Bibliothécaire dans la salle… et hors les murs !

DOI : 10.35562/arabesques.1785

p. 12-13

Plan

Texte

Œuvrant dans des services aux activités multiformes, les bibliothécaires doivent devenir toujours plus incontournables dans la vie de l’université.

Beaucoup de services documentaires dans l’enseignement supérieur exercent aujourd’hui une activité multiforme, explorant les différents champs que leur ont ouverts les décrets de 1985 puis de 2011 relatifs aux services communs de la documentation (SCD) des universités et développant et approfondissant pour ce faire des expertises variées qui traduisent une évolution profonde des métiers.

Des acteurs majeurs et des lieux de vie essentiels

Outre l’appui documentaire traditionnel, ces services sont présents dans le domaine de la formation par l’apprentissage, souvent innovant, des compétences informationnelles, mais aussi par l’aménagement d’espaces de travail collaboratif adaptés aux nouvelles méthodes d’enseignement et aux nouvelles pratiques d’étude ; dans le domaine de la recherche, pour le soutien de laquelle nombre de services documentaires mettent en place des équipes dédiées, du type « services aux chercheurs », dans le contexte évolutif et extensible de ce que l’on appelle désormais la « science ouverte », avec en particulier la gestion, la diffusion et la valorisation de la production scientifique de l’université. Sur le volet – naturellement transversal – du numérique, qui n’a pas peu contribué à les mettre au centre du jeu, les bibliothèques constituent des acteurs majeurs du développement des ressources documentaires (acquises ou produites), de la diffusion des usages et des formations correspondantes. Elles sont en outre des lieux de vie essentiels sur les campus, davantage ouvertes et gagnant en confort et en attractivité, et mettent souvent en œuvre une politique d’action culturelle. Certains services documentaires s’occupent également d’édition, sous forme matérielle ou virtuelle.

Cette poly-activité, dont les séances des conseils documentaires notamment se font l’écho, ainsi que les multiples partenariats, internes ou externes aux établissements, qui vont de pair, ont accru la visibilité des services documentaires. Ont-ils pour autant suffisamment modifié l’image, la perception de ceux qui en sont les acteurs, les bibliothécaires ? Il existe encore, dans un certain nombre (voire un nombre certain) d’établissements, un hiatus entre la place du SCD dans la vie et les activités de l’université et la place faite à ses agents et pour commencer à son directeur ou à sa directrice. Inviter ce dernier ou cette dernière, ou le cas échéant son représentant, dans les conseils, commissions, comités de pilotage, comités techniques, groupes de travail et autre dialogue de gestion, n’est manifestement pas toujours un réflexe, comme l’a confirmé l’enquête menée en 2018 par l’Inspection générale des bibliothèques (IGB) auprès des responsables des services documentaires dans le cadre de l’étude sur « Le pilotage de la documentation dans la gouvernance des universités »1.

Certes, depuis le passage des établissements à l’autonomie et aux Responsabilités et compétences élargies (RCE) suite à la loi relative aux libertés et responsabilités des universités2, le service documentaire est rentré dans le droit commun des entités qui composent l’université. Toutefois, il se distingue toujours par divers traits. Ainsi, une majorité de ses personnels appartient à une filière spécifique, la filière Bibliothèques. Son activité comporte deux volets, que le responsable se doit de cultiver également.

D’une part, la dimension gestionnaire : le directeur du service est l’un des principaux cadres de l’université, à la tête de locaux, d’équipements, de moyens humains3 et financiers conséquents, et devrait donc être considéré comme faisant partie de l’encadrement supérieur, ce que traduirait l’élaboration (souhaitable) d’un référentiel consacré à cette fonction dans la collection publiée par les ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur et de l’innovation4. D’autre part, la dimension scientifique. Les conservateurs sont du reste des agents BIATSS singuliers qui, en tant que « personnels scientifiques », votent dans le collège des « Autres enseignants-chercheurs, enseignants et personnels assimilés » pour les élections aux conseils centraux de l’université.

 

 

Singularité du service documentaire

Dans ce contexte de singularité du service documentaire, l’étude de l’IGB a notamment cherché à définir le meilleur positionnement, la meilleure place dans l’organigramme, pour que ce service soit le plus aisément et efficacement impliqué dans la mise en œuvre du projet stratégique de l’université, sur lequel doit s’appuyer un document de politique documentaire. Il est apparu que l’évolution des établissements, où le couple président/directeur général des services (DGS) apparaît de plus en plus fondamental, avec un DGS endossant lui-même un rôle plus politique et d’interface, amenait à suggérer un rattachement hiérarchique du service documentaire au DGS, tout en maintenant et en formalisant la relation essentielle, directe, facile et régulière, du directeur du service avec le président et son équipe de vice-présidents et de chargés de mission, autrement dit la sphère politique et scientifique. Cette configuration permet ainsi d’institutionnaliser la place du service documentaire et de l’asseoir, non plus sur des relations interpersonnelles toujours susceptibles de remises en question, mais sur un positionnement bien défini et pérenne. Elle assure également la juste et fluide articulation entre le politique et l’opérationnel.

