Carole Martinez, Le cœur cousu

p. 2

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Carole Martinez, Le cœur cousu, Paris, Gallimard, 2007, 431 p., 23 €

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Un livre écrit par une femme et qui parle essentiellement de femmes. Un livre qui m’a été conseillé par des femmes. Un livre de femmes, avec toute l’ambiguïté que recèle ce terme, sans même parler des stéréotypes ? S’en tenir à cette catégorisation serait oublier la bisexualité psychique mais aussi, plus profondément, l’universalité des grandes œuvres. Or Le cœur cousu, premier roman, est une œuvre grande, profonde, puissante. Elle peut évoquer M. Tournier, mais avec beaucoup plus de légèreté (au sens où Tournier devient pesant lorsqu’il fait le pédagogue), et surtout le réalisme magique des Garcia-Marquez et autres auteurs sud-américains des années 70-80. Voilà pour situer l’auteur et le livre.

Pourtant l’essentiel n’est pas là mais dans l’expérience de la lecture. Quand on commence, on ne peut plus s’arrêter, on est pris et on se laisse prendre par cette voix de femme qui dit l’histoire d’une lignée, en particulier l’histoire de sa mère, Frasquita, qui dit les bonheurs et les malheurs, les amours et les pertes, les naissances et les morts, les maisons et les voyages, qui dit le réel et les forces cachées du monde…

Frasquita a le don de la couture : elle l’a eu avec la boite que sa mère lui a remise et qu’elle a su ne pas ouvrir avant le délai donné, alors que sa propre mère n’avait pas su attendre et n’avait trouvé que rien dans sa boite qu’elle-même transmettra à ses enfants. La boite de Frasquita contenait des fils de toutes les couleurs. Dès lors elle brode, elle coud, elle refait le monde en fils, elle comprend que son art (mais, simple, elle ne le pense pas ainsi) peut embellir le monde et celles qui portent ses créations, dès lors qu’elle se « spécialise » dans les robes de mariées qu’elle rend belles.

La vie de Frasquita est une épopée, du village espagnol perdu au village marocain où elle finit par arrêter son errance, grâce à une vieille femme un peu magicienne sans doute, avec ses enfants après le départ de son mari. Comme toute épopée ce récit est marqué par un fantastique profondément tissé au quotidien, ce fantastique, ce religieux qui sont le monde comme la terre, comme les choses, comme les corps.

Suivre Frasquita et sa tribu, suivre Soledad, la narratrice, c’est faire un voyage au cœur de la condition humaine pétrie de l’élan, de la lumière des mythes et du sud. C’est aussi se rappeler de la puissance, la lumière de la littérature.

References

Bibliographical reference

Jean-Marc Talpin, « Carole Martinez, Le cœur cousu », Canal Psy, 83 | 2008, 2.

Electronic reference

Jean-Marc Talpin, « Carole Martinez, Le cœur cousu », Canal Psy [Online], 83 | 2008, Online since 21 avril 2021, connection on 23 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=2850

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Jean-Marc Talpin

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