De l’Arc de triomphe de Paris au Capitole de Washington D.C.

L’insurrection est-elle une anachronie juridique ?

DOI : 10.35562/droit-public-compare.308

Résumés

Le saccage de l’Arc de triomphe le 1er décembre 2018 et l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 ont donné lieu à un sursaut sécuritaire et remis au goût du jour une notion ancienne : celle de l’insurrection. Saisie par la politique et par le droit, l’insurrection fait l’objet d’un régime spécifique arrimé au droit pénal et dont la qualification est très difficile à opérer. Il est donc permis de se de demander si, à la lumière de l’arsenal existant, elle n’est pas un anachronisme juridique.

The looting of the Arc de triomphe on December 1st 2018, and the attack on the Capitol on January 6 2021, led to increased security and the revival of the ancient concept of insurrection. Nonetheless, French and American Criminal and Constitutional Law reveal that these events could not be characterized as such, and that insurrection might be a legal anachronism given the existing legal arsenal.

Plan

Texte

Introduction

Dans son ouvrage Psychologie des foules, Gustave Le Bon écrivait : « L’individu en foule acquiert, par le seul fait du nombre, un sentiment de puissance invincible lui permettant de céder à des instincts, que, seul, il eût forcément réfréné »1. Ces dérives, la France et les États-Unis en ont été les victimes. Le 1er décembre 2018 avait lieu le troisième acte des Gilets jaunes. Déstructuré et sans véritable organisation verticale, le mouvement des Gilets jaunes manifestait afin de dénoncer les inégalités et les injustices, notamment la hausse des tarifs du carburant. Si les protestations ont au départ été pacifiques, l’acte III donnera lieu à des violences telles qu’à Paris l’Arc de triomphe fut envahi et vandalisé tandis que le maintien de l’ordre peinait à être assuré. De nombreux qualificatifs furent employés pour qualifier l’événement et le mouvement en général à ce moment ou plus tardivement : « séditieux2 », « chaos3 », « quasi-insurrection4 », voire « ennemis intérieurs accusés de déloyauté à l’encontre de la Nation5 ». S’il n’a pas remis en cause la stabilité de la République, cet événement a toutefois donné le sentiment qu’elle pouvait vaciller et que les forces de l’ordre pouvaient être débordées. Au total, 263 personnes seront blessées et 412 interpellées. Plus dramatique fut le 6 janvier 2021 à Washington D.C., où une cohorte de séides du président sortant Donald Trump envahit le Capitole, siège du Congrès américain, afin d’interrompre le transfert pacifique du pouvoir à la suite d’accusations infondées de fraudes électorales. L’attaque fut symbolique : alors que le bâtiment était resté inviolé pendant la guerre civile, le drapeau confédéré fut fièrement brandi dans les couloirs du Capitole. Cinq personnes sont mortes, dont un policier et un émeutier, sans compter les suicides qui s’ensuivirent au sein des forces de l’ordre. Une nouvelle fois, le champ lexical de la protestation fut invoqué : « émeutes », « rébellion », « sédition » et « insurrection », sans que pour autant des individus ne soient poursuivis pénalement sur ce dernier fondement.

À première vue, le lien entre ces deux événements ne paraît pas évident, à tel point qu’ils soulèveraient le risque de l’incommensurabilité. Trop différents, ils souffriraient de ne pouvoir être comparés. Ils sont en effet distincts sur bien des points. Dans le cas français, il s’agissait notamment de revendiquer davantage de pouvoir par l’instauration d’un référendum d’initiative citoyenne, de mettre à mal le régime représentatif, dont les dérives sont toujours plus contestées dans un cadre constitutionnel vieillissant, et de lutter contre l’augmentation des tarifs du carburant. La crise « trouverait donc son origine dans un fonctionnement des institutions gravement défectueux6 ». Le saccage de l’Arc de Triomphe se produit à l’issue d’une manifestation cyclique qui a dégénéré. A contrario, il s’agissait aux États-Unis d’interrompre le transfert du pouvoir, voire, de le prendre par la force après que les manifestants ont pensé être privés de représentation à la suite des résultats de l’élection présidentielle. Il y a donc deux conceptions de la démocratie qui s’expriment, l’une qui souhaiterait davantage s’incarner par les urnes, l’autre qui, par la violence, consiste à s’asseoir sur leurs résultats. Dans les deux cas, il s’agissait de résister à une « oppression » particulière. Les deux événements sont opposés aussi bien en ce qui concerne leur temporalité que leurs conséquences et, bien entendu, le système juridique dans lequel ils se sont inscrits. Ils font pourtant émerger des problématiques qui les unissent. D’abord, les deux événements se sont produits chacun dans la capitale de leur pays respectif, capitales où est très majoritairement concentré le pouvoir national (exécutif, législatif et judiciaire). Cela interroge donc nécessairement sur la sécurité et le maintien de l’ordre, qui a montré ses limites, alors qu’il est primordial pour le fonctionnement régulier des institutions et que la puissance publique doit à ses citoyens la sécurité. Sur ce point, ces événements ont permis de mettre en lumière les défaillances des autorités publiques, de police et de renseignement, et ont ainsi servi de leçon. Unis aussi par leur passé révolutionnaire et leurs inspirations mutuelles en la matière, la France et les États-Unis constituent un terrain fertile aux révoltes populaires. Ils révèlent aussi tous deux les difficultés relatives à la qualification juridique des faits qui font l’objet de cette étude. Manifestations ? Émeutes ? Rébellion ? L’acte III des Gilets jaunes et l’invasion du Capitole ont été l’occasion de mettre en avant une autre expression que l’on croyait reléguée aux révolutions et aux graves crises du passé à tel point qu’elle paraît anachronique : l’insurrection. Cette émergence dans le débat public d’un tel terme est à la fois paradoxale et logique. Paradoxale parce que sa conception politique ne correspond pas à sa réalité juridique. Logique parce qu’elle est lourde de sens et permet ainsi de désigner l’ennemi en République. Classiquement, l’insurrection se définit comme un « mouvement populaire, action collective tendant à renverser le pouvoir établi7 ». De cette définition large il résulte que « l’univers des pratiques ne se superpose pas à l’univers des normes8 ».