L’invitation permanente, elle aussi formalisée, du directeur du service documentaire dans les réunions de directeurs de composante (ou instance équivalente) et dans les conseils centraux (conseil d’administration, conseil académique, commission formation et vie universitaire, commission recherche) doit permettre d’associer et d’impliquer encore davantage ce service dans la stratégie et les projets de l’université, de favoriser son information et les relations et interactions avec les divers acteurs de l’établissement. Au sein de ces instances, le directeur du service est en quelque sorte l’incarnation physique de la fonction documentaire.

Bibliothécaires embarqués dans la vie de l’université

Au-delà d’un dispositif institutionnel, au-delà d’une organisation et aussi d’une communication par les voies virtuelles, l’humain – il faut s’en réjouir – demeure prépondérant. Il importe que les bibliothécaires sortent de leurs murs, aillent à la rencontre des autres personnels de l’université, se rendent là où ils sont invités et là où ils ne le sont pas encore, dans les unités de formation et de recherche (UFR) et dans les laboratoires, frappent aux portes, se montrent, démontrent leur utilité, leur plus-value, leur expertise et somme toute leur légitimité, se fassent connaître et reconnaître (y compris des autres services), présentent et expliquent leurs activités, occupent et labourent le terrain, communiquent, construisent et reconstruisent sans cesse les relations, les partenariats et la proposition de leurs offres de services, dans la durée – cette action de fond prend du temps, dans les deux sens de l’expression – et inlassablement, avec conviction et persuasion. Bibliothécaires embarqués dans la vie de l’université, ils deviendront toujours plus incontournables.

Ceux qui restent « dans la salle », notamment pour l’accueil et la médiation – dans leur acception la plus large – au sein des locaux des bibliothèques, n’en ont pas moins un rôle important : chaque agent d’un service documentaire est co-acteur et co-responsable de l’image, celle du service, de la fonction documentaire et, en définitive, de la profession dans son ensemble.

Rapport sur le pilotage de la documentation dans la gouvernance des universités

S'appuyant sur un questionnaire rempli par tous les directeurs de service documentaire universitaire, et sur des entretiens avec divers acteurs de l'enseignement supérieur et des associations professionnelles, ce rapport formule vingt-quatre préconisations visant à consolider le positionnement et l'implication du service documentaire dans la stratégie et les projets de l'université.

1 Publiée en janvier 2019, cette étude est disponible : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid138319/

2 Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007.

3 Le service documentaire représente généralement le plus gros contingent en agents BIATSS (« bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniciens

4 Le « Référentiel de l’encadrement supérieur de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation » est

Notes

1 Publiée en janvier 2019, cette étude est disponible : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid138319/le-pilotage-de-la-documentation-dans-la-gouvernance-des-universites.html

2 Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007.

3 Le service documentaire représente généralement le plus gros contingent en agents BIATSS (« bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniciens, de service et de santé ») au sein de l’université.

4 Le « Référentiel de l’encadrement supérieur de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation » est publié depuis l’automne 2017 sous forme de fascicules par la Mission de la politique de l’encadrement supérieur (MPES) rattachée au secrétariat général mutualisé des deux ministères en question. Les référentiels par fonction sont élaborés avec, notamment, la Conférence des présidents d’université (CPU) et les associations professionnelles concernées : https://services.dgesip.fr/T976/S828/ressources_humaines#referentiels_metiers

Illustrations

 

Citer cet article

Référence papier

Olivier Caudron et Joëlle Claud, « Bibliothécaire dans la salle… et hors les murs ! », Arabesques, 97 | 2020, 12-13.

Référence électronique

Olivier Caudron et Joëlle Claud, « Bibliothécaire dans la salle… et hors les murs ! », Arabesques [En ligne], 97 | 2020, mis en ligne le 02 avril 2020, consulté le 28 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=1785

Auteurs

Olivier Caudron

Inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR, collège des Bibliothèques, de la documentation, du livre et de la lecture publique)

olivier.caudron@igesr.gouv.fr

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Joëlle Claud

Inspectrice générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR, collège des Bibliothèques, de la documentation, du livre et de la lecture publique)

joelle.claud@igesr.gouv.fr

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Droits d'auteur

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