Le constat de départ : la plupart des fichiers informatiques créés il y a dix ans sont aujourd’hui illisibles. Détérioration du support physique, format de fichier inconnu, logiciel ou matériel de lecture disparus… sont autant de facteurs d’obsolescence technologique qui contribuent à la disparition rapide des documents numériques.
Aujourd’hui, alors que la production et la publication des documents scientifiques tend vers le tout numérique, une telle situation est difficilement acceptable. Il est indispensable et urgent de se doter de tous les moyens qui permettront de garantir la conservation et la lisibilité des documents numériques sur le très long terme. La problématique de l’archivage numérique pérenne recouvre l’ensemble des travaux, des méthodes et des outils qui contribuent à cet objectif. Si l’obsolescence technologique est évidemment un facteur inéluctable – revers de la médaille du « progrès » technologique – il est tout à fait possible d’en freiner et d’en maîtriser les effets néfastes : en gérant le vieillissement physique des médias, en privilégiant les formats de fichiers « durables » et les normes, en évitant la dépendance vis-à-vis d’un logiciel, d’un matériel, d’un fournisseur, etc. Si les solutions techniques opératoires aux problèmes posés restent aujourd’hui encore très partielles et insatisfaisantes, le « matériel » disponible au plan méthodologique et conceptuel permet d’appréhender pleinement la problématique et les enjeux et pose les bases des solutions à venir.
OAIS
Le modèle OAIS – norme ISO 14721 – établi à l’initiative du CCSDS (regroupement international des agences spatiales) fournit un cadre abstrait indispensable pour bien comprendre et pour se poser toutes les bonnes questions.
OAIS identifie et décrit les trois types d’acteurs d’un système d’archivage – le producteur, l’utilisateur et le management – ainsi que les six grandes fonctions à couvrir :
- le versement,
- le stockage,
- la gestion des données,
- l’accès,
- la planification de la pérennisation,
- l’administration.
OAIS propose un modèle de données pour décrire et structurer toutes les métadonnées qui doivent accompagner l’objet numérique à préserver : l’information de représentation, l’information de pérennisation, l’information d’empaquetage, et l’information descriptive. En moins de trois ans, le cadre de référence OAIS s’est clairement imposé auprès de tous les acteurs professionnels de l’archivage numérique. D’autres normes « métier », plus concrètes et plus spécialisées, viennent en complément du modèle OAIS. Il s’agit notamment de la norme française AFNOR Z 42‑013, établie à l’initiative des professionnels français de la GED, du modèle européen MoReq, et de la norme internationale ISO 15489 sur le « records management ».
CINES
La prise de conscience par les politiques et les décideurs, des enjeux et des risques liés à la perte de l’information numérique se fait rapidement. Les textes récents visant à promouvoir l’économie numérique, et les obligations d’archivage légal qui en découlent, y contribuent très fortement. Le secteur public est très présent, notamment au travers de tous les projets d’e-administration portés par l’ADAE – Agence pour le développement de l’administration électronique.
Le CINES, qui a reçu mission du MENESR d’assurer l’archivage pérenne des thèses électroniques et des revues numérisées du portail Persée, met actuellement en place un service générique d’archivage numérique qu’il proposera bientôt à l’ensemble de la communauté « Enseignement supérieur et Recherche ». Un premier module de versement des documents à archiver sera prochainement disponible. Les modules complémentaires – stockage des archives et accès aux archives – devraient être disponibles d’ici la fin de cette année 2005. Un nouveau métier se dessine au carrefour de l’informatique, de l’archivistique et de la bibliothéconomie. Si nombre de questions de tous ordres sont encore aujourd’hui sans réponse, la multiplication des initiatives et des projets, dans un contexte d’échange et de coopération tant au plan international qu’au niveau français1, incite résolument à l’optimisme.