Alors même qu’une coopération à l’échelle mondiale apparaît indispensable pour relever les défis de la transition écologique, l’actualité témoigne d’un recul préoccupant des efforts internationaux en faveur de l’environnement, au profit d’un déni systémique des enjeux climatiques. Le retour prochain, à la présidence des États-Unis, d’une figure emblématique du climatoscepticisme et du mépris des minorités et des plus démunis ne fera qu’aggraver cette situation. Ainsi, la crise climatique ne peut être réduite à un simple problème environnemental : elle est une crise globale qui, au lieu de catalyser une mobilisation unifiée, met en lumière les fractures politiques et sociales, exacerbe les inégalités et révèle la fragilité des liens qui nous unissent.
Ces constats suscitent un sentiment croissant d’impuissance et une perte de confiance en l’avenir, alimentant l’écoanxiété et, plus largement, une détérioration de la santé mentale. Ce phénomène, particulièrement visible chez les jeunes, ajoute une crise psychique aux crises environnementales et sociales. Comment, dès lors, accompagner les individus et les groupes dans un monde où les repères vacillent ? Comment reconstruire des solidarités et redonner un sens à l’action collective ? Ce numéro de Canal Psy s’attache à explorer les interactions entre crise écologique, souffrance psychique et dynamiques sociales, tout en proposant des pistes pour comprendre et engager les transformations nécessaires des comportements, des relations et des institutions.
Karine Weiss ouvre ce dossier en présentant les apports de la psychologie environnementale, discipline qui analyse les interactions complexes entre les individus et leur environnement naturel, social et culturel. Elle examine les impacts psychologiques du changement climatique, notamment l’écoanxiété, et met en lumière le potentiel des solutions fondées sur la nature pour restaurer le bien-être, particulièrement en milieu urbain.
Guillaume Dezecache poursuit en analysant les conséquences des chocs écologiques sur la cohésion sociale. Il montre comment les catastrophes climatiques exacerbent des vulnérabilités préexistantes qui relèvent davantage de choix politiques que de fatalités naturelles. Soulignant l’importance cruciale de la confiance sociale comme levier de résilience, il appelle les psychologues à s’engager dans des collaborations interdisciplinaires adaptées aux spécificités des contextes locaux.
À travers un dispositif thérapeutique novateur de marche en groupe, Julia Violon propose une réflexion sur la reconnexion avec le vivant non-humain. Elle illustre comment des pratiques simples, comme marcher ensemble dans la nature, peuvent non seulement restaurer les liens entre des adolescents et leur environnement, mais aussi offrir des espaces de symbolisation et d’interactions sociales pour des patients en souffrance psychique.
Pour clore ce dossier, nous vous proposons un compte-rendu de la première conférence publique « PSYS Déj’ » organisée par l’Institut de Psychologie en septembre 2024. Sabine Caillaud et Cristelle Lebon y ont présenté comment les approches psychosociale et psychanalytique permettent de comprendre les freins à la transition écologique et, plus largement, les mécanismes de l’inertie collective face au changement. Loin d’un discours pessimiste, elles encouragent les psychologues à analyser ces résistances et à soutenir les processus de transformation en réinventant nos rapports individuels et collectifs à l’environnement.
Les crises que nous traversons, bien que colossales, sont aussi des opportunités de réinvention collective. Elles nous appellent à dépasser les discours d’impuissance pour tisser des ponts entre les générations, réimaginer nos relations au vivant et reconstruire des solidarités durables. Psychologues, chercheurs et praticiens ont un rôle crucial à jouer : en comprenant les mécanismes de l’inertie, en créant des espaces de dialogue et en mobilisant les énergies individuelles et collectives, ils peuvent contribuer à une transformation profonde de nos sociétés, tout en accompagnant les individus face aux angoisses que ces défis suscitent. Ce numéro de Canal Psy, grave, mais résolument tourné vers l’avenir, se veut porteur d’espoir et nous invite à réfléchir à nos rôles respectifs dans ce projet commun : réparer, relier et réinventer un monde habitable et équitable.
Bonne lecture et riches réflexions collectives à vous !