Les mouvements sociaux du mois de décembre ont fait pêle-mêle surgir quelques questions nouvelles, et exhumer quelques questions anciennes qui trainaient dans le paysage, à demi enfouies dans la lassitude comme des vestiges érodés de matins révolus, et tout embrumées des incertitudes épaisses venues au fil des temps empâter les clartés tranchantes de naguère. Les plus anciens ont reconnu sans peine l’un de ces moments assez rares d’histoire, où l’énoncé de revendications ne tire sa profondeur que d’être métaphore d’une audace neuve à affirmer l’existence reniée, à murmurer ce qui s’était jusque-là clos sous le poids du mépris établi – moment plus grave encore de ne pouvoir se bercer de ces illusions triomphantes qui avaient donné des airs de fête à ceux qui l’avaient précédé.
Ici n’est pas le lieu d’évoquer ce qui en fut ébranlé sur les lieux de travail, ni même, à l’Université, autour des questions des étudiants « ordinaires », ceux dont la vie s’ordonne aux incertitudes d’un premier emploi à venir et plus largement d’une première inscription sociale à gagner. Mais ce peut être celui de s’étonner que le trouble perceptible dans l’espace des travailleurs comme dans celui des étudiants ait laissé généralement aussi indemnes les espaces voués aux travailleurs étudiants, qui sont la majorité des lecteurs de ce journal. Ce petit peuple serait-il si heureux qu’il ait semblé en l’occurrence n’avoir pas d’histoire, ou du moins pas d’autre histoire que cette permanente collusion ou parfois collision d’histoires individuelles, qui le caractérise congénitalement ? Si cela était, il n’y aurait après tout nulle honte à cela. Mais il serait bien léger d’en faire si vite conclusion. Alors ?
J’avais seulement envie que la question soit posée.
