIIe, XIXe et XXe siècles, particulièrement des journaux édités en Pologne et à l’étranger par les émigrés, parfois inexistants en Pologne même. Enfin, c’est sur l’Ile Saint-Louis que l’on trouve l’une des archives les plus importantes en Europe occidentale, celles sur les activités clandestines du syndicat Solidarnosc. Seule une faible partie du catalogue (10 %) est pour l’instant réellement disponible en ligne. Néanmoins, 120 000 fiches anciennes numérisées sont accessibles via un outil spécifique, et organisées comme le fichier à fiches correspondant (ordre alphabétique, classement par tiroirs et par intercalaires dans chaque tiroir…). Enfin, un troisième catalogue, réalisé par les étudiants et le personnel de l’Institut de l’information scientifique et des études bibliologiques de l’Université de Varsovie, rassemble pour l’instant 3 500 notices du fonds ancien de la Bibliothèque. À ces notices, sont jointes les photographies des pages de titre des livres anciens, des fiches du catalogue papier ainsi que les liens vers les fichiers numériques disponibles sur les sites d’autres bibliothèques.
Œuvrer pour le renforcement des relations entre la France et la Pologne
En ce début du XXIe siècle, les relations entre la Société historique et le gouvernement polonais, malmenées pendant l’ère communiste, se sont normalisées. Grâce à cela, des œuvres iconographiques conservées à la bibliothèque ont pu être restaurées dans les ateliers de conservation du Château Royal de Varsovie, tandis que les manuscrits et les livres l’ont été à la Bibliothèque Nationale de Varsovie. De même, la coopération et les échanges entre la Société historique et littéraire polonaise/Bibliothèque polonaise de Paris et l’Académie polonaise des sciences et des lettres de Cracovie, les ministères polonais et l’Ambassade de la République de Pologne en France, se sont intensifiés. Il faut espérer qu’à l’avenir, cette vénérable institution pourra continuer à œuvrer pour le renforcement des relations entre la France et la Pologne.
Portrait d’Adam Mickiewicz par Walenty Wakowicz, 1828
National Museum in Warsaw