« Better read when dead »1. La formule – un classique du droit britannique2 – a jusqu’à récemment résumé la relation qui liait juges et professeurs de droit au Royaume-Uni. Les premiers, acteurs du monde juridique, ne citaient dans leurs décisions que les travaux d’auteurs classiques et décédés ; les seconds, simples observateurs, ne pouvaient espérer voir leur propre pensée sur le droit être évoquée par les cours de common law de leur vivant3. Juges et professeurs étaient alors « similaires à des bateaux se croisant en pleine nuit, des bateaux ne se parlant que rarement, avec des voix distantes, avant de retourner au silence4 ».
Lors d’une conférence donnée en octobre 2021, Lord Burrows écarte cependant l’image passive que le système juridique britannique a longtemps donnée aux professeurs de droit. Ces derniers y sont, au contraire, présentés comme des partenaires, dont les contributions « peuvent aider à replacer une question juridique spécifique dans un contexte plus large et […] ainsi assister les juges dans la construction de principes juridiques adéquats5 ». Le motif développé n’est pas nouveau6. Depuis le début des années 80, l’analyse des rapports entre juges et professeurs de droit s’est écartée de l’orthodoxie jusqu’alors dominante. La lecture donnée en 1984 par Lord Goff, devant la British Academy, a en ce sens ouvert la voie7. Affirmant l’existence d’un mécanisme de co-construction des principes juridiques entre juges et professeurs de droit8, Lord Goff relève quelques années plus tard que « c’est la fusion de leur travail qui engendre le système solide et adaptable qui est appelé la common law9 ».
L’évolution de la représentation prétorienne du rôle des universitaires découle très directement des réformes des facultés de droit britanniques qui ont été mises en place dans la seconde moitié du xxe siècle10. Ces dernières ont permis la valorisation des travaux universitaires dans le champ juridique11. Lord Goff relève que la vision du droit développée par les professeurs de droit « n’est pas seulement créative, mais exerce aussi une influence immense12 ». Cette influence est d’ailleurs corroborée par Lord Burrows qui observe une forte augmentation du nombre de citations de travaux universitaires dans les décisions des cours britanniques à partir de la fin des années 80, avant de se stabiliser autour d’une trentaine de citations annuelles au début des années 200013. Mais, si les citations directes des travaux universitaires permettent de rendre visible l’influence exercée par les professeurs de droit sur les juges, cette dernière ne saurait être limitée à ce type de citations. En effet, l’influence des universitaires n’est pas toujours rendue explicite et apparaît dès lors plus profonde que ce que consentent à avouer les juges britanniques14.
Si la plupart des écrits extrajudiciaires reconnaissant le rôle des professeurs de droit se situent dans le champ du tort law, le droit public n’échappe pas au développement et au renforcement de cette coopération. Les exemples des dialogues tissés par des juges comme Lord Bingham15, Lord Reed16 ou encore Sir John Laws17 témoignent du travail de coopération entre juges et professeurs de droit dans le champ du droit public. De même, la citation d’auteurs vivants, comme le professeur oxonien Paul Craig ou le professeur Jason Varuhas, dans des décisions récentes de la Cour suprême, attestent explicitement de l’influence exercée par les professeurs de droit sur les juges dans le domaine du droit public18. Il semble dès lors pouvoir être affirmé que les professeurs de droit public britanniques sont pleinement devenus des acteurs du monde juridique19.
Cette influence ne saurait d’ailleurs se limiter au seul rapport entre juge et universitaire. Si « en Angleterre le juge est roi20 », les professeurs de droit public ont trouvé auprès du législateur une oreille attentive. Le travail d’expertise effectué par des professeurs de droit public comme John Bell, Vernon Bogdanor, Mark Elliott, ou Alison Young devant le Constitution committee de la House of Lords atteste d’une influence qui dépasse le simple rapport au juge. Qu’ils agissent comme expert ponctuel ou comme assistant juridique du committee, ces derniers participent du processus législatif et des réformes du droit britannique. En ce sens, la crise constitutionnelle du Brexit a certainement offert un catalyseur aux professeurs de droit public pour investir ces espaces d’expression et de visibilité, qui leur ont permis en retour d’exercer une fonction de conseil et d’influence à la fois sur des acteurs institutionnels comme le Parlement britannique, mais aussi auprès des acteurs de la société civile.
