L’usage du droit comme argument dans les discours antiféministes en France (1918‑1944)

  • The Use of Law as an Argument in Anti-Feminist Discourse in France (1918-1944)

DOI : 10.35562/melete.118

Abstracts

À la sortie de la guerre de 1914-1918, l’implication des femmes dans l’effort de guerre leur fait espérer aboutir leurs revendications politiques, comme l’accès au droit de vote. Au lendemain de la guerre, les discours antiféministes se relancent alors de concert pour s’opposer à ces avancées. Le droit est alors utilisé comme argument en renfort de ce discours pour justifier l’exclusion des femmes de la sphère politique dans un premier temps. L’échec de l’adoption du suffrage féminin à plusieurs reprises pousse le discours féministe, à l’instar du discours antiféministe à se concentrer sur les droits des femmes dans la sphère privée notamment au sein du couple. L’arrivée du régime de Vichy incarne alors le discours antiféministe dans ses mesures juridiques.

At the end of the First World War, women's involvement in the war effort gave them hope that their political demands, such as the right to vote, would be met. In the immediate aftermath of the war, anti-feminist arguments were launched in concert to oppose these advances. Law was used as a back-up argument to justify the exclusion of women from the political sphere in the first instance. The failure on several occasions to adopt women's suffrage encouraged feminist discourse, like anti-feminist discourse, to focus on women's rights within the private sphere, in particular the couple. The arrival of the Régime de Vichy embodied the anti-feminist discourse in its legal measures.

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Au xixe siècle, les scientifiques utilisent la phrénologie ou la craniologie pour justifier la place des femmes dans la société. La taille de la boîte crânienne d’une femme « confirme » son infériorité physique et intellectuelle1. Le xixe est une période de l’histoire marquée par le scientisme, où des chercheurs essayent d’expliquer le monde par des démonstrations scientifiques pouvant aller jusqu’à justifier les hégémonies dans la société qu’elles soient sur les femmes ou encore sur les populations colonisées2. La domination masculine se manifeste dans le champ scientifique à travers la médecine, mais aussi dans la tradition, la religion et la morale. Au début du xxe siècle, ces pratiques perdurent. Ainsi, il est interdit aux femmes de pratiquer certains sports à cause de leur caractère néfaste. Les sauts sont proscrits, car ils « provoquent fatalement des chutes brutales, des commotions pouvant avoir une influence mauvaise sur le tronc et plus particulièrement sur le bassin, organe faible chez [les femmes] »3. Tout argument est donc bon et mobilisable pour justifier la supériorité des hommes sur les femmes, même le droit.

L’égalité de droits est une étape essentielle pour garantir l’égalité entre les êtres humains. C’est un des principaux arguments de la Révolution française affirmée notamment par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, texte incontournable du droit français. Pourtant, la rédaction de son article 1er exclut les femmes, ce qui pousse Olympe de Gouges à rédiger sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne en 1791. L’égalité de droit est concrètement ce qui permet de créer une égalité entre les êtres humains. Le civil rights movement témoigne de cette volonté. Même si le droit ne permet pas une égalité sociale parfaite, il est la première marche vers celle-ci. L’émancipation des femmes passe par le droit, car c’est le droit qui peut l’imposer. Ainsi l’obtention de droits tels que le droit de vote est au cœur des discours féministes comme l’affirme Hubertine Auclert (1848-1914) dans Le droit politique des femmes (1878)4. L’argument juridique est omniprésent dans les discours féministes dès ses prémices en France au xixe siècle. La question du droit de vote y est centrale. Le droit est, de plus, utilisé régulièrement comme arme de contestation permettant aux femmes de réclamer l’égalité entre les genres à travers la matière juridique5.

La Première Guerre mondiale éteint dans un premier temps les revendications féministes. Celles-ci passent au second plan face à l’effort de guerre. Les femmes participent à moins de congrès ; elles ne répondent pas à l’appel de l’Internationale féministe6 en raison de l’Union sacrée7. Les revendications politiques sont mises de côté, car la guerre étant totale, elles sont mobilisées pour travailler8. Elles occupent tous les postes de la société laissés vacants par les hommes. La Liberté – quotidien bon marché à la ligne éditoriale à droite – rapporte que Jeanne Macherez prend les commandes de la ville de Soissons9. Elles travaillent dans les usines – les munitionnettes sont tout à fait caractéristiques des ouvrières au service de la guerre –, au ravitaillement ou de toutes autres tâches nécessaires à faire fonctionner et le pays et l’effort de guerre10. Les arguments mobilisés avant le conflit pour justifier les inégalités femmes-hommes n’ont plus lieu d’être face à leur rôle essentiel dans la Grande Guerre.

Pourtant, contrairement à ce que semble avoir révélé la Première Guerre mondiale sur la vacuité des fondements des discours antiféministes, ceux-ci persistent après le conflit. Les femmes sont accusées par l’extrême droite d’être à l’origine de la guerre11. La crise démographique12 relance les débats sur la place traditionnelle de la mère au foyer. Les questions relatives à la contraception et l’avortement sont rejetées ; des mesures supplémentaires sont même prises par le gouvernement pour limiter ces pratiques allant contre sa politique nataliste13. Le mouvement féministe à l’opposé revendique toujours autant l’égalité et notamment le droit de vote s’appuyant sur la guerre pour prouver à quel point la différenciation des genres est injustifiée. Le travail des femmes pendant la guerre devrait confirmer pour beaucoup comme Jules Siegfried dans Excelsior – journal illustré quotidien – informations, littératures, sciences, arts, sports, théâtres, élégances sans positionnement politique net – la capacité des femmes au droit de vote14. En réponse aux revendications juridiques des féministes, les antiféministes mobilisent également le droit comme argument pour maintenir les inégalités. La guerre n’a qu’en apparence émancipé les femmes, elle a au contraire renforcé la hiérarchie entre femmes et hommes15.

L’antiféminisme se fonde le plus souvent sur des stéréotypes négatifs. Il n’est pas synonyme de domination. Pour eux, les femmes sont considérées comme faibles physiquement et intellectuellement16 ; un être de sentiment et non de raison17 ou encore hystérique18. La féministe est souvent un être dont la féminité a été pervertie, une femme masculine ; ce sont d’ailleurs souvent des femmes jugées laides19. Ces « femmes-hommes » – expression du Gaulois, journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français, quotidien monarchiste et antirépublicain en concurrence avec L’Action française ; dont les lecteurs appartiennent surtout à la grande bourgeoisie – sont raillées dans la presse20. Pourtant il ne s’agit pas de misogynie même si les arguments sont souvent les mêmes : l’antiféminisme se construit à partir d’une idée de la masculinité et de poncifs sur les sexes qui sont acceptés comme des faits pseudoscientifiques. Il est cependant plus raisonné et se veut être l’antidote du féminisme21. Gina Lombroso-Ferrero (1872-1944), dans son ouvrage L’Âme de la femme (1924), postule que l’homme est un être de raison et la femme d’intuition, ce qui justifie leurs différentes missions dans le monde22. Des années plus tard, les travaux de Françoise Héritier ont démontré la construction de l’image anthropologique du masculin23. Le stéréotype masculin tel qu’opposé aux discours féministes se forme davantage à partir de la guerre de 1870 et est renforcé par la Première Guerre mondiale et la figure héroïque du poilu24. L’antiféminisme est avant tout un discours conservateur qui vise à empêcher tout changement social.

L’historiographie sur la question du féminisme est le plus souvent tournée vers la question des évolutions et des luttes des femmes pour l’obtention d’une plus grande égalité. Depuis les années quatre-vingt-dix, la recherche commence à se tourner vers les opposants au féminisme qui sont pourtant au cœur même de la question. Les travaux sur le sujet sont plus développés au Québec qu’en France25. Les ouvrages sont peu nombreux et pourtant ils apportent une approche très novatrice sur la question26. Peu de ces ouvrages s’intéressent au discours en tant que tel et encore moins à la mobilisation du droit au sein de ce discours, surtout d’un point de vue historique. Le droit est fondamental dans le discours antiféministe parce que les revendications des féministes sont avant tout juridiques. En le mobilisant, les antiféministes peuvent mettre en avant une tradition juridique d’exclusion des femmes qui est à leur sens justifiée par des siècles de pratique. Ils l’utilisent pour refuser tout progrès. Les discours antiféministes rejoignent les discours réactionnaires27. Le féminisme menacerait un ordre naturel des choses, de la société, de la religion, de la morale, et par ses revendications serait un grand péril. Dans ces argumentaires, on retrouve aussi l’idée que les femmes ne seront jamais des hommes et même que leur lutte leur serait néfaste. L’entre-deux-guerres est une période charnière sur la question, car elle est caractéristique de l’histoire du féminisme. Il y a un véritable espoir pour les femmes à la sortie de la guerre de prendre enfin leur place dans l’espace politique comme elles l’ont fait pendant la guerre. Cependant, le contexte politique, économique et international engendre des réactions très fortes face à ces progrès sociaux et participe à repousser les femmes dans l’espace privé.

