Voyager pour réformer l’éducation des jeunes Françaises dans les romans de Joséphine-Blanche Colomb et Les Vies de collège d’André Laurie

DOI : 10.35562/fablijes.358

Résumés

Joséphine-Blanche Colomb et André Laurie ont représenté l’éducation des filles de leur temps dans des œuvres écrites et publiées pour la jeunesse. Dans un contexte marqué par l’adoption de la loi du 21 décembre 1880 qui ouvre aux jeunes filles l’accès à un enseignement secondaire public, ils se sont servis de leurs fictions pour élargir l’horizon de leurs lecteurs par le biais d’une comparaison entre l’éducation des jeunes Françaises et celle des Américaines et pour aborder deux questions : celle des savoirs à inculquer aux jeunes Françaises, celle de la finalité de ces savoirs. Le détour américain témoigne de la prudence d’André Laurie quand il s’agit de réformer l’éducation des filles : sous sa plume, le type de la femme qui acquiert des diplômes pour travailler demeure exotique et, à la différence de Joséphine-Blanche Colomb, l’auteur des Vies de collège n’en propose pas l’importation en France.

Joséphine-Blanche Colomb and André Laurie represented the education of girls of their time in works written and published for young readers. In a context marked by the adoption of the law of December 21, 1880, which gave girls access to public secondary education, they used their fiction to broaden their readers’ horizons by comparing the education of French girls with that of American girls and to address two issues: the question of the knowledge to be imparted to young French girls, and the purpose of this knowledge. The detour via the United States testifies to André Laurie’s caution when it comes to reforming girls’ education: in Les Vies de collège, the type of woman who acquires diplomas to work remains exotic and, unlike Joséphine-Blanche Colomb, Laurie does not propose its importation to France.

Plan

Texte

Joséphine-Blanche Colomb et André Laurie ont représenté l’éducation des filles de leur temps dans des œuvres écrites et publiées pour la jeunesse. La première a inscrit ces représentations dans les romans de formation qu’elle a fait paraître pendant vingt ans à la Librairie Hachette et qui, pour la plupart, racontent des destinées féminines. Plus discrètement, le second fait apparaître des jeunes filles aux côtés des lycéens qui peuplent ses Vies de collège, une série en quatorze volumes construits autour de la présentation du système éducatif d’une société. Dans un contexte marqué par l’adoption de la loi du 21 décembre 1880, dite « loi Camille Sée », qui ouvre aux jeunes filles l’accès à un enseignement secondaire public, les deux romanciers se sont servis de leurs fictions pour élargir l’horizon de leurs lecteurs par le biais d’une comparaison entre l’éducation des jeunes Françaises et celle des Américaines. À une époque où plusieurs observateurs français consacrent à la mixité américaine et à l’éducation des filles Outre-Atlantique des pages de leurs relations de voyage ou de leurs rapports de mission adressés au Ministère de l’Instruction publique, Joséphine-Blanche Colomb et André Laurie effectuent, eux aussi, un détour par les États-Unis pour aborder, chacun à sa manière, deux questions : celle des savoirs à inculquer aux jeunes Françaises, celle de la finalité de l’enseignement de ces savoirs1.

Françaises et Américaines chez Joséphine-Blanche Colomb et André Laurie

Joséphine-Blanche Colomb a écrit une œuvre abondante composée essentiellement de romans et de nouvelles. Née en 1833 dans une famille protestante, elle a été l’un des principaux auteurs pour la jeunesse de la Librairie Hachette pendant les vingt ans qui ont suivi la guerre de 1870-1871. Elle s’est fait connaître avec Le Violoneux de la sapinière publié en 1873 puis avec La Fille de Carilès qui a reçu un prix Montyon en 1875. Ces deux romans ont paru dans Le Journal de la jeunesse, la revue créée par Louis Hachette en 1872 « pour les enfants de 10 à 15 ans2 ». La romancière donnera « vingt feuilletons3 » à cet hebdomadaire, un nombre qui la place en tête des collaborateurs de celui-ci. Après Le Violoneux de la sapinière et La Fille de Carilès, dix-huit autres titres paraîtront successivement dans cette revue puis, en volumes, dans la « Nouvelle collection pour la jeunesse ». La romancière a également publié vingt-cinq récits dans la « Bibliothèque des écoles et des familles » et un volume intitulé Souffre-douleur dans la célèbre « Bibliothèque rose illustrée ». Son genre de prédilection est celui du roman d’apprentissage centré sur la formation d’un(e) enfant ou d’un(e) adolescent(e). Joséphine-Blanche Colomb a fait entrer dans son univers romanesque des jeunes filles éduquées à l’américaine avec Mon oncle d’Amérique publié en 1890 et réédité jusque dans les années 1930 et avec Hélène Corianis, paru en 1893, l’année de sa mort. Ce roman fait partie des titres que l’éditeur a fait reparaître entre 1935 et 1937 dans une collection à trois francs, avec des gravures inédites qui les rajeunissent. Le roman est ainsi réédité chez Hachette en 1937 avec des illustrations de Georges Grellet.

La première des deux jeunes filles éduquées à l’américaine se nomme Lucette Mauversé. Elle a été élevée à New-York par son grand-père, un Français qui a fait fortune aux États-Unis. Quand celui-ci meurt, après avoir fait faillite, Lucette traverse l’Atlantique pour retrouver les membres de sa famille restés en France. Elle va notamment trouver refuge auprès d’une tante nommée Julie Morineau. La romancière construit un face-à-face et un contraste entre la vieille demoiselle française, rentière et oisive par préjugé de classe, et la jeune fille élevée à l’américaine, qui sait le latin, nage « comme un garçon4 » et aspire à travailler pour gagner sa vie. Ce roman de formation présente l’originalité de raconter l’apprentissage, non seulement de la jeune Américaine qui s’adapte progressivement à la société française, mais aussi de la vieille demoiselle provinciale qui va commencer à comprendre le point de vue de sa nièce. Quand Julie Morineau est ruinée par un escroc, Lucette travaille pour subvenir à leurs besoins avant d’épouser un médecin. Trois ans après Mon oncle d’Amérique, Hélène Corianis propose un nouveau détour par les États-Unis pour présenter une jeune fille forte et autonome et pour montrer la nécessité pour une femme de s’assurer un métier rémunérateur. Hélène est la fille aînée d’une famille qui a connu autant d’enrichissements que de faillites et qui est désormais ruinée. Quand le roman commence, elle est âgée de dix ans. Pour gagner de l’argent, elle aide des pêcheurs à remonter leurs filets, loue son âne à des touristes étrangers, vend des fleurs à l’occasion du carnaval et apprend l’anglais pour devenir interprète sur le marché de Menton. La rencontre des Granby lui permet de partir vivre à New York. La jeune Française passera huit ans aux États-Unis dans cette famille américaine qui la considère comme une fille adoptive. C’est là qu’elle commence à produire et à vendre son œuvre de sculptrice, une activité qu’elle développera, ensuite, en Angleterre et en France.

