Quand la neurobiologie digère l’inconscient

p. 11

Texte

Pour la neurobiologie, l’inconscient psychanalytique est une notion difficilement acceptable. Le rendez-vous manqué d’A. Green et de J.-P. Changeux peut illustrer à mes yeux cet état de fait. Pourtant au cours d’une recherche bibliographique sur les récepteurs GABAergiques, je découvre dans la revue Neuropsy1 d’octobre 1989 un article de J.-P. Tassin2 dont l’hypothèse de recherche est la suivante : « Peut-on trouver un lien entre l’inconscient psychanalytique et les connaissances actuelles en neurobiologie ? ». L’exposé est complexe et j’offrirai comme introduction d’une possible lecture par les abonnés du journal le résumé que propose le chercheur :

« L’existence d’un inconscient est sans doute la clef de voûte de la psychanalyse. Cette notion n’est encore que peu reconnue en neurobiologie. Cet article essaie néanmoins de mettre en évidence les modifications que subit le système nerveux central à l’occasion de situations physiologiques (hallucinations, rêves…) caractérisées par l’émergence majoritaire d’éléments inconscients : l’activité de certains neurones monoaminergiques est diminuée, les perceptions sensorielles externes sont atténuées et l’équilibre fonctionnel entre les aires limbiques et sensorielles est modifié au profit des aires limbiques. À la naissance, les neurones qui seront responsables du traitement conscient des informations ne sont pas encore matures et le nouveau-né reçoit et engramme ses sensations selon un mode de fonctionnement inconscient, vraisemblablement voisin de celui des circuits analogiques. Chez l’adulte les deux modes de fonctionnement conscient et inconscient coexisteraient et le conflit résultant de leur incompatibilité partielle pourrait être le substratum de la névrose. La cure psychanalytique permettrait alors de créer une interface entre ces deux modalités psychiques. » p. 433.

La position antinomique des deux disciplines, la neurobiologie d’une part, et la psychanalyse d’autre part, semble ici subir un aménagement. Aménagement que l’étudiant convaincu de l’apport de la psychanalyse au sein de la psychologie clinique prend comme une bouffée d’air frais au milieu des débats contradictoires de chaque camp.

J’ai fait pour ma part l’expérience, lors d’un jury, de cette difficulté à aménager un espace de pensées et de discussions entre ces deux disciplines. Un des membres (psychologue clinicien) demandait au biologiste présent ce que représentaient pour lui la douleur somatique et la souffrance psychique. La réponse fut la suivante : « Pour la douleur, je vois très bien ce dont il s’agit, mais pour la souffrance, cela ne m’évoque rien. »

Notes

1 Neuropsy, vol. 4, n° 8, octobre 1989, pp. 421-434.

2 J.-P. Tassin, INSERM, U 114, Chaire de Neuropharmacologie, Collège de France, 75005 PARIS.

Citer cet article

Référence papier

Pierre Campia, « Quand la neurobiologie digère l’inconscient », Canal Psy, 1 | 1993, 11.

Référence électronique

Pierre Campia, « Quand la neurobiologie digère l’inconscient », Canal Psy [En ligne], 1 | 1993, mis en ligne le 07 avril 2021, consulté le 18 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=329

Auteur

Pierre Campia

Étudiant F.P.P., groupe de J.-M. Charron

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