Les discours antiféministes sont ancrés dans un discours plus général de crise de la masculinité. Au début du xxe siècle en Occident, les femmes commencent à s’immiscer dans les domaines traditionnellement réservés aux hommes28. Les féministes dans les années vingt sont accusées de détruire la famille en luttant contre la place traditionnelle des femmes. De fait, face à la crise démographique engendrée par la Première Guerre mondiale, les questions liées à la régulation des naissances posées par certaines militantes sont extrêmement mal reçues. La figure de la garçonne et des femmes qui se « masculinisent » est au cœur de ces discours. Le conflit a profondément porté atteinte à la virilité des hommes, notamment dans les pays touchés par la défaite. Les hommes répondent par le culte de la force en créant des milices guerrières et en vouant un culte au corps plein de vitalité, au cœur notamment de l’idéologie national-socialiste29. Leurs discours, plus que misogynes, effacent les femmes, réduites à l’espace Kinder, Kirche, Küche30. Cette image est également valable en France. La République est féminisée, elle est appelée « la Gueuse » et le régime de Vichy utilise ces discours pour fonder un nouvel État « viril »31.

La question de l’opposition à l’émancipation des femmes est éminemment sociologique. Les journaux offrent un panorama intéressant pour bien comprendre les enjeux et les résistances face aux évolutions de la place des femmes. La presse est entendue au sens large et traitée de manière la plus exhaustive pour révéler la diversité des opinions. De fait, les mobilisations conservatrices ont dû adapter leurs argumentaires et se battre sur le même terrain que leurs opposants : des médias tels que la presse32. Les féministes ont recours à la presse pour faire entendre leur voix, et les conservateurs en réponse font de même. L’étude se base sur la totalité des périodiques entre 1918 et 1940 numérisés par la Bibliothèque nationale de France sur la base de données Retronews33. Une analyse approfondie d’un panel conséquent de périodiques, plus particulièrement ceux antiféministes comme L’Action française – quotidien nationaliste, antisémite et monarchiste opposé à la Troisième République – ou La Libre Parole  Journal politique antisémite français d’Édouard Drumont (1844-1917) défendant le catholicisme depuis la mort de son fondateur en 1917 –, mais l’étude d’autres journaux est nécessaire. Ce dernier journal a recours aussi bien des discours féministes qu’antiféministes. En cela, les journaux offrent un apport sociologique unique. La presse politique offre un point de vue original pour saisir les discours antiféministes, car le féminisme et ses oppositions y sont discutés en priorité. Au sein de ces organes des presses, des thuriféraires d’une pensée réactionnaire d’extrême droite s’expriment. La presse donne une tribune à des personnalités antiféministes, politiques, essayistes, journalistes ou encore personnalités publiques et permet de ne pas seulement avoir accès au discours officiel. De fait, les journaux sont l’occasion pour toutes et tous d’obtenir un espace d’expression. Cet espace public est approprié par les femmes pour diffuser leurs revendications, mais aussi par les antiféministes pour manifester leur opposition. Cette opposition peut également se retrouver dans des ouvrages comme des essais qui démontrent le point de vue d’individus sur la question des femmes. L’argument juridique est également mobilisé au sein des assemblées et l’analyse des débats parlementaires sur la question cruciale du droit de vote est incontournable.

L’étude, grâce à la presse combinée à d’autres sources comme des ouvrages et les débats parlementaires, entend regarder les évolutions des prises de position, des discours dans cet espace particulier qu’est le champ journalistique. En son sein, les journaux discutent la question de l’émancipation des femmes, surtout la presse politique et la presse à grand tirage. Après la Grande Guerre, tous les journaux se diversifient pour toucher le plus grand nombre de personnes possible, notamment au sein d’une même famille34. Les sujets politiques se font alors moins présents, dilués dans les rubriques aux thèmes variés. La presse de droite dépasse, dans ses tirages, la presse de gauche, alors majoritaire à la Chambre. La presse engagée connaît un renouveau dans les années trente, même si le quotidien Paris-Soir, qui essaye d’aller au-delà des clivages entre les différents bords politiques, reste le premier journal pendant la période. Le champ journalistique s’autonomise même s’il reste dominé par le champ politique. Le débat sur la question du féminisme et du droit de vote dépasse le clivage droite/gauche, ce qui en fait un objet de traitement original pour la presse. Des défenseurs et des détracteurs des progrès des femmes se retrouvent dans toutes les sensibilités politiques. Les différents périodiques commentent les débats du champ politique et y ajoutent leurs opinions, souvent à travers le nom de personnalités journalistiques et littéraires. Il rend parfaitement compte des divers débats et de leurs évolutions au fur et à mesure des années, tout en participant à l’influence de l’opinion de la population sur certains sujets. Il s’agit d’analyser le discours à chaud, à peine transformé par une édition et le rattacher aux évènements divers dans une histoire plus large du statut des femmes et des évolutions de leurs droits en général. Tous les journaux sont analysés selon leur placement politique, témoignant que le discours conservateur se retrouve dans tout type de presse même s’il domine dans la presse d’extrême droite et catholique. Ce discours est complété lui par des ouvrages qui ont, eux, l’avantage de présenter un discours plus réfléchi, mais non moins sexiste35.

Le point de départ de notre étude est l’année 1918, année ancrée dans un paradoxe entre espoirs féministes dus au rôle joué par les femmes pendant la guerre et les oppositions induites par les critiques face à leur rôle jugé trop masculin. Elle se finit avec le régime de Vichy en 1944, moment où les espoirs de progrès féministes sont étouffés. Sur la période, le débat autour du féminisme et de l’antiféminisme se développe. D’abord très présent dans les années vingt, il se fait plus discret dans les années trente. L’arrivée de l’État français permet l’avènement d’un discours antiféministe officiel, étouffant le féminisme.

Le droit est mobilisé de différentes manières afin de s’opposer aux arguments féministes. Les antiféministes n’utilisent pas le droit comme principal argument, mais comme justification de leurs pensées qui ont été contredites par la guerre. Ce sont des discours fondés avant tout sur la peur, le désordre face aux changements brutaux de la société. Au début du xxe siècle, l’esprit scientiste perdure et utiliser le droit permet de fonder le discours sur un argumentaire rationnel, établi et qui paraît immuable face aux changements. Avant tout, féministes et antiféministes développent un discours sur le droit en général, car celui-ci, et plus spécifiquement le droit de vote, est au cœur des préoccupations de l’époque. Il s’agit ici de démontrer comment les antiféministes utilisent le droit au service de leurs arguments réactionnaire afin de repousser et refuser les évolutions du statut des femmes.

Les discours antiféministes se focalisent sur une des revendications féministes : l’octroi de l’égalité de droit entre les hommes et les femmes. Utiliser le droit comme argument est périlleux, car les raisons de refuser aux femmes des droits notamment politiques au nom de sa prétendue infériorité physique ne sont pas vraiment justifiées. Les femmes sont soumises aux lois de la même manière que les hommes, mais ne peuvent pas en décider. Le droit est mobilisé à l’appui d’autres arguments fallacieux pour s’opposer à un changement dans le social. Dans un premier temps (1918-1930), les différentes sources révèlent que le droit justifie le refus aux femmes de l’octroi de droits politiques au premier rang desquels se trouve le droit de vote. Le but de l’argumentaire est de rejeter l’accès aux femmes de la sphère politique au moment où dans les autres pays les femmes obtiennent justement ces droits. Dans un second temps (1930-1940), les discours antiféministes cherchent à repousser les femmes dans la sphère privée, la replacer dans un rôle plus traditionnel lorsque les débats pour le droit de vote des femmes sont dans une impasse. Les revendications de l’accès au travail sont de fait ralenties par la crise économique. Cette crise est l’occasion d’une rupture dans les discours antiféministes. Ces discours sont ensuite concrétisés juridiquement dans la politique du régime de Vichy.

I. La mobilisation du droit dans les discours antiféministes : repousser les femmes de l’espace politique (1918-1930)

La fin de la Première Guerre mondiale relance les débats sur les droits politiques des femmes, et plus particulièrement sur le droit de vote. La chambre des députés met pour la première fois au vote le suffrage féminin en 1919. Les discours antiféministes se multiplient à la chambre et dans la presse en réponse à cette potentielle avancée. Ils utilisent alors le droit pour appuyer d’autres arguments visant à replacer les femmes dans leur place traditionnelle et les exclure de l’espace politique (A). L’argumentaire antiféministe utilise également le contexte de crise démographique pour justifier le refus de droits politiques (B).

A. La mobilisation du droit à l’appui du refus d’accès des femmes à l’espace politique

Le droit de vote est une question centrale dans la France de l’entre-deux-guerres. De fait, de nombreux pays ont mis en place le suffrage féminin, notamment la Russie (1917) et l’Angleterre (1918). Pourtant cette demande, qui semble évidente dans de nombreux pays, anime toutes les passions. Le vote des femmes dépasse de loin le clivage entre droite et gauche. Le pape lui manifeste son soutien en 1919. En effet, il est vu comme une barrière au socialisme et à l’anticléricalisme36. En revanche, cela joue plus en défaveur du vote des femmes. De fait, les anticléricaux craignent que les nouvelles votantes ne suivent que l’opinion de leur curé37. Ils craignent un « péril clérical »38. Les débats parlementaires mettent en avant que le vote des femmes, plus « concernées » par certaines questions, permettrait de lutter contre l’alcoolisme ou la pornographie, et pour l’hygiène39. C’est ainsi que dans les années trente la droite se convertit progressivement au droit de vote des femmes, espérant en tirer parti.