Pourquoi donc s’interroger sur le crime d’insurrection ? Au-delà du simple fait que ces événements furent perçus comme tels politiquement, cette infraction ne semble plus appropriée juridiquement pour appréhender les contestations émergentes, en théorie comme en pratique, et ce, pour plusieurs raisons notables. En premier lieu, l’insurrection gravite autour de crimes et délits qui peuvent lui être substitués. Cela tient au fait que la jurisprudence a restrictivement – et rarement – interprété le crime d’insurrection, de sorte que son application soit rendue compliquée et les éléments constitutifs de l’infraction difficiles à réunir. Ce silence du juge n’est pas étonnant dans la mesure où, tel qu’il est conçu, le crime d’insurrection n’a pas véritablement vocation à être appliqué et parce que le contexte est évidemment différent de son élaboration. S’il a bien entendu un dessein répressif, sa fonction apparaît avant tout préventive. Ensuite, parce qu’il s’agit d’une infraction qui subit naturellement un traitement politique. Ce sont donc autant de dérives qui peuvent se produire lorsque le droit invoqué, dans le cas où il est manipulé, ne correspond pas aux faits contestés ou lorsque son corollaire, la résistance à l’oppression, est utilisé de manière injustifiée, voire, est mal interprété. Cela implique donc de correctement les qualifier afin d’apporter une réponse et un régime juridique appropriés. Enfin, les événements du 1er décembre 2018 et du 6 janvier 2021 s’inscrivent dans un contexte plus global de remise en cause de la démocratie représentative et surtout dans un contexte social, économique et politique qui donne lieu à un accroissement des inégalités et conséquemment à des résistances, parfois violentes, encadrées par des techniques de maintien de l’ordre qui le sont parfois tout autant. Dans cette perspective, l’insurrection n’apparaît plus comme une infraction pénalement réprimée, mais comme un droit exercé en résistance à une « oppression ». L’acte III des Gilets jaunes à Paris et l’attaque du Capitole aux États-Unis illustrent la tension entre la conception théorique de l’insurrection, incorrectement conçue comme un droit, et sa réalité juridique matérialisée par la mise en œuvre difficile de sa criminalisation dans un contexte de vives protestations. Ils illustrent enfin l’opposition classique entre le droit et politique et les limites des mesures prises dans le cadre de la sécurité publique. Cette étude de droit comparé entend montrer, en s’appuyant sur les événements précités, en quoi l’insurrection fait finalement figure d’anachronie dans l’arsenal pénal et quelles en sont les conséquences sur la sécurité publique. L’insurrection doit être envisagée d’abord comme un instrument juridique hautement politique (1.), puis comme une dérive illégitime de la liberté de manifestation (2.).

1. L’insurrection en tant qu’instrument juridique hautement politique

Il faut s’intéresser d’abord aux origines de l’insurrection, qui résultent d’un dévoiement du droit de résistance à l’oppression (1.1.), pour ensuite aborder sa qualification pénale (1.2.).

1.1. Aux origines de l’insurrection : un dévoiement du droit de résistance à l’oppression

En 1776 fut inscrit dans le marbre de la Déclaration d’indépendance américaine le principe selon lequel renverser son gouvernement est un droit, voire un devoir lorsqu’il devient tyrannique, dans la continuité de la Déclaration des droits de l’État de Virginie, rédigée la même année, et de la pensée de John Locke9. Il figure aujourd’hui dans nombre de Constitutions fédérées. En France, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 fait sienne cette conception jusnaturaliste reprise par Lafayette puisque son article 3 érige le droit de résistance à l’oppression au rang « des droits naturels et imprescriptibles de l’homme ». Le Conseil constitutionnel consacrera la valeur constitutionnelle de ce droit en 198210. Le droit de résistance à l’oppression se définit comme le droit reconnu au peuple de s’opposer aux autorités pour conserver l’ordre constitutionnel lorsqu’il fait l’objet de violations11. Il est envisagé comme un « contrepoids au pouvoir du Gouvernement12 » et peut être invoqué seulement « lorsqu’un niveau d’injustice devient intolérable et qu’aucun recours juridique n’est disponible13 ». En cela, on peut le rapprocher de l’état de nécessité et de la légitimité défense14, puisque le recours à la force n’est finalement permis que si les conditions l’exigent15. La résistance à l’oppression peut prendre diverses formes, de la manifestation à la désobéissance civile ou par exemple, la possibilité pour les agents publics de ne pas avoir à obéir à des ordres manifestement illégaux. Dans le pire des cas, il est parfois avancé que la résistance à l’oppression peut prendre le visage de l’insurrection16. La très éphémère Constitution de 1793, d’ailleurs invoquée par les Gilets jaunes à l’appui de leur contestation, allait en effet plus loin que le texte de 1789 puisqu’elle accordait une place importante à l’insurrection, conçue comme un droit, considérant qu’il était « la conséquence des autres Droits de l’homme » (article 33) pour ensuite faire de l’insurrection le plus sacré des devoirs « quand le gouvernement viole les droits du peuple » (article 34), provoquant alors un changement de paradigme puisque l’on passera d’un droit individuel à un devoir collectif17 comme l’affirmera plus tard Léon Duguit18. Or, la résistance à l’oppression ne saurait être confondue avec l’insurrection19. Les deux sont en effet à distinguer dans la mesure où la résistance à l’oppression vise avant tout la conservation de l’ordre constitutionnel, tandis que l’insurrection vise, au contraire, à le renverser. Il existe donc une différence de nature entre le texte de 1789 et celui de 179320. L’idée que cette dernière puisse être un droit ou un devoir est paradoxale, car envisager sa consécration et sa réalisation dans un instrument constitutionnel, c’est admettre qu’un système juridique pourrait « octroyer la permission aux individus de ne pas respecter les normes juridiques existantes et il se nuirait alors à lui-même21 ». « Destructif de l’ordre social22 », le droit de résistance constitue une menace pour l’État même qui doit défendre les intérêts des individus qui le composent23. Le droit de résistance à l’oppression pourrait alors constituer les prémices d’une guerre civile s’il venait à être mis en œuvre24. Aussi faut-il se rappeler que l’intérêt de l’État prime l’intérêt des individus25. À l’issue des manifestations ayant eu lieu en 1848, la Haute Cour de justice de Bourges affirma que le droit d’insurrection non seulement ne trouvait pas son origine dans la Constitution, mais en plus lui était-il contraire et en opposition aux dispositions de son préambule26. La Cour a également précisé que « si le droit de libre défense est de l’essence de la justice, ce droit sacré change de nature et de caractère s’il dégénère en agression contre les principes inviolables qui sont le fondement de toute société et que là où sont ouvertes les voies de droit les voies de fait sont virtuellement interdites27 ». De manière générale, la jurisprudence est réticente à l’égard du droit de résistance exercé de manière violente28. Quant aux États-Unis, il n’existe pas de droit à l’insurrection, ou même à la révolution qui soit constitutionnellement ou jurisprudentiellement consacré, pas même par le biais du deuxième amendement29. Il ne s’agit que d’un droit moral et théorique, non juridique30. Il avait par exemple été jugé que « ni la torche de l’incendiaire, ni l’arme de l’insurrectionnel, ni la langue enflammée de celui qui incite au feu et à l’épée n’est l’instrument qui permet de réaliser les réformes31 ».

Dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes, y avait-il une oppression contre laquelle résister ? On pourrait tout à fait arguer que les difficultés économiques ressenties par les manifestants étaient par elles-mêmes oppressives, peu importe d’ailleurs qu’elles fussent ressenties ou non par une partie infime de la population dans la mesure où « il y a oppression contre le corps social lorsqu’un seul de ses membres est opprimé32 ». L’oppression doit toutefois s’entendre de manière objective et existe lorsque les autorités s’affranchissent du droit, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. En ce qui concerne le cas américain, les manifestants remettaient en cause les résultats de l’élection présidentielle sur le fondement de supposées fraudes électorales. Les recours effectués par Donald Trump avaient été en totalité rejetés. Aussi ses partisans n’avaient-ils pas trouvé la justice à leur côté et estimé qu’il était leur devoir que de s’indigner. Or, il n’y avait point de tyran à abattre, point de loi scélérate à combattre, de sorte que là encore, il n’y avait pas d’oppression qui justifiât que le Capitole fût pris d’assaut. Dans les deux cas, il n’était donc pas permis de résister en opposant la violence, et ce pour deux raisons majeures. La première tient à l’autorité du juge. C’est à lui qu’il revient de dire si oui ou non le cadre juridique a connu des violations, que ce soit par le contrôle de légalité ou le contrôle de constitutionnalité. La seconde tient à la souveraineté. On ne peut imaginer une portion infime du peuple s’arroger le pouvoir, a fortiori dans une république où « le pouvoir du Gouvernement est, comme son étymologie l’indique, la chose de tous33 ». À supposer qu’un droit à l’insurrection existe effectivement (ce dont on doute fortement) il aurait « pour titulaire le peuple, non l’individu ou un groupe d’individus34 ». Il ne s’agit pas d’un acte privé35. Comme l’affirmait la Haute Cour dans l’arrêt précité : « il n’appartient à personne de substituer sa propre volonté à l’action souveraine des pouvoirs36 ». Pour ces motifs, il paraît inconcevable qu’un droit à l’insurrection existe.

1.2. Un crime singulier dans le droit pénal français et américain

Traditionnellement, l’insurrection vise à renverser l’ordre établi et à prendre le pouvoir par la force37, notamment en s’attaquant aux lieux de pouvoirs et aux symboles qui représentent la puissance publique. Elle est donc par nature susceptible de porter atteinte à la stabilité des institutions qu’elle réussisse ou non et constitue une attaque directe contre la société38. C’est bien ce critère finaliste qui permet de la distinguer des autres formes de protestations comme l’émeute ou la révolution. Même si elles peuvent être parfois violentes, les émeutes n’ont pas de fins aussi subversives et sont dénuées de volonté de renverser le gouvernement39. De même, il y a une distinction qui doit être faite avec la révolution40. Une révolution est l’aboutissement d’une insurrection qui réussit de sorte qu’en définitive41, l’insurrection est un acte transitoire situé après l’émeute et à rebours de la révolution. L’étude du droit pénal français et américain révèle une différence de degré dans la mesure où en droit français, l’insurrection est caractérisée non pas à raison de son but, mais de ses conséquences et des moyens employés, tandis que le droit américain accorde une place prépondérante à l’objectif poursuivi par les insurgés.

Les prémices de la criminalisation de l’insurrection en France se situent dans la loi sur les détenteurs d’armes ou de munitions de guerre du 24 mai 183442. Consécutives à la révolution des Trois Glorieuses et des mouvements insurrectionnels qui lui ont succédé, cette loi n’a pas défini en tant que telle l’insurrection, qui était alors entendue largement comme « une attaque à main armée, contre le gouvernement, par plusieurs conjurés43 ». Elle a pour particularité de ne prendre en compte ni le résultat de l’insurrection ni sa finalité, mais ses actes préparatoires et les actes commis lors d’une participation à des mouvements insurrectionnels. L’absence de critère finaliste, a contrario de ce que prévoyait le projet de loi, est logique dans la mesure où il aurait été difficile d’apporter la « la preuve d’un but ou d’un résultat général44 ». Cela permet de pénaliser l’individu à raison de sa seule participation à un mouvement insurrectionnel45 et de graduer le quantum de la peine selon que le manifestant était ou non armé. Cette loi a fait l’objet de nombreuses applications dans les années 1830 et jusqu’à la fin du xixe siècle, justifiant la mise en place d’un état de siège et la compétence de tribunaux militaires46. Tel qu’il est issu de sa rédaction de 1999, l’article 412-3 du Code pénal s’inscrit dans cette continuité et saisit l’insurrection par le biais des mouvements insurrectionnels définis comme « toute violence collective de nature à mettre en péril les institutions de la République ou à porter atteinte à l’intégrité du territoire national ». Cette infraction hautement politique est envisagée comme étant susceptible de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation et ainsi de causer de graves troubles à l’ordre public47. La dimension collective de l’infraction la distingue de l’attentat, entreprise individuelle48. La participation à un mouvement insurrectionnel s’effectue par ailleurs par le biais de six éléments matériels listés à l’article 412-4, notamment l’édification de barricades (1o), la destruction de tout édifice ou installation par ruse ou à force ouverte (2o) ou encore la provocation à des rassemblements d’insurgés (4o). Ces dispositions n’ont jamais été appliquées. Le critère du but est toutefois primordial aux États-Unis et c’est grâce à cet élément que l’on distingue l’insurrection d’autres incriminations. L’insurrection constitue un acte dont la répression remonte à fort longtemps, aux « racines du droit anglo-américain49 », et a fait l’objet d’une longue évolution législative50 au gré des crises successives, notamment la guerre de Sécession51. Le Code des États-Unis sanctionne en ce sens « quiconque incite, déclenche, assiste ou s’engage dans une rébellion ou une insurrection contre l’autorité des États-Unis52 ». Que ce soit en doctrine ou en jurisprudence, une insurrection se caractérise bien par la volonté de renverser le gouvernement53. Elle va au-delà de l’émeute54 puisqu’elle est « un soulèvement contre une autorité civile ou politique55 », voire, pour aller plus loin, une « guerre menée par des traîtres contre le gouvernement pour le démembrer et le détruire56 ». Ces dispositions sont quasi neutralisées par l’élément probatoire dans la mesure où il est difficile de prouver la volonté de commettre de telles actions et par le fait que seul le ministre de la Justice peut déclencher des poursuites sur ce fondement.

