Des femmes indignes d’être protégées ?

Les exclues du droit d’asile

  • Women Unworthy of Protection ? Those Excluded from International Protection

DOI : 10.35562/melete.138

Résumés

Chaque type de protection internationale prévoit des clauses d’exclusion, selon lesquelles un statut protecteur peut être refusé si la personne requérant l’asile est jugée indigne. Le genre est désormais un critère essentiel dans la reconnaissance d’une protection internationale – toutefois, le genre est également un élément important dans le cadre de l’exclusion. Après un bref rappel des règles applicables en matière d’exclusion, nous verrons donc dans quelles situations le genre des requérantes a pu être considéré comme un facteur minimisant, ou aggravant, leur responsabilité.

Each type of international protection is circumscribed by exclusion clauses. These clauses prevent asylum seekers deemed “unworthy” from obtaining a protected status. Gender is now an essential criterion in the recognition of international protection - however, gender is also an important factor when it comes to exclusion. After a brief review of the rules applicable to exclusion from international protection in France, we will analyse the situations in which an asylum seeker’s gender has been considered by French courts as a factor reducing, or aggravating, their responsibility.

Plan

Texte

La Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés prévoit, dans son article 1F, que certaines personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions graves, tels des crimes de guerre ou des crimes graves de droit commun, soient exclues du statut de réfugié. Ces clauses d’exclusion, intégrées en droit français via l’article L. 511-6 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et également applicables aux potentiel·le·s bénéficiaires de la protection subsidiaire1 ou temporaire2, conduisent à refuser de reconnaître une protection internationale à celles et ceux qui s’en seraient rendu·e·s indignes. L’application de ces clauses, à la frontière entre le droit administratif et le droit pénal, entre application de critères juridiques et prise en compte de contextes géopolitiques et historiques, soulève plusieurs questions. Un des aspects les plus intéressants de ces clauses d’exclusion est le fait qu’elles conduisent les autorités chargées de la détermination du statut de réfugié, notamment l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), à déclarer une personne indigne de protection. L’exclu·e du droit d’asile est ainsi une figure liminaire, ni réfugié·e, car indigne de protection, ni débouté·e, car des craintes fondées d’être exposé·e à la persécution ou à des atteintes graves lui sont reconnues.

Cette conception de l’indignité serait-elle influencée par le genre de la personne requérant l’asile ? Les demandeuses d’asile sont-elles traitées différemment dans le cadre de l’application de ces clauses d’exclusion ? Cette vision différenciée, si elle existe, pourrait-elle s’expliquer par une certaine réticence des juges de l’asile à considérer une femme comme capable d’actes de grande violence ? Plusieurs figures de l’exclue du droit d’asile se dessinent : les membres d’organisations utilisant des méthodes terroristes, telles le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan- Turquie) et les LTTE (Tigres de libération de l’Eelam tamoul-Sri Lanka), les femmes condamnées en France pour traite des êtres humains à des fins de prostitution, ou les femmes ayant détenu des rôles importants dans des régimes dictatoriaux, voire génocidaires (tel au Rwanda). La jurisprudence de la CNDA, la juridiction administrative compétente en matière d’asile, révèle-t-elle un traitement différencié des demandeuses d’asile par rapport aux demandeurs d’asile, s’agissant des clauses d’exclusion ?

La question du genre dans la pratique de l’asile est d’une grande actualité, ce critère étant désormais explicitement pris en compte dans l’octroi d’une protection. Transposant le droit européen3, et dans la lignée des préconisations internationales4, la loi française enjoint désormais aux autorités de l’asile de prendre en compte le genre dans l’évaluation des craintes invoquées5. Ce mouvement est également européen, car la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a récemment appelé à la création d’un groupe social des femmes, facilitant ainsi la reconnaissance du statut de réfugiées aux demandeuses d’asile6. Le genre est ainsi un facteur important de la phase « inclusion », et cet aspect concentre l’attention de la doctrine du droit d’asile7. Toutefois, peu de travaux ont été consacrés à la question de la prise en compte du genre dans la phase « exclusion ». Ainsi, la seule mention de l’exclusion que nous avons pu retrouver dans les travaux portant sur la prise en compte du genre en droit d’asile concerne les épouses d’hommes exclus d’une protection internationale8 ! Si la question a été abordée, pour la sphère anglophone, par Kate Ogg9, il n’y a, à ce jour, aucune analyse d’ampleur faite sur la jurisprudence française. Cet article vise à combler au moins partiellement ce manque en s’interrogeant sur la prise en compte du genre dans la jurisprudence concernant l’exclusion des demandeuses d’asile. Une de ces questions est d’identifier en quoi les demandeuses d’asile semblent bénéficier ou souffrir d’un traitement différencié dans ce domaine, et quelles sont les raisons susceptibles d’expliquer ces différences.

