Pour ce numéro 70, nous avons opté pour l’intitulé, au pluriel et suffisamment évasif, « Enfances », afin de mettre l’accent sur la multiplicité des vécus qui fondent cette période qui, dès lors, ne peut plus être envisagée comme un état en soi. Les trois auteurs qui ont contribué à ce dossier vont nous rappeler, au fil de leurs observations, de leurs réflexions, mais aussi de leurs indignations, les conséquences sur l’enfant de nos impensés le concernant. Souvent il se retrouve ainsi plongé trop tôt, trop massivement, dans un monde imprégné de notre pulsionnalité, de nos angoisses et souffrances narcissiques, alors même qu’il n’a pas encore achevé de construire les outils qui lui permettraient de s’en distancier suffisamment.
Il y a quelques décennies maintenant, Françoise Dolto avait produit une petite révolution en nous sensibilisant à I’« être de langage » qu’est l’enfant dès sa naissance, et en nous incitant à le reconnaître sur un plan d’égalité ; notion qui a pu parfois se trouver galvaudée et rencontrer ses limites dans nos résistances mêmes à l’intégrer. Aujourd’hui, l’enfant se retrouve impliqué dans nos enjeux de vie, pris à partie, au titre de confident ou de témoin de nos impasses affectives, ou encore installé à une place indue : encore et toujours il reste objet.
Tel est le propos de ce numéro qui va tenter de réinterroger ces situations qui l’imprègnent et ne manqueront pas de conditionner l’adulte qu’il deviendra.
Lisbeth Brolles ouvre donc ce dossier avec une réflexion menée autour de Keita, jeune garçon de 7 ans, qui a fui avec sa mère la guerre civile qui déchire le Congo, et qui manifeste à l’école les effets des traumatismes subis et entretenus par sa situation familiale et sociale. Puis nous sommes allés interviewer Maurice Berger au sujet de son ouvrage, intitulé non sans provocation de sa part : L’échec de la protection de l’enfance, réédité en 2004, au sein duquel il nous fait partager ses constatations et réflexions issues de nombreuses années de pratique auprès d’enfants suivis dans son service.
Enfin, Malory Perrichon referme ce dossier par un voyage qui nous emmène au cœur de la cancérologie, en prenant le point de vue inhabituel des enfants non pas eux-mêmes malades, mais plongés de fait dans la « parenthèse » somatique et psychique que vit leur parent, selon leur propre terme.
Vous pourrez remarquer l’apparition d’une « Tribune libre » dans Canal Psy à compter de ce jour. Bernard Chouvier a bien voulu s’y risquer pour ce numéro, et développe pour nous une argumentation sur la question débattue de la formation à la psychothérapie. Remercions-le pour ce commentaire sur l’actualité psy dont nous tenions à nous faire l’écho…
De plus, la page « Infos » classique va être amenée à disparaître de l’édition papier bi-mensuelle peu adaptée à la diffusion. Les initiés auront déjà pris l’habitude de la consulter directement sur le site de l’Université où elle est régulièrement tenue à jour par Marc-Antoine Buriez.
Très bonne lecture à tous…