La médiathèque de l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo) a rejoint le réseau du Sudoc en 2013. Une de ses particularités est d’être déployée sur trois sites. Présentation et enjeux.
Fouilles de sauvetage à Beyrouth (Université libanaise/Ifpo)
La médiathèque compte parmi ses usagers les équipes travaillant sur des fouilles archéologiques
Ifpo/Flickr (CC BY-NC-SA 2.0)
L’Ifpo fait partie du réseau des Instituts français de recherche à l’étranger (IFRE), dispositif placé depuis 2007, sous la double tutelle du ministère des Affaires étrangères et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Ce réseau est implanté dans 34 pays et accueille 19 unités de service de recherche (USR) du CNRS, dont 4 unités régionales.
Des départements de recherche pluridisciplinaires
En fusionnant en 2003 les structures françaises de recherche présentes au Proche- Orient, les fondateurs de l’Ifpo ont voulu prendre en compte trois nécessités : maintenir en France un niveau d’excellence dans la recherche sur le Moyen‑Orient, développer des synergies transnationales et interdisciplinaires tout en renforçant le tissu de nos relations scientifiques et intellectuelles avec les pays de la région.
Dans chacune des disciplines des sciences humaines et sociales, de l’Antiquité jusqu’à nos jours, l’Institut est au service de la connaissance d’une région où il promeut la coopération avec les institutions académiques locales, en Syrie, au Liban, en Jordanie, en Palestine et en Irak.
L’Ifpo compte trois départements scientifiques : le département d’archéologie et d’histoire de l’Antiquité (DAHA), le département des études arabes, médiévales et modernes (DEAMM) et le département d’études contemporaines (DEC).
Dans le domaine de l’archéologie et de l’histoire de l’Antiquité, le renforcement des connaissances répond à une demande croissante d’un grand public particulièrement ouvert à la connaissance d’une région centrale dans l’histoire de l’humanité, mais tout autant aux attentes des partenaires institutionnels locaux, directions générales des antiquités et des musées et universités notamment. Menés en étroite coopération avec les chercheurs libanais, syriens, jordaniens, palestiniens et irakiens, les programmes en cours, axés sur l’histoire de l’urbanisme, des échanges, de la maîtrise de l’eau et du fait religieux, comportent ainsi un important volet enseignement et formation destiné aux doctorants et aux jeunes chercheurs des pays d’accueil.
Les programmes du département des études arabes, médiévales et modernes s’inscrivent dans la tradition de disciplines académiques anciennes et éprouvées. Ils sont également guidés par l’idée qu’au Proche- Orient, les événements et les imaginaires politiques contemporains sont imprégnés de références au passé arabe et islamique, et qu’ils sont de ce fait indéchiffrables sans une connaissance approfondie de l’histoire médiévale et moderne, du rapport fondateur à la langue arabe, idiome du Coran, des références à la littérature religieuse de l’époque classique (Coran, théologie, philosophie). Les chercheurs de l’Institut ont développé un savoir scientifique rigoureux sur l’archéologie et l’histoire de l’art du Proche‑Orient à l’époque islamique (à partir du VIIe siècle), l’histoire urbaine et architecturale de la ville de Damas, l’histoire du Proche-Orient depuis la conquête arabe (VIIe siècle) jusqu’à la fin de l’empire ottoman (1918), la littérature arabe, classique et contemporaine, la linguistique, l’histoire de la pensée religieuse musulmane (« islamologie »), mais aussi chrétienne ou juive de langue arabe, la philosophie médiévale de langue arabe, l’histoire des sciences et des techniques dans le Proche‑Orient d’époque islamique et le patrimoine architectural. Les études contemporaines occupent bien sûr une place particulière, en développant des recherches en prise avec les réalités et les crises les plus actuelles de la région. Les programmes du département d’études contemporaines s’inscrivent dans l’ensemble du champ des sciences sociales, de la science politique à la géographie, en passant par l’histoire contemporaine, les relations internationales, l’anthropologie. Le droit et l’économie ont vocation à y occuper une place croissante. L’Observatoire urbain fédère les travaux sur la ville en coopération étroite avec universitaires et professionnels de l’urbanisme, dans les cinq pays couverts par l’Institut.
Des collections réparties sur trois sites
La médiathèque de l’Ifpo comprend trois bibliothèques localisées à Amman, Beyrouth et Damas. Au total, plus de 140 000 ouvrages (40% des ouvrages sont en langue arabe), 12 000 cartes, 800 titres de périodiques papiers, plusieurs centaines de périodiques électroniques puisque l’Institut a accès au portail d’information scientifique des unités CNRS en Sciences humaines et sociales1, 50 000 photographies concernant l’archéologie et les sciences de l’Antiquité, les études arabes, médiévales et modernes et les études contemporaines sur le Proche- Orient ainsi que de nombreux DVD.