À la différence de l’auteur de Mon oncle d’Amérique, André Laurie, le nom de plume utilisé par Paschal Grousset pour signer son œuvre éditée par Hetzel, n’a jamais construit de roman autour de destins féminins. Mais il a, lui aussi, organisé un face-à-face romanesque entre Françaises et Américaines. Paschal Grousset a été un opposant au Second Empire, puis un membre du comité exécutif de la Commune de Paris. Condamné à la déportation en septembre 1871, embarqué à destination de la Nouvelle-Calédonie en juin 1872, il a fait partie du petit groupe de prisonniers qui a réussi à s’enfuir du bagne. En passant par les États-Unis, il a gagné l’Angleterre où il a vécu de juin 1874 jusqu’au printemps 1881 où il est rentré à Paris. Il a proposé sa collaboration à Pierre-Jules Hetzel pendant son exil à Londres. En plus de deux volumes des Voyages extraordinaires signés par Jules Verne, Les Cinq Cents Millions de la bégum paru en 1879 et L’Étoile du Sud publié en 1884, cette collaboration a pris la forme de traductions, de romans d’aventures géographiques et d’anticipation scientifique ainsi que de la série romanesque d’abord intitulée Scènes de la vie de collège, puis La Vie de collège dans tous les pays et, enfin, La Vie de collège dans tous les temps et tous les pays. Dans cette série qui compte quatorze volumes parus entre 1881 et 19045, le romancier présente le système éducatif d’une société par le biais d’une intrigue plus ou moins riche en rebondissements.

En 1898, dans L’Oncle de Chicago, sous-titré Mœurs scolaires en Amérique, André Laurie emmène son lecteur aux États-Unis qu’il a traversés, du port de San Francisco à celui de New York, entre mai et juin 18746. Ce parcours d’ouest en est n’a duré qu’une dizaine de jours mais, dans une lettre envoyée à Hetzel le 18 mars 1881, l’écrivain s’appuie sur cette expérience pour se présenter en spécialiste de l’éducation des jeunes Américaines et pour défendre ainsi la vraisemblance de l’héroïne de L’Étoile du Sud7. L’Oncle de Chicago, qui est le onzième volume des Vies de collège, commence rue de Trévise, à Paris, alors que la famille Bertoux s’apprête à dîner. Le repas est troublé par l’arrivée d’un télégramme. L’oncle du père de famille, devenu un riche industriel Outre-Atlantique, demande à son neveu de se rendre à Chicago pour assurer l’intérim à la direction de son entreprise. Voici les Bertoux et leurs deux enfants, Marguerite, l’aînée, et Jean-Charles, le cadet, prêts à traverser l’Atlantique pour découvrir la société américaine. À la différence des héroïnes de Joséphine-Blanche Colomb, à l’image de toutes les jeunes filles des Vies de collège, Marguerite est un personnage secondaire dans le roman. Mais l’un des enjeux de celui-ci consiste bien à confronter l’adolescente à des modèles féminins inconnus en France et présentés dès la gravure en frontispice signée Léon Benett comme les autres illustrations du volume : lycéennes qui apprennent le latin et qui assistent aux mêmes cours que les garçons, enseignantes qui dispensent des cours de chimie, de droit international ou de sciences politiques.

André Laurie, en retraçant le séjour d’une jeune Parisienne à Chicago, Joséphine-Blanche Colomb, en dotant deux de ses héroïnes d’une éducation américaine, offrent un point de vue sur les savoirs à inculquer aux filles.

Quels savoirs pour les filles ?

Avec La Vie de collège en Angleterre et Axel Ebersen, le gradué d’Upsala, L’Oncle de Chicago fait partie des volumes des Vies de collège construits sous la forme d’une expérience pédagogique fictive. Dans ces volumes, des adolescents se transforment en expérimentant un système éducatif où se pratiquent les sports ou les travaux manuels. Dans L’Oncle de Chicago, Jean-Charles Bertoux devient ainsi l’élève d’un lycée de Chicago où les étables, les jardins et les ateliers jouxtent les salles de classe. L’intrigue, ainsi que celle d’À travers les universités de l’Orient qui raconte la suite des aventures de Jean-Charles, prouve l’utilité de développer de telles compétences, y compris pour les enfants de la bourgeoisie. De plus, le séjour de Jean-Charles à Luttrell School, établissement imaginaire peut-être inspiré par une école pilote fondée par John Dewey en 1896 à Chicago, montre que la pratique du travail manuel favorise les progrès de l’élève dans les disciplines traditionnelles : humanités, sciences et langues vivantes.

Tout en représentant de manière favorable l’enseignement dispensé aux jeunes filles à Luttrell School, le romancier n’inscrit pas Marguerite dans cet établissement mixte et représentatif, à cet égard, du contexte américain dans les années 18908. En montrant la mixité pratiquée dans la plupart des établissements secondaires américains, André Laurie aborde l’une des spécificités de l’enseignement primaire, secondaire et, même, supérieur, qui frappent le plus les observateurs français des États-Unis. Ceux-ci ont enregistré et évalué ce qu’ils nomment la « coéducation » dans différents rapports et témoignages parus dans le dernier tiers du siècle9. Globalement favorables à la coéducation au niveau primaire, ils sont plus réticents au niveau de l’enseignement secondaire. Pour Célestin Hippeau, qui s’exprime sur ce thème en 1870, la coéducation est synonyme de « concorde10 » sociale. Elle donne « le plus haut degré d’instruction au plus grand nombre d’élèves avec le moins de dépenses possible11 ». Selon Ferdinand Buisson, elle représente en raccourci « le type vrai de la société américaine, avec cette égale liberté d’allures des deux sexes qui est, au jugement des Américains, une des gloires de leur civilisation12 ». Pour Marie-Casimir Ladreyt, elle s’impose à l’école primaire dans la mesure où elle est « destinée à remplacer l’éducation de la famille13 » et, dans l’enseignement secondaire, elle a le mérite de tremper le caractère des filles et des garçons. Paul Passy lui attribue la pureté des mœurs des jeunes gens des deux sexes tout en soulignant la dimension paradoxale de l’argument pour un point de vue français. Mais Passy fait aussi entendre cette réticence :

Il est permis de se demander si ces études sont bien propres à préparer une jeune fille à l’accomplissement de ses devoirs de femme : la direction d’un ménage, l’éducation des enfants14.