La question, qui ne séduit pas les parlementaires avant le premier conflit mondial, est relancée à la chambre des députés le 8 mai 191940. Les débats témoignent d’un grand soutien au projet de loi. Le scrutin total41 est finalement adopté le 20 mai à trois-cent-trente-quatre voix contre quatre-vingt-dix-sept. Après des difficultés d’inscription à l’ordre du jour, le Sénat discute enfin la proposition, mais elle est rejetée par cent-cinquante-six voix contre cent-trente-quatre42. De 1925 à 1932, la chambre des députés présente quatorze propositions de loi sur le droit de vote des femmes dont trois sont adoptées43. Le Sénat en revanche rechigne à l’inscrire à son ordre du jour. À la victoire du Front populaire en 1936, le suffrage féminin est à nouveau voté à la majorité absolue par les députés, mais jamais discuté au Sénat.

L’arène parlementaire est le lieu de débat sur les droits des femmes où les principales intéressées ne sont pas admises pour en discuter. Les arguments antiféministes sont divers dans les chambres parlementaires. Ils répondent tous à l’objectif d’exclure les femmes de l’espace politique. Ses détracteurs, comme Edmond Lefebvre du Preÿ, s’expriment en défaveur de ce droit en raison de : « [la nature de la femme], de son rôle social, de ses aptitudes physiques, différentes de celles de l’homme [qui font] qu’elle n’est pas appelée à exercer les fonctions d’un autre sexe »44. Ladite nature des femmes justifie son rôle social, selon le député. Elles doivent rester dans un rôle traditionnel. De même, il invoque que toutes les femmes ne veulent pas le droit de vote et que l’on entend que la voix des féministes. Pour les antiféministes, le droit de vote et d’éligibilité est inutile, car avant tout, l’épouse reste en droit soumise à son époux. Le suffrage des femmes et la possibilité d’être candidates s’opposent à leur statut juridique et ne peuvent en aucun cas être acceptés par les députés. Cela remettrait en cause le droit français45. Le Sénat refuse d’inscrire la loi sur le suffrage féminin à de nombreuses reprises sur son ordre du jour. Il est donc difficile de trouver des avis de sénateurs à son encontre dans le cadre parlementaire, car il n’y a plus de débat sur la question après 1922. Les discours antiféministes sénatoriaux se manifestent donc par un refus de débat.

En dehors des assemblées, les essais et les journaux utilisent également des arguments fondés sur le droit pour écarter le suffrage féminin. Théodore Joran affirme que le droit de vote ne peut être pris à la légère. Pour lui, les droits politiques des femmes doivent continuer à être restreints pour l’intérêt supérieur du pays46. Il fait une différence entre les droits civils et politiques. Les droits civils ne concernent que l’individu alors que les droits politiques ont une influence sur la société tout entière. Selon lui, l’obtention du droit de vote aurait des conséquences sur l’adoption des lois en général et donc sur la sécurité juridique du pays. Comme les hommes, les femmes devraient passer par un long apprentissage avant de disposer de ce droit47. L’éducation ne suffirait pas à suffisamment former les femmes, car la politique est comme la guerre : une affaire d’homme48. Pour lui, il est difficile d’accorder ce droit aux femmes, car il pourrait mettre toute la société en péril. Le droit de vote est avant tout une mode pour l’auteur. Il évoque que pour ses défenseuses et défenseurs, il est une forme de « flirtage », un argument de séduction. Joran pense également que c’est un argument de vente pour les divers auteurs et autrices engagés dans la revendication du suffrage féminin. L’auteur pense également que certaines suffragistes voient l’obtention de droit politique comme une expérience, qu’il juge dangereuse. Les députés revendiquent les droits politiques des femmes avant tout pour s’opposer à l’esprit traditionaliste. Il accuse certains de vouloir même donner un coup de grâce au régime par le désordre. Joran ne trouve aucun argument et même aucune motivation justifiable. Le suffrage féminin pour lui est plus dangereux qu’autre chose.

Dans les années vingt, le droit de vote ne semble pas être une priorité pour tous, car les femmes mariées sont toujours considérées comme mineures par le Code civil de 180449. Ainsi, avant de lui accorder le droit de vote certains défendent qu’il faut d’abord se poser la question de son statut. La Dépêche de Toulouse – journal à la ligne éditoriale de gauche très populaire dans l’Entre-deux-guerres – exprime en ces mots son raisonnement :

Voyez plutôt où nous sommes. Ouvrez seulement le Code. L’article 233 est brutal comme une porte de prison : « le mari doit protection à sa femme. La femme doit obéissance à son mari. » La femme est en vasselage. La loi la met en tutelle sous la coupe du mari. Lisez les autres articles. La femme ne peut rien faire qu’avec l’autorisation maritale. Elle ne peut ester, aliéner, acquérir, disposer, si ce n’est avec l’assentiment de son maître. Et si, par aventure, le maître se trouvait absent, si même il était au bagne, la femme n’exercerait ce pouvoir qu’avec la permission préalable des tribunaux. Et tandis que notre législation civile ravale la pauvre femme à ce plan, on a le droit de trouver que notre législateur mettrait en vérité la charrue devant les bœufs en leur conférant le droit de vote, devant qu’elles aient été affranchies. […] La loi n’accorde le droit de suffrage qu’à l’homme devenu majeur. Pourquoi donc l’octroyez-vous à la femme restée mineure ?50

Le droit de vote apparaît bien secondaire à certains par rapport aux autres droits. Le terme de vasselage est très fort pour qualifier la situation des femmes. Les féministes depuis Hubertine Auclert mettent en avant le droit de vote comme le seul moyen de libérer les femmes, mais vis-à-vis de leur statut de mineures, les antiféministes considèrent que le droit de vote doit leur être refusé.

Les droits politiques ne concernent pas seulement le droit de vote, mais aussi le droit d’éligibilité et ainsi la possibilité pour les femmes d’accéder à certaines fonctions jusqu’alors réservées aux hommes. La potentialité de voir des femmes élues est une catastrophe pour les antiféministes. Accorder des droits politiques aux femmes aboutirait à l’anarchie morale51. Il leur est impossible d’imaginer un homme en lutte électorale contre une femme. Cela détruirait la « féminité »52 selon Le Libertaire – le journal est anarchiste n’est pas opposé au droit de vote des femmes, en revanche il refuse le changement à travers les institutions. La Ligue patriotique des Françaises53 s’oppose aux féministes, car elles incarnent la laïcité et le pacifisme54. La politique est une affaire d’homme et doit le rester. Les femmes ne peuvent pas davantage lutter par l’élection contre les institutions qui les oppressent.

Les discours antiféministes défendent l’impossibilité de doter les femmes de droits politiques au regard de l’histoire juridique française. La Libre Parole évoque la loi salique pour justifier la place des femmes dans la société française55. Le journaliste Philax assure que les femmes n’ont historiquement aucun droit en France en se basant sur la loi salique56. Celle-ci est utilisée dans les lois fondamentales du Royaume pour justifier la règle de la masculinité57. L’innovation à ce titre est peut-être bien pour les autres pays, mais n’est pas nécessaire en France où les femmes doivent rester hors du champ politique.

Un argument très vivement défendu par les antiféministes concerne une équivalence de droits et de devoirs. Les femmes n’ont pas les mêmes devoirs que les hommes envers la société. En effet, ceux-ci ont l’obligation de faire le service militaire58. Elles ne peuvent pas à ce titre disposer de ce même droit. Cet argument est le plus souvent appuyé sur une infériorité prétendue des femmes qui par l’absence de formation militaire ne disposeraient pas du « génie politique ».

Toutes les femmes ne se rallient pas à la cause du féminisme ; certaines même entrent dans les débats en défendant une image plus traditionnelle. Elles mobilisent les mêmes arguments que les hommes et refusent tout changement de leur situation. Assez paradoxalement, comme l’a été plus tard le personnage de Phyllis Schlafly (1924-2016), ce sont des militantes, elles s’expriment publiquement par la presse ou la littérature. Ce faisant, elles sortent du rôle traditionnel des femmes, mais refusent leur émancipation.

La principale femme antiféministe est Marthe Borély (1880-1955). Femme de lettres et critique française, elle se déclare elle-même « contreféministe ». Elle admire beaucoup l’Ancien Régime et se rapproche de l’Action française59. Elle refuse le rôle politique actif des femmes et souhaite qu’elles tiennent des salons comme au xviiie siècle. Elle ne se considère pas comme opposée aux mouvements féministes, mais réfute pour autant tout rôle qu’elles pourraient jouer en politique. Elle reçoit la Légion d’honneur en mai 1935, distinction remise pour son engagement dans de nombreuses causes, – information relayée par L’Écho de Paris60 – journal politique et littéraire proche de la Ligue des patriotes.

