En prélude à une nécessaire mutation éditoriale et technique, la revue Iris reprend ses livraisons sous une forme renouvelée. Son comité scientifique international ainsi que son comité de lecture ont été étendus et renforcés. Son contenu a été repensé. Sa présentation s’adapte aux contraintes d’une future publication en ligne.
Si son domaine de prédilection reste les recherches sur l’imaginaire, c’est-à-dire les études pluridisciplinaires sur les mythes, images et symboles, la revue ne se présentera plus exclusivement sous la forme d’un numéro thématique. Son sommaire se déclinera désormais en trois sections d’importance aussi égale que possible.
La première intitulée « Méthodes » entend porter une attention particulière aux questions théoriques et méthodologiques relatives à l’imaginaire. Ce que l’on appelait jadis « le nouvel esprit anthropologique » a laissé place aujourd’hui à de nombreux courants et mouvances. Même s’ils ne se réfèrent plus explicitement à l’œuvre de Gilbert Durand, promoteur indiscutable du concept d’imaginaire, ils approfondissent des domaines qui ont toujours été ceux du CRI, dès ses origines. Il est utile de refaire périodiquement le point sur les avancées, les retards et les permanences des propositions méthodologiques en matière d’imaginaire.
La deuxième section « Topiques » réunira des contributions autour d’un thème ou d’une question qui a fait l’objet d’une réflexion collective et concertée au sein du CRI de Grenoble. Le choix d’une même thématique par plusieurs chercheurs de disciplines différentes ne garantit pas l’orientation pluridisciplinaire de ladite recherche. Il faut également que les fondements théoriques adoptés par chacun dans sa spécialité soient compatibles avec ceux des autres chercheurs pour permettre l’innovation critique.
La troisième section « Facettes » accordera une place conséquente aux travaux des jeunes chercheurs (doctorants ou docteurs travaillant dans les centres de recherche sur l’imaginaire français ou étrangers). Il est souvent difficile pour les nouveaux chercheurs de trouver un lieu propice à l’expression de leur pensée. La présence de leurs travaux à côté de ceux de chercheurs confirmés doit les encourager à suivre et même dépasser les traces de leurs aînés.
Des comptes rendus d’ouvrages envoyés à la rédaction concluront chaque livraison.
Pour le présent numéro, la partie « Méthodes » rassemble des études d’orientation mythanalytique. L’une présentée par le professeur Madondo aborde la question du lien entre le mythe et le rite à partir du motif de la catabase orphique en Afrique. Le problème des archétypes affleure dans la « mise en scène eurythmique du contenu d’un mythe ». L’autre étude émanant d’une chercheuse mexicaine (Madame le professeur Solares) interroge l’archétype de la féminité en Mésoamérique dont le culte est en pleine contradiction avec la structure patriarcale guerrière de la société. Elle souligne combien le mythe et le rite (sacrifices humains) cherchent à résoudre idéalement les contradictions d’une société. Lorsqu’ils n’y parviennent plus, ces sociétés s’effondrent comme ce fut le cas en Mésoamérique. Deux autres contributions (celles des professeurs Neklioudov et Berezkin) sont le fruit d’une coopération entre le CRI de Grenoble et des universités russes (ou anciennement associées à l’URSS) dans le cadre d’un programme international de recherche dénommé INTAS (INTernational ASsociation for the promotion of cooperation with scientists from the new independant States of the former Soviet Union – Association internationale pour le développement de la coopération avec les chercheurs des nouveaux états indépendants de l’ancienne Union soviétique). Ce projet INTAS associait au CRI de Grenoble, pour une période de deux ans (2006 et 2007), les universités de Sofia (Bulgarie), Tartu (Estonie), Douchanbé (Tadjikistan), Ijevsk (République autonome d’Oudmourtie, Russie), l’université d’État des sciences humaines de Moscou ainsi que le Musée d’anthropologie de Saint-Pétersbourg et l’Institut de l’Orient à Moscou. Le thème du projet était : A reconstruction of prehistoric Eurasian mythological motif complexes and their most ancient distribution in connection with genetic data (Reconstruction du système des motifs mythiques de l’ancienne mythologie eurasiatique : étude génétique et distributionnelle). Un bilan partiel des travaux est présenté ici. L’une des études aborde la question de la géomythologie (cartographie des principaux motifs mythiques), domaine de recherche totalement ignoré en France, et l’autre celle de la schématisation narrative dans les récits traditionnels (P. Ricœur évoquait à cet égard la notion de « reconfiguration » narrative). Cette étude valide a posteriori l’intuition des récits-types et la typologie qui en résulta avec les travaux d’Aarne et Thompson.
Dans la partie « Topiques » sont rassemblées cinq études autour des imaginaires du corps menées dans la cadre des séminaires du CRI. Il s’agit d’une véritable pluridisciplinarité appliquée visant à faire converger les apports de la psychologie (C. Fintz), de l’ethnologie (C. Guméry), de l’anthropologie culturelle (V. Adam), de la philosophie (V. Costa), de la chorégraphie (M.-A. Villard) dans l’étude d’une même réalité : le corps humain en action. La notion d’énergie relie ces cinq réflexions, pour mieux saisir les jeux d’infiltration de la substance et du sens dans la forme.
Quatre jeunes chercheurs du CRI présentent enfin leur recherche qui explorent tantôt les plis imaginaires du discours scientifique sur les nanotechnologies (S. Chifflet), l’importance de l’affectivité dans la définition d’une archétypologie renouvelée (N. Schunadel), les liens entre la poétique et l’imaginaire (B. Charnier) et l’approche constrative dans l’étude culturelle de la féminité au Japon et en France au Moyen Âge.
Toutes ces études ont un évident point commun : saisir l’imaginaire non seulement comme une puissante énergie de transformation toujours à l’œuvre dans la création ou la re-création des formes plastiques ou poétiques, mais aussi comme l’impensé toujours agissant dans les sociétés les plus diverses à toutes les époques.