Pleins feux sur… une bibliothèque universitaire et patrimoniale

DOI : 10.35562/arabesques.2617

p. 18-19

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La bibliothèque centrale du service de santé des armées – la BCSSA – est située dans l’aile sud du cloître de la partie conventuelle du Val-de-Grâce, lieu hautement propice à l’étude et à la méditation ; cette bibliothèque fut souvent décrite comme un joyau dans un superbe écrin, en l’occurrence dans les remarquables bâtiments classiques du XVIIe siècle. Devenue régente et mère du futur Louis XIV, la reine Anne d’Autriche conçut le projet de bâtir un important monastère, élevé sous le vocable de Val-de-Grâce, en reconnaissance de la naissance du fils qu’elle avait eu, après vingt-deux ans de mariage, et le vœu de consacrer le royaume à la Vierge Marie, patronne de la France. François Mansart dressa les plans du monastère et de l’église, dont la construction fut achevée en 1662 pour le monastère et en 1665 pour l’église. Occupé à l’origine par des bénédictins, le couvent fut supprimé en 1790 et un décret de la Convention, en date du 31 juillet 1793, autorisait le ministre de la guerre à utiliser l’édifice du Val-de-Grâce comme hôpital militaire. La fondation de l’actuelle École du Val-de-Grâce par un décret de Louis Napoléon Bonaparte, signé le 9 janvier 1850, ne fait que pérenniser l’existence d’une bibliothèque déjà largement utilisée depuis plus d’un demi-siècle par les élèves du Val-de-Grâce. Mais, à la vérité, on peut véritablement faire remonter l’existence de cette bibliothèque à l’Ancien Régime. C’est en effet une ordonnance royale de Louis XV, en date du 4 août 1772, qui institue une bibliothèque dévolue à la commission de santé, ancêtre du service de santé des armées. La bibliothèque, qui a pris le nom de « bibliothèque centrale du service de santé militaire » le 18 octobre 1916 par arrêté ministériel, est à la fois universitaire et patrimoniale. Celle-ci est alors placée sous la tutelle du musée du Val-de-Grâce afin de regrouper les documents destinés à servir aux études du service de santé. Le 7 mars 1960, un décret confie la responsabilité de la bibliothèque à un conservateur d’État, dans le but de garantir le bon entretien des collections publiques, sous l’autorité directe du directeur de l’école. Le 2 octobre 1989, à la suite d’une longue et minutieuse campagne de restauration menée conjointement par les ministères de la Défense et de la Culture, la bibliothèque quitte ses anciens locaux de la cour Broussais pour s’installer à son emplacement actuel. Elle bénéficie maintenant, sur trois niveaux, des surfaces nécessaires tant à la conservation des collections (sous-sol et rez-de-chaussée) qu’à l’accueil du public et à la communication des documents (1er étage). Au sommet du monumental escalier d’honneur, entièrement rénové lui aussi, une plaque rappelle que la nouvelle bibliothèque a été solennellement inaugurée le 22 mai 1990 par François Mitterrand, président de la République.

D’Hippocrate à Galien, de Vésale à Ambroise Paré…

C’est essentiellement une bibliothèque scientifique. En dehors de son fonds moderne, la bibliothèque doit à ses origines l’existence d’un fonds ancien très riche. Celui-ci concerne l’histoire de la médecine en général et de la médecine militaire en particulier, mais également la philosophie, l’économie politique et sociale, les sciences naturelles, l’histoire, la géographie et l’art militaire. Le fonds de l’actuelle bibliothèque centrale comprend des incunables, ainsi que des ouvrages des XVIe, XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Certains de ces livres, rares et précieux, sont remarquables par leur composition, leurs gravures sur bois ou en taille douce, leur reliure, les annotations ou dédicaces manuscrites qui les accompagnent. Tous les grands noms de l’histoire ancienne de la médecine sont présents, d’Hippocrate à Galien, de Vésale à Ambroise Paré, pour n’en citer que quelques-uns. Mais ce qui distingue la bibliothèque centrale du service de santé des armées (BCSSA) de ses prestigieuses voisines, la bibliothèque interuniversitaire de médecine et la bibliothèque de l’Académie nationale de médecine, c’est son fonds spécialisé de médecine et chirurgie militaires, qui a donné lieu à une littérature abondante, illustrée par les mémoires de campagne de Dominique Larrey, de Des Genettes, Percy, Lévy, Baudens, etc. À titre d’exemples, nous y trouvons aussi bien

  • des traités de sciences médicales (traités des maladies du cœur, traités d’hygiène, par le médecin Michel Lévy)1 ;
  • des ouvrages d’anatomie, de pathologie expérimentale, par le célèbre professeur Broussais ;
  • de nombreux dictionnaires, à l’exemple du dictionnaire d’histoire naturelle de Valmont de Bomare daté de 1775 ;
  • et, bien sûr, l’encyclopédie des sciences, des arts et des métiers de Diderot et d’Alembert, publiée en 1753.