Marthe Borély exprime clairement son opinion dans Le Siècle – journal de gauche républicaine modérée dont l’audience s’amenuise depuis le début du xxe siècle – sur la nécessité pour les femmes de se concentrer avant tout sur leur rôle de mère plutôt que sur leurs revendications politiques : « Ramener la femme au foyer, l’écarter des luttes politiques, n’est-ce pas là le programme qu’il faut suivre si nous ne voulons pas, d’ici quelque vingt ans, compter des centaines de milliers de Français en moins. »61 Les revendications politiques et juridiques constituent un obstacle pour sauver la France. À ses yeux, après que les hommes ont donné leurs vies pour sauver le pays, les femmes doivent à leur tour donner la vie pour sauver la France. Elle refuse dans le même article que le devoir qu’elles ont accompli pendant la guerre justifiât de bouleverser les fondements de la société. En effet, l’égalité de droit sortirait les hommes de leur rôle traditionnel et les mettrait en lutte constante avec les femmes.

Plus généralement, l’argumentaire antiféministe féminin, comme celui de Marthe Borély, ne se fonde pas sur un argument juridique. Il se justifie à partir de la place traditionnelle des femmes dans la société et de la peur de la désorganisation sociale. Ces femmes trouvent l’idée du droit de vote stupide, car les mères et les épouses ont d’autres devoirs, dont le premier est celui de s’occuper du foyer. Certaines pensent également, comme en témoigne un article du Nouvelliste de Bretagne – à l’époque, le rédacteur est Eugène Delahaye et la ligne éditoriale très influencée par la religion catholique –, qu’elles seraient incapables de garder le secret du vote62. Elles refusent l’accès des femmes à l’espace politique et revendiquent leur place dans l’espace privé, celui du foyer.

Vers la fin de l’entre-deux-guerres, d’autres arguments s’ajoutent. Comme les femmes ont conquis le travail, le droit de vote ne semble pas autant essentiel63. De même, comme les idées suffragistes viennent de l’étranger, au moment où le contexte géopolitique se tend à nouveau, cette revendication est de mauvais augure. Le sexisme occupe une place de choix dans les doctrines d’extrême droite, bâties sur un fond d’antisémitisme, car l’émancipation des femmes serait une idée juive64.

L’argumentaire des antiféministes se fonde sur des arguments pseudojuridiques pour justifier l’exclusion des femmes des droits et de l’espace politiques. Le droit n’est alors qu’un prétexte pour justifier une place plus traditionnelle dans la société établie sur l’altérité des genres. La politique nataliste pour faire face à la crise démographique permet un certain développement des discours antiféministes entre 1918 et 1930.

B. Les discours antiféministes à l’encontre du droit politique des femmes : la politique nataliste à la fin de la Première Guerre mondiale

Le droit n’est pas utilisé comme un argument seul, mais à l’appui d’autres. Les revendications politiques et juridiques des femmes les éloignent de leur rôle traditionnel et notamment de leur rôle de mère selon les antiféministes. Ce rôle est mis spécifiquement en avant dans l’argumentaire des années vingt. Afin de mettre fin à la crise démographique, il ne faut pas laisser les aspirations féministes prendre le dessus sur les naissances65. De même, les anciennes raisons qui permettaient de maintenir les femmes dans un rôle plus traditionnel comme l’impossibilité physique d’exercer certains emplois ont été remises en cause par la guerre. Il y a, à l’appui de la politique nataliste66, la mobilisation de raisons juridiques pour ne pas détourner les femmes de cette priorité aux yeux du gouvernement. Une partie des féministes défend la politique nataliste67. Cette politique entraîne des répercussions sur le plan légal, car une loi du 24 octobre 1919 octroie une allocation aux mères qui allaitent pendant les douze premiers mois68.

La politique nataliste est soutenue par les milieux républicains et laïcs, mais l’Église reste dans un premier temps favorable à la chasteté. Elle est inscrite dans l’héritage familialiste de la Troisième République69. Cependant le clergé catholique évolue et vient également défendre la fécondité au sein du foyer. Le pape Pie XI adresse l’encyclique Casti Connubii sur le mariage chrétien le 31 décembre 1930. Il confirme que les enfants doivent avoir la première place dans les biens du mariage.

Pendant la Première Guerre mondiale, les revendications des femmes sur le plan juridique sont avancées par La Libre Parole comme l’incarnation de l’égoïsme des femmes face aux soldats qui donnent leur vie pour leur patrie70. Les droits des femmes passent au second plan, surtout pendant le conflit. L’article de Paul Bureau met sur le même plan la libre maternité et l’élargissement du divorce en dénigrant Victor Margueritte (1866-1942)71. Pour les antiféministes, toutes les revendications juridiques des femmes remettent en cause la société traditionnelle et sont inacceptables.

Proclamer l’égalité femmes-hommes, et notamment l’égal accès à tous les emplois et les fonctions, serait diminuer les chances de mariage d’une femme. De fait, pour La Grande Revue  journal au début juridique, il se recentre sur l’actualité et les arts dans les années vingt, Léon Blum fait notamment partie de ses rédacteurs pour les chroniques théâtrales –, l’égalité entre les genres se matérialise : « quand une femme crée la vie, elle est dans son rôle, elle est l’égale de l’homme »72. Les femmes n’ont pas d’existence sans leur mari. Le mariage est à ce titre un élément « fondateur de l’identité des femmes »73. Le droit français depuis le Code civil (1804) prive l’épouse de sa capacité juridique74. Marthe Borély dans La République française – journal républicain fondé par Léon Gambetta dont le tirage diminue dans les années vingt – juge que « féminisme et repopulation sont inconciliables »75 de fait :

Donner aux femmes des droits politiques, abolir la puissance maritale, donner au divorce de nouvelles facilités, enlever au chef de la famille une autorité qu’il n’a que trop perdue […] voilà ce qui porterait à la natalité un préjudice plus sérieux que l’ont fait des lois successorales76.

Toute conquête de droits politiques par le féminisme qui viserait à établir une plus grande égalité entre les femmes et les hommes mettrait le pays en péril. La maternité et le rôle traditionnel sont bien plus importants à ses yeux que n’importe quel autre droit. Son point de vue est partagé par de nombreuses femmes. Dans Le Nouvelliste de Bretagne, le 25 mai 1919, des lectrices interrogées donnent leur point de vue sur le droit de vote. Pour la plupart, les femmes doivent rester dans leur rôle, celui d’enfanter77. Les discours antiféministes féminins ne se fondent que rarement sur le droit pour persuader. Il est revanche réutilisé par les antiféministes. Dans les débats sur le droit de vote des femmes devant le Sénat en 1922, Marthe Borély est citée par les parlementaires comme appui pour témoigner de femmes non-suffragistes.

Les arguments fondés sur le droit sont souvent accompagnés de discours pseudoscientifiques qui visent à témoigner que les conquêtes juridiques posent de graves problèmes de société. Le docteur Henricourt a pu ainsi affirmer que « la stérilité apparaît comme la conséquence logique de la doctrine féministe, qui tend à faire de la femme une sorte de troisième sexe, création inattendue et monstrueuse de la civilisation moderne »78. Les féministes, en perdant leurs féminités, sont accusées de la crise démographique. Il est donc impossible de leur accorder des droits politiques, car cette évolution serait néfaste pour le pays.

Dans les années trente, bien loin de s’arrêter, la politique nataliste est renforcée. De fait, le taux de mortalité dépasse le taux de natalité. Les projections scientifiques comme celles du démographe Alfred Sauvy sont à l’origine de la crainte de déclin de la population française79. La peur de la dépopulation est également une menace pour la sécurité du pays pour les politiques comme Georges Clemenceau vu le contexte toujours tendu de l’entre-deux-guerres. Le travail des femmes n’encourage pas la natalité80. À la fin des années trente, le féminisme est à nouveau accusé de porter atteinte à la famille. Le retour des femmes dans leur foyer est vu comme nécessaire, car durant ces années de chômage massif elles font concurrence aux hommes pour La Croix81 – le Journal La Croix, alors sous la direction de Jean Giraux et du père Léon Merklen, condamne l’Action française et entre dans une ligne éditoriale plus modérée, mais pas pour autant féministe. Les antiféministes pensent que les droits des femmes comme l’égalité de salaire les ont encouragées à travailler. Comme elles ont pris un emploi, elles ont quitté le foyer, entraînant ainsi une baisse de la natalité. Ces discours préparent les lois du régime de Vichy visant à exclure les femmes du monde du travail.

Le droit est utilisé comme argument dans les discours antiféministes pour refuser d’accorder des droits politiques aux femmes et de les faire entrer dans l’espace politique. Au début de l’entre-deux-guerres, face à la crise démographique, les opposants au suffrage féminin affirment que cela les détournerait de la maternité. Les antiféministes maquillent leurs discours concernant la place traditionnelle des femmes en l’appuyant sur des arguments aux fondements plus au moins juridiques. Face au contexte social, international et au blocage du Sénat, les féministes recentrent leurs revendications sur des évolutions sur la sphère privée, les discours antiféministes en miroir se décalent sur le domaine privé. Ce recul des revendications du champ politique rend les discours antiféministes moins virulents dans un premier temps, mais la Seconde Guerre mondiale sonne le glas des espoirs de progrès féministes de l’entre-deux-guerres.

