Les stages à l’institut de psychologie

DOI : 10.35562/canalpsy.2608

p. 4-5

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La question du stage est étroitement liée au processus de formation et ce, d’autant plus que ladite formation est à finalité professionnelle. En effet, les représentations sociales en ce domaine sont profondément enracinées dans ce que nous renvoie la relation d’apprentissage qui noue dans un destin momentanément commun (le temps d’un stage, précisément) le maître et l’apprenti.

Si le stage était autrefois l’élément essentiel de la formation, au sens où le maître ciselait, tout au long du stage, la compétence et les qualités professionnelles et identitaires de « son » stagiaire, les centres de formation, et l’université en particulier, se sont progressivement détachés de cette pédagogie en appui sur le terrain. La rencontre du milieu professionnel était alors tenue très éloignée dans le cursus de formation, reléguant celle-ci à l’« extrémité professionnalisante » d’un parcours à travers les théories et la pensée, souvent jugées seules garantes d’une noble formation du citoyen « sachant ».

Cet engouement des « Trente Glorieuses » pour la popularisation de la chose intellectuelle, tenue séparée de la pratique, s’est heurté au phénomène de satellisation de l’université par rapport aux terrains de pratique. Ce mouvement était assurément au bénéfice de ceux qui attendaient justement d’être soustrait plus ou moins longtemps à l’emprise d’un emploi afin de trouver à l’université le refuge protecteur d’un lieu essentiellement de pensée et de création. En revanche, une souffrance est progressivement apparue, elle s’est traduite en une difficulté croissante pour les étudiants diplômés à s’insérer dans le monde de l’entreprise.

L’Institut et les stages

La convergence de deux mouvements a provoqué au sein de l’Institut de Psychologie un intérêt manifeste pour la question des stages. D’une part, la tradition de l’Institut a été de privilégier l’accueil d’une population « près de l’emploi » telle que celle constituée de professionnels confirmés qui viennent à l’université soit selon la démarche sus-citée de trouver là un havre de pensée, soit dans une relecture critique de leur situation professionnelle pour, éventuellement, en repenser l’orientation. D’autre part, le gouvernement et les universités étaient convenus, dans les années soixante-dix, de créer des ponts entre l’université et le monde de l’entreprise. Ce fut entre autres l’origine des DESS, c’est-à-dire de diplômes à orientation franchement professionnelle et dotés d’une logistique de formation en appui sur des entreprises susceptibles de recruter de jeunes diplômés de l’université.

Le stage, étant par essence même l’élément premier de la formation en DESS, a quelque peu imprimé à l’ensemble du cursus de formation, par l’installation progressive de prérequis, un souci retrouvé d’articuler mieux la formation universitaire et les nécessités caractéristiques d’un terrain. Sont évoqués aujourd’hui des impératifs de stages en milieu professionnel dès le DEUG. La demande des étudiants de psychologie va dans ce sens, ils l’ont formulée lors de l’assemblée générale pour les États Généraux de l’Enseignement Supérieur. Il est vrai, aussi, que l’Institut de Psychologie est de plus en plus sollicité pour conduire une politique de formation de type « école » avec une professionnalisation précoce vers le métier de psychologue, dès la deuxième année de DEUG (l’installation de l’antenne de l’École de Psychologue Praticien sur Lyon en est un reflet !). Or, actuellement les stages de psychologie ne commencent qu’au niveau de la licence, ceux de pré-professionnalisation, effectués lors du DEUG, n’étant pas associés aux enseignements dispensés par l’Institut de Psychologie.

Le volume des stages

Le volume de stages est considérable si l’on remarque que ceux-ci se distribuent sur trois années seulement du cursus de formation, deuxième et troisième cycles. En effet, L’Institut de Psychologie gère quelque 300 000 heures de stages par an, au total, dont près d’un tiers en DESS (96 000 heures), un autre tiers en Maîtrise (95 000 heures) et le troisième tiers en Licence (60 000 heures), Diplômes d’Université (35 000 heures) et DEA (15 000 heures). Il est évident que les contenus ainsi que les attendus de stages ne se correspondent pas selon qu’il s’agit d’un stage de DEA de Psychologie Cognitive ou d’un stage de TOP-TER option clinique de licence, par exemple. Malgré tout, la nécessité du stage est toujours plus présente et pressante ! Ceci n’est pas sans poser de réels problèmes d’accueil des stagiaires sur les terrains de stages, d’autant plus que si quelques stages se réalisent au sein de laboratoires de l’université ou d’organismes de recherche (CNRS, INSERM…), la plupart d’entre eux se distribuent sur les terrains professionnels, là où exercent des psychologues praticiens, souvent employés à des temps de travail très partiels (20 à 50 % d’un temps plein). Sans chercher à spéculer sur des chiffres qui ne pourraient que pousser à l’excès les constructions de notre imaginaire, retenons que 300 000 heures annuelles de stages correspondent à plus de 160 temps pleins de psychologues !

Les rapports entre l’étudiant, le terrain de stage et l’Institut

Le nombre croissant d’étudiants en psychologie, ces dernières années, combiné au développement d’une politique de formation par le stage ne s’est pas accompagné d’une logistique adaptée. De fait, la nécessité de coordonner les stages des étudiants s’est fait ressentir depuis plusieurs années. Mais cette coordination repose sur les épaules de quelques enseignants dont les mérites ne permettent pas, malgré tout, de satisfaire aux exigences d’une telle tâche. Il sera certainement nécessaire que, dans un avenir prochain, l’Institut soit doté d’un personnel enseignant affecté prioritairement à la gestion et à la coordination des stages sur l’ensemble du cursus des études de psychologie.

