Rassemblant 20 000 lettres numérisées, FamiliLettres, porté par le Cnam et plusieurs partenaires avec l’aide de CollEx-Persée, est à la fois un projet de valorisation patrimoniale, d’édition et un terrain d’expérimentation.
FamiliLettres est le projet d’édition sur la plateforme EMAN des correspondances privées, actives et passives, de Jean-Baptiste André Godin (1817-1888), industriel et créateur de l’expérimentation sociale inspirée du fouriérisme que fut le Familistère de Guise, et de sa collaboratrice et compagne Marie Moret (1840-1908). Il est porté par la Direction des bibliothèques et de la documentation du Cnam (Conservatoire national des arts et métiers) et le Familistère de Guise, qui conservent ces correspondances, avec deux laboratoires du Cnam, le Lise (Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique, UMR CNRS-Cnam n° 3320) et le Cédric (Centre d’études et de recherche en informatique et communications, EA4629).
L’idée de l’édition de ce corpus de près de 20 000 lettres est née fin 2016 lors d’une rencontre entre la bibliothèque centrale du Cnam et le Familistère, l’objectif étant de donner un accès unique en ligne à cet ensemble physiquement dispersé, à la suite des inquiétudes quant à sa conservation et présentant des difficultés de lecture. En effet, ce corpus est exceptionnel à bien des égards, par sa volumétrie, sa complétude et sa richesse. Les deux auteurs ont ainsi pris soin de conserver de manière systématique dans des registres une copie des lettres qu’ils envoyaient, copie réalisée par le moyen d’une presse à copier sur une période très longue entre 1843 et 1908. Il constitue un des rares exemples de double correspondance active et passive, bien que cette dernière soit beaucoup plus lacunaire, pour l’histoire sociale et politique du XIXe siècle. Au-delà du fouriérisme, il intéresse de nombreux champs de recherche : histoire de l’éducation, du féminisme, de la vie privée, de l’architecture du logement, du pacifisme, du mouvement spirite, histoire et sociologie des communautés intentionnelles, sociologie des prefigurative politics1.
Mais la réalisation de ce projet avait alors achoppé sur le manque de moyens humains et financiers et le constat que les outils à notre disposition, et notamment la bibliothèque numérique du Cnam, le Cnum, développée à l’origine pour valoriser un corpus de livres imprimés, n’offrait pas les fonctionnalités nécessaires à une telle entreprise (schéma de métadonnées contraint, impossibilité de lier des notices entre elles). La recherche d’un tel outil nous a amenés en 2019 à nous rapprocher de la plateforme EMAN2, outil de publication numérique basé sur Omeka pour la diffusion et l’exploitation de manuscrits et de fonds d’archives modernes qui permet de diffuser à la fois les documents numérisés, leurs descriptions, leurs transcriptions et leurs analyses scientifiques et qui hébergeait déjà plusieurs projets d’édition de correspondances.
Le financement de collex-persée : un levier indispensable
Le financement de CollEx-Persée a permis le recrutement d’un ingénieur d’études durant 24 mois, sur qui reposent notamment l’enrichissement des métadonnées descriptives de la correspondance (auteur, destinataire, lieu de rédaction et d’expédition mais aussi œuvres citées, personnes citées, événements cités, résumé…), l’enrichissement des métadonnées relatives aux correspondants (plus de 3 100 identifiés à ce jour), la transcription des lettres et l’administration de notre site sur EMAN. Il nous a permis aussi d’obtenir les crédits nécessaires pour soutenir les évolutions de la plateforme EMAN à travers de nouveaux développements informatiques, dont profiteront les autres projets hébergés sur EMAN. Enfin, avec le Cédric et l’appui d’une stagiaire de master 2, nous avons travaillé sur un volet plus expérimental pour la réalisation d’une interface permettant la visualisation des données et facilitant la compréhension et la déambulation dans le corpus.
Bien que l’investissement de l’équipe dans FamiliLettres se fasse parfois au détriment d’autres activités, ce projet, qui est tout à la fois un projet de valorisation patrimoniale, d’édition et un terrain d’expérimentation, a permis, outre une montée en compétence dans le domaine des humanités numériques, de créer une synergie de travail avec plusieurs laboratoires de recherche et de mieux connaître nos collections pour lesquelles nous espérons une visibilité et une exploitation accrues.