« L’art procure à la condition humaine imparfaite et mortelle une sorte de majoration en dignité. Il est gros d’une religion. »
Gilbert Durand
(Beaux-arts et archétypes, 1989, p. 24)
« La tâche de l’artiste n’est-elle-pas de transfigurer, de transmuer — l’alchimiste est l’artiste par excellence — la matière grossière et confuse — materia grossa et confusa — en un métal étincelant ? Toute conclusion d’un poète doit être celle de Baudelaire : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or. »
Gilbert Durand
(« La Création littéraire. Les fondements de la Création littéraire », 1990, p. 398)
Dans notre étude nous voulons à la fois offrir un résumé de la conception de la création en général, et littéraire en particulier, dans la pensée de Gilbert Durand, et comprendre en quoi consiste le rôle configurateur de la création artistique, c’est-à-dire les effets de l’œuvre d’art qui met toujours en œuvre des thèmes, des styles, des techniques et des régimes de l’image. Lié à l’inépuisable fécondité de toute grande œuvre, ce rôle configurateur devrait tenir compte des tensions constitutives de l’œuvre, soit entre certains thèmes et le style, soit entre les thèmes et le régime profond de l’Imaginaire1.
Nous considérerons les idées de G. Durand sur la création artistique et littéraire en deux temps : le premier traitera du thème de la création en général ; le second portera sur l’impératif de la création littéraire.
De la création
La conception de la création chez G. Durand fait un appel constant au dialogue entre les facteurs psychologiques — « psychanalytiques » —, voire existentiels, les facteurs sociohistoriques et l’imaginaire que nous identifions ici « à l’ensemble des impressions vagues et subjectives, à l’évanescence des thèmes du rêve, à celle des désirs de la psyché, des numinosités absurdes de l’archétype » (Durand, 1990, p. 391). Autrement dit, G. Durand refuse que l’explication d’une œuvre littéraire ou de peinture soit réduite à la recherche de ses « causes » objectives (Lukács, Goldman…) ou subjectives (Mauron, Baudouin, Dubrovsky…). Dans ce contexte, l’auteur cherche un troisième terme, même une sorte d’impératif, qui puisse faire le pont entre l’objectif et le subjectif : il s’agit de faire face à un certain dualisme qui a son origine dans la scolastique médiévale, se poursuit au xviie siècle dans le sillage du cartésianisme et à la fin du xviiie siècle dans la mouvance des « synthèses » des philosophies de l’histoire et de l’ensemble des fait expérimentaux et des données événementielles conceptualisées (Durand, 2015, p. 21-41). G. Durand vise à trouver l’impératif de l’œuvre (ce qu’il dénomme le « Lointain », dont nous parlerons plus loin) au-delà des données sociales, héritages culturels, sédiments lexicaux, moments historiques, instances économiques ou politiques, « problèmes » psychologiques, situations psychanalytiques ou existentielles2 :
Entre le champ de l’objectivité des faits, des données, des événements sociaux et historiques et celui de la subjectivité d’ordre psychologique ou existentiel, le champ de l’œuvre scientifique, artistique ou littéraire, obéit à un impératif : non seulement surgit un « Fiat lux ! », mais la lumière ainsi créée — modèle mythique de toute création — est en elle-même un « fiat » : celui de tous les éclairages, de toutes les illuminations. (Durand, 1990, p. 391)
L’important est donc de trouver le « Fiat lux ! », modèle mythique de toute création, ce qui permet par conséquent d’éclairer et d’illuminer le sens de la vraie création (Wunenburger, 2005, p. 69-84). C’est ainsi qu’on peut affirmer que ce « Fiat lux ! » n’est pas autre chose que l’impératif de l’œuvre. Et c’est précisément cet impératif, tel l’« âge d’or » de l’œuvre d’art ou littéraire3, qu’il faut chercher si nous voulons comprendre pourquoi une œuvre est créatrice — et, d’après G. Durand, elle l’est doublement :
Elle est d’abord créatrice de la psyché collective (au sens non junguien du terme) d’une époque, d’un milieu social qu’elle informe. Cette créativité sociale peut être formulée par une théorie de la réception (Rezeptionstheorie), selon laquelle c’est bien l’œuvre qui crée la sensibilité d’un groupe, contrairement à l’hypothèse réductrice inverse. […] Mais surtout, l’œuvre est créatrice d’elle-même. Dire qu’elle est ainsi causa sui, c’est d’emblée lui accorder sinon le statut d’une théophanie, du moins, celui du mythe fondateur, d’une croyance et d’une adhésion profondes. Certes toute littérature « profane » dérive d’un récit religieux, quelquefois d’un récit véritablement fondateur. […] Toute œuvre est démiurgique : elle crée, par des mots et des phrases, une « terre nouvelle et un ciel nouveau ». (Durand, 1990, p. 391)