Le crime d’insurrection se heurte frontalement à la problématique de sa qualification. Non seulement parce que d’autres dispositions plus simples peuvent être utilisées pour répondre à ces événements (ce qui fut le cas), mais aussi parce qu’il repose sur un paradoxe frappant que Patrick Wachsmann avait bien mis en avant. Selon lui : « si la révolte triomphe de l’ordre ancien, ses auteurs ne seront pas jugés et si elle est vaincue, aucun organe de l’ordre en place ne fera bénéficier les auteurs de la révolte d’un droit pourtant inscrit dans le texte suprême57 ». Le choix de recourir à d’autres dispositions pénales est donc logique.

2. L’insurrection en tant que dérive illégitime de la liberté de manifestation

Il ressort de la jurisprudence que le crime d’insurrection a été exclu des chefs d’accusation retenus à l’encontre des manifestants (2.1.). Se pose in fine la question de la sécurité publique alors que des mouvements violents, parfois armés, peuvent menacer la stabilité des institutions (2.2.).

2.1. Le choix logique de réprimer à partir d’autres dispositions pénales

La lecture de la jurisprudence française comme américaine frappe sur un point : l’insurrection est souvent mentionnée pour qualifier des événements, sans que pour autant ce recours terminologique ne coïncide avec les moyens juridiques soulevés. Il s’agit donc non pas d’une expression normative, mais d’un pur jugement de valeur. En France, l’insurrection a souvent été invoquée dans son versant psychologique, le juge évoquant un « climat insurrectionnel58 » pouvant « troubler profondément la paix publique59 ». Elle est aussi invoquée à des fins politiques. Par exemple, le ministre de l’Intérieur avait parlé de « climat insurrectionnel » pour décharger l’État de sa responsabilité lorsqu’il fut poursuivi pour l’usage d’un LBD contre une manifestante60 lors d’une manifestation des Gilets jaunes en 2019, sans succès. Lors des émeutes de 2005, les renseignements généraux avaient parlé « d’insurrections urbaines61 ». En ce qui concerne le saccage de l’Arc de Triomphe, les dispositions du Code pénal relatives aux mouvements insurrectionnels n’ont pas été retenues, puisque certains manifestants ont été condamnés sur le fondement de l’article 222-14-2 du Code pénal, issu de la loi du 2 mars 2010, renforçant la lutte contre les violences de groupe. Jugées trop souples et contestées par la doctrine, les dispositions dudit article prévoient qu’est réprimée « la seule participation à un groupement créé, même provisoirement, en vue de commettre des violences aux personnes ou des dégradations aux biens, l’infraction étant consommée sans passage aux actes de violence62 ». Dans cette optique, le Tribunal correctionnel de Paris dans son jugement du 25 mars 202163 a souligné les nombreuses violences et dégradations qui ont été commises dans le cadre de l’acte III des Gilets jaunes. En plus des dispositions précitées, les prévenus étaient jugés pour délits d’intrusion non autorisée dans un lieu historique ou culturel, de vol aggravé et de dégradations d’un monument inscrit. En défense, les prévenus invoquaient l’état de nécessité64 et arguaient de ce que l’intrusion dans l’Arc de Triomphe était rendue nécessaire par la présence des forces de l’ordre et les tirs de gaz lacrymogènes, mais le tribunal en a jugé autrement, considérant que « l’intrusion dans le monument n’était pas le seul moyen d’échapper aux gaz » et que la réaction des forces de l’ordre était « prévisible ». En l’espèce, le juge fit preuve d’un relativisme contestable puisque les faits sont jugés de « relativement graves », tandis que les attaques portées « à un monument emblématique de Paris comportent en eux-mêmes un certain niveau de gravité ». De manière plus singulière, un prévenu fut condamné à six mois d’emprisonnement, dont trois avec sursis sur le fondement de l’article 222-14-2 du Code pénal pour des faits intervenus lors d’une manifestation des Gilets jaunes en 2019. La Cour d’appel avait relevé que « la gravité des faits est inhérente à l’infraction de participation à un groupement violent qui présente un caractère insurrectionnel, avec en outre, une dimension crapuleuse65 ».

Dans le cadre des arrestations consécutives à l’assaut du Capitole, les juges américains ont majoritairement parlé d’insurrection pour désigner l’assaut du bâtiment66. Pourtant, à la lecture des rapports des commissions d’enquêtes parlementaires portant sur les événements du 6 janvier, il apparaît qu’il n’est pas aisé de savoir quelle qualification attribuer à l’attaque du Capitole. Le directeur du FBI s’était en effet refusé d’employer le terme d’insurrection67, tandis que les membres du Congrès ne sont pas tombés d’accord sur cette question68. Par ailleurs, aucun des chefs d’accusation précités ne figure parmi ceux qui ont été retenus à l’encontre des assaillants. Le ministre de la Justice (par ailleurs, seul compétent pour poursuivre a, dans un bon nombre de cas, poursuivi sur le fondement non pas de l’insurrection ou de la rébellion, mais de la conspiration visant à commettre un délit69, c’est-à-dire en l’espèce « d’arrêter, de retarder ou d’entraver la certification par le Congrès du vote du Collège électoral, et de faire obstruction et d’interférer avec les agents de la force publique dans l’exercice de leurs fonctions officielles ». Les charges retenues sont à peu près similaires à celles qui ont été appliquées à l’encontre de certains des Gilets jaunes, notamment l’entrée dans un bâtiment sans autorisation70, la participation à des troubles civils71 ou encore le vol de biens appartenant au Gouvernement72. Toutefois, il est des cas marginaux dans lesquels une disposition particulièrement rare a été soulevée par le ministère de la Justice et dont l’application a donné lieu à des condamnations en 2023 : la conspiration séditieuse73. Ces dispositions, très connotées politiquement74 entendent sanctionner quiconque prévoie d’utiliser la force en vue d’empêcher l’exécution des lois75. La différence entre la sédition et l’insurrection n’est pas des plus évidentes. La première se matérialise davantage dans les paroles, tandis que la seconde se retranscrit dans les actes. Dans nombre d’autres cas, le juge a mis en avant la volonté destructrice des assaillants, venus armés non pas pour exercer leur droit de manifester, mais bien pour en découdre avec les forces de l’ordre76.