L’expérience faite par l’équipe enseignante du DESS de Psychologie Gérontologique d’établir un contact « sur le terrain » du stagiaire donne de l’université une image plus actuelle, moins retranchée dans sa « tour d’ivoire » et plus soucieuse des liens qu’elle entend établir et consolider avec les établissements d’accueil des stagiaires. Cette formule, si elle ne peut s’appliquer in extenso à l’ensemble des stages est en tout état de cause une pratique vers laquelle l’Institut devra tendre dans les années qui viennent. Les psychologues praticiens accueillant des stagiaires sont souvent déroutés par les demandes de stages qui leur valent de quatre à dix appels téléphoniques quotidiens en début d’année, et parfois inquiets de ce débordement : « Toutes les ruses sont imaginées par les candidats à un stage !... » me disait un praticien fidèle dans l’accueil de stagiaires et confraternellement désappointé par la situation.

L’étudiant, le maître de stage et l’enseignant

Il nous faut penser un dispositif qui permette une véritable articulation des terrains avec l’université de telle sorte que le stage retrouve sa fonction de structure intermédiaire entre théories et pratiques offrant ainsi à l’étudiant un espace de tension suffisamment cadré dans ses rapports nécessairement contradictoires entre terrain de stage et enseignement universitaire. Le temps et le lieu du stage sont l’endroit même du « jeu » dans la formation où se précisent et s’organisent les produits des identifications que l’université a si bien su initier. Cette perspective est, de plus, renforcée par l’intérêt manifeste des maîtres de stages de conserver par cette charge un lien complice avec le contexte universitaire. En effet, ceux-ci attendent de l’université qu’elle leur offre le maintien d’un lieu de référence là où la solitude de l’exercice du métier se fait lourde et les ressourcements identitaires deviennent une nécessité. Le seul dispositif de formation continue n’est pas suffisant et ne répond pas forcément à la demande.

Reste, dans cette perspective, à l’université de décliner ses bénéfices attendus d’un tel partenariat ! Le souci du travail bien fait et de sortir d’une situation rendue difficile en matière de gestion des stages sont une raison évidente. Mais quels projets les enseignants ont-ils, dans l’exercice de leur métier, en direction des terrains ? Se ressent, là, l’écart difficile qui s’est creusé à l’Institut de Psychologie, et certainement dans toutes les universités françaises qui enseignent la Psychologie, entre l’espace Formation-Recherche d’un côté, et les Terrains de Pratiques de l’autre côté. Il est peut-être temps de renforcer l’idée, nourrie déjà depuis longtemps par certains collègues universitaires, que la Recherche est certainement le meilleur vecteur pour articuler terrains et université. La pratique de recrutement du DEA de Psychologie et Psychopathologie Cliniques est, en ce sens, un exemple qui souligne cette possible articulation par la demande importante de s’y inscrire de bien des praticiens, la capacité qu’ils ont à recueillir un matériel de recherche de haute qualité sur leurs terrains d’exercice et l’enrichissement dont bénéficie l’université d’être le lieu par lequel peut se mettre en travail un tel matériel.

Les innovations de l’Institut en matière de stages

Après avoir « réformé » la licence en introduisant, entre autres changements, la réalisation d’un stage de vingt-cinq demi-journées, la toute nouvelle réforme de la maîtrise systématise l’adjonction d’un TD à l’exercice du stage pour tout étudiant et quelle que soit son orientation de spécialité en dominante. Ceci revient à dire que le stage sera prolongé à l’université par un temps de reprise, assuré par l’université, dans le souci d’intégrer mieux le stage comme élément fort du processus de formation. Le stage n’est plus considéré seulement comme l’occasion offerte à l’étudiant de faire des « prélèvements » de données visant à nourrir sa note de recherche, mais aussi et surtout d’interroger sa position de stagiaire autant comme chercheur que futur professionnel et d’en saisir les incidences à « l’extérieur » comme à « l’intérieur » de lui.

La généralisation de la pratique de deux sessions d’examens rapprochées en mai et juin permet aux étudiants de se soucier de trouver un terrain de stage dès le mois de juillet et parfois même d’amorcer ce stage à cette époque. En ce domaine, l’objectif est d’une part, de répartir le temps de stage sur une amplitude de douze mois plutôt que huit ou neuf, comme par le passé et, d’autre part, de donner au temps de stage une dimension plus confortable que de n’être inscrit que dans les interstices de l’emploi du temps de l’année universitaire, bien que l’interstice ne soit pas le lieu le moins fécond !

Bien du travail reste à faire dans le domaine des stages et de la place qu’ils occupent fondamentalement non seulement dans la formation de l’étudiant, ce qui est leur vocation première, mais aussi dans l’articulation de l’université et des terrains autour des nombreux objets qu’ils ont en commun.

References

Bibliographical reference

Jacques Gaucher, « Les stages à l’institut de psychologie », Canal Psy, 24 | 1996, 4-5.

Electronic reference

Jacques Gaucher, « Les stages à l’institut de psychologie », Canal Psy [Online], 24 | 1996, Online since 30 août 2021, connection on 02 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=2608

Author

Jacques Gaucher

Directeur de l’Institut de Psychologie de l’Université Lumière Lyon 2

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