L’œuvre littéraire notamment, l’œuvre d’art en général, ne se réduisent pas aux structures psychologiques de son auteur, « parce que toute production humaine peut indistinctement exprimer des sentiments, des situations, des caractères positifs, ou projeter des désirs, des aspirations irréelles autant qu’irréalisables, des compensations délirantes » (Durand, 1979, p. 119). Autrement dit, si l’on peut affirmer qu’une œuvre d’art donnée peut être l’illustration autobiographique de son créateur et la production d’un contexte socioculturel et historique déterminé, sinon même du milieu et du moment, cela ne veut pas dire que l’œuvre d’art se laisse réduire à la personnalité psychologique de son auteur ou à la culture elle-même : elle n’est ni un produit de la biographie psychique et psychosociale, ni un produit de l’histoire politique, militaire ou économique (ibid., p. 120). L’art représente souvent une sorte d’« anti-destin » (André Malraux). Dans ce contexte, G. Durand refuse l’explication provenant du structuralisme formel4, il affirme que « l’œuvre d’art ne se réduit pas plus à ses motivations psychologiques ou sociologiques qu’à un ensemble de calques explicatifs » (ibid., p. 120). Autrement dit, une œuvre d’art ne pourrait pas se réduire à la somme, bien que cohérente et structurée, de ses formes intrinsèques, car toute création a besoin du génie humain5 :
Par l’œuvre, l’artiste créateur se conjoint, dans sa subjectivité la plus intime, avec tout le contenu de sa culture, de son expérience, de sa condition : c’est le mariage de son désir créateur et des formes. Mais aussi par l’œuvre, l’amateur — et ce mot doit prendre ici un sens pathétique — à son tour se conjoint à l’univers culturel que lui propose un homme. Ainsi la culture et l’histoire, d’œuvre en œuvre, comme en un inépuisable plérome d’individuations, apparaissent bien comme un déferlement prodigieux de formes qui ne viennent à l’être, c’est-à-dire au sens prégnant, que par la création incessante du génie humain. (Ibid., p. 156)
Dans le sillage de G. Durand, nous pouvons soutenir trois grandes lignes dont l’ensemble nous aide à mieux saisir la « nature» de l’œuvre :
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1re ligne : ce n’est plus le style qui est l’homme, mais plutôt « “l’homme c’est l’œuvre”, avec son style et son message ». Ainsi, il faut retenir la singularité créatrice de l’œuvre (ibid., p. 121) ;
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2e ligne : « La connaissance de l’œuvre […] doit se refuser à choisir entre explication et compréhension, mais surtout doit se refuser à choisir un système cohérent de mise en forme explicative ou compréhensive (existentielle). C’est le refus d’un ordre de structures “infrastructurantes”, préétablies par rapport à l’œuvre, car c’est l’œuvre qui crée et produit structures et formes harmoniques, contraires ou conflictuelles » (ibid., p. 121-122)6 ;
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3e ligne : pour connaître une œuvre il faut suivre la dynamique des tensions structurales.
L’œuvre n’est comprise qu’à travers un réseau de structures hétérogènes, disparates et quelquefois antagonistes qu’elle seule unifie par son unicité. La tension structurale est l’essence de l’œuvre aussi bien du « fiat » de la « Schöpfung » que de « l’apparaître » de la « Gestaltung ». C’est dans la compréhension de cette tension que réside la connaissance la plus adéquate de l’œuvre. (Ibid., p. 122)
Les notions de Schöpfung et de Gestaltung sont les deux notions antagonistes constitutives de l’œuvre d’art. La première notion signifie « l’individualité irréductible de l’œuvre, son unicité essentielle résultant de son incarnation existentielle dans un acte humain d’abord, dans un matériau de circonstance ensuite » ; la deuxième « nous oriente plutôt vers l’objectivité informative qui rend l’œuvre traduisible en des formes, c’est-à-dire à la merci de toutes les analyses, offerte à toutes les critiques et à leurs réductions explicatives » (ibid., p. 118). On doit faire un effort compréhensif pour dépasser les deux notions antagonistes constitutives de l’œuvre d’art par la notion allemande d’« Aufhebung » (dépassement) :
La Schöpfung ne se réduit jamais aux différentes Gestalt, formes ou structures, c’est elle qui est Gestaltung, « donatrice et rectrice des formes ». Ces dernières seraient « lettre morte » sans la signifiance créatrice qui les présentifie dans l’œuvre. Et j’aimerais mieux caractériser cette prégnance du dynamisme intelligent de la création par le terme allemand Aufbaüung. Créer c’est construire bien plus que former. (Ibid., p. 152-153)