Cette réticence se retrouve sous la plume de Marie-Casimir Ladreyt qui défend le principe d’une éducation moins ambitieuse pour les filles que pour les garçons et qui préconise des établissements secondaires séparés pour un enseignement distinct. De même, pour Marie Loizillon que le thème de la mixité dans le secondaire amène aussi à évoquer la question de programmes communs aux filles et aux garçons, « les études masculines, que font avec tant de succès les femmes américaines, semblent les éloigner de leur vrai domaine15 », c’est-à-dire de « l’art de conduire une maison, de la rendre agréable, d’en faire le centre d’une société choisie16 ».

Dans le sillage de ces réserves, André Laurie cantonne dans une éducation à la maison sa jeune Française qui séjourne à Chicago. Il conforme ainsi son personnage aux codes sociaux en vigueur en France. Mais il peuple son roman de femmes américaines contredisant l’appréhension des parents de Marguerite qui incarnent, dans la fiction, les normes sociales françaises. Les Bertoux redoutent que leur fille se transforme en « une sorte de garçon déguisé en demoiselle17 ». Plusieurs personnages de L’Oncle de Chicago prouvent au couple parisien et aux lecteurs qu’une femme aussi diplômée qu’un homme ne se transforme pas en « une sorte de garçon » : Miss Atkins, un médecin réputé qui a l’allure d’« une petite personne mince, blonde, bien tournée et bien mise » (OC, 87) ; Mrs Morton, titulaire d’une chaire de droit international et « femme du monde accomplie » (OC, 31) ; Miss Phillips, diplômée de l’Université et « vrai type de beauté américaine, mignonne et délicate » (OC, 69). De plus, à rebours de Marie Loizillon ou Marie-Casimir Ladreyt qui défendent le principe d’une éducation différente pour les filles, André Laurie fait apprendre à Marguerite le latin, matière considérée comme « masculine » y compris dans les États-Unis de la fin du xixe siècle18. En apprenant cette langue ancienne sous la conduite de Miss Phillips, Marguerite se rapproche de Clélia, une autre jeune Française des Vies de collège, qui a été éduquée par son père.

Tout naturellement, et par le simple effet de ce contact de tous les jours, elle avait reçu une éducation de garçon, ou du moins une éducation comme il serait à désirer que les garçons en reçussent. Elle avait appris à fond le grec, le latin, l’histoire et les langues vivantes19,

écrit André Laurie en 1885 dans Tito le Florentin.

Hélène Corianis offre très peu d’informations sur les enseignements dispensés aux six enfants des Granby. Tout au plus le roman signale-t-il que les quatre filles suivent, à la maison, les cours d’une institutrice qui leur apprend le français, l’anglais et l’italien. La jeune héroïne de Mon oncle d’Amérique, en revanche, a appris le latin aux États-Unis, comme Marguerite Bertoux. À la différence d’André Laurie, Joséphine-Blanche Colomb ne met pas en débat la question de savoir s’il convient, ou non, d’enseigner cette matière aux filles. Mon oncle d’Amérique contient, cependant, des considérations pédagogiques générales. Lucette découvre ainsi avec surprise et réprobation les cours parisiens où ses cousines se contentent de prendre des notes avant de les apprendre par cœur. Ce n’est pas la première fois que la romancière évoque, pour le critiquer, l’enseignement dispensé aux jeunes Françaises. Sous sa plume, cet enseignement se résume à la prise de notes et la mémorisation d’un savoir superficiel. Elle dénonçait déjà les cours secondaires où les filles n’apprennent qu’à « penser à la mode20 » en 1875, dans Deux mères. En 1884, dans Pour la muse, elle raillait les pensions où les élèves deviennent des « perroquets21 » en perdant « l’habitude de réfléchir22 ». Entre la publication de Deux mères et celle de Pour la muse et de Mon oncle d’Amérique, les « établissements publics d’enseignement secondaire23 » se sont ajoutés aux cours secondaires payants et aux pensions. Si elle prend pour cible de ses attaques les cours et les pensions, Joséphine-Blanche Colomb n’assure pas explicitement la promotion des établissements publics créés en 1880. Ceux-ci dispensent aux filles un enseignement qui comprend l’étude de la langue française, d’une langue vivante, des littératures anciennes et modernes et qui exclut les humanités (grec, latin et philosophie)24.

Pas plus qu’André Laurie, elle ne commente l’une des spécificités de ces établissements conçus par des législateurs républicains : un enseignement moral prend la place de l’enseignement religieux qui devient facultatif. La finalité que ces législateurs assignent à l’enseignement secondaire explique cette substitution qui vise à détruire la domination du clergé dans le domaine de l’éducation des filles. En 1870, Jules Ferry, défendant la nécessité de réformer l’enseignement féminin, situait cette finalité dans un cadre conjugal et familial.

Mais à quoi bon toutes ces connaissances, tout ce savoir, toutes ces études ? […] Je pourrais répondre : à élever vos enfants, et ce serait une bonne réponse, mais comme elle est banale, j’aime mieux dire à élever vos maris25,

déclarait alors le futur ministre de l’Instruction publique en soulignant l’enjeu civique et politique de la réforme et en plaçant celle-ci dans une logique républicaine. La loi du 21 décembre 1880 traduira cette conception : l’enseignement dispensé par les établissements publics pour les filles ne conduit pas au baccalauréat.

