Plagiat universitaire : les professeurs doivent aussi montrer l’exemple !

DOI : 10.35562/arabesques.359

p. 19

Texte

La tentation du copier/coller est parfois irrésistible, notamment au regard de la course à la performance qui nous est souvent imposée: meilleure note pour l’étudiant, nombre de publications pour l’enseignant chercheur. Si les idées exprimées par leurs auteurs sont « de libre parcours » et ont vocation à être reprises et commentées, en particulier au sein des universités, leur mise en forme et l’expression sur le papier les transforment en « œuvres de l’esprit », lesquelles, pourvu que l’expression soit originale, sont automatiquement protégées par le droit de la propriété intellectuelle.

Dès lors, examiné sous le prisme du droit d’auteur, le copier/coller se trouve brusquement qualifié de délit de contrefaçon. Ainsi, le fait de reproduire ou représenter une œuvre, sans le consentement de son auteur, expose le contrefacteur à une peine de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende, outre la réparation du préjudice subi par la victime. De telles peines encourues devraient normalement dissuader toute velléité de copier/coller, mais il faut croire que le risque d’une mauvaise note ou d’un mauvais classement prédomine parfois.

En 2013, nous avons eu l’occasion de défendre un étudiant étranger, inscrit en master II, qui avait constaté, en 2006, la reprise à l’identique du contenu de son mémoire dans une thèse soutenue par la femme du doyen de sa Faculté, qui avait lui-même dirigé le mémoire de l’étudiant. Une condamnation a été prononcée en première instance contre l’auteur de ce plagiat, mais, un appel ayant été interjeté, ce dossier sera rejugé en juin 2014, soit huit ans après les faits et au terme d’une instruction de plus de quatre ans.

Pendant ce temps, force est de constater que l’université n’a mis en œuvre aucune enquête administrative alors même que les textes lui en donnent la possibilité. Quelques rares professeurs ont heureusement soutenu l’étudiant dans sa longue et coûteuse démarche judiciaire, sans quoi il aurait dû, comme d’autres sans doute, renoncer à faire valoir ses droits. Ne pouvant raisonnablement contester l’évidence du copier/coller, l’universitaire poursuivie a principalement soutenu que les travaux de l’étudiant appartiendraient à l’université et qu’elle pouvait donc librement les réutiliser. C’est évidemment une très mauvaise analyse, pourtant assez largement répandue au sein des universités françaises ainsi que l’ont mis en évidence les débats judiciaires. En effet, lors de l’audience, d’éminents universitaires ont, tour à tour, été amenés à témoigner sur les pratiques et usages admis en termes de réutilisation de la « matière » produite par leurs étudiants. Or, malgré leurs importantes responsabilités, aucun ne semblait avoir une vision très claire du droit applicable et certains ne semblaient guère troublés par ce plagiat : c’est bien là le plus inquiétant !

Comment faire admettre à un étudiant que la reprise d’un contenu dont il n’est pas l’auteur est répréhensible si ses professeurs ne se considèrent pas eux-mêmes tenus de respecter les mêmes règles ? Nombreux sont les récits d’étudiants s’indignant de la publication, sous un autre nom, de leurs recherches et contributions, ne sachant pas comment réagir ou n’osant tout simplement pas le faire de peur de voir leur carrière universitaire malmenée. Pourtant, le droit prévoit que la qualité d’auteur appartient à celui qui a divulgué l’œuvre, c’est-à-dire généralement à son auteur et en aucun cas à celui qui l’a financé, accompagné ou même dirigé. En outre, sauf cas particulier, les cessions de droits ne se présument pas.

Le nécessaire travail d’équipe, le prestige d’une signature donnant une meilleure visibilité à l’université ne peuvent et ne doivent justifier de telles entorses au droit et au respect du travail fourni par un étudiant. Plus grave, ce message d’impunité manifeste circule, insidieux, imprécis, mais générant des craintes réelles, en particulier auprès des étudiants étrangers qui s’interrogent sur le risque de voir des tiers s’approprier leurs recherches et leur travaux. Qui les soutiendra en cas de litige ?

Les universités françaises, au cœur de la compétition internationale visant à attirer les esprits les plus brillants, ne peuvent pas faire l’économie d’une véritable introspection sur leurs pratiques et leurs contrôles internes et doivent rappeler qu’une œuvre appartient toujours à son auteur, grand ou petit.

Citer cet article

Référence papier

Stanley Claisse, « Plagiat universitaire : les professeurs doivent aussi montrer l’exemple ! », Arabesques, 78 | 2015, 19.

Référence électronique

Stanley Claisse, « Plagiat universitaire : les professeurs doivent aussi montrer l’exemple ! », Arabesques [En ligne], 78 | 2015, mis en ligne le 07 janvier 2020, consulté le 28 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=359

Auteur

Stanley Claisse

Avocat spécialiste en droit de la propriété intellectuelle

Droits d'auteur

CC BY-ND 2.0