La reconnaissance des professeurs de droit public et de leur influence dans le système juridique britannique s’articule autour de l’identification d’une fonction claire pour les legal scholars. S’ils socialisent les futurs praticiens au système juridique par leur enseignement, l’intérêt principal de leur travail est de systématiser le droit, d’en proposer une vision globale et cohérente qui va aider les autres acteurs juridiques, juge ou législateur, dans la production de la norme21. Un étrange sentiment de familiarité émerge ici. La description de la fonction des professeurs de droit britannique ne va pas sans rappeler les caractéristiques généralement rattachées à la fonction de la doctrine en France22. Pourtant, l’expérience anglaise est très souvent présentée comme l’anti-modèle de la doctrine française. En France, les études doctrinales retiennent que « la doctrine française n’a […] pas d’homologue dans les pays de common law. La chose est acquise en droit anglais où le professeur s’efface derrière le juge23 ». Depuis cette perspective, la doctrine est perçue par sa structure et non par sa fonction. Ainsi,
« [t]outes les définitions communément admises tournent autour de l’idée que la doctrine est un ensemble d’auteurs ou mieux l’ensemble des auteurs, c’est-à-dire en somme une collectivité. Et cette idée, qu’aucun juriste ne conteste, trouve son origine chez des auteurs qui font partie de la doctrine. Autrement dit, la doctrine affirme elle-même son existence et se définit comme collectivité24 ».
De plus, cette « entité doctrinale25 » formerait « un tout homogène et compact26 ».
Dès lors, l’expérience anglaise s’écarte bel et bien de l’expérience française, puisqu’il n’existe pas, au Royaume-Uni, une conscience collective entre professeurs de droit qui s’incarnerait sous l’idée d’une notion de corps ou d’entité, pas plus qu’il n’en existerait une vision homogène. Cependant, il convient de souligner que cette définition de la doctrine comme structure collective homogène ne fait pas plus consensus en France. Débattue dans le champ du droit privé27, elle est largement remise en cause par les études doctrinales dans le champ du droit public qui tendent au contraire à démontrer que l’identité de la doctrine ne se joue pas dans son homogénéité28. Plus que l’approche structurelle, c’est l’approche fonctionnelle proposée par les professeurs Étienne Picard29 ou Jacques Chevallier30 qui semble offrir un critère d’identification satisfaisant pour la notion de « doctrine ». Plus souple, ce dernier permet d’élargir les expériences nationales et étrangères pouvant être observées à l’aulne du concept de « doctrine ». Or, une fois ce critère retenu, il semble bien possible de pouvoir envisager l’existence d’une doctrine britannique et, plus précisément ici, d’une doctrine publiciste britannique. L’utilisation de la notion n’est d’ailleurs pas étrangère aux travaux de droit comparé contemporain s’intéressant au droit britannique31. La souplesse du critère fonctionnel mue la notion de « doctrine » comme concept ancré dans une expérience nationale en un concept plus « général » susceptible de jouer le rôle de « tertium comparationis32 ».
Il convient néanmoins de rappeler que ce tertium comparationis, ce concept préalable qui sert de média au regard comparatiste, ne peut être compris comme une notion neutre et objective33. Il reste pleinement modelé par le cadre conceptuel prédéterminé de celui qui utilise, conçoit et construit la comparaison et appelle dès lors un travail critique de la part du comparatiste pour rappeler sa localisation et la rendre explicite. Puisque chacun est possédé par la culture qui le possède, rappeler cette construction permet de replacer le regard de comparaison à sa juste échelle et de l’envisager comme un acte de connaissance parmi d’autres sur l’objet étudié. Il devient alors possible d’observer, de saisir et de dire la doctrine publiciste britannique dans ce qui compose son identité (sa structure propre, ses dynamiques, etc.). Le savoir qui sera tiré de cet acte de connaissance n’aura pas une valeur absolue ou universelle, mais s’intégrera dans un réseau de connaissances localisées qui par leur mise en dialogue participe de la science comme activité sociale de construction de la connaissance34.
La possibilité même de l’étude de la doctrine publiciste britannique ainsi exposée, qu’en est-il cependant de la méthode permettant une telle étude comparée ? En effet, loin de proposer un cadre d’analyse pour étudier la doctrine publiciste étrangère, la méthode « traditionnelle » de la comparaison juridique, issue du fonctionnalisme construit par Konrad Zweigert et Hein Kötz35, écarte la doctrine de ses objets d’étude pour lui préférer l’étude des normes. Si de manière incidente, la question doctrinale vient à être abordée dans un souci de contextualisation, cette dernière n’occupe pas le cœur de l’acte de comparaison traditionnel ni du cadre théorique qui le sous-tend. Dès lors, s’engager dans une étude comparée centrée sur la doctrine étrangère suppose de se placer en rupture d’une tradition méthodologique comparée aujourd’hui largement acceptée dans la pratique du droit public comparé. C’est dans cette rupture que toute étude comparée de la doctrine emporte une dimension critique. Ainsi, et afin d’exposer les choix méthodologiques faits dans le cadre du travail de thèse36 sur lequel se fonde le présent article de ce numéro de la revue Droit public comparé, il conviendra de préciser en quoi la représentation de la doctrine publiciste britannique suppose la mise en jeu d’un cadre théorique spécifique et critique (1.), mais aussi l’utilisation d’outils d’analyse rattachés à l’épistémologie juridique qui amènent à une lecture elle-même critique du discours doctrinal (2.).
