En février 2015, les bibliothèques de l’université de liège passaient au système de gestion de bibliothèque (SGB) Alma. Commencé en août 2014, le projet se concrétisait six mois plus tard par la migration vers ce logiciel et le déploiement d’une nouvelle interface de découverte primo. Bien plus qu’une « traditionnelle » réinformatisation, ce fut une expérience de modernisation de nos missions et services. focus sur quelques-uns des aspects significatifs de l’aventure.
Avant même le début officiel du projet furent montés des groupes de travail thématiques, constitués de volontaires. Les participants furent sensibilisés à l’opportunité qui s’offrait : profiter du nouvel SGB pour repenser en profondeur nos modes de fonctionnement et workflows. Ils furent incités à ne pas hésiter à repartir d’une feuille blanche, quand il s’agissait de rechercher le gain d’efficacité et la réduction des étapes dans la chaîne des opérations (le moins possible d’approbations nécessaires, de communications hors système, de documents imprimés…).
Nous tenions à éviter les mauvaises surprises ; aussi avons-nous décidé de bien comprendre la logique été supporté, de manière directe ou indirecte, par la quasi-totalité du personnel des bibliothèques.
Impliqués et assidus
Les Bibliothèques de l’Université de Liège sont au nombre de cinq, réparties en une quinzaine d’implantations sur quatre campus. Elles sont dirigées par un comité de direction constitué des cinq directeurs de bibliothèque, d’un directeur général et d’un président. L’objectif principal du passage à Alma étant la modernisation des Bibliothèques (offre de nouveaux services, automatisation accrue, réorientation des agents vers des tâches de front end, simplification…), il était essentiel que les directeurs aussi soient pleinement impliqués dans le projet d’implémentation.
Un des risques majeurs était que le SGB soit considéré comme un projet d’administrateurs système ou d’informaticiens… Aussi le comité de pilotage se composait-il de six personnes, dont le directeur général et une directrice, par ailleurs responsable d’un groupe de travail. Il se réunissait de façon hebdomadaire, toujours en présence du directeur général. Cela permettait de s’assurer que les décisions techniques et stratégiques étaient en parfaite adéquation avec la vision portée par la hiérarchie.
Bibliothèque Alpha (Architecture, lettres, philosophie, histoire et arts) de l’Université de Liège
© Université de Liège. Barbara Brixhe, 2017
Pas de SGB « boîte noire »
Une attention toute particulière fut accordée à la communication avant, pendant et après le projet. Courant 2013, tout le personnel des bibliothèques fut averti que des négociations pour le passage à Alma étaient en cours avec Ex Libris ; il fut invité à suivre des webinaires d’information. Une fois la décision prise, début 2014, tous nos agents reçurent l’appel à candidatures pour les groupes de travail.
La première réunion s’est tenue quatre mois avant le début du projet (cadrage des tâches et des attentes, nettoyage des données…). Ensuite, des réunions d’information mensuelles ouvertes à tous furent organisées afin de dresser l’état d’avancement et de permettre à chacun de s’exprimer. Un site public et un intranet furent mis en place, où des annonces régulières (calendrier et grandes étapes, changements de politique…) étaient postées.
Enfin, des communications systématiques sur l’état d’avancement étaient à l’ordre du jour de chaque réunion du comité de direction, dont les membres étaient en outre invités permanents aux réunions hebdomadaires du comité de pilotage. Le déploiement terminé, les efforts de communication se réorientèrent vers les réorganisations, les nouveaux services aux usagers, ainsi que les fonctionnalités graduellement installées lors des mises à jour mensuelles d’Alma. Parmi les nouveaux services offerts, on notera le regroupement des cinq plateformes PEB indépendantes en une seule entité consolidée1, les suggestions d’achat directement intégrées à Alma et au workflow des acquisitions, le traitement par les bibliothécaires des réservations effectuées par les usagers et leur mise à disposition dans la bibliothèque de retrait de leur choix, le lancement d’un service de numérisation à la demande gratuit pour les enseignants-chercheurs et les étudiants de maîtrise2.
