Philip Roth, Exit le fantôme

p. 2

Référence(s) :

Philip Roth, Exit le fantôme, 2007, Gallimard, 2009, 327 p., 21 €

Texte

Philip Roth est l’une des grandes figures de la littérature américaine, Philip Roth est un écrivain vieillissant, Philip Roth s’est inventé voici longtemps maintenant un double d’écriture, Nathan Zuckerman.

Que deviennent les doubles quand leurs auteurs vieillissent ? On sait l’histoire de Dorian Gray et de son portrait qui vieillissait à sa place. Ici, c’est d’autre chose qu’il s’agit : Nathan Zuckerman semble permettre à l’auteur de jouer avec ses angoisses et ses fantasmes quant à son vieillissement. Il en rajoute même dans la vision négative et les angoisses. Que l’on en juge par ce passage écrit par un homme qui, depuis l’intervention de son cancer de la prostate, souffre d’incontinence et d’impuissance :

« L’instrument jadis rigide de la procréation était maintenant comme l’extrémité d’un tuyau qu’on voit sortir d’un champ, quelque part, un bout de tuyau incongru qui goutte et gicle par intermittence, sans but, jusqu’au jour où quelqu’un pense à donner à la valve le tour de vis supplémentaire qui va arrêter cette foutue écluse. » (P. 129.)

Le lecteur imagine aisément que l’auteur de ces lignes ait pu être éprouvé par pareille lecture !

N. Zuckerman, comme avant lui le héros d’Un homme, a quitté New York pour vivre et écrire retiré à la campagne. Il a pu croire (se faire croire ?) qu’il avait accédé à une sorte de sagesse, du moins à un réel détachement. Mais, premier indice, il revient à New York précisément pour une petite opération qui lutterait contre ses fruites urinaires. Mais, deuxième indice, il lit une petite annonce et y répond favorablement : échanger pour un an sa maison retirée contre un appartement à New York. Dès lors tout s’emballe (surtout lui, en fait) : il tombe amoureux fou de la jeune femme du couple qui veut changer de maison, montrant que la soi-disant sagesse était essentiellement une formation réactionnelle.

Ce livre d’une grande richesse brasse en même temps la question de l’actualité politique (réélection de Georges Bush Jr.), de la création et de la rivalité entre les générations, des deuils (tant d’amis ont disparu)…

Malgré mes propos précédents, Exit le fantôme est tout sauf un livre lugubre, emporté qu’il est par le talent de l’auteur, son art de jouer sur de multiples niveaux d’écriture… Que l’on se rassure : si Nathan Zuckerman va mal, Philip Roth lui va bien, il est plus créatif et libre que jamais. Grâce en soit rendue à son double !

Citer cet article

Référence papier

Jean-Marc Talpin, « Philip Roth, Exit le fantôme », Canal Psy, 93 | 2010, 2.

Référence électronique

Jean-Marc Talpin, « Philip Roth, Exit le fantôme », Canal Psy [En ligne], 93 | 2010, mis en ligne le 04 octobre 2021, consulté le 23 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=2876

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Jean-Marc Talpin

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