1. Représenter la doctrine publiciste britannique, la comparaison profonde comme cadre théorique critique
L’étude d’une doctrine étrangère ne constitue pas un objet « classique » de droit comparé37. La méthode traditionnelle de la comparaison juridique ne semble pas offrir un cadre d’analyse satisfaisant pour penser et représenter la doctrine publiciste britannique. Néanmoins, le travail critique, mené par les comparatistes depuis plus de trente ans, a permis le renouvellement et la multiplication des cadres théoriques de la comparaison juridique (1.1.). Or, parmi ces nouvelles manières de (re)penser le droit comparé38, certains cadres théoriques permettent de saisir la question de la représentation de la doctrine étrangère. Cela est notamment le cas du cadre théorique, développé par le professeur Mark Van Hoecke qui au travers de son concept de « deep comparison39 » offre un cadre théorique critique, permettant de représenter la doctrine publiciste britannique et son importance pour le système juridique britannique (1.2.).
1.1. Le renouvellement des cadres théoriques de la comparaison juridique
L’histoire de la comparaison juridique est traversée de part en part par une même tension : celle de la dialectique entre le droit étranger – le droit-autre – et le droit national – le droit-propre40. Dans ce contexte, chaque méthode de comparaison s’adosse à un cadre théorique dont le cœur consiste à proposer une réponse à la question de l’articulation entre droit-autre et droit-propre. Ce cœur théorique traduit le rapport à l’altérité, mais aussi à l’éthique entretenue par le droit national et le comparatiste, issu de ce droit avec le droit étranger. Dans les systèmes juridiques occidentaux, les cadres théoriques dominants pour la comparaison juridique sont largement marqués par une visée universaliste41. Cette dernière est présente au cœur des différentes vagues de comparatismes qui émaillent le xixe siècle42. Le comparatisme est en effet compris, à cette période, comme la recherche d’un manque, celui de l’unité perdue du droit43, faisant de la méthode comparée un outil utile au service de l’idéologie des grandes puissances coloniales.
L’« acte mythique44 » de fondation du droit comparé est cependant postérieur et s’enracine dans la tenue du Congrès de Paris en 190045. Nourri par l’apport théorique du positivisme juridique46, le courant majoritaire entend le droit comparé comme « une science du droit », visant à « dégager de l’ensemble des institutions particulières un fond commun ou tout au moins des points de rapprochement susceptibles de faire apparaître sous la diversité apparente des formes, l’unité foncière de la vie juridique universelle47 ». Avec la scientifisation du droit comparé émerge la question de sa méthode. Le début du xxe siècle amène donc logiquement les comparatistes à se focaliser sur la question méthodologique48. Or, le projet d’unification du droit clairement affirmé comme objectif pour la nouvelle « science » du droit comparé49 amène les comparatistes à favoriser des méthodes permettant de systématiser les droits nationaux et étrangers50.
C’est dans ce contexte, et en réaction au formalisme des premières méthodes de la « science » du droit comparé que va émerger la méthode fonctionnelle51. Cette dernière correspond « à la quatrième vague d’universalisme [implicite] dans les études de droit comparé52 ». Fondée par le juriste autrichien Ernst Rabel53, puis popularisée par Konrad Zweigert et Hein Kötz54, la méthode fonctionnelle se propose de déplacer la focale méthodologique des règles de droit vers la fonction sociale assumée par ces règles. Ce mouvement repose sur le présupposé selon lequel « les textes et institutions juridiques représentent des solutions aux problèmes de la vie dans une société organisée55 ». Or, il existerait une universalité dans les problèmes posés aux systèmes juridiques56. Dès lors, la diversité des réponses apportées par les systèmes juridiques ne serait que des variations nationales visant à remplir une fonction équivalente. L’identification de cette fonction commune constitue le tertium comparationis autour duquel la comparaison va pouvoir se construire57. Ainsi, « la fonction devient le principe méthodologique pivot pour déterminer le choix des droits à comparer, l’étendue de la comparaison, la création d’un système de droit comparé et l’évaluation des résultats58 ».
Selon la méthode fonctionnelle, la comparaison s’appuie donc sur deux éléments nécessaires : l’identification de la fonction équivalente qui permet la comparaison et la description du droit étranger qui permet d’apprécier les modalités de la solution étrangères. La première de ces opérations suppose une valorisation des similarités au détriment des différences et de la complexité. En somme, la recherche d’une fonction équivalente emporte un risque de réduction et de simplification qui conduirait à nier la complexité et la réalité de l’expérience étrangère59. De même, la seconde opération s’inscrit dans un cadre théorique positiviste qui prétend à une description neutre et objective du droit. Elle amène le comparatiste à imposer son cadre d’analyse, pourtant ancré et localisé dans une certaine tradition juridique, sur un droit-autre qui ne partage ni les mêmes structures ni les mêmes concepts. Or, dans ces deux opérations, ce n’est pas tant le droit autre qui se voit saisi ou représenté qu’une image biaisée de ce dernier au prisme du droit propre. En effet, le
« risque est qu’en intégrant de nouvelles connaissances [sur le droit-autre] nous assimilions le nouveau dans les catégories bien enracinées de l’ancien ou qu’à trop regarder le nouveau nous abandonnions la stabilité et la prudence présentes dans l’ancienne vision normative ou que nous gardions le nouveau et l’ancien séparés et que nous ne nous autorisions pas à apprendre leurs leçons60 ».