2.2. Le sursaut sécuritaire face aux risques de nouvelles manifestations violentes

Lorsqu’il est question de maintien de l’ordre public, il est forcément question de liberté de manifestation. Constitutionnellement garantie en France et aux États-Unis, elle doit nécessairement être conciliée avec « gestion par l’autorité administrative de l’ensemble des rassemblements, hostiles ou non, de personnes sur la voie publique ou dans les lieux publics, qui vont nécessiter un encadrement par la force publique77 ». Aux États-Unis, les manifestations pacifiques sont protégées par le premier amendement, mais doivent être encadrées. La Cour suprême affirmait en effet que : « la protection constitutionnelle des libertés implique l’existence d’une société organisée maintenant l’ordre public, sans quoi la liberté elle-même serait perdue dans un excès d’anarchie.78 » Elles sont soumises à Washington D.C. à un régime de déclaration préalable79 comme en France où la tendance est à considérer la manifestation de rue comme illégitime80. Les manifestations ont évolué de telle manière que les cortèges de violences et d’incivilités se sont multipliés et qu’au « fait de s’affranchir des règles qui s’appliquent à la manifestation se sont ajouté l’imprévisibilité des lieux, des actes et la volonté de certains d’affronter directement la police81 ». Parce que Paris et Washington D.C. sont des capitales où se situent les organes suprêmes, la question de la sécurité publique est évidemment fondamentale. De là, il s’ensuit que l’exercice du droit de manifestation doit nécessairement être encadré, car l’État ne peut permettre de garantir les libertés jusqu’à son autodestruction82. L’article L.111-1 du Code de la sécurité intérieure dispose à cet effet que « l’État a le devoir d’assurer la sécurité en veillant, sur l’ensemble du territoire de la République, à la défense des institutions et des intérêts nationaux, au respect des lois, au maintien de la paix et de l’ordre publics, à la protection des personnes et des biens ». Mais peut-il faire face à des mouvements violents insurrectionnels que l’on qualifierait aux États-Unis de « terrorisme intérieur83 » ? De nombreuses dispositions existent en France84 comme outre-Atlantique,85 car toute insurrection, sitôt qu’elle est constatée, doit être réprimée. Il faut bien évidemment que la réponse soit proportionnée et que la révolte soit correctement qualifiée puisque c’est la légitimité et la nécessité de l’usage de la force qui vont en découler.

Le saccage de l’Arc de Triomphe et l’assaut du Capitole ont été à tort comparés à de grands moments et œuvres de l’histoire : la Révolution française de 1789 ou encore la Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix pour les Gilets jaunes ; l’incendie de Washington par les Anglais en 1812 et la guerre civile pour les assaillants du 6 janvier. Au-delà de leur pertinence relative, ces comparaisons interrogent sur la nature de ces actes et leurs conséquences s’ils avaient provoqué un chaos généralisé. La sécurisation des lieux de pouvoirs ainsi que des monuments à Paris et à Washington D.C. dans le cadre de manifestations a été vivement remise en question et des mesures ont été prises pour pallier ces carences. En France, le mouvement des Gilets jaunes a donné lieu à un sursaut sécuritaire. Cela s’est manifesté d’emblée à Paris où le nouveau préfet de police Didier Lallement a mis en place en 2019 de nouvelles techniques de maintien de l’ordre par la création de la fameuse brigade motorisée BRAV-M ou encore le recours à des canons à eau86 qui donneront lieu à une nouvelle doctrine et schéma de maintien de l’ordre en 2020. Le recours au renseignement intérieur s’est intensifié87 de même que le traitement répressif des débordements violents. Les interdictions de manifestation se sont quant à elles multipliées.

Dans le même ordre d’idées, l’attaque du Capitole a permis de mettre en lumière les failles dans la protection du bâtiment et l’organisation de la sécurité aussi bien en ce qui concerne les mesures préventives que les mesures répressives. Il ressort des travaux de la Commission d’enquête parlementaire sur les événements du 6 janvier que le FBI n’avait pas jugé les menaces crédibles et admis que les propos qui avaient été tenus sur les réseaux sociaux étaient couverts par le premier amendement, rendant donc a priori difficile une quelconque intervention. La police du Capitole n’était quant à elle pas préparée et la répartition des compétences mal opérée dans la mesure où le chef de la police ne disposait pas du pouvoir unilatéral de déclarer l’état d’urgence et de recourir à la Garde nationale88 (25 000 soldats ont finalement été déployés en vue de l’investiture89). Dans un contexte où les élus américains sont de plus en plus menacés, la police du Capitole a appris de ses erreurs. Grâce à une loi adoptée par le Congrès en 2021, le chef de la police peut désormais déclarer unilatéralement l’état d’urgence et prendre des mesures en ce sens90. Les mesures de sécurité et de renseignement ont quant à elles été renforcées et les effectifs de police augmentés91.

Notes

1 G. Le Bon, Psychologie des foules [1895], Paris, PUF, 2013, p. 13. Retour au texte

2 « “Gilets jaunes” : Castaner dénonce la violence des “séditieux” d’ultradroite », Challenges, 24 novembre 2018, URL : https://www.challenges.fr/top-news/gilets-jaunes-castaner-denonce-la-violence-des-seditieux-d-ultradroite_628078 Retour au texte

3 Loc. cit. Retour au texte

4 Voir « Pour Didier Lallement, le mouvement des Gilets jaunes était “une quasi-insurrection qui pouvait prendre des palais nationaux” », BFMTV, 12 décembre 2022, URL : https://www.bfmtv.com/police-justice/pour-didier-lallement-le-mouvement-des-gilets-jaunes-etait-une-quasi-insurrection-qui-pouvait-prendre-des-palais-nationaux_VN-202212120306.html. Retour au texte

5 N. Lebourg, R. Sèze, « L’État face aux violences politiques, gouverner l’ennemi », in : I. Sommier (dir.), Violences politiques en France de 1986 à nos jours, Paris, Presses de Science Po, 2021, p. 362. Retour au texte

6 P.  Leroy, L’organisation constitutionnelle et les crises, Paris, LGDJ, 1966, p. 16. Retour au texte

7 G. Cornu, Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, 13e édition, Paris, PUF, 2020, p. 555 ; B. A. Garner (dir.), Black’s law Dictionary, 10e édition, St. Paul, Thomson Reuters, 2014, p. 928. Sauf indication contraire, les traductions sont celles de l’auteur. Retour au texte

8 P. Favre, « La manifestation entre droit et politique », in : CURAPP, Droit et politique, Paris, PUF, 1993, p. 284. Retour au texte

9 D. Gros, « Qu’est-ce que le droit de résistance à l’oppression ? », Le Genre humain, no 33, 2005, p. 15. Retour au texte

10 Cons. const., 16 janvier 1982, décision no 81-132 DC, loi de nationalisation. Pour un tour d’horizon du droit de résistance dans les constitutions étrangères, voir A. Vidal-Naquet, « Le droit constitutionnel de résistance à l’oppression » in : Révolution, Constitution, Décentralisation, Mélanges en l’honneur de Michel Verpeaux, Paris, Dalloz, 2020, p. 111-130. Retour au texte

11 S. Grosbon, « La justiciabilité problématique du droit de résistance à l’oppression : antilogie juridique et oxymore politique », in : V. Champeil-Desplats, D. Lochak (dir.), À la recherche de l’effectivité des droits de l’homme, Nanterre, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2012, p. 139. Retour au texte