Pour comprendre les enjeux que soulèvent ces questions, il convient d’abord de revenir sur ce que sont les clauses d’exclusion en droit d’asile.

En droit français, il existe actuellement quatre types de protection internationale : le statut de réfugié10, la protection subsidiaire11, la protection temporaire12, et l’apatridie13. Ces quatre statuts sont soumis à des clauses d’exclusion, c’est-à-dire des situations dans lesquelles la protection doit être refusée à des personnes qui pourtant remplissent les autres conditions d’accès au statut. Ces clauses d’exclusion portent sur plusieurs motifs, dont, par exemple, le fait d’avoir auparavant obtenu un autre type de protection14. Nous laisserons ces autres motifs de côté, pour nous focaliser sur un type d’exclusion particulier, celui qui touche à l’indignité.

Concernant tout d’abord le statut de réfugié, ce dernier peut être reconnu aux personnes qui craignent avec raison d’être persécutées pour un des motifs prévus par la Convention de Genève du 28 juillet 195115 : la « race », la nationalité, les opinions politiques, la religion, ou l’appartenance à un certain groupe social. Selon l’article 1F de cette même convention, ce statut doit être refusé lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que la personne qui demande l’asile a commis un crime international (tel un crime de guerre), un crime grave de droit commun, ou un agissement contraire aux buts et aux principes des Nations unies. Concernant ensuite la protection subsidiaire, cette protection, prévue par une directive européenne16, concerne les personnes qui risquent d’être exposées à des atteintes graves (exécution, torture, traitements inhumains ou dégradants…) ou à des menaces graves et individuelles contre leur vie en raison d’une violence aveugle dans une situation de conflit armé. Une personne peut être exclue de la protection subsidiaire lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’elle aurait commis une infraction grave, reprenant globalement celles citées dans l’article 1F de la Convention de Genève17, ou lorsque cette personne représente une menace grave pour l’ordre public18. Le droit de l’Union européenne a également prévu un autre statut, celui de la protection temporaire19, qui a récemment été appliquée aux ressortissant·e·s ukrainien·ne·s20. Cette protection temporaire concerne les cas d’afflux massif de personnes déplacées. Si elle n’est pas soumise à un critère d’individualisation de la menace, la protection temporaire reste soumise à des clauses d’exclusion21 similaires à celles de la protection subsidiaire. Toutefois, à notre connaissance, il n’y a aucune décision d’exclusion portant sur la protection temporaire, un état de fait sans doute dû à sa mise en place très récente. Le dernier type de protection internationale est l’apatridie, qui concerne « toute personne qu’aucun État ne considère comme son ressortissant »22. Ce statut est soumis aux mêmes clauses d’exclusion que le statut de réfugié·e23. Cependant, de nouveau, il n’y a à notre connaissance aucune décision d’exclusion portant sur le statut d’apatride. Les décisions que nous étudierons ci-dessous porteront donc uniquement sur l’exclusion de deux types de protection internationale : le statut de réfugié·e et la protection subsidiaire.

Qu’elle concerne le statut de réfugié·e ou la protection subsidiaire, l’exclusion, dans la pratique française, n’intervient qu’après la phase d’inclusion24. En d’autres termes, une personne ne peut être exclue qu’une fois les craintes établies – qu’elles soient des craintes d’être persécutée ou d’être exposée à une atteinte grave. En l’absence de craintes, la décision sera une décision de rejet simple, concluant par exemple au non-établissement des faits invoqués, sans se prononcer sur l’application des clauses d’exclusion. Cet ordre d’analyse, où l’exclusion suit l’inclusion, est important, car il assoit le caractère exceptionnel de l’exclusion. Ce mécanisme concerne en effet des personnes auxquelles on reconnaît des craintes importantes, des personnes qui sont donc, suivant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, non-expulsables25. Les personnes concernées par l’exclusion sont donc bel et bien en danger, mais la protection internationale leur est refusée en raison de leur indignité.

Ce critère d’indignité peut surprendre, en ce qu’il semble explicitement traduire, dans la pratique du droit d’asile, un jugement d’ordre moral. Il faut cependant garder à l’esprit que l’exclusion ne résulte pas d’une évaluation arbitraire des juges de l’asile, car les conditions de cette indignité sont fixées par les textes précités. Toutefois, ces textes, s’ils encadrent l’application des clauses d’exclusion, prévoient une certaine marge d’appréciation. Il ne peut en être autrement, dans une matière comme le droit d’asile, où chaque situation doit être étudiée individuellement, en fonction du contexte qui lui est propre. L’exclusion ne peut ainsi être prononcée de façon mécanique ou automatique, mais dépendra d’une étude au cas par cas, tel que le préconise la CJUE26.