Autrement dit, la dialectique entre l’autre et le soi ne trouve pas d’équilibre dans la méthode fonctionnelle.
Cette difficulté au cœur de la méthode traditionnelle a alimenté depuis le milieu des années 80 une littérature comparée critique visant tout à la fois à exposer les apories de la méthode fonctionnelle,61 mais aussi à proposer d’autres cadres théoriques explicites pour construire la méthode de la comparaison juridique62. Plus largement, l’objectif de cette littérature critique est de « pousser […] la communauté épistémique des comparatistes à re-penser beaucoup de choses – c’est-à-dire re-penser la méthode, les théories et les maîtres de la discipline63 ».
L’hétérogénéité des positions théoriques regroupées sous la bannière du comparatisme critique est certes importante. Elle se nourrit tout à la fois des discours des critical legal studies64, des études critiques, issues des sciences sociales65 comme des approches visant à réintégrer l’expérience étrangère dans son contexte en défendant l’abandon de l’étude du droit étranger au seul prisme de son droit positif pour lui préférer une approche plus englobante par l’étude de sa culture juridique. Mais, et au-delà de ces différences, un même credo traverse l’ensemble de ce groupe hétérogène : repenser le lien entre droit-autre et droit-propre au-delà du paradigme de la similarité66 ; réintégrer le comparatiste dans sa propre culture juridique67 en reconnaissant la culture juridique autre68, la complexité et la diversité des expériences juridiques ; accepter enfin le droit-autre dans tout ce que l’on croit faussement savoir de lui et tout ce qui en lui nous échappe de nous69. Dans ce déplacement et cet éclatement théorique, la méthode n’est plus positiviste, elle devient critique, bien entendu, mais aussi profondément interdisciplinaire, herméneutique, parfois au risque du relativisme et d’être désignée comme « post-moderniste » par ses opposants70. Ce qui compte n’est plus tant l’évaluation de la solution étrangère que la rencontre du droit étranger et le « regard de retour71 » construit sur le droit-propre. Dès lors, « la question du droit comparé […] n’est plus tant de savoir si les comparatistes seront […] capables de comprendre les lois étrangères, les institutions étrangères, ou les cultures étrangères […]. Mais plutôt […] si les comparatistes peuvent avoir accès à ce qui leur appartient déjà – c’est-à-dire, à l’étrangeté de leur propre passé72 » grâce au miroir que l’autre offre à la compréhension de soi. La dimension réflexive devient le cœur de l’acte de comparaison.
En reconnaissant la complexité du droit-autre, les études critiques souhaitent dépasser un regard comparé qui ne se centrerait que sur les règles de droit positif. Ces dernières sont dès lors observées dans le maillage de représentations et de normes politiques, sociales, morales dans lequel elles s’intègrent et qui préconditionne dans le système étranger, la compréhension même de ces règles de droit73. En élargissant le regard, les études critiques ouvrent au comparatiste la possibilité de se tourner vers d’autres objets que les seules règles de droit positif. Cette diversification des objets de la comparaison juridique permet d’envisager la doctrine juridique comme un objet d’étude à part entière. Dans ce champ spécifique des méthodes culturelles, le modèle développé par le professeur Mark Van Hoecke sous le nom de « comparaison profonde » donne une place toute particulière à l’étude doctrinale74. La comparaison profonde propose ainsi un cadre théorique critique à même de saisir et analyser la doctrine publiciste britannique.
1.2. La comparaison profonde comme cadre théorique critique permettant de saisir la doctrine publiciste britannique
Malgré l’apport des approches critiques, le fonctionnalisme constitue toujours le cadre théorique majoritaire de la comparaison juridique et celui le plus souvent utilisé dans les études de droit constitutionnel comparé75. Certes, le fonctionnalisme contemporain ne correspond plus pleinement à la description dressée précédemment ni au projet de ses premiers promoteurs76. L’un des effets de l’approche critique du droit comparé a été de faire évoluer la méthode traditionnelle et de la rendre plus perméable au contexte des normes juridiques qu’elle entend mettre en présence. Ce mouvement a rendu le fonctionnalisme contemporain plus hétérogène77. Néanmoins, cette ouverture du fonctionnalisme, qui prolonge d’une certaine manière la vision de K. Zweigert et H. Kötz78, ne rompt pas fondamentalement avec les présupposés théoriques sous-tendant la méthode fonctionnelle. En effet, « même s’ils enjoignent les comparatistes à s’émanciper de leurs cadres culturels et de se libérer de leur environnement doctrinal, ils produisent un discours théorique qui se concentre sur le droit comme science, comme le droit comparé comme “une science pure”79 ». Or, le modèle de scientificité sur lequel s’appuient la méthode fonctionnelle et le positivisme juridique qui la sous-tend comprend la science comme un espace neutre permettant à la fois une connaissance objective du droit national, mais aussi de construire un regard objectif sur le droit étranger. Face à ce présupposé théorique, les approches culturelles soulignent qu’une participation à l’activité juridique d’un système suppose d’adopter une perspective interne à ce système80. Dès lors, « pour comprendre un système juridique, il ne suffit donc pas d’en apprendre les règles. Encore faut-il maîtriser la manière d’interpréter les textes et la structure d’imbrication de ces derniers81 ».