Pour mieux appréhender l’âme d’une œuvre, d’après G. Durand, il faut tenir compte de trois grandes zones d’explication (ou trois zones structurables) : le thème (concernant des concepts sociaux et des stéréotypes en place), le style (qui regarde les aptitudes et moyens techniques) et le régime d’image (indiqué par les motifs symboliques et qui montre les penchants imaginaires subjectifs, le « caractère » imaginal de l’auteur) : « L’analyse structurale en profondeur met donc nettement en évidence la dialectique entre la structure des thèmes et la structure des régimes profonds de l’Image, soutenus par les penchants du style pictural. » (Ibid., p. 130)
La création littéraire est un événement qui s’impose à tout créateur ou artiste lequel, tel Pygmalion7, doit prêter son oreille au murmure des muses qui l’inspirent bien au-delà de l’influence de son temps, du mélange d’une tradition artistique donnée et des tendances à la mode, etc. Il doit apprendre à écouter l’appel du Lointain comme s’agissant d’un impératif qui n’est autre chose qu’un appel du « Tout autre ». L’artiste éprouve comme une sorte de convocation d’un Lointain qui commande sa propre création : « La muse, c’est toujours la distance du désir, la distance à Béatrice, à Elvire, à Charlotte, à Dulcinée. Car l’aimée [une muse qui, toujours, est “bien-aimée lointaine”] est pour l’homme ce Lointain imprescriptible et cette “invitation” éternelle “au voyage”. » (Durand, 1990, p. 399) Un Lointain qui ordonne, c’est-à-dire qui commande, d’une part parce que c’est l’œuvre qui s’impose à son créateur, qui a le pouvoir en soi-même de s’agencer par une sorte de régulation interne, qui, par conséquent, échappe à son créateur ; d’autre part, parce que l’œuvre s’impose et influence son temps : « C’est l’œuvre d’art qui crée la culture, et c’est la culture — le monde du mythe, de la vision, de la sensibilité, du goût — qui en dernier ressort impose son inspiration à la société. » (Ibid., p. 400)8
Corrélativement à ce Lointain, nous ne pouvons pas non plus oublier le Génie de l’homme qui l’arrache à l’entropie de la matière et au temps même de l’histoire. C’est pourquoi le Génie spécifique de l’homme, toujours baigné dans l’eau de l’Imaginaire composé des multiples forces iconiques, des « rêveries », des songes, des fantasmes, des utopies, des mythes et des symboles, des idéologies, lutte « contre la mort et les terreurs de l’histoire, c’est-à-dire contre le retour inhumain à l’entropie de la matière » (Durand, 1989, p. 79). Pour mieux illustrer la nature de ce Lointain et du Génie de l’homme, nous ne pouvons mieux faire que de reprendre la métaphore catoptrique selon laquelle toute création artistique9 est constituée par trois miroirs, dont l’ensemble nous permet d’entrevoir le Lointain, tel le chant des Muses qui nous arrive de loin, cher à l’auteur, et aussi de nous apercevoir du Génie caché de l’artiste créateur : « D’un côté, miroir de Zeuxis comme miroir de Pygmalion se mettent au “régime nocturne” — par la couleur ou par la valeur — de l’âme, le miroir de Narcisse revendique la maîtrise diurne de la “manière”. » (Ibid., p. 61)
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Le premier miroir, appelé miroir de Zeuxis, traite du « réalisme » qui cherche la lumière (régime nocturne-synthétique ou disséminatoire) : il nous donne « à toucher, humer, goûter, entendre et voir une “réalité”. “Objets”, “faits”, “donnés” des sens sont réels » (ibid., p. 31, 29-41)10.
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Le deuxième, appelé miroir de Pygmalion, traite de l’expressionisme pictural qui cherche l’ombre (régime nocturne-mystique) et « reflète l’arrière-monde des désirs et des aspirations de l’âme. Il voudra pour ce faire toujours ajouter à l’objet ou au motif représenté le sens second du symbole, la dimension du sur-réel » (ibid., p. 47, 43-51)11.
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Le troisième, sous le signe de la ligne, traite du dessin, du décoratif, voire du spectaculaire, de l’ornemental (régime diurne-héroïque). Il s’agit d’un miroir du Beau formel « qui se mire lui-même, dans une pure jouissance ludique du pictural, du graphique et du plastique. Miroir de Narcisse en quelque sorte, puisqu’il se reflète lui-même. […] Bien sûr, ce qui encadre les reflets du miroir de Narcisse ne peut être que le décor italien » (ibid., p. 53 et 55, 53-61)12.
