La crise de l’automne 2007 à Lyon 2 : un mois pas très ordinaire

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Entre le 12 novembre et la mi-décembre, l’université française – et l’université Lyon 2 – a vécu une grave crise, motivée par l’opposition d’une partie des étudiants à la loi LRU.

La loi LRU

Avec les organisations nouvelles qui se mettent en place depuis le vote de la loi n° 2007-1199, du 10 août 2007 « relative aux libertés et responsabilités des universités » (loi « LRU » publiée au JO du 10 août 2007), le paysage universitaire français est appelé à se modifier progressivement. Rappelons ici, pour rester dans le cadre de cette « tribune », quelques-uns seulement de ces changements.

Cette loi confère de nouveaux pouvoirs (plus « d’autonomie ») aux présidents d’université et au conseil d’administration (ce dernier est réduit de moitié en effectif et élu selon de nouvelles règles – prime majoritaire, notamment – ; dorénavant il élira, seul, le président ; avec lui, il définit les orientations stratégiques). La « gouvernance » des universités passe à présent à une équipe restreinte dirigée par un « manager » ou un « patron » et aux pouvoirs renforcés (par exemple la création d’unités de formation et de recherche, de départements, laboratoires et centres de recherche peut être décidée par le conseil d’administration). Le recrutement des enseignants-chercheurs s’opère par un comité de sélection dont les membres sont proposés par le président et nommés par le CA en formation restreinte aux enseignants (jusqu’ici, les membres des commissions de spécialistes étaient élus par leurs pairs). Le président peut attribuer des primes au personnel ; il peut également décider des obligations de services des enseignants-chercheurs.

Les réactions à la loi

L’esprit et les grandes lignes de la loi figuraient dans le programme électoral de Nicolas Sarkozy ; la préparation de la loi, après les élections de mai-juin 2007, a donné lieu à quelques « négociations » ou autres « concertations », en particulier avec l’Unef, qui a obtenu, par exemple, que la « sélection » à l’entrée en M1 ne figure pas dans cette loi. La grande majorité des présidents d’université a soutenu cette loi, plutôt acceptée aussi dans les universités de « sciences dures », alors que les universités de sciences humaines et sociales se montraient très réservées. Du côté des chercheurs, un mouvement comme « Sauvons la Recherche » a manifesté très tôt ses critiques. Des organisations syndicales, dès le mois de septembre, ont « dénoncé une attaque sans précédent contre l’enseignement supérieur français » (FSU, CGT, UNSA, SUD, UNEF…).

À Lyon 2, l’assemblée générale des étudiants, le 12 novembre, vote le blocage du campus de Bron. Cette situation se maintiendra, avec des alternances de fermeture administrative, jusqu’au début décembre. Le 4 décembre, l’accès au campus de Bron est assuré par les forces de l’ordre. Jusqu’à la semaine du 10 décembre, les accès au campus sont filtrés par des vigiles.

Sur le plan national, les universités encore en mouvement contre la loi suspendent peu à peu leurs actions jusqu’à la fin de l’année 2007.

Durant ce mois de crise, la tension à Lyon 2 a connu des moments très forts ; au contact permanent de tous (personnels administratifs et enseignants, équipe présidentielle, étudiants), j’ai été témoin des grandes inquiétudes des uns et des autres et des divergences quant à la question de la légitimité (des AG ou de la présidence), celle des formes d’action protestataire (blocage ou non, triste épisode du magasin Leader Price), les questions liées à l’intervention des forces de police, à l’appel aux vigiles, ou la place et aux formes de la communication et des échanges au sein de l’université (écrite : avec ou sans le forum du webétu, le rôle des blogs ; directe : avec peu de monde aux débats sur la loi), l’importance des échanges électroniques entre enseignants et étudiants face aux formations en présence des étudiants, les modalités et la place que peut prendre dans l’université le débat autour des enjeux sociétaux…

La loi, l’université et l’avenir des études de psychologie

Les formes qu’a prise l’opposition à cette loi au cours des deux derniers mois de 2007 (blocage des campus et demande d’abrogation de la loi) n’ont pas conduit le gouvernement à modifier ses positions sur la loi LRU ; cette dernière commence à être appliquée ; l’un des enjeux demeure la discussion sur les projets de décrets d’application qui commencent à être connus.

L’Institut n’a pas attendu la LRU pour s’interroger sur les enjeux de ses formations, les demandes de ceux qui s’y engagent (formation à la psychologie, formation de psychologues, formation de chercheurs) et les moyens de faciliter activement les orientations personnelles et professionnelles et l’insertion professionnelle. Des groupes de travail se réunissent régulièrement et la journée de rentrée (5 septembre) a été entièrement consacrée à l’examen de ces questions.

Dans le contexte créé par la loi LRU, nous ne pouvons qu’être vigilants sur les évolutions institutionnelles et les effets qu’elles pourraient entraîner sur les études en psychologie. Il faut se rappeler que lors des rapports (Hetzel…) qui depuis deux ou trois ans ont mis l’accent sur la « nécessité d’une modernisation » de nos universités, les études de psychologie ont fréquemment été citées comme un exemple de formations très demandées mais où les débouchés seraient limités. La place des psychologues au sein des instances décisionnelles de l’université est très faible (nombre des collègues candidats aux dernières élections ont été rayés des listes) et il n’est pas assuré que leur place soit meilleure à la suite des prochaines élections du printemps. Or les spécificités des formations de psychologues et à la psychologie ne sont pas toujours bien comprises des collègues des autres composantes. Cela est vrai pour nos formations, mais aussi pour nos recherches. Il nous faudra être très attentifs, et le plus d’acteurs possibles, dans les débats institutionnels.

Citer cet article

Référence papier

Jean-Marie Besse, « La crise de l’automne 2007 à Lyon 2 : un mois pas très ordinaire », Canal Psy, 80 | 2007, 2.

Référence électronique

Jean-Marie Besse, « La crise de l’automne 2007 à Lyon 2 : un mois pas très ordinaire », Canal Psy [En ligne], 80 | 2007, mis en ligne le 05 octobre 2020, consulté le 23 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=644

Auteur

Jean-Marie Besse

Directeur de l’Institut de psychologie

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