En ce sens, le professeur Mark Van Hoecke relève que la socialisation des juristes par leur éducation générale et juridique dans un système national crée les conditions permettant à ces derniers de se saisir de l’ordre juridique et d’en devenir des acteurs82. Ainsi, « inconsciemment […] cette connaissance et ces valeurs partagées jouent un rôle dans la manière dont le droit va être regardé, interprété, utilisé83 ». Si chaque juriste est profondément ancré dans le contexte culturel de son propre système, dès lors, tout comparatiste, parce qu’il vient au droit-autre imprégné par un autre système de connaissances et de valeurs, va « très largement manquer de ce cadre culturel84 » qui préconditionne pourtant la compréhension du droit-autre. Une fois ce constat formulé, la question qui émerge est de savoir comment réussir, dès lors, à dépasser ce manque. Mark Van Hoecke souligne que face à cette question, deux positions sont le plus souvent adoptées : un « optimisme épistémologique naïf » et un « fort pessimisme épistémologique85 ».
La première, que Mark Van Hoecke associe au fonctionnalisme, écarte tout simplement le problème de l’enracinement et de la localisation du comparatiste. Elle affirme qu’en se concentrant sur une compréhension du droit limitée à l’étude des règles de droit positif et des décisions de justice, le comparatiste peut trouver un tertium comparationis, pensé comme un espace neutre qui lui permettra de décrire objectivement le droit étranger. Or, Geoffrey Samuel et Pierre Legrand rappellent que « pour un comparatiste, prétendre qu’il peut comparer de manière objective est, dans les faits, nier toute possibilité de voir son travail questionné de manière utile86 ». La seconde position intègre pleinement la question de la localisation du regard de comparaison. Or, cette position implique une « vision perfectionniste de la “connaissance”87 ». Depuis cette dernière le droit étranger ne peut être saisi pleinement à cause des présupposés portés par le regard du comparatiste et sa méconnaissance du cadre culturel autre. Cependant, un tel présupposé revient à néantiser toute possibilité de comparaison88. Poussée à son extrême, l’approche culturelle tombe dans un relativisme où le droit comparé devient une impossibilité.
Sans céder ni à la facilité de la vision optimiste ni à la sentence de la vision pessimiste, le cadre méthodologique que propose Mark Van Hoecke offre un chemin médian. Depuis sa perspective culturelle, la différence entre les deux positions précédemment évoquées, découle de la « profondeur » de la comparaison. La première position épistémologique est associée à une comparaison « superficielle89 ». La seconde position épistémologique est comprise, lorsqu’elle ne cède pas au relativisme, comme permettant une comparaison dite « profonde90 ». La différence entre ces deux niveaux de comparaison s’explique par la nature composite de la culture juridique : cette dernière est composée par différents niveaux qui sont plus ou moins directement accessibles au comparatiste. Ainsi, et au-delà de la couche visible composée par les normes et les décisions de justice du système juridique, chaque culture juridique serait le résultat d’au moins six niveaux distincts et plus profonds : un concept de « droit », une théorie des sources juridiques, une méthodologie du droit, un type d’argumentation, un principe de légitimation du droit, et enfin une idéologie commune91. Là où une comparaison « superficielle » tendrait à s’arrêter aux règles de droit positif et à analyser le premier ou deuxième niveau de la culture juridique, la comparaison « profonde » viserait à analyser les niveaux les plus difficiles à atteindre. D’après Mark Van Hoecke, s’engager dans un travail de comparaison juridique suppose de s’enfoncer dans les niveaux les plus profonds de la culture juridique pour saisir au mieux ce qui en compose la « mentalité92 », les valeurs implicites qui permettent au comparatiste, à défaut de saisir pleinement le système étranger, d’en proposer une « re-présentation93 ».