II. La mobilisation du droit dans les discours antiféministes : repousser les femmes dans l’espace privé (1930-1944)

Le droit de vote, alors première revendication féminine, est en recul dans les années trente. De fait, les nombreux échecs des projets de loi n’en font plus une priorité. La crise de 1929 accentue les angoisses face à l’indépendance des femmes. Face à ces échecs, les sources témoignent que les discours féministes et en réaction les discours antiféministes se déplacent vers la sphère privée. Le féminisme est accusé d’être un discours de l’étranger dans un contexte géopolitique particulièrement explosif. L’antiféminisme remporte une première victoire, car les femmes n’obtiennent pas de droits politiques même si certaines d’entre elles sont nommées ministres sous le Front populaire. Les féministes revendiquent l’acquisition de droits dans la sphère privée, principalement sur les droits des épouses (A). Cependant, la défaite puis l’avènement de l’État français remettent en cause les acquis féministes (B).

A. La mobilisation du droit au profit du refus d’une plus grande égalité dans la sphère privée

Dans les années vingt, les journaux font état de nombreuses conquêtes féministes dans divers domaines comme le monde du travail avec des commissaires-priseuses, ou encore dans les sports. Monsieur Alix, journaliste, raille dans Le Petit Journal – quotidien conservateur – les nombreux articles mentionnant des progrès féminins en proposant que l’on fasse pareil pour les chiens82. Pourtant, il n’y a que peu de victoires concrètes sur le plan juridique. Face à l’échec de la revendication de droits politiques, le débat se déplace sur l’obtention d’une plus grande égalité dans la sphère privée. Ces avancées sont cependant tout autant contestées que le droit de vote. Les discours antiféministes ne se renouvèlent pas, ils sont toujours fondés sur les mêmes arguments83. Le féminisme devient un enjeu secondaire au regard du contexte international84 : les antiféministes deviennent alors moins virulents comme ils se veulent être son antidote.

La question de la remise en cause de la place traditionnelle des femmes dans la société est encore problématique. La plupart des femmes restent avant tout des épouses. Le célibat est à l’époque très mal vu, Théodore Joran le qualifiant d’ailleurs de « célibat-déchéance »85. Les droits que cherchent à obtenir les féministes à l’époque sont alors tournés vers l’indépendance des épouses par rapport à leur mari. En 1928, le sénateur René Renoult (1867-1946) propose un projet de modification de l’article 213 du Code civil86, pour donner la capacité juridique aux épouses. Il se heurte aux antiféministes.

Le mariage est un instrument de subordination pour les féministes. Pour les antiféministes en revanche, les femmes gagnent dans le mariage sécurité et dignité87. De fait, le mariage offre à l’épouse le droit le plus important de tous : la protection de son mari88. Cependant, cette protection se caractérise par la soumission de l’épouse posée par le Code civil à son article 213. Les antiféministes défendent fermement que cet article pose le statut juridique de l’épouse et ne peut être remis en cause sans causer de grands désordres dans la société. L’argument principal reste que la loi ne doit pas changer en fonction des mœurs89. Si le droit de vote met en péril la société dans son ensemble, retirer l’autorité d’un mari sur son épouse imposée par l’article 213 du Code civil rendrait le couple en conflit permanent90. L’indépendance de l’épouse vis-à-vis de son mari remettrait en cause les fondations de la famille française selon L’Ouest-Éclair – quotidien républicain et catholique91. Le féminisme est donc le péril de l’ordre privé et public.

Les bienfaits tels que la protection des épouses par leurs maris sont un élément qui justifie aux yeux du droit cette soumission. Jean Appleton déclare ainsi dans Le Quotidien – Journal engagé à gauche – qu’il est « évident que si l’autorité maritale est supprimée, il faudra supprimer les privilèges accordés à la femme en compensation. Sera-ce un avantage pour la femme mariée ? Je ne le crois pas »92. L’article 213 est un bienfait pour l’épouse d’après le journaliste. L’indépendance de l’épouse est très difficile à faire accepter. Selon La Croix, il y a un bon et un mauvais féminisme. Le bon, c’est celui qui défend la vertu des femmes et refuse la polygamie. Le mauvais, c’est celui qui veut des femmes indépendantes, ce qui va à l’encontre de la Bible93. Le journal s’appuie même sur le droit romain pour réfuter la légitimité de l’émancipation juridique des femmes94. Le statut juridique posé par l’article 213 serait ainsi nécessaire, dans « l’ordre des choses ».

Certains antiféministes préfèrent même accorder le droit vote aux femmes plutôt que de réformer l’article 213 du Code civil. Le vote ne poserait pas de problème dans la mesure où les épouses acceptent de rester soumises aux hommes dans le foyer95. La soumission des épouses par le droit civil n’est en aucun cas pour les antiféministes une déchéance, mais « dans la logique des choses »96. De fait, des autrices antiféministes comme Gina Lombroso-Ferrero défendent que le bonheur réside dans la dépendance alors que la souffrance est dans la liberté97.

Les discours antiféministes se fondent sur le droit et notamment le droit posé au siècle précédent pour justifier le refus de progrès juridique. De fait, ces discours sont pétris du droit naturel, de moral et de religion. L’immutabilité du droit face au progrès social est ce qui protègerait d’une grande désorganisation de la société. Jules Amar déclare ainsi : « J’ai peur que le nouveau texte, en supprimant toute idée de subordination – mettons le vieux mot d’obéissance dont on a trop honte aujourd’hui – dans le mariage n’y introduise l’anarchie ». La peur de l’anarchie est encore omniprésente dans la Troisième République et la famille, sous la direction du père est un ferme bastion de l’ordre. Pour l’auteur, il est impossible de contrer « la souveraineté de la nature »98 entendue comme la domination du mari sur son épouse. L’argumentaire est pseudojuridique, le refus de la réforme fondé principalement sur l’idée qu’« il [en] a toujours été ainsi ». Le mariage semble être à la base de l’organisation de la société et y toucher la détruirait.

La réforme du Code civil a finalement lieu en 1938 : l’article 21399 est supprimé100. Les femmes obtiennent donc la capacité civile101, mais cette égalité ne signifie pas une égalité parfaite de droits entre épouses et maris102. La puissance paternelle n’est pas remise en cause et le mari reste le chef de famille. Il lui revient toujours de choisir le domicile de la famille, mais aussi la gestion de ses biens. La loi du 18 février 1938 permet même à l’époux d’obtenir un droit de veto sur l’exercice d’une profession par sa femme à l’article 216 du Code civil103.

Les victoires du féminisme dans les années trente sont à tempérer. Malgré de minces progrès dans la sphère privée, aucun n’est observable d’un point de vue politique. Des changements sont visibles de manière concrète, mais presque aucun n’est inscrit juridiquement. Cela rend plus facile leur remise en cause pendant le régime de Vichy. Les antiféministes se fondent alors moins sur des arguments juridiques concrets pour refuser l’obtention de droits dans la sphère privée. Les justifications se font plus minces et se fondent davantage sur une prétendue désorganisation de la société. Le début de la Seconde Guerre mondiale sonne le glas des rares progrès du féminisme dans l’entre-deux-guerres.

B. Les discours antiféministes concrétisés par le droit : l’antiféminisme officiel

Dès 1939, des mesures restrictives sont prises à l’encontre des femmes. La politique familiale prônée par le régime est encore une politique nataliste104. Les femmes sont incitées à retourner au foyer et à ne plus travailler. Le décret-loi 29 juillet 1939 crée le code de la famille et de la natalité françaises. Le rapport au président d’Édouard Daladier alors président du conseil prévoit notamment de réprimer plus durement l’avortement : « nous pourchasserons l’avortement qui a exercé tant de ravages en France : nous prévoyons un accroissement des peines contre les avorteurs professionnels. »105 Le code tend à augmenter la natalité en France non seulement en réprimant, mais en encourageant les naissances grâce à la généralisation des allocations familiales.

Le 20 juin 1940, le maréchal Pétain, nouveau chef de gouvernement, annonce la défaite française à la radio. Il met en cause l’esprit d’avant-guerre : « Depuis la victoire, l’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu’on a servi. On a voulu épargner l’effort ; on rencontre aujourd’hui le malheur. »106 Ces quelques mots mettent en cause les revendications sociales, notamment celles féministes. Le « héros de 1914 » annonce ainsi la politique qu’il veut mettre en place sous l’État français. Inspiré des doctrines d’extrême droite, sa politique consacre un antiféminisme étatique. Le droit est alors utilisé pour exclure les femmes politiquement et socialement.

En 1940, les femmes sont accusées d’avoir participé à la défaite. L’antiféminisme qui est jusqu’alors un discours d’opposition entre dans le discours officiel. Le régime de Vichy considère d’une part que le féminisme serait favorable à la paix107. D’autre part il serait responsable du désordre moral. Pour les soutiens du gouvernement de Vichy, les femmes ont contribué à l’augmentation du chômage108. En sortant du foyer, elles se sont désintéressées de leurs enfants et ont porté atteinte à la famille. En tant que gardienne de la famille et de l’ordre moral, elles ont failli jusqu’à être considérées comme responsables de la défaite109. Le gouvernement prend des mesures concrètes pour revenir sur certains acquis féministes d’un point de vue juridique.