L’ensemble des trois miroirs nous aide à mieux comprendre la nature de la création qui se veut à la fois « réaliste », « expressionniste » et « ornementale ». Ils représentent à leur tour un dialogue entre les trois structures « archétypiques » (héroïque, mystique et synthétique)13 :
Et nos trois miroirs — pour prolonger cette métaphore catoptrique — lancent l’un vers l’autre des « éclats » ; les reflets peuvent s’échanger d’une catégorie archétypique, d’un climat esthétique à l’autre. En peinture comme dans toute œuvre humaine, il n’y a jamais de commencement absolu, et la genèse de l’œuvre est moins que toute autre soumise à un déterminisme mécanique, une fois pour toutes, « programmé ». (Ibid., p. 63)
Nous pouvons approfondir, par le biais de ces trois miroirs, la nature de l’acte créateur qui « loin de se réduire à des formes, est maîtrise de la disparité des formes et des matières ; c’est lui qui donne tel thème, tel style, tel régime, et les fond en des structures réellement constitutives de la dynamique de l’œuvre » (Durand, 1979, p. 152). D’une part, il n’y a pas d’acte créateur sans l’artiste et ses vertus14 (générosité, humilité, fraternité et fidélité au « Tout autre ») qui le prédisposent « à être le messager et le lévite de l’altérité » (Durand, 1989, p. 25). D’autre part, que serait l’acte créateur sans le génie de l’artiste, du public, de la tradition des maîtres et même de la culture ?
Cette reconnaissance initiale de l’ouverture de toute œuvre d’art à une triple altérité et à une circulation de bonheur esthétique et de sensibilité qui n’est possible que si l’on postule, derrière les différences, derrière les « variations », la grande unité anthropologique de l’homo archetypus. (Ibid.)
Un homo archetypus ennemi aussi bien de la condition humaine imparfaite que de toutes sortes d’iconoclasmes. Il s’agit bien d’un type d’homme plutôt ami des « récits visionnaires » des mystiques et des poètes, de la Beauté, du jugement de goût, du plaisir, enfin de la jouissance esthétique qui apporte à l’Homme universel et transculturel comme un supplément d’hominisation,
[…] qui conduit, ou reconduit, l’amateur d’art ou l’artiste aux portes du « Tout Autrement », comme Virgile puis Béatrice conduisent au plus haut de son chant le « Très Haut Poète ». Et cet « absolument autre » c’est la rose de la Transcendance qui laisse sa trace, sa marque, son appel dans l’immanence de notre monde. (Ibid., p. 24)
Dans ce contexte, nous nous demandons si toute œuvre d’art vraie n’est pas déjà une œuvre archétypique ouverte à une autre chose que l’ego, les climats culturels et temporels donnés, bref l’éphémère. La réponse nous conduit dès lors à l’esthétique de la réception15 chère à G. Durand, comme à d’autres16, car l’art, en tant que communication signifiante, a toujours besoin d’une œuvre et d’un public :
Pas d’art sans œuvre, pas d’œuvre sans l’autre — son « public ». Pas d’œuvre et de public sans une communauté singulière, une société humaine. […] Comme il n’y a pas d’œuvre d’art sans public, il n’y a pas de créateur artistique sans maître. L’altérité des « Maîtres d’autrefois » et des chefs-d’œuvre passés inspire et supporte la fièvre créatrice la plus émancipatrice. (Ibid., p. 20 et 22)
Il s’agit d’une communion entre le public et l’artiste, entre le Maître et son œuvre, qui devient grande quand elle consacre les grandes images visionnaires, archétypales. L’artiste inspiré de son Maître offre au public une ouverture archétypique, de nouvelles « Visions du Monde » (Weltanschauungen) tissées ou enveloppées d’une émotion, d’un désir qui cherche à s’incarner dans une sensibilité et une technique singulières : « Car l’artiste est, comme tout homme, homme de désir et de vision, mais ce qui fait sa grandeur c’est qu’il incarne son cri, son chant, l’érection de son désir ou l’éblouissement de sa vision en un objet — l’œuvre — offert, ouvert à l’Autre. » (Ibid., p. 20) Il offre à l’Autre ce qu’il a de mieux en soi-même — son Génie, son style personnel inspiré.
Pourtant, il faut admettre qu’une œuvre « doublement créatrice », en particulier littéraire, est « contrainte par deux limites », inférieure et supérieure. Pour la première, l’œuvre n’est qu’une description exhaustive des réalités qui tendent à « échapp[er] aux procédés de l’artiste », ce qu’illustrent les « réalismes » et les « existentialismes » ; tandis que « la limite supérieure consiste pour une œuvre d’art à se résorber, au contraire des réalismes, dans le jeu de ses procédures. Telle est la tentation des “formalismes”, qui hantent secrètement toute prosodie : assonances et rimes qui dépassent le sens […] » (Durand, 1990, p. 392). Quoi qu’il en soit, il nous faut aller plus loin, en suivant G. Durand, pour déceler l’impératif de la création littéraire, et ceci malgré les limites de l’œuvre ci-dessus mentionnées.
