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Un article du Monde de juillet 2008 dressait un tableau plutôt sombre des pratiques de jeu de hasard et d’argent, les présentant comme la « nouvelle toxicomanie du XXIe siècle ». Ce constat, allié aux excès inquiétants d’utilisation du Web des adolescents (dans la région lyonnaise, 16 % des jeunes déclarent passer 2 à 4 heures par jour devant leur écran d’après une enquête récemment publiée par Le Progrès) participe à une forme généralisée de stigmatisation des pratiques de jeu sans toutefois les replacer dans leurs différents contextes.

En effet, plusieurs travaux viennent nuancer ces inquiétudes. Parmi ceux-ci, le collectif de Florian Houssier (La violence de l’image, 2009) interroge en profondeur les enjeux de la modernité et met la question des conduites de jeu au cœur d’un débat qui concerne autant le champ clinique que celui du social ou du culturel. Les travaux de Serge Tisseron, de leur côté, resituent le symptôme dans la problématique de l’adolescence ainsi que dans le cadre de la dynamique familiale. En particulier, son ouvrage Enfants sous influence en 2000, déconstruit bon nombre de préjugés autour des images, des jeux vidéo et de leur traitement par les enfants.

Mais revenons à nos moutons, la thématique du jeu pour être très présente en psychologie, l’est à une distinction près : dans la préface de Jeu et réalité de D.W. Winnicott (1971), J.-B. Pontalis signale, en effet, que la traduction française estompe la différence entre le jeu « strictement défini par les règles qui en ordonnent le cours (game) et celui qui se déploie librement (play) ».

Si, comme le proposait Pascal Roman dans notre précédent numéro de Canal Psy sur « Jouer » (nº 28), « le jeu ouvre, dans le champ de la clinique, un espace de créativité, qui permet de mesurer les enjeux d’un travail du jeu […] comme support du travail de la symbolisation à l’œuvre dans la vie psychique du sujet », les jeux (game) avec ce qu’ils comportent d’organisé, de stéréotypé, de compulsif, peuvent être compris aussi comme une tentative de mise à distance de ce travail de différenciation/subjectivation du développement affectif et cognitif humain.

C’est donc « au risque de jouer » que nous parcourons les deux textes de ce dossier qui proposent deux approches psychosociale et psychopathologique complémentaires : Les travaux de Frédéric Martinez portent sur la prise de décision, les biais décisionnels, l’influence sociale, l’illusion de contrôle et la prise de risque, notamment dans les situations où l’issue est incertaine comme dans le jeu de hasard et d’argent. Le projet est ici de proposer des modèles de compréhension des conduites de jeu notamment à l’aide d’expériences et de mises en situation expérimentales. Dimitris Tserpelis vous propose quant à lui une véritable plongée dans l’expérience subjective d’un sujet aux prises avec son envie irrépressible de jouer. Il en interroge le fond commun avec les cliniques de l’addiction.

Enfin, en rubrique nous vous proposons de découvrir le premier volet de notre reportage « La psychologie “hors les murs” » avec la deuxième journée de réflexion du GRePS sur la thématique Narrativité et Subjectivité. En vous souhaitant une bonne lecture…

 

 

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Référence papier

Frédérik Guinard, « Édito », Canal Psy, 85 | 2008, 3.

Référence électronique

Frédérik Guinard, « Édito », Canal Psy [En ligne], 85 | 2008, mis en ligne le 30 septembre 2020, consulté le 24 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=575

Auteur

Frédérik Guinard

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