Comment, dès lors, saisir les niveaux plus profonds de la culture juridique-autre et plus particulièrement la question de l’idéologie commune dans un système juridique ? C’est ici que l’étude de la doctrine du système étranger trouve toute sa place. En effet, « la doctrine juridique forme une part essentielle de tout système juridique complet. Elle permet le développement du cadre conceptuel du système juridique et de sa méthode94 » notamment par son travail de description et de systématisation des règles de droit dans le système en question. Pour autant, en assumant ce rôle
« La doctrine juridique ne se contente pas de décrire et reconstruire certaines réalités juridiques […] elle joue aussi un rôle, à un certain degré, dans la construction continue du système juridique, de même que dans l’incarnation d’un certain type de culture juridique, perpétuant une tradition juridique95 ».
La doctrine juridique devient dès lors le point de contact et d’articulation entre les règles de droit qui composent le système étranger et la manifestation de la culture juridique qui modèle ce même système et construit le principe d’organisation entre ces règles de droit. En d’autres termes, elle devient le point d’articulation entre les niveaux les plus superficiels du système juridique et les niveaux les plus profonds que l’approche culturelle vise à analyser. La doctrine juridique apparaît aussi comme un espace dynamique, « un forum privilégié où les théories paradigmatiques […] sont explicitement formulées et où de nouvelles théories sont proposées et discutées96 ». L’étude de la doctrine juridique et de ses dynamiques permet ainsi de ne pas fossiliser la culture juridique du système-autre ni de lui nier sa complexité et son pluralisme méthodologique et théorique.
Le cadre culturel et critique proposé par Mark Van Hoecke sous le concept de comparaison profonde non seulement fait de la doctrine juridique étrangère un objet de comparaison, mais surtout un objet de première importance pour saisir toutes les nuances de la culture juridique étrangère. En ce sens, la comparaison profonde offre un cadre théorique satisfaisant pour étudier la doctrine publiciste britannique. Cependant, la nature particulière de l’objet « doctrine juridique » suppose le recours à des outils d’analyse spécifique à l’image de l’épistémologie juridique.
2. Représenter la doctrine publiciste britannique, l’épistémologie juridique comme outil d’analyse critique
Si le droit est « un ensemble spécifique de normes97 », produit d’« une activité de la volonté qui sollicite la mise en œuvre de la raison pratique98 », il est aussi dans une seconde acception un « discours sur le droit99 », « la discipline académique qui a pour objets ces ensembles normatifs […] et qui n’implique, au contraire, que le déploiement d’une activité de connaissance100 ». La doctrine juridique relève de cette seconde définition. Dès lors, elle doit être comprise comme un « méta-discours », un discours de connaissance visant à représenter et structurer le droit positif. La nature même de cet objet juridique suppose la mise en jeu d’outils d’analyse spécifiques permettant d’étudier les discours de connaissance. C’est ici que l’épistémologie juridique semble offrir un cadre d’analyse pertinent pour l’étude de la doctrine publiciste britannique. Or, tout comme il n’existe pas une méthode de comparaison, mais des méthodes de comparaison, il n’existe pas plus une épistémologie, mais des épistémologies101. Le choix de cette dernière s’intègre dans un cadre théorique qui reconditionne la manière dont l’objet d’étude sera regardé et analysé. Ainsi, et au regard du cadre théorique critique et culturel adopté pour cette étude, la perspective épistémologique retenue se construit comme un regard critique (2.1.) qui a permis de représenter la doctrine publiciste britannique comme une doctrine plurielle et dynamique (2.2.).
2.1. La construction d’une épistémologie juridique critique comme outil d’analyse de la doctrine étrangère
L’épistémologie « a pour objet de mettre en lumière la signification de l’œuvre scientifique ». Sa fonction est de « faire apparaître des organisations de concepts, qu’elles soient achevées ou imparfaites, des difficultés ou obstacles, ou incohérences, des ouvertures, des points sensibles102 » dans les discours de connaissance. Comprise sous cet angle, l’épistémologie s’intègre dans une conception classique103, conforme à celle proposée par Christian Atias pour qui « l’épistémologue pose des questions qui jalonnent en quelque sorte le chemin parcouru dans la construction et le développement d’un savoir104 ». Ainsi formulée, l’épistémologie pose deux questions fondamentales : premièrement ce qu’est la connaissance, et ici, plus spécifiquement, ce qu’est la connaissance juridique, et, deuxièmement, quelle méthode suivre pour développer cette connaissance. Si ces deux questions sont centrales pour l’épistémologie classique, une troisième est néanmoins posée par les épistémologies constructivistes : comment apprécier la validité de la connaissance105 ?
Pour ce type d’épistémologie, la connaissance scientifique « présente un caractère socialement construit et artificiel106 ». Dès lors, la perspective adoptée sur la connaissance emporte une dimension critique en rupture avec la conception classique de la science. Contrairement aux épistémologies positivistes ou empiriques, les épistémologies constructivistes rejettent l’idée d’une vérité neutre et objective sur l’objet et intègrent le discours de connaissance dans un principe de véridiction107. La connaissance produite sur l’objet n’est dès lors plus valide parce qu’elle donnerait une représentation vraie du réel de son objet d’étude, mais parce qu’elle correspond et s’intègre dans un réseau de représentations et de valeurs qui, à un moment du développement de la connaissance, vont conditionner les propositions formulées et regardées comme valide sur un objet donné. En d’autres termes, les propositions respectant la « police du discours108 » au cœur de l’identité de la doctrine.