Cet aspect casuistique nous conduit à formuler une première mise en garde concernant l’analyse de la jurisprudence qui suit. Si nous avons analysé les décisions au prisme du genre, ce n’est là qu’un facteur parmi d’autres qui a été pris en compte dans chaque affaire par les juges de l’asile. Il est ainsi possible que le genre n’ait pas été, en lui-même, l’élément le plus déterminant. Nous pouvons faire un parallèle avec le droit pénal, où le traitement de faveur dont semblent bénéficier les femmes peut s’expliquer, pour la majorité d’entre elles, par leurs faibles antécédents judiciaires27, plutôt que par leur genre. Toutefois, si le genre n’est qu’un facteur parmi d’autres, notre analyse permet de déceler qu’il est bien un facteur pris en compte. Comme nous le verrons ci-après, certaines femmes, placées dans une situation similaire à certains hommes, ont été considérées comme dignes d’être protégées, contrairement à leurs homologues masculins (I). Dans d’autres cas, le genre féminin de l’autrice de l’acte d’exclusion semble avoir été interprété, à l’inverse, comme un élément aggravant (II).

I. Le genre comme facteur minimisant la responsabilité

Comme le souligne Chrystèle Bellard en se penchant sur des travaux criminologiques des xixe et xxe siècles, les femmes ont souvent été perçues comme ayant une plus faible capacité à commettre des crimes, du fait d’une prétendue « vertu innée », voire même de la « faiblesse de leurs instincts violents et sexuels »28. Si les théories déterministes sont désormais globalement rejetées, il n’en subsiste pas moins une forme de réticence à reconnaître la criminalité des femmes et leur capacité à commettre des actes d’une grande violence. Selon plusieurs historiens, il existe une tendance marquée depuis la fin du xviiie siècle à réprimer la violence masculine et à percevoir les femmes comme plus vulnérables et nécessitant d’être protégées29. Cette vulnérabilité n’est pas qu’une construction : elle reflète le statut social inférieur de la femme. Les femmes sont ainsi plus volontairement définies comme des victimes par le droit, et notamment par le droit d’asile, comme le démontrent les évolutions récentes facilitant leur obtention du statut de réfugiée. Si les femmes sont majoritairement perçues comme vulnérables et victimes de la violence masculine, elles ne sont que rarement définies comme des agresseuses. Il est possible que, du fait de leur statut social, les femmes aient des opportunités réduites de commettre des crimes et que, du fait de leur éducation, elles soient conditionnées à être plus respectueuses de la loi : ce sont des théories avancées pour expliquer la part très minoritaire des femmes dans les personnes condamnées par la justice pénale30. Toutefois, si les femmes sont effectivement minoritaires dans les rangs des condamnés, il n’en demeure pas moins qu’elles sont capables de commettre des actes d’une grande violence, et que cette capacité est parfois niée, voire minimisée, pour pouvoir ne garder d’elles qu’une image de victime vulnérable. Certaines décisions de la CNDA semblent refléter cet état d’esprit. Nous avons pu relever certaines décisions qui pourraient s’expliquer par une certaine réticence des juges de l’asile, reflétant en cela une réticence plus généralisée, à percevoir les femmes comme pouvant être des agresseuses.

Nous pouvons commencer par évoquer, de façon chronologique, deux décisions contrastées rendues par l’ancêtre de la CNDA, la Commission de recours des réfugiés (CRR)31. Nous opposons ces décisions, car elles révèlent des faits a priori assez similaires : une personne fait valoir qu’elle s’est échappée en attaquant un agent persécuteur. La première décision concerne une femme mauritanienne, maintenue dans une situation d’esclavage depuis son enfance, qui indiquait avoir fui en incendiant la case de la personne se désignant comme son maître32. La deuxième décision concerne un militant algérien, qui indiquait avoir tué le gardien de la prison où il était détenu33. Or, là où la première fut reconnue comme réfugiée, le deuxième fut exclu du statut. Ces solutions différentes pourraient s'expliquer par d'autres éléments : la détention du requérant algérien était peut-être jugée légitime, contrairement à la situation d’asservissement de la requérante, ce qui permettrait de contester le bien-fondé du meurtre du gardien. Toutefois, ces informations ne nous sont pas disponibles, car elles ne sont pas explicitement mentionnées dans les décisions de la CRR, qui se distinguaient par leur brièveté34. Un indice, cependant, tiré des termes utilisés dans la première décision, laisse penser que la différence de solution entre ces deux décisions s’explique surtout par le genre des requérant·e·s : les termes utilisés dans la décision de la requérante mauritanienne. Cette dernière est avant tout présentée comme une victime : la CRR insiste sur sa « misérable dépendance », sur les « traitements abusifs dont [elle] a été si durablement victime »35. Si la CRR décrit les faits, en indiquant que la requérante a incendié une case, elle ne s’étend pas, dans cette décision, sur les conséquences de cet incendie : aurait-il provoqué la mort du maître autoproclamé, voire d’autres personnes présentes ? La décision ne s’attarde pas sur la question, préférant retenir de la requérante uniquement une image de victime, concluant que « l’acte de vengeance par incendie qu’elle a commis […] ne saurait dans les circonstances très particulières de l’espèce [résulter en son exclusion] »36. Dès lors que la requérante est perçue avant tout comme victime, la violence qu’elle dit avoir commise, et ses conséquences, semblent être occultées par la CRR. Ainsi, en insistant sur les violences vécues par la requérante plutôt que sur les violences commises, la CRR a pu considérer cette dernière comme étant digne du statut de réfugiée.

