Les disciplines scientifiques se constituent autour d’un pôle d’identité qui leur donne leur cohérence et leurs frontières. Schématiquement ce pôle peut appartenir à deux types de catégories : le champ et la méthodologie. Si depuis Bachelard, nous savons que « la méthode crée l’objet », il n’est pas vain pour autant de se demander si, en retour, « l’objet ne crée pas la méthode ». La rigueur scientifique consistera alors, entre autres, à interroger la complicité, les affinités électives, voire la collusion entre méthode et objet.
La gérontologie, science jeune, est en train de construire cette identité, indispensable pour une cohérence scientifique et pour une reconnaissance institutionnelle. Si à l’évidence, elle se définit d’abord par un champ, celui du vieillissement (processus) et de la vieillesse (état), ainsi que le rappelle ici J. Gaucher, qu’en est-il de la méthode ? Ici et là sont évoquées la gérontologie sociale, la gérontologie clinique, la gérontologie cognitive, la psycho-physiologie du vieillissement… Rien donc de bien spécifique.
Parce que c’est un domaine privilégié d’enseignement, de recherche et de pratique, je m’arrêterai plus spécifiquement sur la gérontologie clinique et ferai le parallèle avec la constitution de la clinique de l’enfant.
Longtemps le soin apporté aux enfants a reposé sur de bons sentiments qui ne masquaient guère un profond désir de réparation. Il en résultait une pratique molle ; ce n’est que progressivement que l’enfance et surtout la petite enfance (l’infans) furent constituées et reconnues comme objet pensable pour la clinique : que l’on songe seulement à Freud traitant le petit Hans par père interposé ! L’infans, donc, fut longtemps laissé aux puéricultrices et aux éducatrices par les professionnels de l’écoute : ceux-ci durent profondément reconstruire le cadre de leur pratique afin de pouvoir exercer auprès de sujets non encore parlants quoique manifestant quelque chose de la vie psychique.
Longtemps les vieux furent eux aussi laissés aux œuvres, plus ou moins bonnes ; les rares cas où psychologue il y avait (mettons il y a 20 ans) celui-ci devenait vite un factotum de l’humanitaire : il écoutait, animait, distrayait, aidait… Autrement dit ce qui, sur d’autres terrains, eût été impensable, tendait ici à devenir la norme au prix d’un ramollissement de la méthodologie clinique : elle risquait d’y perdre toute opérationnalité.
Et pourtant… voici un siècle, existait un célèbre précédant : Charcot, le Charcot de l’hystérie, ce clinicien remarquable, fut aussi l’un des premiers à s’intéresser aux vieux et à les considérer comme des individus (sinon comme des sujets).
L’intérêt du psychologue pour le vieux rencontre forcément, dès lors qu’il s’agit de psychopathologie, la question de l’organicité. Il peut schématiquement y répondre de deux façons :
- Ne pas se soucier de l’étiologie de la pathologie observée et travailler avec le sujet souffrant sur l’ici et maintenant : cette « impasse » permet un réel travail de soutien en même temps qu’elle en constitue l’horizon imposé.
- Se demander si cette pathologie n’a pas une étiologie psychique ; compte tenu des avancées de la psychosomatique en termes de pluri-factorialité, il est opportun, pour le psychologue, de se centrer sur la causalité psychique qui peut conduire à la démence, sans nier pour autant l’existence d’autres ordres d’explications : les articulations restent à faire.
Dans l’écoute du sujet âgé le psychologue hésite souvent entre, là encore, deux positions qui n’existent pas quant au sujet adulte dont l’âge semble en quelque sorte ne pas exister ou en tout cas ne pas constituer un élément de signification :
- Le vieux est un sujet, à ce titre il est entendu comme n’importe quel sujet, l’âge ne compte pas.
- Le sujet est (un) vieux : l’âge est alors représenté comme porteur d’une problématique qui spécifie le sujet, quand elle ne l’efface pas.
Le propre de la gérontologie clinique serait alors dans le maintien ensemble de ces deux termes en tension : si « la personne âgée n’existe pas » (ainsi que l’écrit J. Messy) le psychologue est bien amené à rencontrer des sujets âgés même si, en particulier dans le cas des déments, il n’est pas toujours facile (psychiquement, techniquement) de trouver le sujet derrière l’âge mis en avant défensivement (« Vous savez, à mon âge... » : qu’en sait-on, en fait ?).