L’Action française, école de pensée et mouvement politique d’extrême droite, se rallie à la révolution nationale de Pétain. Son idéologie, notamment sous la plume de Charles Maurras, voit le travail des femmes comme un crime110. La loi du 11 octobre 1940 relative au travail féminin vise à lutter contre le chômage111. Elle prévoit d’interdire l’embauche des femmes pour les remettre dans le foyer. Dans la fonction publique, une disposition spéciale concerne les femmes non mariées :

Tout agent du sexe féminin des collectivités ou entreprises visées à l’article 2 qui, postérieurement à la publication du présent acte, se démettra de son emploi en vue de contracter mariage avant d’avoir révolu sa vingt-huitième année, sera mis en disponibilité spéciale112.

L’objectif familialiste est au cœur de cette loi qui semble tout prévoir pour qu’aucune femme ne reste célibataire et pour encourager la construction d’un foyer afin d’y élever ses enfants. À partir du moment où le mari peut subvenir aux besoins du foyer l’épouse doit quitter son emploi, sans solde. Seules les femmes ayant des difficultés pour subvenir aux besoins de leur ménage, soit, car elles ont plus de trois enfants, soit, car leur mari est parti, peuvent y échapper. Les discours antiféministes développés dans l’entre-deux-guerres sont très présents dans les législations de l’État français. Le travail féminin s’opposant à la natalité, les femmes sont exclues des professions afin qu’elle se concentre sur le premier objectif du régime et leur rôle social qu’il leur reconnaît : faire des enfants.

La propagande du régime de Vichy est tournée sur la politique nataliste. La création de la fête des Mères témoigne de la volonté de valoriser les femmes dans leur seul rôle de mère de famille113. Cette fête est le sujet d’affiches de propagande. Celle de 1943 (Figure 1) montre une mère de famille nombreuse dont les enfants sont heureux.

Figure 1 : Journée des mères. Dimanche 30 mai 1943

Figure 1 : Journée des mères. Dimanche 30 mai 1943

Affiche réalisée par Phili, Commissariat général à la famille, 37 rue de Lille : Office de propagande générale, Paris, 1943

Musée de la Résistance et de la Déportation, Besançon,2003.77.2831 (8)

Le but de la propagande est de montrer à quel point la place des femmes dans la société doit être dans son foyer (Figure 2) et non au travail. Les affiches sont simples, elles ne développent pas particulièrement le discours, mais illustrent simplement le bonheur ou la place légitime des femmes.

Figure 2 : La femme chez elle illumine son logis

Figure 2 : La femme chez elle illumine son logis

Affiche réalisée par l’atelier Alain Fournier, 1940

Coll. Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation, Lyon © Pierre Verrier

Au cœur des préoccupations, toujours dans un objectif nataliste, l’avortement est aussi diabolisé par le régime de Vichy. La propagande tente de dissuader les femmes d’avoir recours aux pratiques abortives. Le bonheur des femmes est dans la maternité (Figure 3) et son refus conduit au malheur. Les affiches sont là encore très simples et frappantes afin de convaincre les femmes de se joindre à la politique nataliste. Les discours antiféministes sont présents partout dans l’espace public et sont imposés à tous à travers la propagande.

Figure 3 : L’enfant c’est la joie

Figure 3 : L’enfant c’est la joie

Affiche produite par l’Alliance nationale contre la dépopulation, 1940

© DR, Bibliothèque Marguerite Durand, AFF 215 a GF

La loi du 15 février 1942 fait de l’avortement un crime contre la sûreté de l’État, de la société et de la race relevant de tribunaux d’exception114. La nouvelle loi le réprime ainsi :

Tout individu contre lequel il existe des présomptions graves, précises et concordantes qu’il a de manière habituelle, ou dans un but de lucre, procuré ou tenté de procurer l’avortement d’une femme enceinte ou supposée enceinte, indiqué ou favorisé les moyens de se procurer l’avortement.

Les criminels sont passibles de la peine de mort. Auparavant, le décret-loi du 29 juillet 1939 définissait une peine de dix ans d’emprisonnement à l’encontre de l’avorteur et des femmes ayant la simple intention d’avorter. L’interruption volontaire de grossesse est assimilée à une forme d’égoïsme féminin. Il est comparable à la trahison, au sabotage et à la désertion115. Le discours antiféministe est complètement adopté par l’appareil étatique et contraint les femmes et leurs corps en leur imposant la politique nataliste. Plus aucun choix n’est possible, car enfanter est un devoir.

Le procès Marie-Louise Giraud témoigne d’une particulière sévérité face aux « faiseuses d’anges ». Elle est condamnée le 9 juin 1943 à la peine de mort pour avoir pratiqué vingt-six avortements avérés et probablement beaucoup d’autres en l’espace de 3 ans116. La grâce lui est refusée, ce qui n’a pas été le cas pour une femme depuis 1893. Cela révèle la gravité de l’avortement pour le régime de Vichy. Avec elle, trois femmes comparaissent pour lui avoir trouvé une clientèle et sont condamnées à des peines de prison ou de travaux forcés selon Le Cri du peuple de Paris117 – journal collaborationniste fondé par Jacques Doriot.

Les discours antiféministes se développent et sont adoptés par le régime vichyste. De fait, la famille est au cœur du jeune régime et les diverses victoires féministes acquises pendant l’entre-deux-guerres s’opposent à l’objectif nataliste. Les discours antiféministes ne font plus qu’utiliser le droit comme argument, il est concrétisé juridiquement. La politique de Vichy tend à replacer les femmes dans leur rôle traditionnel de mère et d’épouse.

Conclusion

Les antiféministes durant l’entre-deux-guerres produisent des discours sur le droit. Ils utilisent le droit comme argument ou à l’appui d’autres arguments afin d’enfermer les femmes dans le rôle traditionnel d’épouse et de mère. Concrètement les discours se fondent principalement sur des arguments pseudojuridiques en réaction face à des changements sociaux trop rapides. Les discours antiféministes suivent les revendications féministes et s’attachent dans un premier temps à refuser les droits politiques des femmes et à les repousser de l’espace politique. Dans un second temps, même dans la sphère privée où elles sont enfermées, les antiféministes refusent toute idée d’égalité entre les femmes et les hommes. Le régime de Vichy étatise le discours antiféministe et l’inscrit juridiquement.

Les discours antiféministes trouvent encore des résonances aujourd’hui. Les « tradwives » sont proches de l’ultradroite américaine de Donald Trump, très engagée dans la lutte contre l’avortement aux États-Unis. Elles prônent le retour des femmes au foyer dans leur place traditionnelle, notamment sur le modèle des années cinquante. Le mouvement trouve son origine dans des fascicules américains de 1922, remis au goût du jour par Helen Andelin dans Fascinating Womanhood (1963). Se revendiquant féministes pour certaines, elles remettent en cause certaines victoires du féminisme. Le mouvement n’est pas anodin dans le contexte actuel. Les chiffres du Haut Conseil à l’Égalité entre les hommes et les femmes témoignent des progrès du sexisme en France. 34 % des 25-34 ans estiment que l’épouse devrait s’arrêter de travailler et rester à la maison pour éduquer ses enfants118.

Notes

1 Voir E. Peyre et J. Wiels, « De la “nature des femmes” et de son incompatibilité avec l’exercice du pouvoir : le poids des discours scientifiques depuis le xviiie siècle », Les cahiers du CEDREF. Centre d’enseignement, d’études et de recherches pour les études féministes, Hors-série, no 2, 1996, p. 127-157. Return to text

2 G. Le Bon « Sur la capacité du crâne d’un certain nombre d’hommes célèbres », Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris, vol. 2, no 1, 1879, p. 492-503. Return to text

3 « Propos sur les sports », Annales politiques et littéraires, 1922, p. 23. Les Annales politiques et littéraires sont une revue « populaire paraissant le dimanche » d’orientation républicaine modérée. Return to text

4 Voir H. Auclert, Le Droit politique des femmes, question qui n’est pas traitée au Congrès international des femmes, Paris, impr. de L. Hugonis, 1878. Return to text

5 Voir L. Israël, L’arme du droit, 2e éd., Paris, Les Presses de Sciences Po, 2020. Return to text

6 Voir Y. Ripa, Les femmes, actrices de l’histoire France, de 1789 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2010, p. 86‑98. Return to text

7 Expression utilisée par Raymond Poincaré en 1914 pour désigner le rapprochement de toutes les tendances politiques lors de Première Guerre mondiale. Voir C. Bard, Les femmes dans la société française au xxe siècle, Paris, A. Colin, 2001. Return to text

8 Voir F. Thébaud, Les femmes au temps de la guerre de 14, Paris, Payot & Rivages, 2013. Return to text

9 La Liberté, 26 septembre 1914, p. 2. Return to text

10 Voir C. Mann, Femmes dans la guerre (1914-1945) : survivre au féminin devant et durant deux conflits mondiaux, Paris, Pygmalion, 2010. Return to text

11 Ibid., p. 44. Return to text

12 G. Bellis, J.-F. Leger et A. Parent, « La guerre de 1914-1918 : un cataclysme démographique. Effets immédiats et conséquences à long terme de la guerre de 1914-1918 sur la démographie française », Espace populations sociétés, no 2-3, 2022, https://doi.org/10.4000/eps.13244, (consulté le 13/03/2025). Return to text