Ni André Laurie, ni Joséphine-Blanche Colomb ne font de leurs jeunes filles de papier l’exacte incarnation de cette conception républicaine. Les deux romanciers s’appuient sur le détour par les États-Unis pour présenter à leur lecteur un modèle féminin nouveau, voire impensé en France, celui d’une femme de la bourgeoisie qui acquiert des compétences pour travailler et pour s’assurer ainsi des revenus en dehors du cadre familial. À partir de cette représentation commune, les deux écrivains divergent. André Laurie cantonne ce modèle aux États-Unis tandis que les héroïnes de Joséphine-Blanche Colomb mettent à profit leur éducation américaine pour travailler en France.

S’éduquer pour travailler ?

Leur séjour à Chicago, cette ville où l’on rencontre « à chaque pas, une femme médecin, une femme professeur, une femme conseiller municipal » (OC, 86), réserve bien des surprises aux Bertoux. Visitant Luttrell School dans la perspective d’inscrire Jean-Charles dans cet établissement, ceux-ci découvrent ainsi que l’épouse du directeur enseigne le droit international. Quant au cours de chimie, il est dispensé par une jeune professeur baptisée Miss Phillips qui assure aussi l’enseignement du latin. André Laurie apporte ce commentaire :

Le docteur Morton n’avait rien fait d’extraordinaire en choisissant une jeune fille pour enseigner la chimie à ses élèves. Il eût chargé un homme du cours de couture et une femme du cours d’histoire militaire, si l’un ou l’autre lui avait paru le plus apte à sa fonction (OC, 43).

Quant au titre de « meilleur médecin du voisinage » (OC, 87), il est décerné à une autre jeune fille, Miss Atkins. Dans une certaine mesure, André Laurie met sa jeune voyageuse française à l’école américaine. Marguerite se révèle meilleure latiniste que son frère. Quand elle participe incognito à un concours littéraire réservé aux garçons, elle remporte le premier prix en présentant un roman d’aventures maritimes. « [I]ls ont pris […] [mon histoire], et à l’unanimité encore, parce que c’est une œuvre vraiment virile, dit le rapport » (OC, 216), commente ironiquement la lauréate.

À l’image de Mrs Morton, de Miss Phillips et de Miss Atkins, Marguerite prouve, elle aussi, que ni les savoirs, ni les aptitudes n’ont de genre spécifique. Mais l’élève et l’admiratrice de Miss Phillips ne tirera aucun parti concret des connaissances en latin qu’elle a acquises aux États-Unis et qui, en France, pourrait lui ouvrir l’accès au baccalauréat. Au début d’À travers les universités de l’Orient, qui fait suite, en 1901, à L’Oncle de Chicago, les Bertoux sont rentrés à Paris. Quand le volume s’ouvre, pour fêter le baccalauréat de Jean-Charles, ils donnent une réception au cours de laquelle Marguerite montre aux invités la photographie que lui a dédicacée son enseignante américaine. Cette photographie conservée par Marguerite suggère que le destin des Américaines représente, pour la jeune Parisienne, un souvenir de voyage, et non pas un avenir envisageable pour elle-même. Et d’ailleurs, André Laurie n’invente pas d’avenir à la jeune fille qui a séjourné à Chicago. Au début d’À travers les universités de l’Orient, celle-ci a désormais 20 ans et le romancier n’offre aucune précision sur les activités ou sur les projets de cette ancienne lauréate d’un concours littéraire.

Créer et confronter des personnages de Françaises et d’Américaines, dans L’Oncle de Chicago, permet à André Laurie de dégager une loi générale : de part et d’autre de l’Atlantique, hommes et femmes partagent des aptitudes équivalentes, qu’il s’agisse de latin, de couture, d’histoire militaire ou de médecine. En revanche, le romancier est plus prudent quand il s’agit de trouver une application sociale à ce principe. L’auteur des Vies de collège ne propose pas d’importer en France le modèle américain de la femme diplômée qui s’épanouit dans l’exercice d’une profession qualifiée. Son roman reste ouvert, à l’image du débat qui a opposé, dans les pages de celui-ci, Mme Bertoux et Miss Phillips. La jeune Américaine se présente comme la fille de modestes exploitants agricoles du Wyoming. Comme ses deux sœurs, elle a acquis, par son travail, des diplômes et des compétences respectées. Loin d’être admirative en écoutant ces preuves d’indépendance et d’énergie, la mère de Marguerite se met à pleurer de pitié avant de promettre à son interlocutrice qu’un mariage mettra fin à son labeur. En retour, Miss Phillips s’indigne à l’idée qu’une femme puisse se marier dans la seule perspective de ne plus travailler. Elle confie à la mère de famille française son vœu et son ambition : devenir professeur à Wellesley, l’université où elle a poursuivi ses études. En donnant la parole à Miss Phillips, André Laurie fait entrer dans le roman français un personnage récurrent sous la plume d’Elizabeth Williams Champney. Cette romancière américaine a construit les onze volumes de la série Three Vassar Girls parus à Boston chez Estes and Lauriat entre 1883 et 1892, puis les neuf volumes de la série Witch Winnie publiés à New York de 1891 à 1898, autour des voyages et des aventures de jeunes étudiantes. Elle présente ainsi à ses lectrices le type social étudié par Sara M. Evans de « la femme nouvelle, de formation universitaire, souvent célibataire et gagnant sa vie seule […] [dont la] première génération se forma après la guerre de Sécession, dans le monde plein d’enthousiasme des colleges féminins26 ».

Plus audacieuse qu’André Laurie, Joséphine-Blanche Colomb crée des héroïnes françaises qui « gagnent leur vie » à l’américaine, une référence qui apparaît dans Mon oncle d’Amérique et dans Hélène Corianis. Certes, aucune de ses jeunes filles ne pourrait rivaliser avec Clélia Raynal, le personnage des Vies de collège qui connaît « à fond le grec, le latin, l’histoire et les langues vivantes27 ». Mais tandis qu’André Laurie ne donne aucune application pratique à de tels savoirs, auxquels s’ajoute un talent de peintre, et qu’il restreint le destin de Clélia à un cadre purement domestique, l’auteur d’Hélène Corianis oriente la réflexion sur l’éducation des filles vers la question de sa finalité pratique et professionnelle. La romancière envisage ainsi l’éducation des filles sous un angle individuel et pragmatique, dans la perspective d’acquérir de l’argent. En 1882, un personnage des Étapes de Madeleine invite ainsi les lectrices à comprendre que le travail est un moyen d’accéder à l’indépendance : « L’argent est à moi ; je l’ai gagné avec mon fuseau et ma quenouille, je puis bien le dépenser à ma volonté28 », précise-t-elle. En invitant les jeunes bourgeoises à adopter ce point de vue d’une femme du peuple, la romancière conteste la norme qui fait de l’oisiveté féminine le marqueur positif de la distinction sociale.

