Monsieur le ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche nous fait distribuer un opuscule consacré à la préparation des États Généraux de l’Université. M’appliquant à refouler la lassitude sceptique des demi-soldes de ma génération, après tant de campagnes de réforme, de rénovation, de restructuration, de réhabilitation et de remodelage, j’ai lu cet inventaire des questions émergeant d’une première campagne de contacts avec l’establishment universitaire. Et voilà que sur 128 pages, au demeurant fort claires et pédagogiques, j’y trouve 8 lignes p. 38 évoquant l’utilité d’informer les étudiants sur les possibilités ultérieures d’accès à la formation continue et 20 lignes p. 63 traitant directement de celle-ci. Proportion qui se retrouve dans la quasi-totalité des textes d’orientation, tant nationaux que locaux, qu’il m’est donné de lire.
Comme Zarathoustra s’étonnant que le vieil ermite de la montagne n’ait pas encore entendu dire que Dieu est mort, je demeure stupéfait que tant d’illustres esprits ne soupçonnent pas encore qu’un certain mode de reproduction sociale, fondé sur la transmission verticale de savoirs préalablement à l’expérience sociale, n’est qu’un agonisant ; que la « réforme » permanente du système d’enseignement sert surtout depuis trente ans à la gestion incantatoire de sa décomposition ; que l’école obligatoire a d’ores et déjà raté sa mutation pour les niveaux de qualification les plus modestes, laissant la formation professionnelle continue inventer seule de nouveaux modèles pour « instituer », comme on disait jadis, les jeunes adultes que l’école libère sans bagages ; et que l’Université parait bien peu imaginative pour se transformer en un espace de symbiose entre la production spécialisée de savoirs hautement élaborés et systématisés, l’invention continue des savoirs pragmatiques dans les pratiques de terrain, et l’incorporation progressive des nouvelles générations dans la trame des rapports sociaux réels.
Au même moment s’annonce dans notre Institut une… réforme de la maîtrise dans le régime général, dans le fil de celle, récente de la licence, qui se veut insistante sur le suivi personnalisé des étudiants, et sur la transversalité entre sous-disciplines comme entre formation et terrains de pratique. Cette fois-là sera-t-elle la bonne ?