Cette décision révèle qu’il paraît plus aisé de classer les requérantes dans la catégorie de « victime », et que cette classification conduit à minimiser leur rôle en tant qu’agresseuses. D’autres décisions montrent qu’une femme sera plus aisément considérée comme subalterne que comme responsable, et que cette minimisation de leur rôle a un impact certain sur leur traitement judiciaire. Relevons ainsi quelques décisions où le juge de l’asile a estimé qu’une femme n’avait pas les responsabilités nécessaires pour être déclarée responsable au titre de l’exclusion. Pour prendre de nouveau un exemple de la CRR, nous pouvons comparer deux décisions rwandaises, qui avaient trait au génocide s’étant déroulé dans ce pays en 1994. Dans la première, la Commission a jugé qu’un responsable d’une société étatique pouvait être considéré comme ayant été complice du génocide. Même si sa participation était indirecte, et se limitait à la gestion de cette entreprise, la CRR a estimé que les fonds levés par cette entreprise servaient à acheter des armes, ce qui était une contribution suffisante pour enclencher les clauses d’exclusion37. Par contraste, la CRR a écarté la responsabilité, et donc l’exclusion, de la responsable de la Banque Nationale du Rwanda38, n’établissant aucun lien, même indirect, avec le génocide. De nouveau, la brièveté des décisions de la CRR nous prive de certaines précisions qui pourraient permettre d’expliquer ces différentes solutions. Toutefois, si une responsabilité indirecte dans le financement du génocide a pu être retenue pour un responsable d’une entreprise publique, il est difficile de voir en quoi cette responsabilité devait être écartée pour la responsable de la Banque Nationale du Rwanda. Dans cette deuxième affaire, la requérante semble avoir bénéficié d’une certaine souplesse de la part de la CRR. Une explication possible serait qu’il est plus difficile de retenir la responsabilité en tant que complice de femmes dans des situations de dirigeantes. Notons toutefois que la CNDA a pu exclure des femmes ayant eu des rôles particulièrement importants au sein du régime génocidaire rwandais, dès lors que leur responsabilité était assez évidente : tel est le cas – bien connu – de la veuve de l’ancien président rwandais, désignée comme une des planificatrices du génocide39, ou encore d’une femme membre de « l’élite administrative », ayant contribué à la légitimation du génocide sur la scène internationale40.

Au soutien de cette hypothèse, nous pouvons citer deux décisions plus récentes concernant des requérants kurdes ayant eu des responsabilités dans une association française qui levait des fonds, parfois à travers des extorsions, pour soutenir un groupe qualifié de terroriste41. Dans ces deux décisions, prises le même jour, le requérant, considéré comme étant le chef de cette association, a été exclu42, tandis que la requérante, dont le rôle a été qualifié de « mineur », s’est vue reconnaître le statut de réfugiée43. Pourtant, cette dernière avait été condamnée à une peine de quatre années d’emprisonnement (dont trente mois avec sursis) par la Cour d’appel de Paris, avait été désignée par un autre membre du mouvement comme ayant eu un rôle important, et avait activement participé à de nombreuses actions de l’association. À titre de comparaison, le requérant dans l’affaire connexe avait été condamné à une peine similaire, de cinq ans d’emprisonnement. Pour ce dernier, la CNDA rappelle qu’il avait été auparavant condamné dans le cadre d’actes violents – toutefois, c’est bien son rôle de responsable associatif qui justifie ici son exclusion, ainsi que le financement d’un groupe terroriste. Or, s’agissant de la requérante, cette dernière avait également participé à ce financement, bien que la CNDA indique que ceci concernait « un montant réduit »44. En l’absence d’une mention exacte des montants concernés, tant pour le requérant que la requérante, toute comparaison semble vaine. Il est possible que la différence de contribution entre ces deux profils ait effectivement été conséquente, justifiant leur traitement différencié. Notre propos n’est pas ici de réfuter le bien-fondé de ces décisions, mais de déceler en quoi le profil de la requérante semble présenté d’une façon bien plus favorable que celui du requérant. Car malgré plusieurs éléments en sa défaveur, notamment sa condamnation à une peine importante et sa désignation par d’autres membres de l’association comme en étant une membre active, la requérante a été présentée comme une personne subalterne au sein de l’organisation, aux responsabilités très réduites.