L’auteur de Mon oncle d’Amérique inscrit ainsi plusieurs de ses romans dans le cadre du débat suscité par l’accès des femmes à l’enseignement secondaire et résumé ainsi par Françoise Mayeur :

le travail peut-il être autre chose pour les femmes qu’un signe d’infériorité économique ? Peut-il, doit-il être un moyen d’accès à l’indépendance personnelle29 ?

La romancière répond à cette question par l’affirmative et, dans ses récits, elle fait du travail un instrument d’indépendance et, même, d’épanouissement pour les hommes comme pour les femmes. « Nous travaillons tous, c’est le moyen d’être heureux30 », professe ainsi Valentine, l’une des héroïnes de Feu de paille. Ce roman paru en 1881 démontre l’intérêt pour les femmes d’exercer un travail lucratif. Après avoir bénéficié d’un héritage inattendu qui a disparu comme un « feu de paille », Valentine fonde un cours pour jeunes filles et cette entreprise familiale se révèle durablement prospère. Peu diplômée, l’héroïne de Feu de paille n’aspire pas à entrer au service de l’État ou dans une institution privée comme institutrice, sous-maîtresse ou professeur, ni à devenir l’une de ces pionnières qui, à la suite de Madeleine Brès, ont exercé la médecine dans le dernier tiers du xixe siècle. Valentine se caractérise, non pas par l’étendue de son instruction, mais par son « aptitude pour les affaires31 ». Celle-ci lui permet de réaliser le projet énoncé très précisément par sa cousine : « […] nous fonderons ici une institution et je serai ta sous-maîtresse. Nous aurons beaucoup de succès, beaucoup d’élèves, nous deviendrons très riches32[…] ! »

En 1890, l’héroïne de Mon oncle d’Amérique se fixera le même programme d’enrichissement.

Je pourrais monter un petit magasin où je vendrais mes ouvrages et où je donnerais des leçons de broderie aux dames. À New York, il y a beaucoup de magasins comme cela qui gagnent beaucoup d’argent (OA, 54),

explique ainsi Lucette à sa tante. Trois ans plus tard, Hélène nourrit, à son tour, la même ambition de « gagner beaucoup d’argent33 » grâce à son talent de sculptrice. Dans Mon oncle d’Amérique et dans Hélène Corianis, qui font partie de ses ultimes publications, Joséphine-Blanche Colomb construit ses jeunes héroïnes sur le modèle des self-made-men américains dont Horatio Alger a peuplé ses romans à succès. En exprimant leur ambition de « gagner beaucoup d’argent », Lucette et Hélène prennent exemple sur les self-made-men qui les ont élevées. Le grand-père de la première s’est installé aux États-Unis où il a fait fortune ; le père adoptif de la seconde est un riche banquier qui doit sa réussite à son travail. Seule Hélène, cependant, parvient à exécuter complètement son programme. Lucette ne devient pas une femme d’affaires, comme son grand-père l’avait prévu. Elle ne fait pas fortune en ouvrant un magasin « de mode et de broderies » (OA, 261), comme elle-même l’avait imaginé. Hélène, en revanche, réalise son projet de gagner beaucoup d’argent en gérant habilement son œuvre de sculptrice et en rachetant, grâce aux revenus qu’elle en tire, un vaste domaine agricole qui appartenait autrefois à sa famille. Cette « fille pratique34 » qui entend « les affaires35 » transpose ainsi le principe énoncé par son père adoptif. « Le véritable homme d’affaires est passionné comme un artiste36 », affirmait ce banquier new-yorkais. La jeune Française élevée dans une famille américaine prouve, quant à elle, qu’une véritable artiste peut être aussi avisée qu’un homme d’affaires.

Conclusion

Protestante, comme les principaux réformateurs qui ont fondé l’école républicaine, Joséphine-Blanche Colomb a situé ses propositions sur l’éducation des filles, non pas sur le terrain de la formation intellectuelle, mais sur celui de la conquête d’une indépendance financière. La romancière a ainsi incité les jeunes filles de la bourgeoisie à acquérir des revenus par leur travail. Elle a transmis ce point de vue en créant des personnages qui suscitent l’identification et en transformant leurs visées professionnelles en aliment du rêve, à la manière des écrivains américains du self-made-man. Ses deux romans qui proposent un détour par les États-Unis pour promouvoir le modèle de la femme qui s’assure une autonomie financière grâce à un travail rémunérateur s’inscrivent ainsi dans la logique de son œuvre. Avec leurs études universitaires, leurs diplômes et leurs carrières professionnelles prestigieuses, les Américaines diplômées de L’Oncle de Chicago s’inscrivent, non pas en continuité, mais en rupture, par rapport aux personnages féminins qui peuplent les Vies de collège et les autres romans d’André Laurie. Cette rupture ne se situe pas au niveau des savoirs. Tout au contraire, l’auteur des Vies de collège fait de l’instruction de ses personnages féminins l’indice, non pas d’une modernité, mais d’une permanence. Réformer l’éducation des filles en introduisant l’enseignement du latin, voire du grec, serait conforme, selon le romancier, à une certaine tradition nationale. Tandis qu’un personnage de L’Oncle de Chicago rappelle que Mme de Sévigné, « le type achevé de la Française » (OC, 63) selon lui, « savait le latin » (OC, 60), cinq ans plus tard, L’Escholier de Sorbonne, un volume situé au xvie siècle, comprend des femmes qui ont étudié le latin. Pour remercier la famille parisienne qui l’a adopté, le héros baptisé Thibaut Le Franc enseigne le grec et le latin à leurs filles. Les Américaines diplômées de L’Oncle de Chicago surprennent cependant dans un univers romanesque où les études sont dépourvues d’application pratique pour les jeunes filles. L’avenir des héroïnes d’André Laurie s’inscrit ainsi entre les « potages37 » confectionnés par Clélia Raynal dans Tito le Florentin et les « confitures38 » et les « pantoufles39 » brodées qui sont les activités qui conviennent à une épouse française d’après L’Héritier de Robinson, un roman d’aventures coloniales paru en 1884. Ainsi le détour américain témoigne-t-il de la prudence d’André Laurie quand il s’agit de réformer l’éducation des filles : sous sa plume, le type de la femme qui acquiert des diplômes pour travailler demeure exotique et, à la différence de Joséphine-Blanche Colomb, l’auteur des Vies de collège n’en propose pas l’importation en France.

