La recette est sans doute perfectible, mais voici un ingrédient à disposition de tout prétendant au doctorat : la connaissance des sujets de thèses sur lesquels d’autres planchent ou viennent de plancher. Rien de tel pour se motiver que de savoir que son voisin prépare aussi une thèse et de rendre public ce qui sera presque l’unique objet de ses pensées durant au moins trois années, histoire de partager son pique-nique et de tailler une bavette.
Imaginons, par exemple, que, doctorant à Nancy, je me passionne pour la charcuterie. Je serai heureux de savoir que deux de mes camarades viennent de plancher l’un sur le jambon sec1 en 2011 à Toulouse, l’autre sur le jambon cuit en 2013 à Clermont-Ferrand2 ou encore qu’à l’université d’Artois, les sciences de gestion s’intéressent à la charcuterie3. Ma curiosité charcutière se délectera alors de la mise en place de l’application Step. Que vient faire le fitness dans mon jambon, me direz-vous ? Et bien non, détrompez-vous, ce n’est pas pour mettre en mouvement un corps de thésard, trop accaparé par son travail de recherche et la date prochaine de sa soutenance, que l’Abes a mis en place l’application Step. Celle-ci permet à tout établissement de soutenance qui souhaite participer au signalement de la recherche en cours de recenser les sujets de thèses en préparation chez lui depuis moins de 10 ans.
L’Agence a en effet repris le flambeau du Fichier central des thèses, autrefois géré par l’université Paris Ouest Nanterre. Elle en a profité, à la demande du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, pour concevoir le moteur de recherche theses.fr4, ouvert à l’été 2011 et dont l’objectif est double aujourd’hui : assurer une visibilité à la recherche en cours et aux thèses déjà soutenues depuis 1985. C’est une vitrine des applications professionnelles de l’Abes dédiées au signalement des thèses qui a été ainsi mise en place. La navigation par facettes a été privilégiée permettant de piocher entre date de soutenance, nom d’établissement, de discipline, d’école doctorale ou de directeur de thèses pour effectuer sa recherche. Les résultats sont exportables en formats variables et le succès du moteur réside dans sa facilité d’utilisation, sa visibilité sur le web et sa proximité avec le monde de la recherche. En effet, il est possible de signaler directement une erreur sur la page d’une thèse soutenue, erreur qui sera automatiquement dirigée vers le correspondant de l’établissement de soutenance en question, à même de faire procéder à la correction.
Des recettes adaptées
Il ne resterait plus alors au doctorant qu’à se perdre la tête dans les étoiles, une fois son sujet de recherche défini ? C’est en effet sous le nom évocateur de « Star », que, depuis 2006 et en prolongement de l’arrêté du 7 août de la même année5, l’Abes a mis en place une application spécifiquement dédiée au dépôt, au signalement et à l’archivage des thèses électroniques. En effet, chaque établissement de soutenance doit opter pour un mode unique de dépôt pour ses thèses :
- soit il choisit le dépôt papier, option en désuétude, et le catalogage s’effectue dans WinIBW avec une visibilité automatique dans le Sudoc et dans theses.fr (le Sudoc demeurant, à l’heure actuelle, le répertoire national des thèses de doctorat) ;
- soit il choisit le dépôt électronique, en plein essor, et utilise l’application Star, spécifiquement dédiée à cet usage (la visibilité est la même que pour le dépôt papier).
Grâce à la recommandation « aux petits oignons » TEF6 (Thèses électroniques françaises), spécifiquement dédiée aux thèses électroniques, celles-ci sont signalées, archivées de façon pérenne au Cines, et Star facilite leur diffusion en pointant dès que possible vers l’accès à leur texte intégral, tout en respectant les choix et droits du docteur. La diffusion peut avoir lieu via TEL, le serveur de thèses en ligne pluridisciplinaire de l’archive ouverte Hal, via une archive institutionnelle ou via le serveur de l’Abes. Depuis que Star existe, le dépôt électronique des thèses a fait ses preuves et joué un rôle de facilitateur pour leur diffusion avec un accès au texte intégral dans la majorité des cas. Le nombre d’établissements participant à Star7 n’est pas maximal, mais presque. Seuls cinq établissements viennent d’être contactés en 2015 pour entrer dans le dixième cercle de déploiement de réseau Star qui compte déjà 117 établissements à son actif. Star a effectivement fait le plein au niveau des universités participantes et ce sont désormais uniquement des écoles ou des instituts qui n’ont pas encore rejoint les rangs.
Pour Step, il reste, en 2015, 11 établissements susceptibles de rejoindre le réseau, dont trois universités. Le signalement du sujet de thèse en préparation, lui, n’est pas une obligation, mais juste une suggestion. Le périmètre des établissements pouvant rejoindre Step s’est élargi en dépassant le cadre des universités auquel il était autrefois circonscrit après la fermeture de la base de données Thesa, dédiée aux grandes écoles.
Des chefs de cuisine
Pour faire le lien entre l’Abes, les applications qu’elle met à disposition, et les établissements de soutenance, un ensemble cohérent de correspondants a été mis en place à partir de 2011 et chacun dispose d’une liste de diffusion spécifique pour favoriser les échanges. Le coordinateur thèses, nommé par le président ou directeur de l’établissement, dispose d’une vue globale du circuit des thèses dans son établissement. Le correspondant Star est le point de jonction entre l’application du même nom, ses différents intervenants et l’Abes, tandis que le correspondant Step a le même rôle pour cette dernière application. Les applications Step et Star sont interconnectées et les imports ont depuis l’origine été favorisés comme mode d’alimentation afin d’éviter les doubles saisies. Un travail logique de collaboration en a découlé, que ce soit avec l’association Contact pour son outil Adum (Accès doctorat unique et mutualisé)8 ou l’Amue9 pour les imports avec Apogée.
Un rayonnement européen
L’Abes participe au portail européen des thèses Dart Europe10 qui permet, grâce au moissonnage des thèses de Star, d’assurer une visibilité à l’échelle
européenne des thèses électroniques. Car, comme évoqué précédemment, le nerf de la guerre est bien la diffusion de la thèse. Les écueils juridiques sont nombreux et l’arrêté de 2006 trop lacunaire. Si l’objet « thèse » reste complexe à dompter, l’objectif est bien, sauf cas de thèse sous embargo ou confidentielle, de favoriser au maximum cette diffusion. C’est en tous cas dans cette perspective qu’ont été conçues, dès l’origine, Step, Star et theses.fr.
En termes de gestion du réseau des thèses, de visibilité des établissements de soutenance et d’environnement de production des applications Step et Star, c’est la mouvance des institutions de l’enseignement supérieur qui pose aujourd’hui des questions complexes (la mise en place des Comue, par exemple).
L’Abes aurait-elle été visionnaire sur les grandes tendances du doctorat avec les choix de noms pour ses applications ? La recette Step, Star, et, cerise sur le gâteau, theses.fr aurait-elle donc pris ? C’est bien en partageant, en innovant, en cuisinant que le docteur d’aujourd’hui arrive à valoriser sa thèse de façon attractive. Des initiatives récentes le montrent : du concours officiel lancé par la Conférence des présidents d’université (CPU) et le CNRS « Ma thèse en 180 secondes »11 au concours de photos « Cuisine ta thèse» (cf. illustration), en passant par le concours
« Dance your Ph.D » qui récompense une vidéo dansée sur le sujet étudié par le thésard, l’humour est à l’honneur afin de dédramatiser ce « rite de passage», pour reprendre le titre de l’ouvrage de Laetitia Gérard12.