Autour de l’impératif de la création littéraire
G. Durand souligne que la création littéraire possède un statut transcendant et créatif, et par conséquent met en évidence quatre impératifs de la création — qu’il dénomme plutôt « instances motivantes » :
1 – Genèse du mythe, génie du lieu : une œuvre créatrice ne se laisse pas réduire aux éléments de la race, du milieu ou du moment. Elle se laisse plutôt séduire par les « Topoi », « Kairos », « Personæ » et « Logoi »17 pour mieux créer une « terre et un ciel nouveaux » qui exigent toujours une transmutation des lieux, des personnages, des destins et des lexiques :
« Un ciel nouveau et une nouvelle terre », mais faits par l’homme et pour lui, où les lieux, les topoi privilégiés, demeurent, même dans les fictions les plus poussées, comme les paysages, les cités, les maisons que lisent et découpent, dans la nébuleuse monstrueuse où se situe notre terre, des exils, des repos et des exodes d’homme. Terres des hommes et cieux des hommes, oui18. (Durand, 1999, p. 399)
L’œuvre créatrice s’intéresse moins au lexique, à la grammaire, à la phonétique pour dire ce « nouveau monde » qu’au rôle qu’y joue l’implication de certains éléments dans l’engendrement de l’œuvre par elle-même : « L’œuvre est un “impliquant” créateur d’un espace, d’un temps, d’un héros, d’un langage qui émergent d’un “ailleurs” absolu. Elle ressort non pas du principe de causalité, mais comme toute production imaginaire ou visionnaire, du “principe d’arrachement”. » (Durand, 1990, p. 392) Enfin, il ne faut pas oublier que « l’œuvre littéraire crée son espace, sa région, son paysage nourricier » (ibid., p. 393).
2 – « Une histoire immortelle » : dans l’œuvre vraiment créatrice, les « personæ », c’est-à-dire les protagonistes et leurs actes, prennent une stature épique, comme le statut héroïque d’Ulysse dans l’Odyssée : « Des protagonistes l’écriture fait des figures emblématiques, des personæ sinon des héros. » (Ibid., p. 392) Autrement dit, la création littéraire exalte moins le « personnage » que la figure du héros. Par la création littéraire, le « personnage » se métamorphose en héros, par conséquent devient immortel et entre dans une sorte d’extra-temporalité mythique qui est d’ailleurs une des caractéristiques de toute œuvre d’art vraie :
Tout personnage littéraire subit un processus d’immortalisation et se place à l’intérieur d’un récit que la pérennité de l’écriture même rend impérissable et rapproche du mythe : il a une date de naissance puisqu’il émerge avec l’œuvre, mais son sort étant lié à l’œuvre, il devient comme elle éternel. (Ibid., p. 394)
Autrement dit, c’est au fil du récit romanesque que les personnages accèdent petit à petit au statut d’une sorte de mythologie sacrale19.
3 – Les filles de mémoire : l’écriture maîtrise l’écoulement du temps et sa pente fatale (chronos). En d’autres termes, par l’écriture, le temps chronologique devient un temps plus spatial, plus ami de l’homme20 : « Non seulement l’écriture maîtrise, “retrouve” le temps qui se perd, le plie et l’inverse à souhait, mais encore elle lui donne un poids “kérygmatique” ; du temps simple de la chronologie (chronos) elle fait un moment lourd de sens, un kairos. » (Ibid., p. 392) Une des fonctions principales de la création littéraire est celle « d’arracher quelque chose d’humain vécu et écrit par l’homme, aux usures du temps et à la pourriture de la mort » (ibid., p. 396). On doit souligner l’importance que joue ici la fonction d’euphémisation, qui est une des fonctions fondamentales de l’imagination (Durand, 1984, p. 471-472 ; 2015, p. 118)21. Cette fonction est à la racine de tout imaginaire humain (voire de l’imagination) en tant que pouvoir de négation du temps et de la mort : « La création littéraire est bien, elle aussi et de façon primordiale — comme toute la geste de l’imaginaire —, victoire sur le temps et la mort. » (Durand, 1990, p. 397 ; 1984, p. 461-491, 499 et 501 ; 2015, p. 118‑119) Il s’agit bel et bien d’un pouvoir qui nous invite à rentrer dans le temps primordial (l’« illud tempus » dirait Mircea Eliade), une sorte de Urzeit « qui résume tous les temps possibles de la passion de l’homme » (Durand, 1990, p. 397)22.
4 – Le grain des mots : la littérature s’exprime par le biais d’un langage spécifique, une sorte de « langue naturelle », comme il y en a un de la peinture, de la musique ou du cinéma :
Une langue naturelle n’existe pas de façon préétablie comme un code programmé une fois pour toutes. Le dictionnaire, dans sa majesté, est un leurre : une langue existe d’abord par ses poètes et par ses écrivains. Ce sont eux les « phares » qui éclairent la route du langage, qui en fraient les voies nouvelles. (Ibid., p. 398)
Il s’agit ici de tenir compte du lexique, de la phonétique, de la grammaire et de la rhétorique que la composition littéraire met en jeu et qui, grâce à ce langage tout particulier, déploie un paysage florissant : « La création littéraire est donc création de sens ; elle infuse dans les mots figés et dans les mécanismes syntaxiques un sang nouveau qui en métamorphose le sens. » (Ibid.)