Un autre exemple en ce sens est celui de la traite des êtres humains. Ces faits peuvent être considérés par le juge de l’asile comme des « agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies » dès lors qu’ils ont un « impact international ». Or, cet impact international dépend des agissements et de l’influence du réseau criminel, mais également de la position occupée par le requérant ou la requérante au sein de ce réseau45. Malgré une jurisprudence assez fournie en matière de traite des êtres humains, on peut relever que la CNDA a considéré qu’un requérant occupait une position suffisamment importante pour pouvoir qualifier les faits d’« agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies »46, alors qu’elle n’a jamais47 retenu cette qualification pour des requérantes condamnées à ce titre48. Il est possible que jusqu’à présent, la CNDA n’ait eu à connaître que des cas de femmes « proxénètes intermédiaires », pour reprendre la formule souvent utilisée dans la jurisprudence. Cependant, il semblerait qu’ici encore, quand l’exclusion dépend de responsabilités exercées au sein d’un groupe ou d’un réseau, la responsabilité des femmes est plus facilement écartée. Ceci ne traduit pas forcément une trop grande mansuétude de la part du juge de l’asile : il est certain que, du fait de leur position sociale inférieure, les femmes sont souvent écartées de postes à responsabilités. Il n’en reste pas moins que, concernant certaines requérantes, il est clair que ces dernières avaient de hautes responsabilités, qui ne doivent pas être sous-estimées.

Le juge de l’asile semble donc plus facilement considérer une femme comme ayant eu un rôle mineur au sein d’organisations se livrant à des actes susceptibles d’entrainer l’exclusion. Cette vision des femmes comme ayant forcément un rôle subalterne se retrouve également dans un arrêt récent concernant une combattante. Dans le cas d’espèce, la requérante indiquait avoir combattu pour un groupe armé srilankais – les LTTE – et avoir été blessée au combat49. Toutefois, la CNDA a ici écarté l’application des clauses d’exclusion, en partant du principe que la demandeuse ne se serait pas servie de son arme durant les combats. Cette conclusion est étonnante au vu du profil de la demandeuse tel qu’il ressort du résumé des faits : cette dernière était devenue combattante de son plein gré pour les LTTE, avait suivi une formation militaire de six mois, avait intégré un commando de combattants, et avait été mobilisée sur sept lignes de front différentes sur une période de plus d’un an50. Devant un tel engagement, il est difficile d’adhérer à la conclusion de la CNDA selon laquelle la requérante n’aurait pas manié l’arme dont elle était détentrice51. Cette décision semble, à première vue, peu cohérente : pourrait-elle s’expliquer par une certaine réticence à reconnaître une femme en tant que combattante, en tant que personne dotée d’aspirations bellicistes ?

Notons également un autre point, plus général. Le genre d’une requérante est souvent présenté comme un facteur de vulnérabilité, permettant d’écarter plus facilement l’application des clauses d’exclusion, notamment à travers l’établissement de causes exonératoires de responsabilité. Ainsi, si la cause exonératoire tirée de la contrainte est d’application très stricte en droit de l’exclusion, cette contrainte sera plus facilement admise pour une requérante que pour un requérant. C’est ce que montre le cas d’une femme transsexuelle brésilienne ayant participé à un trafic de stupéfiants, pour laquelle la CNDA a assez largement caractérisé une situation de contrainte de la part du réseau criminel l’ayant employée52. Une cause exonératoire a également été retenue dans les cas d’une demandeuse érythréenne astreinte au service militaire obligatoire53, et d’une travailleuse du sexe haïtienne ayant blessé un client alors que ce dernier l’attaquait54. La CNDA a également su se montrer souple dans une affaire concernant une femme albanaise condamnée pour le meurtre de sa belle-mère, en prenant en compte la vulnérabilité de la requérante et le contexte de violences intrafamiliales dans lequel ce crime avait été commis55. Il est possible que l’exclusion aurait été écartée dans ces affaires mêmes si les requérantes avaient été des requérants. Toutefois, il est clair que le genre des demandeuses a été pris en compte dans l’analyse de la CNDA, leur vulnérabilité permettant d’écarter plus aisément l’application des clauses d’exclusion.

Ces quelques décisions, si elles ne peuvent pas s’expliquer uniquement par le facteur du genre, laissent penser que les requérantes bénéficient parfois d’un traitement plus favorable que certains requérants dans des situations analogues. Cette plus grande souplesse du juge de l’asile semble en partie fondée sur une vision des femmes comme étant avant tout des victimes. Leurs actes de violence et leurs responsabilités au sein de groupes se livrant à des agissements condamnables seront ainsi plus facilement minimisés.