12 F. Charbonneau, « Institutionnaliser le droit à l’insurrection. L’article 35 de la Constitution montagnarde de 1793 », Tangence [en ligne], no 106, 2014, p. 112, DOI : 10.7202/1032602ar. Retour au texte

13 T. Ginsburg, D. Lansberg-Rodrigues, M. Verstieg, « When to overthrow your government: the right to resist in the world’s constitutions », UCLA Law Review, vol. 60, no 5, 2013, p. 1192. Voir aussi G. Geamanu, La résistance à l’oppression et le droit à l’insurrection. L’organisation pratique de la résistance révolutionnaire, thèse de doctorat, université de Paris, Domat-Montchrestien, Paris, 1933, p. 291. Retour au texte

14 M. Hauriou, Précis élémentaire de droit constitutionnel, 2e édition, Librairie du Recueil Sirey, Paris, 1930, p. 310-311, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5042662/f321.item.r=cycle. Retour au texte

15 R. Fragkou, « Le droit de résistance à l’oppression en droit constitutionnel comparé », Revue internationale de droit comparé, 2013, vol. 65, no 4, p. 837, DOI : 10.3406/ridc.2013.20282. Retour au texte

16 W. Mastor, La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Paris, Dalloz, 2021, p. 29. Retour au texte

17 E. Desmons, « Philosophie sur la barricade. Blanqui : l’insurrection contre la démocratie représentative », Le Genre humain, vol. 2005/1, no 44, p. 105. Retour au texte

18 L. Duguit, Traité de droit constitutionnel. Tome III, La théorie générale de l’État (suite et fin), 2e édition, Paris, éditions de Boccard, 1923, p. 738. Retour au texte

19 G. Kabi, « Penser le droit de résistance à l’oppression dans les sociétés démocratiques contemporaines », in : P-A. Perrouty, Obéir et désobéir. Le citoyen face à la loi, éditions de l’université de Bruxelles, 2000, p. 121. Retour au texte

20 En effet : « Le droit de résistance à l’oppression contenu à l’article 2 de la DDHC n’est pas un droit à l’insurrection : il n’est pas une invitation au désordre et à la dissolution du lien social, mais un instrument de protection de la légalité républicaine ou une clause juridique nous permettant notamment de faire primer la protection des droits fondamentaux sur tout le reste », in : M. Cottereau, « Prendre au sérieux le droit de résistance à l’oppression contenu à l’article 2 de la DDHC », RDP, no 5, 2019, p. 1332. Retour au texte

21 M. Cotterau, « Prendre au sérieux le droit de résistance à l’oppression contenu à l’article 2 de la DDHC », Revue de droit public, no 5, 2019, p. 1327. Retour au texte

22 B. Smyrnadis, Les doctrines de Hobbes, Locke et Kant sur le droit d’insurrection. Esquisse d’une théorie du droit d’insurrection, thèse de doctorat, Université de Paris, Faculté de droit, Paris, La Vie universitaire, 1921, p. xxvi. Retour au texte

23 Ibid., p. ix. Retour au texte

24 The Amy Warwick, 67 US 635, 666-67, 17 L. Ed. 459, 1862 WL 6725 (1862). Voir aussi C. Zorgbibe, « L’État devant l’insurrection », La Revue administrative, no 130, 1909, p. 424. Retour au texte

25 J. Duval, Des notions de contrainte morale et d’état de nécessité appliquée aux crimes et délits contre la sûreté de l’État, Bruylant, Bruxelles, 1945, p. 22. Retour au texte

26 Haute Cour de justice de Bourges, 10 novembre 1849, in : A. Dalloz, A. Dalloz et autres jurisconsultes, Jurisprudence générale du Royaume. Recueil périodique et critique de jurisprudence, de législation et de doctrine en matière civile divisé en quatre parties, vol. 5, 1849, Paris, p. 295. Retour au texte

27 A. Dalloz in : A. Dalloz et autres jurisconsultes, Jurisprudence générale du Royaume. Recueil périodique et critique de jurisprudence, de législation et de doctrine en matière civile divisé en quatre parties, vol. 5, 1849, Paris, p. 295. Retour au texte

28 Cass. 22 août 1867, cité par J. Delpech, « De la provocation par les ministres du culte à la résistance et l’insurrection contre les lois », Revue du droit public et de la science politique, 24, 1907, p. 289, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111157c/f288.item. On notera d’ailleurs qu’elle est moins réticente à l’égard de la désobéissance civile qu’elle admet sans pour autant prévoir d’irresponsabilité lorsque l’état de nécessité n’est pas respecté. Voir par exemple Cass. Crim. 22 septembre 2021, no 20-80.489. Retour au texte

29 District of Columbia v. Heller, 554 US 570 (2008). Retour au texte

30 D. C. Williams, « The Constitutional Right to “Conservative” Revolution », Harvard Civil Rights-Civil Liberties Law Review, vol. 32, 2002, p. 425. Retour au texte

31 In re Charge to Grand Jury, 62 F. 828, 830 (D.C. III. 1894). Retour au texte

32 Art. 34 Constitution de 1793. Retour au texte

33 H. Moutouh, « Intérêts fondamentaux de la Nation », in : Dictionnaire du renseignement, Perrin, Paris, 2018, p. 476. Retour au texte

34 G. Kabi, op. cit, p. 21. Retour au texte

35 E. Beaussire, Les principes du droit, Paris, Félix Alcan, 1888, p. 87. Retour au texte

36 A. Dalloz, A. Dalloz et autres jurisconsultes, op. cit., p. 295. Retour au texte

37 L. Duguit, Traité de droit constitutionnel. Tome III, La théorie générale de l’État (suite et fin), 2e édition, Paris, 1923, p. 738. Retour au texte

38 J. S. G. Nypels, Le droit pénal français progressif et comparé : Code pénal de 1810 accompagné des sources, des discussions au Conseil d’État, des exposés des motifs, Bruxelles, Bruylant – Christophe et Compagnie, 1863, p. 418, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9677380f/f598.item. Retour au texte

39 Harvard Law Review Association, « Riot control and the rise of federal troops », Harvard Law Review, vol. 81, no 3, 1968. Retour au texte

40 En effet : « Les révolutionnaires s’emparent d’un droit qui ne leur a jamais été octroyé. L’insurrection quant à elle, se focalise singulièrement sur les signes du pouvoir, les symboles et les emblèmes », in : M. Riot-Sarcey, « Pertinence et actualité de l’insurrection », in : J.-C. Caron (dir.), Paris, l’insurrection capitale, Champ Vallon, 2014, p. 414. Retour au texte

41 G. Geamanu, La résistance à l’oppression et le droit à l’insurrection. L’organisation pratique de la résistance révolutionnaire, thèse de doctorat, Paris, Domat-Monchrestien, 1933, p. 291. Retour au texte