La notion d’identité doctrinale – comprise comme une identité du discours doctrinal – est au cœur de l’étude de la doctrine publiciste britannique proposée. Cette notion implique une étude des concepts et des structures acceptés dans le discours de la doctrine publiciste britannique pour parler de l’objet « droit public » au Royaume-Uni. Or, et parce que ces concepts et structures ne sont pas figés, mais évoluent dans le temps, une telle étude suppose une double approche à la fois synchronique et diachronique. Dès lors, étudier la doctrine étrangère implique de mettre à jour le réseau conceptuel qui compose sa représentation du droit-autre et ses dynamiques d’évolution.
L’épistémologie adoptée par le professeur Renaud Baumert dans son étude des doctrines françaises et allemandes109 offre les outils permettant de saisir les dynamiques internes au champ doctrinal. Observant que l’« on peut se figurer la communauté doctrinale comme un ensemble de “programmes doctrinaux” concurrents portant sur un objet de même nature110 », l’approche du professeur Baumert comprend le champ doctrinal comme une succession de phases normales et de « crises doctrinales111 ». Les phases normales correspondent à des périodes où un programme doctrinal agrège autour de lui un consensus stable, suffisant pour que ce dernier devienne le programme doctrinal majoritaire. Pendant cette période, les programmes concurrents se font moins nombreux et représentent une portion réduite de la communauté doctrinale. Le paysage doctrinal est alors relativement stable. A contrario, les périodes de « crises doctrinales » se caractérisent par une forte hétérogénéité. Le programme doctrinal majoritaire, parce qu’il n’offre plus une représentation satisfaisante de son objet, ne fait plus consensus. Les programmes concurrents se multiplient jusqu’à ce que l’un d’eux s’impose comme le nouveau cadre valide pour dire et penser l’objet juridique.
Si cette approche permet d’écrire une histoire doctrinale, l’étude de la doctrine étrangère ne peut se limiter à cette dernière. L’analyse des concepts utilisés pour représenter le droit positif permet d’identifier ce qui, dans un programme doctrinal majoritaire, va servir de police discursive permettant de discriminer entre les propositions valides et non valides sur l’objet d’étude. De même, cette étude interne permet d’observer ce qui dans les concepts du programme doctrinal ne permettra pas de saisir les évolutions du droit positif, risquant de faire entrer le programme doctrinal dans une « crise doctrinale ». Cette observation resserrée permet d’observer les stratégies de résistance développées par les programmes doctrinaux pour absorber l’écart créé entre l’évolution du droit positif et leurs représentations de ce dernier112. Cet espace laisse alors entrevoir qu’en plus de leurs fonctions scientifiques, les discours doctrinaux emportent aussi une dimension identitaire et politique qui participe de leur identité.
Ainsi, la mise en dialogue de ces deux niveaux d’analyse épistémologique permet dès lors de saisir les caractères propres de la doctrine étrangère, mais aussi ses dynamiques d’évolution. En cela, elle permet de représenter l’identité de cette dernière. Ce sont donc ces outils qui ont été utilisés pour construire une représentation de la doctrine publiciste britannique contemporaine.
2.2. L’épistémologie juridique de la doctrine publiciste britannique, images d’une doctrine plurielle
Lorsqu’appliqués au cas de la doctrine publiciste britannique, les outils épistémologiques critiques font émerger deux dynamiques principales pour caractériser l’identité de la doctrine publiciste britannique. Tout d’abord, cette dernière s’est, depuis la fin du xixe siècle, caractérisée par son apparente stabilité grâce à la constitution d’un consensus majoritaire clair autour du modèle doctrinal développé par le juriste victorien Albert Venn Dicey113 et désigné sous le terme de « doctrine orthodoxe ». Cependant, ce consensus semble s’être affaibli puis effrité à partir de la fin des années 90 et laisse aujourd’hui entrevoir une période de « crise doctrinale114 ». Cette période de crise permet d’observer un champ doctrinal fragmenté en groupes et courants divers. La doctrine publiciste britannique apparaît dès lors comme une doctrine plurielle dont la démultiplication des manières de dire et représenter le droit public a parfois laissé craindre à l’éclatement du champ doctrinal et derrière lui de la discipline même du droit public au Royaume-Uni.