Bibliographie

Sources primaires

Romans (éditions originales)

Colomb Joséphine-Blanche, Deux mères, Paris, Hachette, 1875. [Édition de 1876 en ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6512088n]

Colomb Joséphine-Blanche, Feu de paille, Paris, Hachette, 1881. [En ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6512713b]

Colomb Joséphine-Blanche, Les Étapes de Madeleine, Paris, Hachette, 1882. [Édition de 1900 en ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5698286m]

Colomb Joséphine-Blanche, Pour la muse, Paris, Hachette, 1884.

Colomb Joséphine-Blanche, Mon oncle d’Amérique, Paris, Hachette, 1890. [En ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5657307x]

Colomb Joséphine-Blanche, Hélène Corianis, Paris, Hachette, 1893. [Édition de 1907 en ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5679811q]

Laurie André, La Vie de collège en Angleterre, Paris, Hetzel, 1881. [En ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5340443z]

Laurie André, Mémoires d’un collégien, Paris, Hetzel, 1882. [En ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6556635x]

Laurie André, Une année de collège à Paris, Paris, Hetzel, 1883. [En ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65772785]

Laurie André, Histoire d’un écolier hanovrien. (Collège et université), Paris, Hetzel, 1884. [En ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5340444c]

Laurie André, L’Héritier de Robinson, Paris, Hetzel, 1884. [En ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65669995]

Laurie André, Tito le Florentin, Paris, Hetzel, 1885. [En ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6571620g]

Laurie André, Autour d’un lycée japonais, Paris, Hetzel, 1886. [Édition de 1888 en ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k68850w]

Laurie André, Le Bachelier de Séville, Paris, Hetzel, 1887. [En ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6567133z]

Laurie André, Mémoires d’un collégien russe, Paris, Hetzel, 1889. [En ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6577281n]

Laurie André, Axel Ebersen, le gradué d’Upsala, Paris, Hetzel, 1891. [Réédition en ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5806028v/f272.item]

Laurie André, L’Écolier d’Athènes, Paris, Hetzel, 1896. [En ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65672124]

Laurie André, L’Oncle de Chicago. Mœurs scolaires en Amérique, Paris, Hetzel, 1898. [En ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97391452/f11.item]

Laurie André, À travers les universités de l’Orient. Le Tour du globe d’un bachelier. Paris, Hetzel, 1901 [Édition de 1904 en ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k662277]

Laurie André, L’Escholier de Sorbonne, Paris, Hetzel, 1902.

Laurie André, Un semestre en Suisse, Paris, Hetzel, 1904. [Édition de 1905 en ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65669216]

Archives

Joséphine-Blanche Colomb (contrats, dossiers de succession, correspondance), dossier « HAC.14.1 », archives Hachette, IMEC.

Correspondance Grousset/Hetzel, archives Hetzel, NAF 16957, fos 1-658, BnF. [En ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10084767s]

Autres sources

« Loi du 21 décembre 1880 sur l’enseignement secondaire des jeunes filles », Journal officiel du 22 décembre 1880. [En ligne sur le site du sénat : https://www.senat.fr/evenement/archives/D42/dec1880.pdf]

Buisson Ferdinand, Rapport sur l’instruction primaire à l’Exposition universelle de Philadelphie en 1876, présenté à M. le ministre de l’Instruction publique au nom de la commission envoyée par le ministère de Philadelphie, Paris, Imprimerie nationale, 1878. [En ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bd6t5368615b/f7.item]

Ferry Jules, Discours et opinions de Jules Ferry, 7 vol., éd. Paul Robiquet, t. 1 : Le Second Empire – La Guerre et la Commune, Paris, Armand Colin, 1893-1898. [En ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62162705/f11.item]

Hippeau Célestin, L’Instruction publique aux États-Unis. Écoles publiques, collèges, universités, écoles spéciales. Rapport adressé au ministre de l’Instruction publique, Paris, Didier, 1870. [Édition de 1872 en ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k220767r]

Ladreyt Marie-Casimir, L’Instruction publique en France et les écoles américaines, Paris, Hetzel, 1883.

Loizillon Marie, L’Éducation des enfants aux États-Unis. Rapport présenté à M. le ministre de l’Instruction publique après une mission officielle, Paris, Hachette, 1883. [En ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5507455q]

Passy Paul, L’Instruction primaire aux États-Unis. Rapport présenté au ministre de l’Instruction publique, Paris, C. Delagrave, 1885.

Sources secondaires

Del Lungo Andrea et Louichon Brigitte (dir.), La Littérature en bas-bleus, t. III : Romancières en France de 1870 à 1914, Paris, Classiques Garnier, « Masculin/féminin dans l’Europe moderne », 2017, 349 p.

Guillaume Isabelle, Regards croisés de la France, de l’Angleterre et des États-Unis dans les romans pour la jeunesse (1860-1914). De la construction identitaire à la représentation d'une communauté internationale, Paris, Honoré Champion, « Bibliothèque de littérature générale et comparée », 2009, 456 p.

Evans Sara M., Les Américaines. Histoire des femmes aux États-Unis, trad. de Born for Liberty. A History of Women in America par Brigitte Delorme, Paris, Belin, 1991, 604 p.

Lebecq Pierre-Alban (dir.), Paschal Grousset. Éducation et littérature pour la jeunesse, Reims, Épure (Éditions et presses universitaires de Reims), « Sport, acteurs & représentations », 2020, 343 p.

Marcoin Francis, Librairie de jeunesse et littérature industrielle au xixe siècle, Paris, Honoré Champion, « Histoire culturelle de l’Europe », 2006, 896 p.

Matasci Damiano, L’École républicaine et l’étranger. Une histoire internationale des réformes scolaires en France. 1870-1914, Lyon, ENS éditions, 2015, 276 p. [En ligne sur OpenEdition : DOI 10.4000/books.enseditions.3851]

Mayeur Françoise, L’Éducation des filles en France au xixe siècle, Paris, Hachette, « Le temps et les hommes », 1979, 205 p.

