En 1948, le ministère de la Santé propose la création d’un secteur psychiatrique sur l’ensemble du territoire français. Le pays se trouverait alors divisé en unités géographiques, correspondant aux limites des départements, et dans les grandes villes, à celles des arrondissements. L’idée dominante est de créer des structures publiques de prévention de la maladie mentale travaillant en relation avec les hôpitaux psychiatriques.
Le projet de sectorisation psychiatrique (un secteur « pour adultes », 70 000 habitants, un inter-secteur « infanto-juvénile », 120 000 habitants) ne voit pas le jour avant 1960, date à laquelle se mettent en place d’abord dans les villes, puis dans les départements ruraux, des dispensaires d’« Hygiène Mentale », dénommés ensuite Centres Médico-Psychologiques (CMP). La sectorisation s’achève vers 1990. À chaque lieu d’habitation correspondent un CMP et un hôpital psychiatrique, auxquels chaque personne est tenue, en principe, de s’adresser en priorité.
La Direction Départementale de l’Action Sanitaire et Sociale (DDASS) a en charge la gestion du secteur psychiatrique et l’emploi des professionnels (assistantes sociales, psychologues, orthophonistes, psychiatres, secrétaires, éducateurs, etc.). En tant qu’instance départementale du ministère de la Santé, la DDASS assure un rôle de prévention pour la maladie mentale, comme lui est aussi dévolu un rôle de prévention pour l’enfance par exemple, avec la Protection Maternelle et Infantile (PMI) ou l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE).
La DDASS assure la gestion de la psychiatrie de secteur jusqu’en 1986, date à laquelle une loi transfère la gestion des CMP aux hôpitaux psychiatriques. La Sécurité Sociale prend alors en charge tous les actes dispensés dans les CMP comme à l’hôpital, au travers d’un budget global. Statut unique de la psychiatrie dans la politique de santé, les soins ne sont pas payants. Toute personne peut consulter dans un CMP sans que lui soit demandé de justificatifs sur ses cotisations sociales. Cette réglementation permet par exemple aux étudiants de consulter sans avoir à en référer à leurs parents.
L’activité quotidienne des intervenants des CMP ne se trouve pas modifiée par le changement d’organisme de tutelle, si ce n’est que la visée de prévention se trouve confondue dans celle de soin (spécifiée par la prise en charge de la Sécurité Sociale). Auparavant les professionnels de la DDASS ont toujours soutenu que leur mission était le soin préventif.
En tant que structure publique, les CMP fonctionnent en équipe pluridisciplinaire et accueillent une population très diverse. Le psychologue est tenu de s’adapter à chaque situation présentée et ne pas avoir de modèle préétabli sur le type de réponse qu’il peut apporter. Certes, le soin psychologique s’inscrit dans la durée, ce qui permet l’élaboration de la problématique et l’instauration du transfert. Le psychologue est d’abord un soignant, l’exigence requise par sa position s’inscrit dans la qualité de la relation au patient. La diversité des pathologies rencontrées oblige à proposer un type de soin adapté à chaque patient. Voici quelques repères (non exhaustifs) parmi les cas que le psychologue est amené à rencontrer.
Peu de consultants présentent une demande de psychothérapie. Si certains ont une idée précise de l’aide qu’ils recherchent, beaucoup, venus spontanément ou adressés par un médecin, n’ont pas de représentation précise sur le type de soin qu’il peut leur être proposé à partir de leurs plaintes sur leurs angoisses ou dépression. La référence à la psychothérapie analytique se module constamment si le patient ne peut ou ne veut s’engager dans ce type de travail qui requiert un investissement important. Ainsi, beaucoup de patients viennent déposer auprès du psychologue des éléments de leur souffrance, qu’il s’agisse d’un événement ancien ou d’un sentiment actuel sur une situation de souffrance. Le psychologue est dépositaire de cette souffrance dans cet espace de soin ; ce dernier peut s’engager immédiatement ou plus tard en fonction du désir du patient.
Le CMP est un lieu où se prolongent les soins prodigués à l’hôpital psychiatrique pour des patients psychotiques et aussi pour des nouveaux consultants. Certains cas de patients psychotiques requièrent une prise en charge multipolaire avec un suivi médical complémentaire ; l’intervention d’une assistante sociale peut aussi avoir lieu par rapport à des problèmes de réalités sociales que le patient rencontre (emploi, logement, allocations, mise sous tutelle ou curatelle, etc.). Chaque intervenant a sa spécificité. Le soin aux psychotiques procède d’un étayage au long cours en vue d’une stabilisation et d’un allègement de la souffrance. C’est pourquoi, cette pathologie requiert une multiplicité dans ses formes de réponses.
Il arrive que des consultants – ils sont l’exception – soient adressés par le Tribunal (pour des délits mineurs) ou par un médecin de la DDASS pour des problèmes d’usage de drogue. Dans le premier cas, c’est un règlement amiable entre le « délinquant » et sa victime qui amène la personne à consulter. Dans le deuxième cas, c’est pour ne pas établir de poursuite judiciaire que la personne est enjointe de se faire soigner. La pratique montre que ces consultants ne souhaitent pas, pour la plupart, mener un travail d’élaboration prolongée sur ce qui les a amenés à avoir une conduite délinquante. Le travail du psychologue en est rendu difficile car il doit apprécier la situation, apporter une aide ponctuelle mais surtout dans ces cas faire part à l’instance prescriptrice d’une poursuite ou non du soin.
Le psychologue travaille avec les acquis théoriques et le savoir conceptuel que l’université lui a enseigné. Son diplôme professionnel lui confère une aptitude à soigner les personnes qui s’adressent à lui. Toutes ces acquisitions constituent ses références : le psychologue permet d’élaborer et d’analyser des situations et de maintenir un cadre dans lequel le consultant peut exprimer sa souffrance.