Texte

Comment penser la spécificité du féminin ? Voilà une question qui a divisé et divise encore nombre de spécialistes des sciences humaines. La différence entre les hommes et les femmes au niveau social s’est longtemps appuyée sur l’affirmation d’une réalité biologique. Les hommes et les femmes ne présenteraient pas la même constitution physique, ni les mêmes compétences cérébrales, dissymétrie désormais entrée dans les représentations populaires, à l’image du best-seller distinguant les hommes venus de Mars et les femmes de Vénus.

Le mouvement féministe apparu progressivement à partir de la seconde moitié du xxe siècle a pourtant amorcé une contestation de cette différence culturellement admise. Dernièrement l’anthropologue Françoise Héritier a ainsi proposé la thèse selon laquelle ces différences biologiques ne seraient que le fruit de plusieurs siècles de ségrégation culturelle. Voilà une proposition au potentiel révolutionnaire peut-être comparable à la proposition de Freud à l’époque concernant l’existence d’une sexualité infantile…

Au-delà de ce débat sur ce qui fonderait la différence des sexes, ce dossier tente de mettre en lumière la construction dont relève la position propre au féminin, et les angoisses ou le « refus » que celle-ci peut générer. En 1926, Freud reconnaissait la difficulté à laquelle il se heurtait pour penser le développement psychosexuel de la femme en comparant le désir féminin à un « continent noir » pour la psychologie. Dans Analyse sans fin et analyse avec fin, il décrivait vers la fin de sa vie le « refus de la féminité » comme la butée du processus analytique, concluant son texte par cette affirmation surprenante de la part d’un homme qui avait œuvré à avancer toujours plus dans les limites de la connaissance du fonctionnement de l’inconscient : « le refus de la féminité ne peut évidemment rien être d’autre qu’un fait biologique, une part de cette grande énigme de la sexualité ».

C’est bien de ce « roc » du biologique dont il est question dans ce dossier. Quel serait donc ce « féminin », en souffrance qui se manifeste dans les troubles alimentaires de certaines jeunes femmes, ou chez ces femmes dont l’organisation défensive est subitement mise à mal par la survenue d’un cancer du sein ? Existe-t-il des traits spécifiquement féminins telle la cruauté ? Autant de questions sur lesquelles les auteurs de ce dossier se sont penchés pour ce numéro 77 de Canal Psy.

Vous trouverez par ailleurs dans cette rubrique Écho un texte d’Ariane Bilheran présentant l’état de sa recherche en cours sur la question de la temporalité propre à la psychose.

Très bonne lecture à tous.

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Référence papier

Anne-Claire Froger, « Édito », Canal Psy, 77 | 2007, 3.

Référence électronique

Anne-Claire Froger, « Édito », Canal Psy [En ligne], 77 | 2007, mis en ligne le 21 septembre 2021, consulté le 22 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=2792

Auteur

Anne-Claire Froger

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