II. Le genre comme facteur aggravant la responsabilité

Ce désarroi face à la capacité de violence des femmes cohabite cependant avec une réaction opposée : dès lors que la violence est établie, les femmes sont parfois jugées sévèrement. Une femme criminelle est en effet historiquement perçue comme une aberration56 : elle ne porte pas seulement atteinte à l’ordre public, mais également à l’ordre social patriarcal57. « La perception générale est que […] la femme criminelle transgresse son statut de femme »58. Bien que cette perception de la violence des femmes ait évolué, elle semble toujours exercer une influence sur la vision actuelle de certaines femmes criminelles. Nous pouvons donc observer que si le juge de l’asile aura plus tendance à considérer une femme comme une victime qu’une agresseuse, l’exclusion sera facilement prononcée lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’une femme a violenté d’autres femmes ou des enfants.

La plupart des exclusions prononcées à l’encontre de requérantes concernent des affaires où des femmes victimisent d’autres femmes. C’est ainsi le cas de requérantes condamnées en France pour leur participation à des réseaux de traite des êtres humains à des fins de prostitution. Ces dernières sont très majoritairement exclues de la protection internationale, la CNDA pouvant s’appuyer sur les éléments de faits retenus dans les décisions pénales59. Comme nous l’avons vu ci-dessus, la CNDA hésite à qualifier de tels faits « d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies » lorsque la personne mise en cause est une femme, concluant souvent à un rôle subalterne au sein du réseau. Toutefois, de tels faits sont parfois qualifiés autrement, en tant que crime grave, ou comme élément permettant de caractériser une menace grave à l’ordre public60. La CNDA considère généralement les faits de traite des êtres humains comme étant particulièrement graves, insistant souvent sur le nombre de victimes et sur leurs liens avec la requérante. Cette position ferme est sans doute liée au fait que la Cour a pour habitude d’entendre les victimes de tels trafics dans le cadre de leurs propres demandes de protection internationale. Cette thématique est ainsi plus immédiate, car les faits étant souvent commis sur le sol français, la CNDA pourra être confrontée aux demandes d’asile émanant tant des victimes que des participants d’un même réseau criminel.

S’agissant toujours de la traite des êtres humains, on peut citer le cas particulier d’une requérante libyenne, proche de Mouammar Kadhafi, qui avait était organisatrice d’un réseau au bénéfice de ce dernier, ciblant des jeunes filles parfois mineures61. Le cas est particulier parce que les faits ont été commis dans le pays d’origine de la demandeuse. Dans sa décision, la CNDA manifeste fortement sa désapprobation, évoquant ses responsabilités et sa proximité avec l’ancien dictateur libyen. La Cour souligne également le fait que la requérante avait tenté de discréditer une des victimes de cette traite, « en évoquant des affabulations, ses mœurs légères prétendument notoires ainsi qu’un physique peu avantageux »62. La requérante est ainsi décrite non seulement comme ayant participé à un système ayant broyé ces victimes, mais comme prolongeant les souffrances provoquées en niant la parole de ces victimes. En soulignant également le fait que ces femmes étaient « placées sous sa responsabilité directe »63, la CNDA appuie le fait qu’elle avait un grand pouvoir sur les victimes au sein de ce système qui facilitait leurs viols. Cette décision est symptomatique dans la mesure où la requérante apparaît ici comme l’exemple parfait d’une femme ayant permis l’asservissement d’autres femmes.

Parmi les autres profils de femmes victimisant d’autres femmes, nous pouvons citer les exciseuses. Ces requérantes indiquent avoir pratiqué des mutilations sexuelles sur des bébés ou des enfants, parfois sur une période de plusieurs années. Justifiée par des arguments traditionalistes ou religieux dans les pays où elle est pratiquée, l’excision, aussi appelée mutilation sexuelle féminine (MSF), implique souvent une ablation de certains organes sexuels. Si ces violences ont longtemps été ignorées par le droit d’asile, la situation a évolué, et les victimes potentielles de telles pratiques peuvent désormais être protégées, y compris en tant que réfugiées64. Toutefois, dès lors que le juge de l’asile reconnaît qu’une excision peut être un acte de persécution, les personnes commettant de tels actes doivent en répondre. La CNDA a ainsi pris à l’égard des exciseuses une attitude ferme, se fondant surtout sur la durée et le nombre de victimes pour retenir leur responsabilité, tout en tenant compte de ce qu’elles pouvaient avoir exprimé des regrets sincères sur leur participation à de telles mutilations65. Ces requérantes sont donc exclues dès lors qu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’elles ont participé à l’excision d’autres femmes.