Montagutelli Malie, L’Éducation des filles aux États-Unis de la période coloniale à nos jours, Paris, Ophrys-Ploton, « Civilisation », 2003, 192 p.

Noël Xavier, Paschal Grousset. De la Commune de Paris à la Chambre des députés, de Jules Verne à l’olympisme, Bruxelles, les Impressions nouvelles, 2010, 416 p.

Notes

1 Ce texte est celui d’une communication présentée à l’occasion de la séance de séminaire du groupe de travail FabLiJes intitulée « Discours éducatifs et éducation des filles par la littérature : former, réformer, conformer ? ». Il prolonge l’ouvrage Regards croisés de la France, de l’Angleterre et des États-Unis dans les romans pour la jeunesse (1860-1914), Honoré Champion, 2009, et l’article « Joséphine-Blanche Colomb : les jeunes filles modèles acquièrent une profession », dans Andrea Del Lungo et Brigitte Louichon (dir.), La Littérature en bas-bleus, t. III : Romancières en France de 1870 à 1914, Classiques Garnier, 2017, p. 113-130. Retour au texte

2 La revue est sous-titrée « Nouveau recueil hebdomadaire pour les enfants de 10 à 15 ans ». Retour au texte

3 Francis Marcoin, Librairie de jeunesse et littérature industrielle au xixe siècle, Honoré Champion, 2006, p. 268. Sauf mention contraire, le lieu d’édition des ouvrages cités est Paris. Retour au texte

4 Joséphine-Blanche Colomb, Mon oncle d’Amérique [1890], Hachette, 1921, p. 89. Désormais abrégé OA, suivi du numéro de la page. Retour au texte

5 La Vie de collège en Angleterre (1881), Mémoires d’un collégien (1882), Une année de collège à Paris (1883), Histoire d’un écolier hanovrien (1884), Tito le Florentin (1885), Autour d’un lycée japonais (1886), Le Bachelier de Séville (1887), Mémoires d’un collégien russe (1889), Axel Ebersen, le gradué d’Upsala (1891), L’Écolier d’Athènes (1896), L’Oncle de Chicago (1898), À travers les universités de l’Orient (1901), L’Escholier de Sorbonne (1902), Un semestre en Suisse (1904). Dans un article récent paru dans un ouvrage qu’il a dirigé, Pierre-Alban Lebecq a étudié le volume des Vies de collège paru en 1898 et De New York à Brest en sept heures, deux récits dans lesquels André Laurie s’inscrit dans le débat sur l’éducation des filles en représentant des Américaines. Tout en reconnaissant l’ambivalence de cette représentation, il conclut que le romancier est le « défenseur d’une éducation des filles égale à celle des garçons et en faveur d’une plus grande participation sociale de celles-ci » (Pierre-Alban Lebecq, « Pour qui roule la “belle Américaine” ? », dans id. (dir.), Paschal Grousset. Éducation et littérature pour la jeunesse, Reims, Épure, 2020, p. 293). Retour au texte

6 Il arrive « à San Francisco le 21 mai. Grousset est à New York le 2 juin et, le 20 juin 1874, à Londres » (Xavier Noël, Paschal Grousset. De la Commune de Paris à la Chambre des députés, de Jules Verne à l’olympisme, Bruxelles, les Impressions nouvelles, 2010, p. 124). Retour au texte

7 « Aux États-Unis on peut dire que c’est la règle et que la culture nationale s’est réfugiée chez les femmes. Je me rappelle la famille d’un chiffonnier auvergnat établi à San Francisco et qui savait à peine signer son nom : ses filles étaient élevées comme des duchesses. Cette grossièreté du sexe fort est acceptée dans les pays neufs comme une fatalité inévitable. Le mari s’appelle le bread winner, le “gagneur de pain”, la bête de somme. La femme se réfugie dans l’idéal et dans l’art. » (Ph. Daryl [pseud. de Paschal Grousset], lettre à Pierre-Jules Hetzel du 18 mars 1881, Archives Hetzel, NAF 16957, fos 68-70, ici fo 69.) Le manuscrit de L’Étoile du Sud que Paschal Grousset a signé de son pseudonyme Philippe Daryl est conservé par la bibliothèque municipale de Nantes. Sa consultation montre que Jules Verne a peu remanié ce roman d’aventures, se limitant à supprimer quatre chapitres et à en ajouter deux. Retour au texte

8 Malie Montagutelli indique en chiffres le succès de la mixité dans les établissements secondaires américains : « Pendant les vingt dernières années du dix-neuvième siècle, le principe de coeducation progresse rapidement. Un rapport d’enquête publié en 1883 par le Bureau fédéral à l’Éducation indique que, pour l’année précédente, sur les 196 villes sur lesquelles a porté l’enquête, dix-neuf avaient des high schools ségréguées par sexe ; à la fin du siècle, l’enquête a été élargie à 626 villes et seule douze villes n’ont encore aucun établissement secondaire mixte. La mixité se révèle être un excellent moyen de remplir les établissements car les filles sont beaucoup plus nombreuses à vouloir faire des études secondaires que ne le sont les garçons » (Malie Montagutelli, L’Éducation des filles aux États-Unis de la période coloniale à nos jours, Ophrys-Ploton, 2003, p. 59). Malie Montagutelli fait aussi état des polémiques qui, tout au long du siècle, ont accompagné, à la fois, l’allongement de la durée des études féminines et la progression de la mixité au niveau primaire, secondaire et supérieur. Retour au texte

9 Dans la partie « La mixité dans les écoles américaines telle que l’ont vue des observateurs français » de L’Éducation des filles aux États-Unis de la période coloniale à nos jours (ibid., p. 111-119), Malie Montagutelli rassemble et présente des extraits de cinq témoignages : L’Amérique actuelle (1869) d’Émile Jonveaux, L’Instruction publique aux États-Unis (1870) de Célestin Hippeau, Rapport sur l’instruction primaire à l’Exposition de Philadelphie en 1876 (1878) de Ferdinand Buisson, Trois mois d’éducation aux États-Unis. Notes et impressions d’un professeur français (1912) de Gustave Lanson, Les Universités et la vie scientifique aux États-Unis (1917) de Maurice Caullery. Sur la question des comparaisons internationales, Damiano Matasci a signé l’ouvrage de référence L’École républicaine et l’étranger. Une histoire internationale des réformes scolaires en France. 1870-1914 (Lyon, ENS éditions, 2015) mais le tableau fourni sur la répartition des thèmes des missions pédagogiques françaises ne recense que deux titres portant sur l’« éducation des femmes » (ibid., p. 32). Retour au texte