Il nous reste à élucider le nœud autour duquel la création littéraire s’établit. Au-delà des fondements de la création littéraire, on doit chercher l’impératif qui commande cette même création. La tétralogie rappelée ci-dessus se conjugue pour annoncer l’aurore de la création littéraire incarnée par les transcendances de la transfiguration et l’appel du Lointain. C’est précisément sous l’effet des transcendances et du Lointain que toute création est déjà transformée en avènement et en un livre de révélation.
Toute œuvre littéraire relève aussi de la topographie, du patchwork des petits faits psychologiques, des déterminations chronologiques et du jeu mécanique des mots et des syntaxes, et subit aussi l’influence de la psychologie de l’auteur, de son « milieu », de son « moment » : « […] un texte n’est jamais innocemment univoque ; le lexique et la culture qu’il charrie creusent en lui des niveaux de signification parmi lesquels la signification du mythe inclus nous semble déterminante pour sa bonne compréhension. » (Durand, 2000, p. 190) Si nous admettons, d’un côté, que la tâche de l’artiste est celle de transfigurer, de transmuer toute la sémantique en métalangage (Durand, 1979, p. 60-61)23, c’est-à-dire d’amplifier l’élan et le cœur de l’œuvre, il n’est pas moins vrai, de l’autre côté, que tout artiste ne peut pas se dérober à son contexte, ni se libérer de sa propre personnalité. Autrement dit, nul artiste ou écrivain ne peut se soustraire de son propre destin, de ses « heures propices » aussi bien que de ses luoghi ameni. C’est dans ces lieux idylliques que l’artiste trouve son inspiration, sous le chant des muses ou des sirènes. Celles-ci annoncent l’appel du Lointain. À cet égard, G. Durand affirme :
Car c’est le Lointain qui « ordonne », entendez par là qui commande. Mais, rappelons-le, ce commandement est à double portée : celle de l’œuvre même qui s’impose à son créateur, qui se crée et agence ses ressources comme le fait un compositeur avec les thèmes obsédants d’une sonate ou les arias d’un opéra ; mais également celle de toute une culture à laquelle l’œuvre commande. (Durand, 1990, p. 399)
Cependant, toute œuvre d’art, notamment l’œuvre littéraire, demeure ouverte à une procédure mythocritique « qui amplifie le tracé du récit en l’illuminant par les grands mythes — conscients ou inconscients, chez l’auteur comme chez le lecteur — qui s’affrontent aux grandes questions de la condition humaine : la souffrance, l’amour et la mort » (ibid., p. 398), voire l’angoisse, l’espérance et la joie (Durand, 1979, p. 307-322 ; 1996, p. 229-242 ; 2000, p. 187-209 ; Gutiérrez, 2012 ; Carvalho, 1998, 1999). Toute mythocritique est toujours une sorte d’idylle entre la compréhension et le pluralisme des explications du secret chiffré d’une œuvre qui relève toujours du croisement de la situation biographique de l’auteur avec les préoccupations socio- ou historico-culturelles :
La mythocritique met en évidence, chez un auteur, dans l’œuvre d’une époque et d’un milieu donnés, les mythes directeurs et leurs transformations significatives. Elle permet de montrer comment tel trait de caractère personnel de l’auteur contribue à la transformation de la mythologie en place, ou au contraire accentue tel ou tel mythe directeur en place. […] La mythocritique appelle donc une « Mythanalyse » qui soit à un moment culturel et à un ensemble social donné ce que la psychanalyse est à la psyché individuelle. (Durand, 1979, p. 313)24
À propos de la création du peintre Lima de Freitas, quoiqu’il ne s’agisse pas d’une œuvre littéraire, G. Durand nous apprend à analyser un « texte » pictural et graphique et nous met en garde sur le risque couru par l’herméneute de projeter dans l’œuvre analysée ses propres rêveries. En effet, G. Durand nous apprend que pour faire une mythocritique de la création de Lima de Freitas (voire d’un autre peintre, ou d’un romancier), nous devrions parcourir trois niveaux en profondeur :
[…] le premier — niveau de l’inconscient — que nous qualifions « niveau des images obsédantes » ; le second se situe en l’intégration consciente de l’art à travers des techniques diversifiées comme « illustration » des œuvres de la culture ; enfin le dernier niveau manifeste en quelque sorte la surconscience de l’artiste, le niveau où une remythologisation consentie forge une philosophie ou mieux une spiritualité. (Durand, 1987, p. 13)