À travers ces exemples relatifs à la traite des êtres humains et aux mutilations sexuelles féminines, nous nous apercevons donc que les femmes qui ont participé à des violences visant d’autres femmes perdent toute prétention à l’étiquette de victime. Plutôt que des femmes subissant un système violent et patriarcal, de telles femmes contribuent à ce système. Leur responsabilité est en quelque sorte aggravée par l’idée que ces femmes asservissent leurs semblables, mettant à mal toute idée d’entraide féminine.

Le cas des mutilations sexuelles féminines se rapproche d’autres violences genrées fondées sur des pratiques traditionnelles néfastes, notamment celles relatives aux mariages forcés. Dans ce cadre particulier, les requérantes sont d’autant plus indignes : leurs victimes ne sont pas seulement d’autres femmes, défavorisées par un système patriarcal, mais sont également des membres de leur famille. La CNDA a ainsi pu exclure de la protection internationale une femme qui avait organisé le mariage de sa fille, âgée de 14 ans, avec un homme majeur66. Relevant l’absence d’une situation de contrainte qui pourrait expliquer ce mariage, la CNDA a également cité les déclarations de sa fille, qui avait aussi demandé l’asile. Cette référence à des propos tenus par une autre personne demandant l’asile est assez rare dans les décisions de la CNDA – il est possible qu’à travers cette mention la Cour ait voulu témoigner son attention envers cette mineure dont la parole avait été niée à travers ce mariage.

Le juge de l’asile peut se montrer particulièrement intransigeant avec des mères qui maltraitent leurs enfants. Il est possible que ces requérantes soient perçues comme d’autant plus indignes d’être protégées en ce qu’elles dévoient en leur rôle de parent, qu’elles portent atteinte au symbole de la mère protectrice67. La CNDA a ainsi insisté sur les torts d’une femme sud-soudanaise qui l’avait saisie d’un recours contre la décision ayant mis fin à la protection subsidiaire à la suite de sa mise en cause pour des violences envers sa fille mineure68. Elle a alors souligné en détail les faits de violence qui lui étaient reprochés69. Il est intéressant de constater que pour un requérant qui avait été condamné par la justice française pour des violences envers son épouse et son enfant, l’exclusion a été écartée70. Il est vrai que dans cette dernière affaire, le requérant avait des craintes de persécution qui lui permettaient de réclamer la qualité de réfugié et pas seulement la protection subsidiaire, ce qui conduisait à écarter l’exclusion pour des crimes graves de droit commun commis en France71. Toutefois, en l’espèce, la CNDA a également souligné, de manière superfétatoire, que les faits en cause n’étaient pas d’une gravité suffisante pour être qualifiés de « crimes graves ». Il est difficile de se prononcer sur cette appréciation des faits par la CNDA, dès lors que la Cour n’a pas précisé, dans sa décision, quels étaient les faits précis reprochés au requérant. Il est possible que les faits reprochés à la mère sud-soudanaise soient effectivement plus graves que ceux commis par le père afghan72. Toutefois, il est intéressant de noter que là où la CNDA insiste lourdement sur les violences perpétrées par la mère en les détaillant et les analysant, elle ne mentionne absolument pas la nature des violences commises par le père. Serait-il possible, dans ce cas de figure, d’en déduire que des violences émanant d’une figure maternelle sont jugées comme étant plus graves que des violences émanant d’une figure paternelle ?

Ainsi, les femmes autrices d’actes visant des personnes considérées comme vulnérables – d’autres femmes ou leurs enfants – seront aisément considérées comme étant indignes d’être protégées. S’il est vrai que la vulnérabilité des victimes est un élément qui peut aussi aggraver la responsabilité des hommes ayant commis de tels actes, il semblerait que, dans ce cadre, les femmes sont considérées d’une manière particulièrement sévère. Pour nous, l’explication pourrait résider dans une notion implicite de trahison : les femmes étant plus facilement appréhendées comme des victimes, le fait de victimiser à leur tour d’autres personnes peut être perçu comme d’autant plus aberrant. Cette notion de trahison expliquerait ainsi certaines décisions, comme la décision libyenne analysée plus haut, où la CNDA souligne les liens directs avec les victimes, les responsabilités des requérantes, comme pour insister sur le caractère encore plus répréhensible de leur trahison envers d’autres femmes. Cette lecture au prisme de la trahison permettrait d’expliquer en quoi le genre des requérantes est perçu comme un facteur aggravant.