10 Célestin Hippeau, L’Instruction publique aux États-Unis, Didier, 1870, p. 130. Après avoir enseigné la littérature à l’université de Caen, Célestin Hippeau (1803-1883) est en retraite quand Victor Duruy l’envoie en mission aux États-Unis en 1867. Il en rapporte l’ouvrage paru en 1870 et réédité en 1872 et en 1878. Retour au texte

11 Ibid., p. 127. Retour au texte

12 Ferdinand Buisson, Rapport sur l’Instruction primaire à l’exposition universelle de Philadelphie en 1876, Imprimerie nationale, 1878, p. 129. Né dans une famille protestante, agrégé de philosophie, directeur de l’Instruction primaire de 1879 à 1896, Ferdinand Buisson (1841-1932) est l’un des réformateurs de l’école républicaine. Retour au texte

13 Marie-Casimir Ladreyt, L’Instruction publique en France et les écoles américaines, Hetzel, 1883, p. 75. Dans l’avant-propos de son ouvrage qui lui a valu de remporter le concours pour l’extinction du paupérisme institué par Isaac Pereire, Marie-Casimir Ladreyt se dit « de naissance américaine, de sang français » (ibid., p. 12). Dans sa livraison du 5 juillet 1882, La Citoyenne rend hommage à la lauréate présentée comme « une Française, établie à Boston » (« Mme Casimir Ladreyt », La Citoyenne, no 61, 5 juin au 2 juillet 1882, p. 1). Retour au texte

14 Paul Passy, L’Instruction primaire aux États-Unis. Rapport présenté au ministre de l’Instruction publique, Delagrave, 1885, p. 41. Co-fondateur de l’Association phonétique internationale en 1886, Paul Passy (1859-1940) a été directeur d’études à la section des sciences historiques et philologiques de l’École Pratique des Hautes Études de 1894 à 1926. Retour au texte

15 Marie Loizillon, L’Éducation des enfants aux États-Unis. Rapport présenté à M. le ministre de l’Instruction publique après une mission officielle, Hachette, 1883, p. 89. Née en 1820, Marie Célestine Loizillon a occupé le poste de déléguée, d’abord spéciale, puis générale, pour les salles d’asile de plusieurs académies de 1855 à 1884. Dans ce cadre, elle a réalisé des missions d’inspection de salles d’asile et d’écoles de filles. Le sommaire du chapitre 7 de son rapport, « Coéducation des sexes », résume son point de vue sur la question : « Ses bons effets jusqu'à dix ou douze ans. Ses inconvénients plus tard ». Retour au texte

16 Ibid., p. 90. Retour au texte

17 André Laurie, L’Oncle de Chicago. Mœurs scolaires en Amérique, Hetzel, 1898, p. 54. Désormais abrégé OC, suivi du numéro de la page. Retour au texte

18 Malie Montagutelli, L’Éducation des filles aux États-Unis, opcit., p. 63. Retour au texte

19 André Laurie, Tito le Florentin, Hetzel, 1885, p. 28. Retour au texte

20 Joséphine-Blanche Colomb, Deux mères, Hachette, 1875, p. 214. Retour au texte

21 Joséphine-Blanche Colomb, Pour la muse [1884], Hachette, 1935, p. 16. Retour au texte

22 Ibid., p. 37. Retour au texte

23 « Loi du 21 décembre 1880 sur l’enseignement secondaire des jeunes filles », Journal officiel du 22 décembre 1880, p. 1, Art. 8. Retour au texte

24 « L’enseignement comprend : 1o l’enseignement moral ; 2o la langue française, la lecture à haute voix, et au moins une langue vivante ; 3o les littératures anciennes et modernes ; 4o la géographie et la cosmographie ; 5o l’histoire nationale et un aperçu de l’histoire générale ; 6o l’arithmétique, les éléments de la géométrie, de la chimie, de la physique et de l’histoire naturelle ; 7o l’hygiène ; 8o l’économie domestique ; 9o les travaux d’aiguille ; 10o des notions en droit usuel ; 11o le dessin ; 12o la musique ; 13o la gymnastique » (ibid., Art. 4). Retour au texte

25 Jules Ferry, « Discours sur l’égalité d’éducation », dans Discours et opinions de Jules Ferry, éd. Paul Robiquet, t. 1, Armand Colin, 1893-1898, p. 304. Retour au texte

26 Sara M. Evans, Les Américaines. Histoire des femmes aux États-Unis, trad. Brigitte Delorme, Belin, 1991, p. 250. Retour au texte

27 André Laurie, Tito le Florentin, Hetzel, 1885, p. 28. Retour au texte

28 Joséphine-Blanche Colomb, Les Étapes de Madeleine, Hachette, 1882, p. 14. Retour au texte

29 Françoise Mayeur, L’Éducation des filles en France au xix e siècle, Hachette, 1979, p. 10. Retour au texte

30 Joséphine-Blanche Colomb, Feu de paille, Hachette, 1881, p. 226. Retour au texte

31 Ibid., p. 233. Retour au texte

32 Ibid., p. 58. Retour au texte

33 Joséphine-Blanche Colomb, Hélène Corianis [1893], Hachette, 1907, p. 303. Retour au texte

34 Ibid., p. 123. Retour au texte

35 Ibid. Retour au texte

36 Ibid., p. 183. Retour au texte

37 André Laurie, Tito le Florentin, op. cit., p. 28. Retour au texte

38 André Laurie, L’Héritier de Robinson, Hetzel, 1884, p. 34. Retour au texte

39 Ibid. Retour au texte

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Référence électronique

Isabelle Guillaume, « Voyager pour réformer l’éducation des jeunes Françaises dans les romans de Joséphine-Blanche Colomb et Les Vies de collège d’André Laurie », Cahiers Fablijes [En ligne], 2 | 2024, mis en ligne le 02 décembre 2024, consulté le 06 septembre 2025. URL : https://publications-prairial.fr/fablijes/index.php?id=358

Auteur

Isabelle Guillaume

Université de Pau et des Pays de l’Adour – ALTER (UR 7504)

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