La Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (BNUS), fondée en 1875 après la destruction de l’ancienne Bibliothèque de la ville, et dès le départ très richement dotée par le gouvernement allemand d’alors, est aujourd’hui une des plus importantes de France, avec plus de trois millions et demi de volumes conservés. À l’exception des ouvrages anciens, elle n’héberge depuis 1992 et la création des services communs de documentation des universités que des ouvrages de sciences humaines. Mais quelles que soient les disciplines, en raison de l’histoire même de l’établissement, la part des titres en langue allemande est évidemment très importante. En 1918, la bibliothèque était une des plus riches de l’empire allemand. Avec le retour à la France, les politiques d’acquisitions ont naturellement changé, mais le poids des fonds allemands est resté très significatif et ceux-ci, même pendant les périodes moins favorisées, n’ont jamais cessé d’être complétés. C’est donc tout naturellement que la BNUS est devenue en 1980 CADIST (Centre d’acquisition et de diffusion de l’information scientifique et technique) de langue, littérature et civilisation germaniques, puis en 1994 pôle associé de la Bibliothèque nationale de France pour ces questions. Cette situation nouvelle a permis un spectaculaire développement des collections de langue et de littérature ; dans les domaines touchant à la civilisation des pays germaniques (arts, histoire, histoire culturelle, etc.), les fonds existants ont pu aussi largement être complétés, faisant de la BNUS l’établissement de référence en France pour ce qui concerne l’aire culturelle de ces pays.
Pièce rare dans les bibliothèques françaises, cette page de caricature est extraite du Morgenblatt für gebildete Stände, journal très influent du début du XIXe siècle qui paraissait à Tübingen et à Stuttgart. Elle se moque de l’accoutrement jugé peu sérieux de la police municipale de Berlin, qui ne risque pas ainsi de passer à la postérité. La planche est parue dans le n° 23 du 27 janvier 1807. BNUS
L’actualité éditoriale allemande
La création d’une offre reflétant l’actualité éditoriale allemande s’est inscrite dans la continuité de cette logique. La BNUS a un rayonnement qui excède largement les frontières strasbourgeoises : bibliothèque de référence pour la région Alsace, elle fait partie de la Confédération des universités du Rhin supérieur (EUCOR), par une convention qui autorise les étudiants et professeurs des établissements concernés (Bâle, Fribourg, Karlsruhe, Mulhouse) à bénéficier de ses services ; enfin, grâce au prêt entre bibliothèques, elle joue en France le rôle d’établissement de recours, fréquemment sollicité de par la diversité et la richesse de ses fonds. Elle est donc apparue comme jouissant d’une position des plus favorables pour représenter et faire connaître au plus large public l’actualité éditoriale allemande et offrir ainsi, en s’appuyant sur la base de ses fonds d’études et de recherche, un panorama aussi complet que possible de la culture germanique. Elle entend ainsi apporter son concours à la promotion des langues et de la culture des pays européens, à l’heure où l’on s’interroge sur la portée en France de l’enseignement des langues et où la situation de l’allemand en particulier est des plus délicates. La BNUS, forte de son passé et de l’importance de ses collections, forte également de son implantation et de son rayonnement dans une région de France où l’allemand est encore un peu plus favorisé qu’ailleurs, a souhaité par la mise en place de ce fonds d’actualité s’inscrire dans cette logique de défense et de promotion des cultures européennes.
Dans l’actualité et dans le Sudoc
L’offre consiste dans l’arrivée, chaque semaine, d’une quarantaine de nouveautés acquises au fur et à mesure de leur parution, le principe étant de ne proposer au public, dans le cadre de ce service, que des ouvrages qui viennent de paraître. Ceux‑ci doivent refléter aussi fidèlement que possible l’offre que trouverait un lecteur cultivé dans une grande librairie allemande. Dans le même souci de coller à l’actualité, tous les ouvrages sont accessibles au public le lendemain de leur arrivée à la bibliothèque. L’ensemble du fonds est en libre accès, les livres les plus anciens étant régulièrement retirés pour rejoindre les magasins fermés de la bibliothèque. À cette occasion, une indexation et un catalogage complets sont faits – le traitement rapide à l’arrivée suppose évidemment un précatalogage plus succinct. En 2003, 1 352 titres ont été acquis par ce biais. Ils viennent compléter utilement les acquisitions faites aux titres du CADIST et du pôle associé, dans le domaine de la civilisation notamment. Leur intégration dans le Sudoc ne diffère donc pas de celle des livres arrivant par des canaux plus classiques. Ce fonds a d’ailleurs été mis en place en mai 2001, peu avant que la BNUS ne commence à travailler dans le Sudoc, ce qui s’est fait en octobre de la même année. Rappelons que le pôle d’excellence « Langues, littératures et civilisation germaniques » traite chaque année près de 4 500 titres (4 390 en 2003) et contribue de cette façon à un enrichissement du Sudoc sur les questions ayant trait au monde germanique. En effet, dans ce domaine comme dans d’autres, si le taux de recouvrement des titres français avoisine les 100 %, pour les titres allemands, le recours au Sudoc est la plupart du temps inopérant. L’utilisation des bases externes mises à la disposition des catalogueurs du Sudoc (RLG, Library of Congress, Deutsche Bibliothek) est donc indispensable, avec les corrections et ajustements que cela suppose – par exemple pour mettre aux normes françaises les notices de la DB. Cette situation est d’ailleurs générale à la BNUS et s’explique par l’importance traditionnellement accordée aux acquisitions en langues étrangères – près de 60 % du total des titres. Ainsi, sur l’ensemble des ouvrages catalogués dans l’établissement, la répartition est en gros de 60 % de dérivations et de 40 % de créations. Ces dernières, comme on l’a déjà vu, ne se font cependant pas ex nihilo et les bases Z39.50 (RLG, LOC, DB) sont fréquemment sollicitées. On peut dire que, toutes origines confondues, le nombre de créations faites par la BNUS ne dépasse pas les 5 %, ce qui rend, somme toute, le bilan largement positif. Parallèlement, l’apport que constitue pour le catalogue collectif l’ensemble des ouvrages arrivant dans le cadre de l’Actualité du livre allemand est d’autant plus précieux à l’heure où l’élargissement de l’union européenne a durablement placé l’espace germanique au cœur de la nouvelle entité politique, économique et culturelle que constitue « l’Europe des 25 ».