13 La loi du 1er août 1920 punit l’incitation à l’avortement et la propagande pour la régulation des naissances est interdite. La loi du 27 mars 1923 correctionnalise l’avortement afin de mieux le réprimer, mais les jurés ont tendance à acquitter les femmes mettant fin volontairement à leur grossesse. Return to text

14 Jules Siegfried, cité dans R. Valbelle, « Les femmes entreront-elles à l’académie », l’Excelsior, 13 janvier 1918, p. 3. Return to text

15 C. Bard et M. Perrot, Un siècle d’antiféminisme, Paris, Fayard, 1999, p. 149. Return to text

16 P. J. G. Cabanis et L. Peisse, Rapports du physique et du moral de l’homme et lettre sur les causes premières, Paris, J.-B. Baillièrechez, 1844. Return to text

17 G. Lombroso-Ferrero, L’Âme de la femme, Paris, Payot, 1923, p. 42. Return to text

18 D. Lamoureux et F. Dupuis-Deri, Les antiféminismes : analyse d’un discours réactionnaire, Montréal, Les éditions du remue-ménage, 2015, p. 25. Return to text

19 O. Roynette, « La construction du masculin de la fin du xixe siècle aux années 1930 », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 75, 2002, p. 85‑96. Return to text

20 Le Gaulois, 4 août 1922. Return to text

21 C. Bard et M. Perrot, Un siècle d’antiféminisme, op. cit., p. 8. Return to text

22 G. Lombroso-Ferrero, L’Âme de la femme, op. cit., p. 54. Return to text

23 Voir F. Héritier, Masculin-féminin, Paris, La Découverte, 2004. Return to text

24 O. Roynette, « La construction du masculin de la fin du xixe siècle aux années 1930 », art. cit., p.89 Return to text

25 D. Lamoureux et F. Dupuis-Deri, Les antiféminismes : analyse d’un discours réactionnaire, op. cit., p. 12. Return to text

26 On peut citer notamment : C. Bard, M. Blais et F. Dupuis-Deri, Antiféminismes et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui, Paris, PUF, 2019, vol. 1 ; C. Bard et M. Perrot, Un siècle d’antiféminisme, op. cit.; F. Dupuis-Deri, La crise de la masculinité : autopsie d’un mythe tenace, Paris, Points, 2022 ; D. Lamoureux et F. Dupuis-Déri, Les antiféminismes : analyse d’un discours réactionnaire, op. cit. ; B. Matot, Ces femmes antifemmes : aux sources inattendues du genre, Paris, Lemieux, 2017 ; D. Lamoureux et F. Dupuis-Déri, Les antiféminismes, op. cit. Return to text

27 Voir : D. Lamoureux et F. Dupuis-Déri, Les antiféminismes : analyse d’un discours réactionnaire, op. cit. Return to text

28 F. Dupuis-Déri, La crise de la masculinité, op. cit., p. 72. Return to text

29 O. Gazalé, Le mythe de la virilité : un piège pour les deux sexes, Paris, Pocket, 2019. Return to text

30 Allitération que l’on peut traduire par « enfants, église, cuisine ». Return to text

31 J. Jackson, La France sous l’Occupation : 1940-1944, traduit par Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Flammarion, 2013, p. 393. Return to text

32 É. Agrikoliansky et A. Collovald, « Mobilisations conservatrices : comment les dominants contestent ? », Politix, vol. 106, no 2, 2014, p. 7‑29. Return to text

33 L’étude se concentre sur les 16 955 fascicules répertoriés par le site traitant du féminisme. Elle comprend 307 titres de presses. Return to text

34 Voir C. Charle, Le siècle de la presse : 1830-1939, Paris, Édition du Seuil, 2004. Return to text

35 Cette étude entend appliquer une étude sociohistorique en mettant à profit l’histoire des idées. Elle s’inspire ainsi des travaux de Christophe Charle (C. Charle, Le siècle de la presse : 1830-1939, op. cit.), Gisèle Sapiro (notamment : G. Sapiro, La responsabilité de l’écrivain : littérature, droit et morale en France (xixe-xxie siècles), Paris, Édition du Seuil, 2011), Roger Chartier (notamment R. Chartier, Le livre concurrencé : 1900-1950, Paris, Fayard Cercle de la librairie, 1991) et enfin Erik Neveu (notamment : E. Neveu, Sociologie du journalisme, 4e édition, Paris, la Découverte, 2013). Elle entend replacer les discours antiféministes, en constant retour dans le contexte de l’entre-deux-guerres à travers une source particulière qu’est la presse. Return to text

36 C. Bard, Les filles de Marianne. Histoire des féminismes (1914-1940), Paris, Fayard, 1995, p. 359. Return to text

37 « La conférence de Mlle Vial sur le vote des femmes », L’Ouest-Éclair, 17 juin 1926, p. 4. Return to text

38 T. Joran, Le suffrage des femmes, Paris, Savaète, 1914, p. 275. Return to text

39 E. Le Breton, « Le féminisme contre les fléaux sociaux », L’Ouest-Éclair, 24 février 1927, p. 1. Return to text

40 La proposition de loi accorde le droit de vote aux femmes seulement dans certaines élections : pour les conseils municipaux, les conseils d’arrondissement et les conseils généraux. Certains députés font remarquer cette limite du texte dès les premiers débats comme Paul Escudier, Charles Bernard et le Comte de Pomereu. Return to text

41 Les députés notamment grâce à Jean Bon ont estimé qu’il n’y a aucune justification suffisante pour interdire le droit de vote total aux femmes. Return to text

42 « Sénat, Séance du 21 novembre 1922 », Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Sénat : compte rendu in-extenso, 1922, p. 1386. Return to text

43 C. Bard, Les filles de Marianne. Histoire des féminismes (1914-1940), op. cit., p. 331. Return to text

44 Propos d’Edmond Lefebvre du Preÿ, « Chambre des députés, séance du 15 mai 1919 », Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambre des députés : compte rendu in-extenso, 1919, p. 2299. Return to text

45 Lefebvre du Preÿ évacue de son argument la possibilité pour l’épouse de passer outre l’avis de son mari par décision judiciaire. Return to text

46 T. Joran, Le suffrage des femmes, op. cit., p. 320. Return to text

47 Ibid., p. 215. Return to text

48 Ibid., p. 221. Return to text

49 Les articles sur le mariage n’ont pas été réformés depuis 1804. Return to text

50 Pierre et Paul, « Le féminisme politique », la Dépêche de Toulouse, 26 juin 1921, p. 1. Return to text

51 T. Joran, Le mensonge du féminisme : opinions de Léon H…, Paris, H. Jouve, 1905, p. 420. Return to text

52 M. Fister, « Une défaite du féminisme », Le Libertaire, 26 janvier 1924, p. 1. Return to text

53 Cette association est créée en 1902 dans un contexte très anticlérical. Elle se proclame ennemie des socialistes, de la laïcité, mais aussi du judaïsme. Elle a été influencée par l’Action française. Return to text

54 C. Bard, Les femmes dans la société française au xxe siècle, op. cit., p. 88. Return to text

55 Philax, « Féminisme et loi salique », La Libre Parole, 4 janvier 1920, p. 3. Return to text

56 L’invocation de la loi salique est une constante dans l’exclusion des femmes de la vie politique. Cardin Le Bret au xviie siècle juge que ce texte est « conforme à la loi de la nature laquelle ayant créé la femme imparfaite et débile, tant du corps que de l’esprit, l’a soumise à la puissance de l’homme qu’elle a pour ce sujet enrichi d’un jugement plus fort, d’un courage plus assuré et d’une force de corps plus robuste » (Œuvre de Messire Cardin Le Bret, Paris, Veuve Toussaint du Bray, 1643). Le droit est également ici utilisé pour justifier un argument fallacieux fondé sur une prétendue loi de la nature. Return to text

57 Voir J. Barbey, F. Bluche et S. Rials, Lois fondamentales et succession de France, 2e édition, Paris, Diffusion université culture, 1984. Return to text

58 Propos de M. Labrousse, « Sénat, séance du 14 novembre 1922 », Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Sénat : compte rendu in-extenso, 1922, p. 1339 ; H. Leroux, « Partisan et adversaire du vote de la femme sont aux prises », L’Ouest-Éclair, 15 novembre 1922, p. 2. Return to text

59 Voir : M. Béal, « Marthe Borély, l’antiféminisme entre contre-révolution et République », mémoire, sciences politiques, sous la direction de A. Verjus, sciences politiques, Institut d’Etudes politiques de Lyon, 2010, Return to text

60 « Ce que l’on dit » L’Écho de Paris, 7 avril 1935, p. 2. Return to text

61 « Le Féminisme et la Guerre », Le Siècle, 18 décembre 1818, p.2. Return to text

62 « Est-il désirable que les femmes votent ? Ce que pense nos lectrices », Le Nouvelliste de Bretagne, 24 mai 1919, p. 1. Return to text

63 P. Huc., « Idées et doctrines. Le féminisme », La Dépêche, 17 avril 1932, p. 1. Return to text

64 C. Bard, Les filles de Marianne. Histoire des féminismes (1914-1940), op. cit., p. 404. Return to text

65 Voir : C. Bard, M. Blais et F. Dupuis-Déri, Antiféminismes et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui, op. cit., Return to text