À Amman, la bibliothèque regroupe des collections pour l’archéologie, l’histoire de l’Antiquité, les études contemporaines, un fonds sur les études palestiniennes et un fonds sur l’Irak.
À Damas, la bibliothèque conserve les collections pour les études arabes médiévales et modernes qui se sont constituées depuis les années 1920. Elle détient aussi des collections sur le monde contemporain et environ 15 000 ouvrages en archéologie.
À Beyrouth, le fonds le plus significatif est celui de l’archéologie et de l’histoire de l’Antiquité. Ce fonds est certainement le plus exhaustif de toute la région. Il a commencé à être constitué dans les années 1940 et a été rejoint par un fonds spécialisé en études contemporaines dès les années 1970 axé principalement sur les études en urbanisme et le Liban contemporain.
À ce jour, environ 20 000 notices ont été chargées dans le Sudoc. Un travail important de rétroconversion est en cours pour les trois bibliothèques des sites de l’Ifpo.
Les publics de la médiathèque
L’Ifpo est avant tout un centre de recherche : des postes de chercheurs confirmés y sont assignés, mais ils ne forment pas le seul public de la médiathèque. La bibliothèque fonctionne comme une bibliothèque publique et accueille tous les lecteurs intéressés par les domaines sur lesquels nous opérons. Nos usagers vont en moyenne du niveau master 1 à chercheur confirmé, mais la plus grande masse est surtout composée de doctorants. Nous recevons aussi des personnes venues de l’étranger pour effectuer des missions de recherche sur place ou des équipes travaillant sur des fouilles archéologiques. En 2011, plus de 50 chercheurs de nationalités différentes sont venus faire des recherches sur le site de Damas.
Des missions élargies
La médiathèque de l’Ifpo assure toute les missions traditionnelles des bibliothèques: accueil des usagers ; acquisitions, signalement et communication des ressources documentaires ; adaptation à l’évolution des technologies, des pratiques et des demandes des usagers ; formation des utilisateurs et du personnel à l’emploi des technologies d’accès à l’information scientifique et technique.
Par ailleurs, nous nous attachons à développer les ressources documentaires numériques, à contribuer à leur production et favoriser leur usage plus particulièrement pour les documents iconographiques. Ainsi, nous numérisons et enrichissons les notices de notre fonds de photographies par des métadonnées produites par des spécialistes et le déposons sur MediHal2. Dans le même esprit nous travaillons avec la Maison de l’Orient et de la Méditerranée (MOM) à Lyon sur un projet de mise en ligne de nos fonds de cartes.
Nous coopérons régulièrement avec les bibliothèques qui concourent aux mêmes objectifs, quels que soient leurs statuts, notamment par la participation à des catalogues collectifs.
Damas, une bibliothèque dans un pays en guerre
La direction de la médiathèque était initialement installée à Damas, mais, depuis la guerre en Syrie, elle s’est déplacée à Beyrouth. La bibliothèque de Damas est fermée depuis avril 2011.Nonobstant, nos collègues de la bibliothèque continuent en Syrie leurs activités professionnelles. Le matériel de travail a été installé chez eux. Ils disposent chacun d’une copie de l’ancien catalogue et continuent le travail de rétroconversion entre les coupures d’électricité, d’internet, les bombardements et les explosions. Nous réussissons à maintenir leur niveau de formation en faisant venir les collègues de Jordanie et de Syrie une fois par trimestre à Beyrouth, pendant trois ou quatre jours. À cette occasion, nous travaillons à l’harmonisation de nos pratiques professionnelles.
La fermeture du site de Damas est une gêne ressentie gravement par tous les chercheurs sur les périodes médiévale, moderne et contemporaine du Bilad al‑Sham et plus particulièrement par les chercheurs syriens qui constituaient le public le plus important de cette bibliothèque.
Depuis la fermeture, nous n’avons plus accès aux collections. Cependant, nous continuons les acquisitions et les gérons à Beyrouth en espérant qu’un jour ces ouvrages retrouveront leur place à Damas. Je remercie vivement mes collègues de Damas pour leur courage et leur volonté.
P. V
Mosaïques d’Apamée (Syrie)
Une photo déposée par la médiathèque de l’Ifpo sur l’archive ouverte d’images scientifiques MédiHAL
Medihal – 00471941
Pour en savoir plus
Site de la médiathèque de l’Ifpo