Finalement, G. Durand nous rappelle qu’on doit trouver le sens chiffré de l’œuvre dans la sagesse des mythes bien au-delà de ses images obsédantes ou des illustrations socioculturelles. On doit aussi savoir chercher à l’intérieur du deuxième niveau, « l’histoire et la biographie » qui retrouvent « leurs droits après que sont élucidés les cadres structuro-figuratifs qui seuls importent au message et à la pérennité de l’œuvre » (ibid.). C’est pourquoi il faut bien admettre que le message d’une Grande Œuvre d’art n’échappe jamais à la nature créative du mythe : « Le mythe apparaît ainsi comme une structure symbolique d’images, particulièrement apte à susciter et à diriger la création. […] Placer une activité de création dans le sillage d’un récit mythique, c’est se mettre en condition privilégiée pour créer. » (Wunenburger, 2005, p. 69 et 71, 70-73) Sous le signe du mythe nous admettons que toute création artistique demeure sous l’emprise de l’intensité des joies et des souffrances, de l’absolu de nos deuils, et même de l’amour de l’homme face à l’indicibilité et à l’avènement du mystère de l’Être. Ainsi, on peut toujours affirmer que la Grande Œuvre a en soi le pouvoir de « transfigur[er] l’homme de désir qui jouit et qui souffre au sein de la Transcendance absolue, impérative et sacrale de l’Être » (Durand, 1990, p. 398). C’est donc pour l’impératif absolu de son « Fiat lux ! » que toute Grande Œuvre réussit à toucher l’homme dans sa profondeur en le transfigurant et en adoucissant ses souffrances, son désespoir ou ses peines. Encore une fois, on croise le don de la transfiguration qui est une autre manière de parler de l’euphémisation du temps mortel des horloges dans une sorte de temps sacré (Eliade, 2013, p. 63-100) et de l’espace banal et profane de notre quotidien dans une sorte d’espace sacré (ibid., p. 25-62). Pour cette transfiguration, l’homme, par-delà les épreuves de la souffrance et de la mort, assume un rôle d’exégète, de traducteur, enfin de transfigurateur « à l’écoute d’une mystérieuse et impérative dictée. Traducteur qui est toujours l’exégète des grands mystères de nos joies et de nos angoisses. Traducteur qui est transfigurateur » (Durand, 1990, p. 399).
Dans ce contexte, nous identifions cette transfiguration à la fonction fantastique de l’imaginaire, car cette fonction est à la racine de tous les processus de la conscience, « elle se révèle comme la marque originaire de l’Esprit. […] La vocation de l’esprit est insubordination à l’existence et à la mort, et la fonction fantastique se manifeste comme le patron de cette révolte » (Durand, 1984, p. 461 et 468). Cette fonction se révèle tellement marquante qu’elle gouverne toute création de l’esprit humain, tant théorique que pratique, et représente notre « espérance essentielle » (ibid., p. 468) :
Non seulement cette fonction fantastique nous apparaît comme universelle dans son extension à travers l’espèce humaine, mais encore dans sa compréhension […]. Aussi rien ne nous semble plus proche de cette fonction fantastique que la vieille notion avicennienne d’intellect agent, rectrice du savoir de l’espèce humaine tout entière, principe spécifique d’universalité et de vocation transcendante. (Ibid., p. 461)
En outre, il s’agit d’une fonction qui prétend toujours améliorer la destinée de l’homme et du monde en refusant fermement la pourriture temporelle et la destinée mortelle. Ainsi, nous croyons que la fonction fantastique débouche sur la notion d’euphémisme, si chère à G. Durand, comme il l’avait déjà expliqué dans son petit livre sur L’Imagination symbolique à propos d’un des caractères majeurs de l’imagination — celui de l’euphémisation :
Le sens suprême de la fonction fantastique, dressée contre la destinée mortelle, est donc l’euphémisme. C’est-à-dire qu’il y a en l’homme un pouvoir d’amélioration du monde. Mais cette amélioration n’est pas, non plus, vaine spéculation « objective », puisque la réalité qui émerge à son niveau est la création, la transformation du monde de la mort et des choses en celui de l’assimilation à la vérité et à la vie. (Ibid., p. 469-470)
Autrement dit, par la fonction d’euphémisation de l’imagination, qui est déjà l’aboutissement de la fonction fantastique de l’Imaginaire, le Temps devient Espace, car l’espace est toujours ami de l’homme :
L’espérance du temps modèle ainsi un espace nouveau qui n’est plus l’espace géométrique auquel nous sommes habitués. Mon maître Bachelard disait : « Le Temps est dangereux parce qu’il contient la Mort, il contient l’incertitude, mais l’espace est notre ami. » Nous bouchons en quelque sorte le temps de notre mort avec l’amitié de notre espace. C’est là la fonction de l’Imagination, l’Imaginaire. Par l’Imaginaire, le Temps humain s’arrache au désespoir de l’entropie. L’on peut dire que l’œuvre qu’il permet, qu’il sollicite est néguentropie. À la morosité du temps l’imaginaire ajoute la joie du projet, l’espace à parcourir de l’œuvre. Déjà peut-on constater avec le héros wagnérien, Gurnemanz : « Ici tu vois mon fils, le Temps devient Espace. » (Durand, 1989, p. 217)
Il nous semble que l’œuvre d’art, notamment littéraire, s’affirme dans sa splendeur par les fonctions d’euphémisation. Grâce à elles, l’œuvre d’art est fille du Mythe, ce qui est déjà une autre façon de dire que toute œuvre d’art est un produit plus ou moins sublime des potentialités imaginatives. En effet, l’art participe au procès d’euphémisation, puisqu’il parvient à embellir l’existence, à la transformer, voire à l’oublier. L’expérience artistique permet d’amortir la violence et la dureté de la vie réelle « par des représentations qui la rehaussent de sacralité et de beauté […]. En arrêtant le temps, en s’arrachant aux forces entropiques de l’existence, l’expérience artistique se présente donc comme un moyen d’exorciser le déclin, la mort, en un mot comme un anti-destin » (Wunenburger, 1997, p. 292).