42 A. Collet, « Insurrection », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, juillet 2001. Retour au texte

43 A. Morin, Répertoire général et raisonné du droit criminel, Tome II, Paris, A. Durand, 1851, p. 256. Retour au texte

44 E. Boitard, Leçons sur le Code pénal et d’instruction criminelle, 8e édition, Paris, Cotillon, 1863, p. 229. Retour au texte

45 A. Batbie, Théorie et pratique de droit public et administratif, Tome II, Paris, Cotillon, 1862, p. 559. Retour au texte

46 Cass. 20 décembre 1849 in : R. De Villargues, Code des lois sur la presse, 3e édition, Paris, Marescq Ainé, 1876, p. 16. Retour au texte

47 Il s’agit ni plus ni moins que les atteintes à la sûreté intérieure de l’État. Voir sur ce point F. Rousseau, « Fasc. 20, Atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation – Généralités. Historique. Art – 412-1 à 412-8 », JurisClasseur Pénal Code, Paris, LexisNexis, p. 41. En vertu de l’article 410-1 du Code pénal : « Les intérêts fondamentaux de la nation s’entendent au sens du présent titre de son indépendance, de l’intégrité de son territoire, de sa sécurité, de la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à l’étranger, de l’équilibre de son milieu naturel et de son environnement et des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et de son patrimoine culturel ». Retour au texte

48 A. Collet, « Insurrection », op. cit. Retour au texte

49 179 American Jurisprudence Trials 435, §8. Insurrection and rebellion. Retour au texte

50 Par exemple avec les Militia Acts de 1792 et 1793, l’Insurrection Act de 1807, le Suppression of Rebellion Act de 1863 et l’Enforcement Act de 1871 consécutifs à la guerre civile et enfin le Smith Act de 1940. Retour au texte

51 L’article 3 du 6e amendement prévoit que : « Nul ne sera sénateur ou représentant au Congrès, ou électeur des président et vice-président, ni n’occupera aucune charge civile ou militaire du gouvernement des États-Unis ou de l’un quelconque des États, qui après avoir prêté serment comme membre du Congrès, ou fonctionnaire des États-Unis, ou membre d’une législature d’État, ou fonctionnaire exécutif ou judiciaire d’un État, de défendre la Constitution des États-Unis, aura pris part à une insurrection ou à une rébellion contre eux, ou donné aide ou secours à leurs ennemis. Mais le Congrès pourra, par un vote des deux tiers de chaque Chambre, lever cette incapacité. » Retour au texte

52 18 US Code §2383. Retour au texte

53Wharton’s Criminal Law §47:8,16e édition, ; voir également 7 C.J.S. Riot §36. Retour au texte

54 L’émeute « désigne un trouble de l’ordre public impliquant (1) un ou plusieurs actes de violence commis par une ou plusieurs personnes faisant partie d’un groupe de trois personnes ou plus, acte(s) qui constitue(nt) un danger clair et présent ou qui entraîne(nt) des dommages ou des blessures aux biens d’une autre personne ou à la personne d’un autre individu ou (2) une ou plusieurs menaces de commettre un ou plusieurs actes de violence par une ou plusieurs personnes faisant partie d’un groupe de trois personnes ou plus, ayant, individuellement ou collectivement, la capacité d’exécuter immédiatement cette ou ces menaces, lorsque l’exécution de l’acte ou des actes de violence menacés constituerait un danger clair et présent ou entraînerait des dommages ou des blessures aux biens d’une autre personne ou à la personne d’une autre personne, individuellement ou collectivement, la capacité d’exécuter immédiatement cette ou ces menaces, lorsque l’accomplissement de l’acte ou des actes de violence menacés constituerait un danger clair et présent ou entraînerait des dommages ou des blessures aux biens d’une autre personne ou à la personne d’un autre individu » (18 US Code §2101 – Riot). Retour au texte

55 44B American Jurisprudence 2ndInsurrection §1. Retour au texte

56 United States v. Cathcart, 25 F. Cas. 344, 348 (C.C.S.D. Ohio 1864). Retour au texte

57 P. Wachsman, Libertés publiques, 9e édition, Paris, Dalloz, 2021, p. 305. Retour au texte

58 Cass. crim., 1er décembre 2020, no 20-83-039. Retour au texte

59 CA Lyon, 26 juin 2007, no 07/00298. Retour au texte

60 M. Lahouazi, « Responsabilité sans faute de l’État du fait d’un attroupement et usage du LBD : lorsque le juge administratif se saisit de la question des violences policières », JCP A, no 4 ,2021, p. 2034. Retour au texte

61 Les renseignements généraux avaient quant à eux désigné « d’insurrection urbaine » les émeutes de 2005, in : « Selon les RG, les émeutes en banlieue n’étaient pas le fait de bandes organisées », Le Monde, 7 décembre 2005. URL : https://www.lemonde.fr/societe/article/2005/12/07/selon-les-rg-les-emeutes-en-banlieue-n-etaient-pas-le-fait-de-bandes-organisees_718347_3224.html. Retour au texte

62 V. Nioré, « D’une loi anti-casseurs défunte à une loi anti-bandes conforme à la Constitution : la résurrection », Gaz. Pal., no 91, 2010, p. 8. Retour au texte

63 Tribunal correctionnel de Paris, 25 mars 2021, no 1. Retour au texte

64 Telle que prévue à l’article 122-7 du Code pénal. Retour au texte

65 Cass. Crim., 16 décembre 2020, no 20-81.015. Nous soulignons. Retour au texte

66 Il a ainsi pu être parlé d’« insurrection » United States v. DeGrave – F. Supp. 3d – (2021), 2021 WL 1940536; John Lester Cox, Plaintiff, v. Mira Narkiewicz, et al., Defendants, 2021 WL 6072749 (W.D.Wash., 2021); Noem v. Haaland, 2021 WL 2221728 (D.S.D., 2021) ; Amalgamated Transit Union Local 85 v. Port Authority of Allegheny County, 2021 WL 719671 (W.D.Pa., 2021) ; d’insurrection « violente » (United States v. Hunt, 2021 WL 5399986, 21 (E.D.N.Y., 2021)) et « infâme » (Rutenburg v. Twitter, Inc., 2021 WL 1338958, 1 (N.D.Cal., 2021)) ; de « discorde ayant débouché sur des violences, l’insurrection et la mort » (Matter of Giuliani, no 2021-00491, 2021-00506, 146 N.Y.S.3d 266, 283, 2021 N.Y. Slip Op. 04086, 2021 WL 2583536 (N.Y.A.D. 1 Dept., June 24, 2021) ou encore d’« insurrection infructueuse » (United States v. Munchel, – F. Supp. 3d –, 1 (2021), 2021 WL 4709745.). Les manifestants ont quant à eux été qualifiés d’« insurgés » (O’Rourke v. Dominion Voting Systems Inc – F. Supp. 3d – (2021), 2021 WL 3400671). Le terme d’émeute (riot) figure quant à lui dans la majorité des décisions. Par exemple, voir United States v. Sabol, 534 F. Supp. 3d 58, 61 (D.D.C. 2021); United States v. Gieswein, no CR 21-24 (EGS), 2021 WL 3168148, 1 (D.D.C. July 27, 2021), aff’d, no 21-3052, 2021 WL 5263635 (D.C. Cir. Oct. 19, 2021); United States v. Whiton, 534 F. Supp. 3d 32, 34 (D.D.C. 2021); United States v. Caldwell, no CR 21-181 (CKK), 2021 WL 2036667, 2 (D.D.C. May 21, 2021). Retour au texte

