Un constat largement partagé
Depuis plusieurs années, les établissements et institutions de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) font le même constat : les données relatives aux moyens et aux résultats de la recherche sont dispersées dans une multitude de systèmes d’information, hétérogènes et rarement interopérables. Chacun en connaît les conséquences au quotidien. Le rapport Gillet1, – et notamment l’objectif 3 « Simplifier pour donner plus de temps et de sens pour la recherche » – l’a rappelé avec force : l’information existe, mais elle est difficile à retrouver, hétérogène et rarement exploitable à grande échelle.
Les difficultés sont connues :
- Des données éparpillées, peu standardisées, rarement croisées
- Des indicateurs clés publiés avec retard, parfois après des mois de travail
- Un manque d’information en temps réel, qui freine l’anticipation et le pilotage
Ces limites entraînent des saisies multiples pour les chercheurs, des reconstitutions manuelles chronophages pour les équipes administratives et, au final, une lisibilité affaiblie de l’ensemble du dispositif. Comparée aux standards internationaux, la recherche française souffre d’un déficit de visibilité et de données fiables pour le pilotage.
Une dynamique collective et inédite
Face à ce constat, une dynamique nouvelle s’est mise en place. Depuis 2024, un collectif d’acteurs issus d’universités, d’organismes nationaux de recherche, de grandes écoles, d’agences et de dispositifs nationaux s’est constitué. Chercheurs, vice-présidents recherche, du pilotage, du numérique, directions de la recherche, directions du pilotage, bibliothécaires, DSI, directions générales : tous ont contribué. L’ANR, le HCERES, l’Abes, l’AMUE ou encore HAL participent également à la démarche.
Trois principes la guident :
- Collectif – associer toutes les parties prenantes, de la gouvernance aux métiers de terrain
- Progressif – avancer par étapes visibles dès 2025–2026
- Réaliste – s’appuyer sur une feuille de route claire, validée en avril 2025 et déjà en cours de mise en œuvre2.
Aujourd’hui, 91 acteurs sont engagés. La feuille de route et ses actions sont conçues par et pour la communauté, dans une logique d’intérêt commun.
Les bénéfices attendus
Pour les chercheurs
- Moins de saisies multiples – « je ne saisis plus les mêmes informations plusieurs fois »
- Préremplissage automatique des dossiers d’appel à projets et d’évaluation grâce à ORCID et HAL
- Synchronisation des productions scientifiques entre systèmes nationaux et internationaux.
Pour les établissements
- Harmonisation de l’identification des unités de recherche entre tutelles, plus lisible à l’international
- Standardisation progressive des données sur les moyens et les résultats
- Réduction des reconstitutions manuelles entre systèmes d’information
- Suivi du parcours des docteurs.
Un principe fondateur guide l’ensemble : « Dites-le-nous une fois »3. Une donnée saisie une seule fois doit circuler partout, de manière fluide, fiable et sans perte de sens.
Adobe Stock - Alisha, généré à l’aide de l’IA. - YoursTrulyPhotos, identité et gestion d’accès, généré à l’aide de l’IA.
Deux identifiants au cœur de la transformation
La feuille de route nationale repose sur deux identifiants internationaux largement reconnus :
- ORCID, qui permet à chaque contributeur de la recherche (chercheur, ingénieur, doctorant, technicien…) d’être identifié de manière unique et de lier automatiquement ses productions et son parcours
- ROR, identifiant universel des structures de recherche, garantissant qu’une même unité est reconnue sans ambiguïté dans tous les systèmes.
Ces deux briques simples, déjà adoptées dans de nombreux pays, ouvrent la voie à une circulation plus fluide et plus fiable des données, inscrivant la recherche française dans les pratiques mondiales.
Cinq chantiers structurants
Pour rendre ces bénéfices concrets, cinq chantiers majeurs sont engagés :
- Adoption généralisée d’ORCID et de ROR, pour réduire les redondances et éviter toute ambiguïté entre des personnes ou des structures
- Mise en place d’un cadre de référence des structures, validé en juillet 2025, garantissant une identité stable et claire des unités de recherche et de leurs tutelles, au national et à l’international
- Création du registre RNeST, appelé à devenir le registre national des structures de recherche, en continuité et en évolution du RNSR. Ce registre constituera la source nationale de confiance, garantira une représentation cohérente dans ROR et évitera la double saisie de l’information. Le ministère a confié à l’Abes la gouvernance opérationnelle de RNeST, gage de fiabilité, de transparence et d’ancrage dans la communauté.
- Définition d’un vocabulaire commun, afin de standardiser progressivement les données clés (RH, finances, partenariats, contrats). Cette harmonisation garantira la cohérence et la qualité des échanges de ces informations entre les systèmes d’information d’établissements
- Conception d’une architecture de circulation des données, à l’image d’un plan d’urbanisme, pour sortir des silos et organiser un partage efficace et sécurisé.
Ces chantiers s’inspirent d’expériences réussies en Australie, au Royaume-Uni ou en Finlande. Dans ces pays, la mise en place de référentiels communs et d’identifiants internationaux a démontré ses bénéfices : simplification des démarches, réduction des tâches administratives répétitives et meilleure visibilité internationale des travaux de recherche.
Tirer les leçons du passé
Les initiatives antérieures ont mis en évidence certaines limites : projets trop centrés sur des solutions logicielles, gouvernance politique insuffisante, implication limitée des métiers, cloisonnements persistants. La démarche actuelle se distingue par une approche collective et progressive, où chaque métier (chercheurs, directions de recherche et du pilotage, DSI, gestionnaires, bibliothécaires, services RH, finances ou documentation) contribue selon ses compétences.
Une donnée saisie une fois, au bon moment, par le bon métier, profite à tous et non à une seule procédure. C’est cette logique de mutualisation, inscrite dans un cadre commun et partagé, qui fonde la transformation actuelle.
Conclusion : avancer ensemble
Dans un contexte budgétaire contraint et de compétition scientifique mondiale, multiplier des solutions locales et cloisonnées serait une impasse coûteuse et peu durable. La feuille de route adoptée en avril 2025 trace une orientation différente : agir collectivement, mutualiser les efforts et élaborer des standards utiles à tous, afin de les intégrer aux systèmes d’information de chaque établissement. L’objectif est de tirer parti de connecteurs communs sans imposer de changement d’outils.
La transformation ne consiste pas à repartir de zéro, mais à avancer ensemble. Soutenue par 91 acteurs et pilotée sur des points stratégiques par des instances collectives plaçant les établissements au centre, elle s’appuie sur un engagement durable et partagé.
En construisant pas à pas des données fiables, interopérables et partagées, la recherche française gagnera en efficacité, en lisibilité et en visibilité. Cette ambition commune, déjà en marche, donnera à notre recherche les moyens de mieux se faire connaître et reconnaître, en France comme à l’international.