66 La politique nataliste est aussi motivée par le rapprochement entre les républicains radicaux et catholiques. Return to text

67 C. Bard, Les femmes dans la société française au xxe siècle, op. cit., p. 53. Return to text

68 Le but de cette loi est de réduire la mortalité infantile. Return to text

69 Voir R. Lenoir, Généalogie de la morale familiale, Paris, Édition du Seuil, 2003. Return to text

70 P. Bureau, « La libre maternité », La libre Parole, 3 janvier 1918, p. 1. Return to text

71 Auteur français, ancien militaire et fervent défenseur de l’émancipation des femmes. Il est l’auteur de La Garçonne (1922), roman fortement critiqué – qui lui vaut le retrait de sa Légion d’honneur en 1923. Il met en scène une femme bisexuelle, chef d’entreprise et qui dispose librement de son corps. Voir C. Bard, Les femmes dans la société française au xxe siècle, op. cit., p. 121. Return to text

72 A. Beckerich, « Femme-ingénieur », La Grande revue, 1er février 1918, p. 113-126. Return to text

73 C. Bard, Les femmes dans la société française au xxe siècle, op. cit., p. 43. Return to text

74 Code civil Art. 214 et 215 : « la femme est obligée d’habiter avec son mari » et « la femme n’a pas le droit d’ester en justice sans l’autorisation de son mari ». Il y a de maigres tempéraments comme la libre disposition du salaire par l’épouse par la loi du 13 juillet 1907. Return to text

75 « Féminisme et repopulation », La République française, 17 novembre 1922, p. 3. Return to text

76 Ibid. Return to text

77 « Le vote des femmes. Pour ou contre ? », art. cit., p. 1. Return to text

78 Général Maitrot, « La grande pitié des Berceaux de France », L’Écho de Paris, 19 décembre 1922, p. 1. Return to text

79 C. Bard, M. Blais et F. Dupuis-Déri, Antiféminismes et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui, op. cit., p. 158. Return to text

80 P. Pironneau, « Le problème de la natalité française », L’Écho de Paris, 26 avril 1937, p. 4. Return to text

81 J. Giraud, « Pour le retour de la femme au foyer », La Croix, 4 août 1936, p. 1. Return to text

82 M. Alix, « Peggy, courrier d’ambassade est un brave… petit chien ! », Le Petit Journal, 9 juin 1923, p. 2. Return to text

83 C. Bard, Les filles de Marianne. Histoire des féminismes (1914-1940), op. cit., p. 404. Return to text

84 Ibid., p. 383. Return to text

85 T. Joran, Le mensonge du féminisme, op. cit., p. 80. Return to text

86 L’article existe alors encore dans sa formulation de 1804 : « Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari. » Return to text

87 T. Joran, Le suffrage des femmes, op. cit., p. 328. Return to text

88 Propos du sénateur Labrousse « Sénat, séance du 14 novembre 1922 », Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Sénat : compte rendu in-extenso, 1922, p. 1345 Return to text

89 T. Joran, Le mensonge du féminisme, op. cit., p. 304. Return to text

90 Ibid., p. 334. Return to text

91 E. Le Breton, « Le féminisme intelligent et l’autre », L’Ouest-Éclair, 15 juin 1921, p. 1. Return to text

92 « Féminisme et Code civil », Le Quotidien, 19 avril 1923, p. 3. Return to text

93 J. Guiraud, « Le bon et le mauvais féminisme », La Croix, 9 mars 1918, p. 1. Return to text

94 J. Guiraud, « Féminisme Antifamilia », La Croix, 23 mars 1918, p. 1. Return to text

95 H. Reverdy, « La crise de l’autorité maritale », La Libre parole, 13 mars 1919, p. 3. Return to text

96 H. Reverdy, « La femme et le droit », La Croix, 25 août 1920, p. 1. Return to text

97 G. Lombroso-Ferrero, L’Âme de la femme, op. cit., p. 814. Return to text

98 J. Amar, « Le débat féministe », L’Écho de Paris, 29 septembre 1924, p. 1. Return to text

99 Le nouvel article 213 énumère désormais les devoirs du mari : « Le mari, chef de la famille, a le choix de la résidence du ménage ; la femme est obligée d’habiter avec son mari, celui-ci est tenu de la recevoir. Un droit de recours au tribunal, statuant en chambre du conseil, le mari dûment appelé et le ministère public entendu, est ouvert à la femme contre une fixation abusive de la résidence du ménage par le mari. La qualité de chef de famille cesse d’exister au profit du mari 1° dans les cas d’absence, d’interdiction, d’impossibilité pour le mari de manifester sa volonté, et de séparation de corps ; 2° lorsqu’il est condamné, même par contumace, à une peine criminelle, pendant la durée de sa peine. » Return to text

100 Journal officiel de la République française. Lois et décrets, no 0042, 19 février 1938, p. 2. Return to text

101 Ibid., p. 3. Return to text

102 F. Rochefort, « Laïcisation des mœurs et équilibres de genre. Le débat sur la capacité civile de la femme mariée (1918-1938) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, vol. 87, no 3, 2005, p. 129‑141. Return to text

103 Journal officiel de la République française. Lois et décrets, no 0042, 19 février 1938, p. 3. Return to text

104 F. Muel-Dreyfus, Vichy et l’éternel féminin : contribution à une sociologie politique de l’ordre des corps, Paris, Édition du Seuil, 1996, p. 93. Return to text

105 Journal officiel de la République française. Lois et décrets, n178, 30 juillet 1939, p. 4. Return to text

106 P. Pétain, « Appel du 20 juin 1940 », P. Pétain, Appels aux Français, Toulouse, Imprimerie régionale, Édition des services d’information de la vice-présidence du conseil, 1940, p. 5. Return to text

107 L. Zanta, « Féminisme et pacifisme », L’Écho de Paris, 14 juin 1926, p. 1. Return to text

108 J. Giraud, « Féminisme et chômage », La Croix, 25 février 1938, p. 1. Return to text

109 F. Rouquet, « Le sort des femmes sous le gouvernement de Vichy (1940-1944) : Contexte sociétal et développement des interventions publiques concernant la famille : Politiques familiales et vies de femmes », Lien social et politiques, no 36, 1996, p. 61‑68. Return to text

110 F. Muel-Dreyfus, Vichy et l’éternel féminin, op. cit., p. 43. Return to text

111 « Loi du 11 octobre 1940 relative au travail féminin », Journal officiel de la République française. Lois et décrets, no 275, 27 octobre 1940, p. 3. Return to text

112 Ibid., Art. 3. Return to text

113 F. Muel-Dreyfus, Vichy et l’éternel féminin, op. cit., p. 135. Return to text

114 Ibid. Return to text

115 Ibid. Return to text

116 « La peine de mort contre une avorteuse », La France socialiste, 9 juin 1943. La France socialiste est un journal collaborationniste, p. 3. Return to text

117 « La répression de l’avortement, pour la première fois le tribunal d’État la peine de mort en la matière », Le Cri du peuple de Paris, 9 juin 1943, p. 1. Return to text

118 M. Chaudouët-Delmas (rapporteuse), S. Pierre-Brossolette, X. Alberti, M.-A. Bernard, Rapport no 2024-01-22-STER-61, Rapport des 6e état des lieux du sexisme en France, 22 janvier 2024, https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/stereotypes-et-roles-sociaux/travaux-du-hce/article/6eme-etat-des-lieux-du-sexisme-en-france-s-attaquer-aux-racines-du-sexisme (consulté le 13/03/2025). Return to text

Illustrations

  • Figure 1 : Journée des mères. Dimanche 30 mai 1943

    Figure 1 : Journée des mères. Dimanche 30 mai 1943

    Affiche réalisée par Phili, Commissariat général à la famille, 37 rue de Lille : Office de propagande générale, Paris, 1943

    Musée de la Résistance et de la Déportation, Besançon,2003.77.2831 (8)

  • Figure 2 : La femme chez elle illumine son logis

    Figure 2 : La femme chez elle illumine son logis

    Affiche réalisée par l’atelier Alain Fournier, 1940

    Coll. Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation, Lyon © Pierre Verrier

  • Figure 3 : L’enfant c’est la joie

    Figure 3 : L’enfant c’est la joie

    Affiche produite par l’Alliance nationale contre la dépopulation, 1940

    © DR, Bibliothèque Marguerite Durand, AFF 215 a GF

References

Electronic reference

Clarisse Meykiechel, « L’usage du droit comme argument dans les discours antiféministes en France (1918‑1944) », Mélété [Online], 01 | 2025, Online since 03 juin 2025, connection on 22 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/melete/index.php?id=118

Author

Clarisse Meykiechel

Clarisse Meykiechel est doctorante en histoire du droit au Centre d’anthropologie et d’histoire du droit (CHAD) à l’université Paris-Nanterre. Depuis le mois de novembre 2020, elle rédige une thèse intitulée «  À Mort le Roi ! Les expressions séditieuses et les offenses au Roi sous la Restauration et la monarchie de Juillet », sous la direction de Mathieu Soula.

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