À une époque où l’espérance de vie augmente régulièrement et où l’âge d’entrée en institution recule, il reste encore largement à construire un modèle clinique du vieillissement qui, sans nier l’importance fondamentale de la structuration psychique lors de l’enfance puis de l’adolescence, puisse aussi rendre compte de ces transformations plus tardives, dont la crise du milieu de la vie puis la crise de la sénescence peuvent offrir l’occurrence.
Si l’approche de la démence commence à offrir des références (G. Le Goues, J. Maisondieu, M. Perruchon, L. Ploton) il reste beaucoup à élaborer quant aux dispositifs « thérapeutiques ».
Ainsi que dans le travail avec les enfants, le psychologue en gérontologie est presque « condamné » à côté d’une clinique duelle, à avoir une clinique en déboîté par rapport à l’âgé, une clinique par la bande, par un tiers, qu’il soit familier ou soignant. Enfin (ce mot dont la résonnance hante qui travaille avec des vieux), et dans le domaine de cette clinique médiatisée non par un objet (chose) mais par un sujet autre, les psychologues en gérontologie auront à participer à l’élaboration de repères pour des pratiques en plein développement telles que l’accueil familial des âgés ou encore le soutien à domicile. Autant de dispositifs qui sollicitent de diverses façons le psychisme du vieux, du soignant… et du psychologue.
Dans le champ de ces pratiques dites innovantes la gérontologie clinique doit apporter la rigueur de sa méthodologie ; l’existence de celle-ci participe fondamentalement au respect de l’autre comme sujet, quand bien même sa subjectivité se donne à voir comme défaillante ; grâce à cette rigueur, des cadres conceptuels et des dispositifs cliniques peuvent voir le jour : une parole, un signe de vie psychique peuvent s’y former, y advenir, comme une invite à se remettre, encore et encore, au travail.
L’équipe de psychologie gérontologique
• Daniel Bret, psychophysiologue, maître de conférences
• Erlinde Dirkx, psychologue cogniticienne, maître de conférences
• Jacques Gaucher, psychologue clinicien, maître de conférences
• Sylvie Luesma, psychologue gérontologue, chargée de cours
• Louis Ploton, psychiatre, professeur associé
• Jacqueline Rastello, psychologue clinicienne, chargée de cours
• Hélène Reboul, psychologue sociale, professeur
• Jean-Marc Talpin, psychologue clinicien, maître de conférences
Beaucoup d’autres personnes extérieures ou enseignantes de l’Institut de Psychologie interviennent ponctuellement dans les enseignements en gérontologie.
Les diplômes de gérontologie
Le DUGS
Diplôme d’Université de Gérontologie Sociale
La vocation de ce diplôme d’Université consiste à offrir aux professionnels de la gérontologie (soignants, aides de vie, animateurs, éducateurs…) un enseignement qui leur a fait défaut dans leur formation initiale, ou de former des personnes n’ayant pas encore de pratique en gérontologie mais désireuses de s’orienter dans ce domaine.
Le projet de 350 heures d’études réparties sur 3 ans repose sur le principe pédagogique utilisant la durée : à savoir, bénéficier d’un temps de latence entre les cours hebdomadaires ou les sessions (le DUGS propose en effet 2 formules) et la mise en pratique sur le terrain professionnel et les lieux de stages (deux stages de 75 demi-journées chacun) pour favoriser une évolution personnelle face à l’aspect concret du métier.
L’inscription en DUGS est soumise à un entretien préalable avec un psychologue praticien. Les entretiens ont lieu fin juin-début juillet et début septembre.
Le DESS
Diplôme d’Études Supérieures Spécialisées de Psychologie Gérontologique
Le DESS de Psychologie Gérontologique est un Diplôme d’État à finalité formative professionnelle. Il s’inscrit dans le cadre des enseignements de troisième cycle et il vise une formation de haute spécialisation ouverte aux différents emplois de psychologue en Gérontologie, clinicien ou psychosociologue. Il donne accès au titre de Psychologue (décret no 90-255 du 22/03/1990).
Il est ouvert aux titulaires d’une maîtrise de psychologie ayant acquis une formation de base dans le domaine de la gérontologie. La formation se déroule sur un an. Il se compose d’une journée d’enseignement par semaine et de deux stages de 120 demi-journées chacun. Les dossiers de candidatures sont à déposer avant le 1er juillet 94.
Les diplômes de gérontologie sont gérés par le secrétariat de 3e cycle bureau 126 K - tél. 78 77 23 83.