67 C. Wray, « Capitol Insurrection: Unexplained Delays & Unanswered Questions (Part II): Hearing Before the Committee on Oversight & Reform, House of Representatives », 117e Congrès, première session (2021), p. 31 et 46. Retour au texte

68 Ibid., p. 52. Retour au texte

69 18 US Code §371. Retour au texte

70 18 US Code §1752(a)(1). Retour au texte

71 18 US Code §231. Retour au texte

72 18 US Code §1752(a)(l). Retour au texte

73 18 US Code §2384 : « Si deux personnes ou plus, dans un État ou territoire, ou en tout lieu soumis à la juridiction des États-Unis, conspirent en vue de renverser, d’abattre ou de détruire par la force le gouvernement des États-Unis, ou de déclencher une guerre contre eux, ou de s’opposer par la force à l’autorité de ce gouvernement, elles seront passibles d’une amende, ou d’empêcher, d’entraver ou de retarder par la force l’exécution de toute loi des États-Unis, ou de saisir, de prendre ou de posséder par la force tout bien des États-Unis contrairement à l’autorité de ceux-ci, ils seront chacun condamnés à une amende en vertu du présent titre ou à une peine d’emprisonnement de vingt ans au maximum, ou aux deux ». Retour au texte

74Wharton’s Criminal Law §47:9 (16e édition). Retour au texte

75 70 American Jurisprudence 2nd Sedition, etc. §5. Retour au texte

76 Par exemple, United States v. Chrestman. Retour au texte

77 H. Vlamynck, « Le maintien de l’ordre : manifestation, réunions publiques et attroupements », AJ Pénal, 2009, p. 288. Retour au texte

78 Cox v. Louisiana, 379 US 536 (1965), cité par D. Mongoin, in : « La liberté de manifestation aux États-Unis », Jus Politicum, n o 17, 2017. Retour au texte

79 I. Fassassi, « La liberté de manifestation aux États-Unis », Jus Politicum, n o 17, 2017. Retour au texte

80 D. Tartkowsky, « Quand la rue fait l’histoire », Pouvoirs, no 116, 2006, p 20. Voir aussi C. Doubovetzky, « Une liberté qui dérange. Réflexions sur la liberté de manifestation à partir de l’exemple suisse », RFDA, 2020, p. 325. Retour au texte

81 X. Bioy, « Manifestations et recours à la force publique : le choix des armes », AJDA, 2020, no 8, p. 463. Retour au texte

82 J. Rivero, Les libertés publiques, Tome I, Les droits de l’homme, Paris, PUF, coll. « Thémis »,1973p. 204. Retour au texte

83 Le terrorisme intérieur est prévu par l’article 18 US Code §2331 (5). L’attaque du Capitole est par ailleurs également qualifiée de terrorisme intérieur in : National Security Council, « National Strategy for Countering Domestic Terrorism », Rapport, 2021, p. 30. Des explosifs avaient également été retrouvés près du Capitole. En France, le terrorisme est défini à l’article 412-2 du Code pénal et le crime d’insurrection s’en rapproche. Retour au texte

84 Par exemple la loi du 10 avril 2019 visant à renforcer et à garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations prévoit que la dissimulation du visage soit interdite et que les fouilles des manifestants soient permises, afin de trouver de potentielles armes par destination. De plus, en décembre 2021 a été publiée la version révisée du schéma national du maintien de l’ordre qui « développe une doctrine protectrice des manifestants et ferme avec les auteurs de violences » in : Ministère de l’Intérieur, « Schéma National du Maintien de l’Ordre », décembre 2021, p. 9. Retour au texte

85 En vertu de la « Guarantee clause » prévue par l’article 4section 4 de la Constitution des États-Unis, « les États-Unis garantiront à chaque État de l’Union une forme républicaine de gouvernement, protégeront chacun d’eux contre l’invasion, et sur la demande de la législature ou de l’exécutif, contre toute violence intérieure ». Cette notion de violence intérieure justifie que l’État fédéral intervienne, in : Harvard Law Review Association, op. cit. p. 643. Le président peut fédéraliser la garde nationale alors placée sous son contrôle et celle du Pentagone pour maintenir ou restaurer l’ordre dans trois cas, notamment en cas d’insurrection contre un gouvernement d’un État ou en cas de violence domestiques (10 US Code, chap. 13 – Insurrection). Retour au texte

86 A. Restelli, « Le maintien de l’ordre français mis à l’épreuve par les gilets jaunes », Droit et Société [en ligne], 2019, URL : https://ds.hypotheses.org/6045. Retour au texte

87 A. Deprau, « La lutte contre la contestation à tendance subversive », Sécurité globale, no 17, 2019, p. 65. Retour au texte

88 Committee on Homeland Security and Governmental Affairs et Committee on Rules and Administration, « Examining the US Capitol attack. A review of the security, planning and response failures on January 6 », United States Senate, 2021, p. 1-3. Retour au texte

89 J. Blocher, R. Siegel, « When guns threaten the public sphere: a new account of public safety regulation under Heller », Northwestern University Law Review, vol. 116, no 1, 2021, p. 145. Retour au texte

90 Capitol Police Emergency Assistance Act of 2021. Retour au texte

91 US Capitol Police, « Two Years of Hard Work: A Message from US Capitol Police Chief Tom Manger », 2 janvier 2023, URL : https://www.uscp.gov/media-center/press-releases/two-years-hard-work-message-us-capitol-police-chief-tom-manger. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Baptiste Charvin, « De l’Arc de triomphe de Paris au Capitole de Washington D.C. », Droit Public Comparé [En ligne], 2 | 2024, mis en ligne le 01 juillet 2024, consulté le 01 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/droit-public-compare/index.php?id=308

Auteur

Baptiste Charvin

Attaché temporaire d’Enseignement et de Recherche et doctorant, centre de droit public comparé (CDPC EA7320), université Paris Panthéon-Assas

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