La dénomination définitive du poste que j’occupe actuellement à EPI en qualité de psychologue (depuis octobre 93) a été longuement mûrie, réfléchie par les membres de l’équipe (salariés et bénévoles).
Au départ, la personne recherchée était un conseiller à l’orientation professionnelle (présentant un profil de psychologue sociologue). Le besoin d’une interprétation psychologique étant bien sûr reconnu, mais en même temps la démarche demeurait prudente, en ce qui concerne l’emploi d’un psychologue. Cette appréhension de l’appellation « à contrôler » de la part de certains membres de l’équipe était peut-être à relier à la crainte de « heurter » les personnes reçues à EPI qui pourraient se sentir « cernés » de toutes parts.
Cependant, les personnes dans l’ensemble (à part deux exceptions jusqu’à présent !) n’ont pas montré trop de méfiance à mon égard. Au début j’étais présentée comme ayant une formation d’ordre psychologique et ensuite comme étant psychologue - mais n’ayons pas peur des maux car c’est bien de maux dont il s’agit !
Contrairement à ce qui pourrait être redouté, il est souvent apparu que cette proposition d’écoute d’ordre psychologique était, en quelque sorte attendue dans le sens où la souffrance psychique (engendrée par une crise économique impalpable) était enfin reconnue et que chaque personne pouvait être entendue, n’étant pas seulement considéré comme la énième personne privée d’emploi, à la recherche d’une solution ne correspondant pas forcément à son « désir » (la notion de choix étant de plus en plus effacée) mais comme étant un ÊTRE HUMAIN avec ce que tout cela implique (rappel très souvent exprimé au cours des entretiens) ; c’est-à-dire ayant une histoire qui lui est propre, présentant un parcours particulier ayant connu une rupture particulière avec le monde du travail (les causes en sont tellement multiples !).
De surcroît, cette écoute se situe dans un « lieu » où leur situation face à l’emploi même, est considérée et examinée avec recherche de solutions possibles (remise à niveau adaptable, proposition de session d’orientation professionnelle, etc.) ce qui signifie que ces personnes n’ont pas dans un premier temps, à faire la démarche d’aller vers un psychologue. L’orientation vers une psychologue spécialisée pour le « public RMI » se fera éventuellement, pour un suivi, à partir de nos entretiens.
La démarche pour venir à EPI (comme toutes celles effectuées dans cette période d’isolement) exige une certaine dose de courage de la part de tous (c’est pourquoi l’accueil y est privilégié : café offert, mise à disposition du téléphone, etc.) et demande en même temps une coopération assidue de la part de certaines assistantes sociales et des conseillers de l’ANPE avec lesquels nous essayons de travailler en complémentarité.
En ce qui concerne mon « emploi du temps » : trois jours par semaine, je rencontre les personnes lors d’entretiens (d’une heure) hebdomadaires - en alternance avec le collègue directeur de l’association - en une période variant de deux mois (pour les personnes bénéficiaires du RMI) à trois mois (pour les personnes « demandeurs d’emploi de longue durée »).
Nous recevons des personnes fragiles (pour qui le travail ne sera peut-être pas la priorité du moment) fortement déstructurées, ne pouvant surmonter l’épreuve actuelle (qui fait resurgir tous les traumatismes anciens tels que ruptures, abandons avec mise en avant des mécanismes de défense) et de plus l’isolement (beaucoup évoquent la solitude) ne facilite pas la remise en place des repères.
Parmi elles, certaines ont été ou sont suivies dans le secteur psychiatrique (tentative de suicide, alcool, drogue, etc.) présentant des troubles psychopathologiques plus ou moins sévères et il est à craindre que d’autres s’y « réfugieront » avec tout ce que cela peut signifier, ne voyant jamais arriver le fond de la boîte de Pandore !
Mon intervention, au niveau des réunions d’équipe mensuelles se fait à travers « l’éclairage psychologique » qui doit pouvoir aider et soutenir à la fois les différents membres de l’équipe quelquefois démunis, désorientés face à ces personnes fragilisées pour lesquelles l’intégration à un groupe où l’orientation demande réflexion, afin d’éviter une nouvelle mise en situation d’échec qui peut être destructrice.
Le constat est grave mais ne faut-il pas en cette période néfaste pour l’exécution des « savoir-faire », favoriser la recon/naissance du « savoir-être » et…