Nous y trouvons également l’ouvrage de clinique chirurgicale dans les camps et les hôpitaux militaires, écrit par le baron Dominique Larrey, ainsi que le journal de campagne du baron Percy.

Comme particularité, et entre autres, il faut noter la présence d’un fonds très complet des XVIIIe et XIXe siècles, sur les eaux thermales et les sources minérales en France, légué en partie par le professeur Chenu.

Pendant une longue période, la bibliothèque a bénéficié de dons importants, en particulier au XIXe siècle, avec les dons du docteur Chenu, du médecin inspecteur Maillot et, bien sûr, de Dominique et Hippolyte Larrey.

Vue extérieure de la BCSSA.

Vue extérieure de la BCSSA.

Réveil d’une « belle endormie »

Aujourd’hui, avec plus de 55 000 ouvrages inventoriés, 2 000 titres de périodiques dont plus de 400 abonnements en cours, un nombre très important de thèses et une abondante littérature grise, la bibliothèque centrale du service de santé des armées est un outil documentaire dans les domaines médical et historique, mis à la disposition de l’ensemble du personnel. La richesse et la diversité de ses collections lui permettent d’atteindre un public plus large : praticiens, paramédicaux, historiens, etc. Longtemps isolée, un peu repliée sur elle-même, la bibliothèque s’est ouverte aux nouvelles technologies de l’information et de la communication afin de valoriser ses ressources documentaires et de mieux faire connaître ses fonds, d’abord à ses propres usagers.

La BCSSA bénéficie, depuis quelques années, d’un accès à la documentation électronique via la fédération de la recherche du service de santé des armées, ce qui lui permet de proposer à ses usagers plus de 2 500 titres de périodiques en ligne en texte intégral. Au service de la communauté médicale militaire, la bibliothèque continue d’affirmer la spécificité de son fonds en accordant une importance particulière à la médecine aux armées et à certaines spécialités, comme la médecine nucléaire, la médecine tropicale ou la médecine aéraulique.

Consciente des enjeux d’une coopération harmonieuse entre centres de documentation, la bibliothèque centrale participe à des échanges d’informations scientifiques entre les établissements dédiés à la recherche au sein du service de santé.

La bibliothèque projette d’affirmer ses compétences dans le traitement de l’information, non plus seulement dans celui de la documentation traditionnelle, mais en construisant une offre diversifiée qui réponde aux besoins d’un public plus large. Le projet de la mise en œuvre d’un portail documentaire devrait lui permettre, à terme, d’atteindre ses objectifs.

Bien que dotée d’un système intégré de gestion de bibliothèque (SIGB), la bibliothèque ne bénéficiait d’aucun réservoir de notices pour assurer le catalogage courant et entreprendre une politique de conversion rétrospective de ses catalogues. Sa participation au réseau du Sudoc va lui donner les moyens de poursuivre et achever son inventaire mais va également lui permettre de valoriser ses collections. La mise en œuvre d’un portail documentaire devrait conforter la place qui est la sienne dans le vaste réseau documentaire de son secteur.

Avec un taux de recouvrement de notices, évalué entre 75 et 80 %, la bibliothèque contribuera à l’enrichissement du catalogue du Sudoc en signalant des ouvrages très spécialisés, dans le domaine de la médecine militaire tout particulièrement.

Parions également que sa participation à ce catalogue collectif favorisera le développement des échanges, en augmentant l’activité du prêt entre bibliothèques à travers ses deux fonctions : fournisseur et demandeur.

Dans un deuxième temps, ce sont les bibliothèques de composantes qui seront concernées, en priorité le centre de documentation de l’ESSA (École du service de santé des armées) de Lyon-Bron et la bibliothèque de celle de Bordeaux. On a souvent qualifié la bibliothèque centrale de « belle endormie » ; souhaitons que l’ensemble de ces dispositifs et projets la réveille et lui permette ainsi de remplir pleinement ses fonctions, au sein d’une structure modernisée.

Notes

1 C’est le professeur Lévy qui, le premier, s'intéressa à la bibliothèque, en devint le bibliothécaire ; grâce à sa gestion rigoureuse, elle commença à se développer et devint un instrument de travail. Retour au texte

Illustrations

Citer cet article

Référence papier

Jean-François Maillols, « Pleins feux sur… une bibliothèque universitaire et patrimoniale », Arabesques, 48 | 2007, 18-19.

Référence électronique

Jean-François Maillols, « Pleins feux sur… une bibliothèque universitaire et patrimoniale », Arabesques [En ligne], 48 | 2007, mis en ligne le 19 avril 2021, consulté le 19 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=2617

Auteur

Jean-François Maillols

Directeur de la bibliothèque centrale du service de santé des armées BCSSA - Tel 01 40 51 47 34 Fax 51 06 - 1 place Alphonse-Laveran 75230 PARIS CEDEX 5

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