L’ouvrage de madame Eva María Menéndez Sebastián, professeure de droit public à l’université d’Oviedo, intéressera tout autant le juriste espagnol que les chercheurs des autres pays. Publié par le célèbre éditeur Marcial Pons, et plus précisément dans la nouvelle collection « Droit, bon gouvernement et transparence » dirigée par les professeurs Juli Ponce, Agustí Cerillo et María Teresa Ossio, ce livre revisite, de manière tout aussi précise que synthétique, la fonction des organes consultatifs à l’aune de la notion de bonne administration. En ressort une conception renouvelée du fameux « État de droit social et démocratique » consacré à l’article premier de la Constitution espagnole.
Agréable à lire et rigoureusement documenté, l’étude rédigée intégralement en espagnol comprend des sources relevant certes du droit de la péninsule ibérique, mais également, à de nombreuses reprises, du droit français et, dans une moindre mesure, du droit anglais.
La table des matières se divise en deux chapitres (comme le voudrait la majorité des études de droit françaises !). En s’inspirant des définitions doctrinales existantes, l’auteure souscrit à la conception restrictive de la notion de bonne administration (chapitre premier) pour mieux nous convaincre de sa thèse : la nécessité de renforcer et d’envisager de manière dynamique la fonction des organes consultatifs afin d’aboutir à des normes juridiques de qualité (chapitre second).
Quant à la notion de bonne administration, l’auteure de cette recension ne peut évidemment que se réjouir de la conception restrictive à laquelle souscrit la professeure Menéndez Sebastián, qui l’amène à reprendre – et à se référer généreusement – la définition proposée par la doctrine il y a une dizaine d’années, à savoir l’adaptation équilibrée des moyens de l’administration publique1. Les moyens sont ainsi entendus de manière large, en désignant à la fois les moyens financiers, matériels et humains, mais aussi la méthode (procédé qui se reflète dans une procédure) au travers de laquelle l’administration élabore ses normes. Comme le veut cette conception, l’auteure s’attache à distinguer la « bonne administration » de toutes les notions qui gravitent autour et/ou avec lesquelles celle-ci est fréquemment confondue, notamment la « bonne gouvernance » et le « bon gouvernement ».
De quoi définitivement convaincre sur le fait que la recherche du contenu autonome à conférer à la « bonne administration » n’est pas une pure question de curiosité intellectuelle ; les implications pratiques d’une telle conception sont bien existantes, ainsi que le montre avec pertinence la seconde partie de l’ouvrage.
Se nourrissant à la fois de ses recherches et de son expérience de terrain tirée d’une fonction de consultante pour diverses administrations publiques (dont le conseil consultatif des Asturies), l’auteure nous invite en effet, dans un second chapitre, à revisiter la fonction consultative à l’aune de la notion de bonne administration. Le juriste français apprend alors beaucoup s’agissant du droit espagnol (notamment du Consejo de Estado2) tout en examinant d’un nouvel œil le Conseil d’État français.
Mais l’ouvrage n’est pas que sources de précieuses et précises informations : la professeure Menéndez Sebastián propose, en outre, une classification novatrice de la fonction de consultation en fonction de sa nature et de sa finalité (p. 79 et s.). L’auteure établit tout d’abord deux grandes catégories : la consultation technico-légale et la consultation visant à satisfaire le droit à la participation.
La première catégorie comprend trois modalités : l’évaluation juridico-administrative (fonction classique des organes de consultation), la consultation d’ordre politique (cabinets politiques et ministériels) et la consultation technique (comité d’experts). La seconde catégorie de consultation permet à la fois de défendre des intérêts (citoyens au sens large, administrés, lobbies, etc.) et d’éclairer l’auteur de la décision sur des aspects techniques (en outre, Conseil économique et social espagnol).
S’il s’agit bien d’une systématisation de la fonction consultative, la diversité des cas et des modalités – notamment de participation – révélée par la pratique n’est pas éludée. La pluralité du phénomène de participation amène d’ailleurs madame Menéndez Sebastián à émettre certaines réserves, voire à porter un regard critique sur certaines de ses modalités.
Voilà donc un court ouvrage que devraient se procurer les chercheurs de droit public comme les praticiens et membres des organes consultatifs des administrations publiques : une étude didactique montrant que la définition restrictive de la « bonne administration » proposée il y a une dizaine d’années, même si encore minoritaire, dépasse les frontières au profit d’une fonction consultative et d’un principe de légalité renouvelés.