La publication de la première édition de l’ouvrage The Law of the Constitution d’Albert Venn Dicey représente un point de départ pour la doctrine publiciste britannique. En effet, la systématisation proposée par l’auteur et son souci d’autonomisation d’une étude juridique de la Constitution britannique face aux autres champs de la connaissance comme la science politique ou l’histoire115 vont permettre la construction de concepts et de structures conceptuelles permettant de dire juridiquement ce qu’est la Constitution britannique116. La socialisation de ces notions par leurs enseignements va conduire des générations de juges, d’avocats et de scholars à leur adoption et reproduction. Ainsi les concepts et structures développées par Albert Venn Dicey vont devenir le vocabulaire et la grammaire – pour le dire juridiquement : la Constitution – britannique et plus largement le droit public au Royaume-Uni.
Pourtant, ce modèle, confronté à l’intensité des évolutions connues par le droit public britannique à partir des années 70117, apparaît comme rendant difficilement compte de la réalité du droit positif. En ce sens, la remise en cause dans le droit positif du principe de « souveraineté du parlement118 » est venue mettre à mal la structure même du discours doctrinal orthodoxe conduisant à l’entrée en crise de ce dernier. Cependant, malgré la faillite de sa fonction descriptive et donc scientifique – ce qui dans un cadre épistémologique positiviste aurait dû suffire à son invalidation – le modèle orthodoxe s’est maintenu faisant preuve d’une extraordinaire résilience. Cette dernière s’explique en ce que le discours doctrinal orthodoxe assure plus qu’une simple fonction scientifique, mais porte aussi une fonction idéologique et une fonction identitaire forte pour la doctrine publiciste britannique.
Véritable matrice de la discipline droit public au Royaume-Uni, le maintien du modèle orthodoxe comme doctrine majoritaire met ainsi en lumière qu’il se joue plus dans le discours doctrinal que les simples qualités scientifiques des programmes doctrinaux. Ajoutant et retranchant tour à tour au réel de son objet et de ses évolutions pour satisfaire sa logique interne, le modèle orthodoxe est aujourd’hui pleinement concurrencé par la démultiplication des discours concurrents pour représenter le droit public britannique. Ainsi, ce qui caractérise la doctrine publiciste britannique contemporaine est sa forte diversité. Si une tradition doctrinale contestataire composée autour de l’école fonctionnaliste et sociale développée au sein de la London School of Economics a concurrencé depuis l’entre-deux-guerres le modèle orthodoxe, cette dernière n’avait jamais pu s’imposer pour des raisons institutionnelles et politiques119 et ce, malgré la pertinence scientifique de sa représentation du droit public britannique120.
Or, notamment pour des raisons de politique académique, la fin des années 90 va être marquée par un véritable « tournant théorique121 » au cœur de la doctrine publiciste britannique. Les discours doctrinaux vont se décloisonner et quitter le cadre positiviste qui avait porté le modèle orthodoxe pour investir les théories rawlsiennes122, républicaines123 ou encore critiques et les appliquer à la représentation du droit public britannique. De même, certains discours doctrinaux vont quitter une position analytique et neutre pour revendiquer une position prescriptive et politique124. Or, dans ce mouvement réside la possibilité de multiplier les perspectives sur le droit public et les manières de représenter ce dernier. D’une doctrine relativement homogène avec un modèle orthodoxe majoritaire et une doctrine contestataire minoritaire, le champ doctrinal britannique s’est vu éclater en une multitude de programmes doctrinaux cherchant à recomposer autour de leurs modèles un consensus majoritaire afin de s’imposer comme représentation majoritaire.
Face à ce fort pluralisme doctrinal, l’un des apports de l’analyse doctrinale comparée est de proposer une nouvelle cartographie de la doctrine publiciste britannique en proposant une classification autour de deux axes distincts. Le premier axe de classification suit le désaccord entre les doctrines contemporaines autour de la nature du droit public britannique et identifie trois courants principaux : le courant légaliste125 le courant politiste126, et le courant moraliste127. Or, au sein de chacun de ces courants, la question de la source principale du droit public britannique permet d’organiser un niveau de classification plus fin autour de l’identification de groupes doctrinaux. Pour autant, et malgré cette diversité, aucun groupe ou courant doctrinal ne semble réussir à agréger un consensus majoritaire suffisant pour s’imposer comme nouvelle doctrine majoritaire.
Cependant, et en parallèle de ce mouvement, le développement d’un véritable discours prétorien sur le droit public britannique et la constitution d’une common law de droit public128 fait émerger un nouvel acteur doctrinal : la Cour suprême du Royaume-Uni. Or, cette dernière, en citant et confirmant certains auteurs par ses décisions, vient créer un véritable processus externe de structuration de la doctrine académique. En ce sens, la Cour suprême exerce un véritable pouvoir d’élection semblant stabiliser et restructurer la doctrine publiciste britannique contemporaine. Ce processus de structuration semble confirmer la doctrine légaliste de common law développée par le professeur oxonien Paul Craig129. Dès lors, les années à venir permettront de vérifier si la confirmation prétorienne de la doctrine universitaire permet de construire un nouveau consensus doctrinal à même de faire émerger un nouveau programme doctrinal majoritaire redéfinissant l’identité de la doctrine publiciste britannique.