Sciences Po est une institution bien connue pour ses formations dans le paysage de l’enseignement supérieur et ses neuf centres de recherche, dont notamment le CEVIPOF, le CERI, l’OFCE1, contribuent aussi activement à sa notoriété. Celle-ci ne s’accompagne cependant pas toujours d’une véritable connaissance de la réalité de cette institution. Qui sait que Sciences Po compte aujourd’hui environ 8 000 étudiants (presque autant que Dauphine) dont 40 % sont étrangers, près de 800 salariés permanents et que 2 000 enseignants vacataires y exercent chaque année ? Cette attractivité se mesure aussi à la croissance très forte des candidatures qui ont doublé en huit ans. Pour promouvoir une égalité d’accès à tous et éviter de s’enfermer dans le cycle, dangereux pour la démocratie, de la reproduction des élites, son directeur, Richard Descoings, a créé les Conventions d’éducation prioritaire, qui permettent à des étudiants sélectionnés dans des lycées installés dans des zones d’éducation prioritaires (ZEP) ou dont les publics sont majoritairement issus de milieux défavorisés, d’accéder aux cursus de Sciences Po. Près de 500 lycéens ont été ainsi recrutés en huit ans, dont 118 en 2008.

Ces sources multiples de flux étudiants ont amené Sciences Po à imaginer de poursuivre son développement en créant des premiers cycles délocalisés : on en compte cinq, en 2009, au Havre, Nancy, Dijon, Poitiers, et Menton2 qui accueillent entre 100 et 280 étudiants. Chacun de ces centres s’est créé autour d’une thématique internationale dédiée à une aire géographique (l’Asie pour Le Havre, l’Amérique latine pour Poitiers, l’Europe occidentale et orientale pour Nancy…). Un sixième site est en cours de discussion avec les collectivités locales concernées, pour l’ouverture, à la rentrée 2009-2010, à Reims, d’un site dédié aux relations transatlantiques avec l’Amérique du Nord. Cette dernière implantation pourrait accueillir plusieurs centaines d’étudiants, voire constituer un pôle de développement encore plus important.

Cette croissance qui pousse Sciences Po hors de ses murs est un défi pour tous ses services et pour la bibliothèque au premier chef.

Sciences Po a toujours considéré sa bibliothèque comme un des piliers de son développement et celle-ci a bénéficié d’un soutien sans faille de l’institution tout au long de son histoire3 lui évitant, notamment, les années noires que les BU ont connu dans les années 70 et qui ont cruellement amoindri leurs collections. La bibliothèque de Sciences Po figure ainsi parmi les toutes premières bibliothèques de sciences humaines et sociales d’Europe avec ses 900 000 documents dont 600 000 monographies, ses 3 000 abonnements périodiques courants, 10 000 périodiques et 40 bases de données en ligne. À l’étroit dans ses locaux, elle ne dispose à ce jour que de 1 400 m² publics et 560 places assises réparties sur sept salles sises dans trois bâtiments différents. La bibliothèque ouvre 73 heures par semaine en période pédagogique depuis juin 2008. Elle gère une antenne dans chacun des centres de premier cycle en région. Enfin, 90 % de sa très riche collection est conservé en magasin et donc en accès indirect. Ces fortes contraintes, conséquences du choix stratégique fort de l’institution de conserver son implantation au cœur de Paris, constituent un défi majeur pour le développement de la bibliothèque.

Objectif 2013

Objectif 2013

C’est pourquoi la direction de Sciences Po et son conseil d’administration ont décidé la mise en œuvre d’une vaste opération de réhabilitation‑extension des salles de lecture du 27 rue Saint‑Guillaume afin de créer 250 places supplémentaires sur six niveaux au cœur même du bâtiment historique. Ce chantier exige de repenser le fonctionnement actuel et de redéployer les collections dans tous les espaces de la bibliothèque. En outre, pour faciliter cette opération et rapprocher les collections des usagers, 2 000 mètres linéaires de magasins ont été créés à proximité, au 13 rue de l’Université. Cette opération ne peut pas être une simple extension de locaux pour la bibliothèque. Elle est, plus profondément, l’opportunité de repenser son fonctionnement autour de grands axes stratégiques.

Ceux-ci sont issus du plan stratégique de l’institution intitulé Objectif 20134 qui fixe les grandes orientations pour les 5 ans à venir :

• développement du potentiel scientifique ;
• amélioration des conditions d’accueil, d’études et de vie étudiante ;
• densification des différents outils d’accès au marché du travail ;
• amélioration des conditions de travail des enseignants vacataires, assorties d’objectifs de responsabilité sociale, quant à la préservation de la diversité du recrutement et de son ouverture aux milieux défavorisés et aux personnes handicapées, et de responsabilité écologique, pour éduquer les Terriens que nous sommes, comme le dit si bien Bruno Latour, notre directeur scientifique.

Pour ce faire, la bibliothèque a entrepris de repenser son organisation au travers d’un dispositif d’évaluation interne conduit par et avec les personnels et l’assistance d’un consultant ; quels sont aujourd’hui nos points forts et nos faiblesses ? Comment s’inscrire plus fort dans la dynamique de la recherche au sein de Sciences Po ? Comment renouveler notre apport spécifique et nos services dans l’espace numérique ? Comment faire de la satisfaction de nos usagers la pierre angulaire de la valeur de nos services ? Comment penser notre action dans les réseaux documentaires, en France, en Europe et au-delà ?

Il nous appartient de définir les projets destinés à accompagner les ambitions de Sciences Po et l’organisation adaptée qui devra être flexible, ouverte et « orientée usagers ».

D’ores et déjà, de multiples projets sont en cours : la création d’un répertoire d’archives ouvertes (SPIRE5), la numérisation des dossiers de presse soutenue par la BNF et le Département et la Ville de Paris (5 000 dossiers seront numérisés sur les 18 000 de cette collection unique de dossiers d’actualité constituée depuis 1945), la participation à des projets de recherche (Challenge : Liberté et sécurité en Europe6, l’Encyclopédie des violences de masse7…), le partenariat européen au sein du projet NEREUS-NEEO8 qui a créé un portail d’archives ouvertes en économie… Sans oublier la création d’outils pour mesurer la satisfaction des usagers et dialoguer avec eux : un blog9 et des enquêtes, produites en interne, ou internationales (Sciences Po réalisera l’enquête Libqual+ en 2009).

La condition de la réussite du foisonnement de ces projets et de la nouvelle organisation que nous allons élaborer reposent sur deux fondements essentiels :

1. le soutien de l’institution et la capacité de la bibliothèque à inscrire son développement dans sa stratégie globale ;
2. l’implication des personnels et leur mobilisation pour penser, réaliser la nouvelle organisation, et acquérir de nouvelles compétences qui viendront approfondir et renouveler toutes celles qu’ils détiennent. À l’égard de ces deux enjeux, je pense pouvoir dire, aujourd’hui, que nous avançons à la fois avec enthousiasme et confiance.