Erratum

Suite de l’article de Damien Aupetit et Frédéric Lefevere

p. 10

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Dans le dernier numéro, une erreur s’est glissée dans la retranscription du texte de Damien Aupetit et Frédéric Lefevere ; la conclusion a en effet été tronquée. Nous présentons aux auteurs toutes nos excuses.
Vous trouverez ici la dernière partie de l’article accompagnée de la conclusion initiale.

Quel psychologue puis-je être dans cette place ?

À son grand étonnement – il avait toujours entendu que le marché du travail des psychologues était complètement saturé –, il trouva rapidement un poste de psychologue à mi-temps dans une petite institution recevant des adolescents ayant des troubles du comportement. Désormais, il n’avait plus de Maître de stage, il était seul, livré à lui-même, ce qui le rendait fier, mais l’angoissait également. Il se rendait bien compte qu’on ne devient réellement psychologue qu’à partir du moment où l’on n’a plus le statut de stagiaire. Au bout de deux mois, une situation de crise au sein de l’institution lui permit de commencer à asseoir sa place et d’être plus intégré par l’équipe : son intervention, sous la forme du Photolangage®, ayant favorisé la reprise d’un lien entre les professeurs des écoles et les éducateurs, alors pris dans des conflits ancestraux. Il analysa cette situation dans son groupe d’intervision et constata combien la technique avait été étayante pour lui. S’il trouvait petit à petit sa place au sein de cet établissement, c’était évidemment en s’appuyant sur l’analyse et la manière dont il parvenait à penser les processus, tant institutionnels que lors de ses rencontres avec les patients, mais aussi grâce au cadre théorique qui lui servait de garant. À l’inverse, il se sentait moins à l’aise avec les comptes rendus qu’il devait effectuer à destination de structures qu’il méconnaissait. Sa formation ne lui avait pratiquement pas apporté de méthodologie sur ce type de travail. Il souffrait également d’une méconnaissance des structures en réseau avec son institution. Malgré tout, il put rapidement se documenter, puis participer à une session de la « CDES1 plénière » et se faire son idée sur son fonctionnement.

Au bout de quelques mois, le psychiatre, chef de service, avait confié à Anatole quelques suivis, ce qui dépassait ses compétences, pensait-il. Il entreprit alors une formation en thérapie familiale, qui lui apporta d’avantage d’outils pour penser sa clinique, mais surtout plus de confiance. Il expérimentait et s’appropriait progressivement différentes théories du soin, pour se construire la sienne propre : la catharsis, l’interprétation, puis la fonction de contenance, étaient venues tour à tour occuper son esprit et ses lectures avant qu’il puisse introjecter sa propre théorie du soin, celle avec laquelle il se sentait à l’aise pour travailler. En outre, sa participation à des colloques et à des conférences, ainsi que la lecture d’ouvrages spécialisés fournissaient à Anatole des outils supplémentaires pour tenter de mener au mieux sa pratique de psychologue. Si son employeur reconnaissait l’importance de ces démarches, il ne lui permettait pas pour autant de bénéficier d’un temps de travail à l’extérieur de l’établissement, ce qu’Anatole interpréta, étant donné son jeune âge, comme de l’anti-rides2.

En conclusion, reconstruire ce processus de formation a été pour nous l’occasion d’interroger notre propre processus de construction d’une identité trouvée-créée de psychologue. Ce travail, à la fois de construction et de déconstruction, se tisse par des mouvements complexes et parfois paradoxaux, comme nous avons tâché de le montrer à travers le cas d’Anatole, personnage fictif qui nous paraît sommeiller en tout étudiant en psychologie. Nous avons ainsi tenté de mettre en avant les atouts mais aussi les limites de notre formation, tels que nous les percevons aujourd’hui à travers notre propre vécu mais aussi celui des professionnels psychologue ou non. Former au métier de psychologue n’est pas une tâche – primaire – facile, de par la grande diversité de postes, des missions, des publics et, finalement, des êtres humains qui se rencontrent dans un tel cadre. Cependant, au regard de nos pratiques actuelles, nous pouvons dire que dans l’après-coup de notre formation, nous avons pu nous mettre au travail en nous étayant principalement sur nos acquis universitaires. Il nous semble donc pouvoir qualifier notre formation de « suffisamment bonne », avec toute la polysémie que cela implique (la réforme LMD y apportera-t-elle des changements ?). Toutefois, le peu de recul dont nous disposons nous invite à la prudence. En effet, comment être objectif, comment avoir la possibilité, le cas échéant, de « cracher » sur le sein qui nous a nourris de son lait, ou dans la soupe universitaire qui nous a fait grandir ? Si Anatole a pu se nourrir du lait maternel il devra sans nul doute trouver d’autres espaces-ressources par la suite, la formation étant permanente.

Notes

1 CDES : Commission Départementale d’Éducation Spéciale.

2 RIDES : Recherche Information Documentation Évaluation Supervision.

References

Bibliographical reference

« Erratum », Canal Psy, 72 | 2006, 10.

Electronic reference

« Erratum », Canal Psy [Online], 72 | 2006, Online since 14 septembre 2021, connection on 22 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=3282

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