En guise de conclusion
De tout ce que nous avons dit sur la conception de la création en général et littéraire en particulier dans la pensée de G. Durand, nous pouvons mettre en évidence ces notions constitutives : celles de l’impératif de l’œuvre, du Lointain, du Génie et enfin de la fonction fantastique de l’imaginaire. Nous rappelons ici que les concepts de thème, de style et, en dernier lieu, de régime d’image, s’avèrent utiles pour saisir les enjeux d’une œuvre artistique ou littéraire. Enfin, on ne doit pas oublier que toute œuvre a ses visages et ses structures qui lui sont propres.
Signalons aussi que l’œuvre humaine a trois statuts : méthodologique, épistémologique et ontologique. En ce qui concerne le premier statut, on peut dire qu’il nous explique que l’acte créateur est « maîtrise de la disparité des formes et des matières ; c’est lui qui donne tel thème, tel style, tel régime, et le fond en des structures réellement constitutives de la dynamique de l’œuvre. Contre tous les formalismes des soi-disant “structuralismes”, je constate que l’œuvre de l’homme en tant que création prime tous les schémas explicatifs » (Durand, 1979, p. 152). Il nous rappelle que l’homme n’est que ses œuvres, et que le style appartient bien à l’homme, comme le prétendait d’ailleurs Buffon. C’est l’esprit créateur de l’œuvre, son individualité irréductible qui ne se réduit pas aux formes et aux structures. Le statut épistémologique de l’œuvre humaine met en évidence que « l’œuvre est construction singulière et différentielle de structures innombrables, discernables seulement pour une pensée critique ou esthétique qui les configure » (ibid., p. 153). L’œuvre humaine vraiment créatrice est unique, vivante, conflictuelle, paradoxale, constituée par un ensemble de formes et matériaux disparates. Enfin, le statut ontologique de l’œuvre humaine parle de l’Homme et de la Puissance de l’Esprit. Une grande œuvre imprime sa marque en tant que forme d’expérience universalisable par sa singularité. Une sorte de singularité qui relève plus du domaine pneumatique (« l’ange de l’œuvre ») que du domaine psychique (« l’accident psychanalytique »), ce qui fait que l’œuvre est intemporelle.
Pour terminer, rien de mieux que de souligner, avec G. Durand, que ce qui marque vraiment le caractère essentiel de l’œuvre n’est pas la vision du monde qu’elle transmettra, mais plutôt l’univers imaginal cher à Henry Corbin (Durand, 1964, p. 3‑26) :
L’Imaginal est plus que l’imaginaire, il est en quelque sorte la réalisation ontologique et eschatologique du simple imaginaire : il en est « impératif catégorique ». Il est ce qui assure le fondement et la vérité des rencontres « synchroniques » entre telle vision du mental, tel symbole et telle ou telle incarnation physique ou historique. (Durand, 1987, p. 92-93)
Elle [l’œuvre] n’est pas vision du monde, elle est un univers, un univers imaginal certes que l’humanité de l’œuvre me propose de partager non seulement comme une terre promise mais comme une terre tenue. Elle a ses pôles, ses climats, ses contrastes parce que l’essentiel réside dans la tension dissonante et dans l’accord et le contentement que lui donne ma réflexion ou ma dégustation esthétique. (Durand, 1979, p. 155)
On peut dire que l’artiste devra apprendre à la fois à écouter son temps et le murmure du Lointain soufflé par les muses célestielles afin que les quatre impératifs de la création ainsi que les trois statuts de l’œuvre humaine, explicités ci-dessus, puissent être mieux saisis par lui-même.