Hommage : Michel Cusin (1933-2010)

DOI : 10.35562/canalpsy.142

p. 26

Texte

Michel Cusin, Président de l’Université Lumière Lyon 2 de 1986 à 1991, nous a quittés le 13 octobre.

L’ancrage et l’utopie… Le rétablissement des rentrées solennelles bannies depuis 68 et l’appel à toutes les innovations au nom d’une révolution nécessaire et continue (« Tout sauf des réformes ! », disait-il), c’était lui.

Le choix d’un nom patrimonial et flamboyant pour l’université, c’était lui. Lyon 2 enfin affranchie de l’hostilité des institutions lyonnaises et consulaires alors même qu’il ne cessait de placer l’Université sous le signe de la fronde, c’était encore lui.

On n’en finirait pas d’énumérer les paradoxes tumultueux, mais toujours assumés, de celui dont le mandat a dynamisé, refondé et unifié la communauté universitaire comme on imagine peu qu’elle ait pu l’être : « Tous unis vers Cythère ! » lançait comme programme, à peine élu, ce Président atypique qui ne reculait devant aucune mise en jeu des mots dans ses discours toujours très attendus.

Il tenait beaucoup à rappeler que sa fonction était élective – primus inter pares – et que les droits qu’il en tirait s’accompagnaient d’un devoir d’attention, de respect et de grande confiance dans chacun des membres de l’institution, quels que soient sa place et son rang. Diriger ne l’intéressait guère, et rien ne me semble plus opposé à la conception exigeante et hautement symbolique qu’il avait d’une présidence d’université que le modèle entrepreneurial vanté par nos tutelles d’aujourd’hui. Attaché à tenir les deux bouts de la gestion et de la contestation, de la loi et du désir, il concevait plutôt son rôle comme celui d’un impulseur : veillant à provoquer le bouillonnement des idées, à encourager les propositions, à soutenir les initiatives. Sa passion était contagieuse et il en tirait auprès de chacun une autorité à la fois impressionnante et familière. Comment dire ? Je crois que nous étions tous fiers de l’université qu’il nous apprenait à faire vivre.

Musicien amateur de poèmes et féru d’histoire, admirable lecteur de Lacan, Michel Cusin n’a jamais séparé l’exigence intellectuelle d’un fort engagement dans la vie culturelle : de la Villa Gillet au Centre culturel de rencontre d’Ambronay, de la Cause freudienne aux associations de sa Savoie natale, les hommages ne se comptent plus des institutions auprès desquelles son talent a été un apport décisif. C’est que cet homme de la parole et de la conviction a su y susciter la même écoute, la même admiration, le même désir d’apprendre qu’au fil de ses cours et de ses séminaires, des années durant. Il avait choisi d’enseigner – et il fut avant tout ce professeur éblouissant qui savait rendre simple ce qui paraissait compliqué, riche ce qui semblait banal, et qui montrait un art éprouvé d’éveiller (à) l’intelligence.

L’avoir croisé sur son chemin fut pour plus d’un – je peux en témoigner – une rencontre capitale. Il faudra dire ailleurs l’ami qu’il était, ses emportements et sa délicatesse, sa générosité, l’affrontement courageux d’une santé toujours difficile, le bonheur de ses éclats de rire… Au moment de l’hommage institutionnel, je veux simplement dire au revoir, avec infiniment de tristesse, à un collègue d’une élégance intellectuelle, morale et professionnelle rare, et qui fut un grand, un très grand Président d’Université.

Représentation de la sagesse (1635) : « Sapiens Dominabitur Astris ». Traduction libre du texte : « Qui acquiert la sagesse sera maître des astres ». Wisdom Emblem, from: George Wither, “A Collection of Emblemes Anciente and Moderne”, London (1635).

Représentation de la sagesse (1635) : « Sapiens Dominabitur Astris ». Traduction libre du texte : « Qui acquiert la sagesse sera maître des astres ». Wisdom Emblem, from: George Wither, “A Collection of Emblemes Anciente and Moderne”, London (1635).

Illustrations

Représentation de la sagesse (1635) : « Sapiens Dominabitur Astris ». Traduction libre du texte : « Qui acquiert la sagesse sera maître des astres ». Wisdom Emblem, from: George Wither, “A Collection of Emblemes Anciente and Moderne”, London (1635).

Représentation de la sagesse (1635) : « Sapiens Dominabitur Astris ». Traduction libre du texte : « Qui acquiert la sagesse sera maître des astres ». Wisdom Emblem, from: George Wither, “A Collection of Emblemes Anciente and Moderne”, London (1635).

Citer cet article

Référence papier

Bruno Gelas, « Hommage : Michel Cusin (1933-2010) », Canal Psy, 100 | 2012, 26.

Référence électronique

Bruno Gelas, « Hommage : Michel Cusin (1933-2010) », Canal Psy [En ligne], 100 | 2012, mis en ligne le 11 décembre 2020, consulté le 29 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=142

Auteur

Bruno Gelas

Vice-Président de Michel Cusin (1986-1991), ancien président de Lyon 2 (1996-2001)

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