Un temps pour l’essentiel, un temps pour raffiner
Selon le planning proposé par le prestataire, il était prévu que l’ensemble des formations soient dispensées sur un mois. Compte tenu du travail important déjà assuré par les groupes de travail, il ne semblait ni réaliste ni humainement possible que ceux-ci forment leurs collègues sur cet outil dont les plus aguerris ne maitrisaient pas encore toutes les subtilités. Aussi la décision a-t-elle été prise de ne former les équipes, avant la mise en production, qu’aux fonctionnalités garantissant la continuité du service du public (circulation, PEB et gestion des lecteurs). Les formations aux autres composantes (acquisitions, catalographie et création d’exemplaires, gestion des ressources électroniques, gestion des licences et tests, exploitation des statistiques, numérisation à la demande…) ne seraient dispensées qu’après le lancement d’Alma3.
Et malgré cet étalement dans le temps, plusieurs collègues ont jugé le calendrier très serré. Insistons sur le fait qu’il était parfois laborieux pour les instructeurs membres des groupes de travail, la tête toujours dans le guidon de la phase d’implémentation, de disposer du recul nécessaire pour former leurs collègues.
La spécialisation : les pour et les contre
Le passage à Alma était une excellente occasion de revoir en profondeur la répartition des tâches et des missions et la réorganisation des services. Nous n’allions en aucun cas répliquer tel quel, automatiquement et avec les mêmes personnes, ce qui se faisait avec Aleph et SFX, les outils utilisés jusqu’alors. Il était aussi exclu, dès le départ, que tout le monde fasse un peu de tout, certaines tâches sur Alma exigeant une expertise et une très bonne maîtrise de normes et/ou procédures. Ici aussi, il n’a pas toujours été évident pour les comités de direction et de pilotage de se projeter dans l’avenir et de réorganiser le fonctionnement alors que nous étions toujours en phase d’implémentation. Le remaniement commença par la décision de demander à chacun de se spécialiser dans deux ou trois tâches. Cette demande ne fut pas toujours bien acceptée. Peur de s’ennuyer ? Peur du nouveau ? Crainte face à l’exigence d’expertise qui allait de pair avec une spécialisation ? Quatre mois après le lancement d’Alma, une enquête interne a montré que 44 % des collègues étaient plutôt favorables à la spécialisation et en comprenaient la nécessité. Un pourcentage assez similaire était plutôt contre.
Du stress, mais de belles révélations
Afin de ne pas « lâcher » les collègues dans Alma, des certifications internes furent mises en place à la fin de chaque cycle de formation, non seulement pour s’assurer que chacun maîtrisait suffisamment l’outil, mais surtout pour permettre de se situer par rapport aux formations et de prendre conscience de son niveau d’appropriation de la composante Alma pour laquelle il avait été formé. Un accompagnement supplémentaire était dispensé en cas de résultat faible à la certification. Si près de la moitié des collègues ont apprécié la mise en place de ces certifications, certains y ont vu aussi une remise en cause de leurs compétences ou ont ressenti une « pression insupportable » d’examen, expérience qu’ils n’avaient plus vécue depuis longtemps.
Si le projet Alma fut particulièrement intensif, il eut vite des retombées positives, comme, par exemple, la progression de la transversalité entre les bibliothèques. Il fut également enthousiasmant pour de nombreux agents. Certains montèrent en compétence, plusieurs relevèrent de vrais défis, il y eut de belles révélations dans les groupes de travail… D’autres, reconnaissons-le, seraient bien restés quelques années encore sur Aleph. On ne peut pas plaire à tout le monde… Et les bibliothèques ne peuvent pas (plus ?) être en retard sur les attentes et besoins de leur public. Le déploiement progressif des nouveaux services « orientés usagers » ainsi que l’implication directe des agents ont indubitablement facilité l’acceptation des objectifs posés en termes de modernisation et de réorientation des équipes vers des tâches de front end.