Conclusion

Nous pouvons ainsi conclure qu’en droit de l’exclusion, tout comme en droit pénal, « les femmes bénéficient de représentations sociales qui tantôt peuvent conduire à une certaine clémence tantôt à une certaine sévérité »73. Le genre n’est pas le seul élément pris en compte par le juge de l’asile, qui se doit d’effectuer une analyse de tous les éléments d’un dossier au cas par cas. Toutefois, même si ce critère n’est que rarement cité explicitement, la comparaison entre des décisions concernant des demandeurs et des demandeuses d’asile aura permis d’identifier qu’il en fait partie. Notre article sera une première tentative d’identifier le rôle du genre dans l’analyse des cas d’exclusion, en montrant comme cette dimension peut opérer au sein du droit, tout en apparaissant comme étant externe au droit74.

Notes

1 Art. 15 de la Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte) [ci-après la « Directive Qualification »] ; Art. L. 512-1 du CESEDA. Retour au texte

2 Art. 2(a) Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil ; Art. L. 581—1 du CESEDA. Retour au texte

3 Art. 4(3)c de la Directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes, qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts ; Art. 4(3)c de la Directive Qualification. Retour au texte

4 Comité exécutif du Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR), Conclusions no 39 (XXXVI) concernant les femmes réfugiées et la protection internationale, 1985. Retour au texte

5 Art. L. 511-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Loi no 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile. Retour au texte

6 CJUE, GC, W.S. c. INTERVYUIRASHT ORGAN NA DARZHAVNA AGENTSIA ZA BEZHANTSITE PRI MINISTERSKIA SAVET, 16 janvier 2024, C-621/21. Retour au texte

7 A. Anderson et M. Foster, « A Feminist Appraisal of International Refugee Law », C. Costello, M. Foster et J. McAdam (dir.), The Oxford Handbook of International Refugee Law, Oxford, Oxford University Press, 2021, p. 64-66 ; J. Bhabha, « Embodied Rights : Gender Persecution, State Sovereignty, and Refugees », Public Culture, vol. 9, no 1, 1996, p. 8 ; J.-Y. Carlier, « The Geneva refugee definition and the ‘theory of the three scales’ », F. Nicholson et P. Twomey (dir.), Refugee Rights and Realities : Evolving International Concepts and Regimes, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, p. 39 ; G. Firth et B. Mauthe, « Refugee Law, Gender and the Concept of Personhood », International Journal of Refugee Law, vol. 25, no 3, 2013, p. 472-473; A. Korsakoff, « Le défi de la prise en compte du genre dans l’identification des réfugié.e.s », Revue Européenne des Migrations Internationales, vol. 36, no 4, 2020 ; N. Markard, « Gendered violence in ‘new wars’ : challenges to the Refugee Convention », S. van Walsum et T. Spijkerboer (dir.), Women and Immigration Law- New variations on classical feminist themes, New York, Routledge-Cavendish, 2007, p. 67-85 ; J. Miaz, « Les “persécutions liées au genre” en Suisse : les frontières du droit d’asile en question », Cahiers du Genre, vol. 57, no 2, 2014 ; J-P. Mopo Kobanda, Femmes victimes des persécutions sexo-spécifiques et droit d’asile en France aujourd’hui, Thèse de doctorat, sous la direction de C. Kuyu, Droit, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2009, p. 217-283 ; P. Tuitt, False Images : The Law’s Construction of the Refugee, Londres, Pluto Press, 1996, p. 33-35. Retour au texte

8 T. Spijkerboer, Gender and Refugee Status, Burlington, Ashgate, 2000, p. 120. Retour au texte

9 K. Ogg, « Separating the Persecutors from the Persecuted : A Feminist and Comparative Examination of Exclusion from the Refugee Regime », International Journal of Refugee Law, vol. 26, no 1, 2014, p. 82-111. Retour au texte

10 Art. L. 511-1 du CESEDA. Retour au texte

11 Art. L. 512-1 du CESEDA. Retour au texte

12 Art. L. 581—1 du CESEDA. Retour au texte

13 Art. L. 582—1 du CESEDA. Retour au texte

14 Voir par exemple les articles 1D et 1E de la Convention relative au statut des réfugiés, adoptée à Genève le 28 juillet 1951. Retour au texte

15 Nous laisserons ici de côté l’asile constitutionnel, plus rare, et dont les bénéficiaires n’ont jamais fait l’objet d’une exclusion. Pour plus d’information sur ce statut, voir : F. Moderne, Le droit constitutionnel d’asile dans les États de l’Union européenne, Paris, Economica, 1997, p. 61-65. Retour au texte

16 Art. 15 de la Directive Qualification, op. cit. Retour au texte

17 Il existe des différences entre les clauses d’exclusion applicables au statut de réfugié et celles applicables à la protection subsidiaire, notamment concernant la commission d’un crime grave (arts. 1F(b) de la Convention de Genève ou L. 512-2 2° du CESEDA) : ce dernier doit être commis, pour l’exclusion du statut de réfugié, hors du pays d’accueil avant la reconnaissance du statut, et doit ne pas avoir de caractère politique. L’exclusion pour crime grave de la protection subsidiaire ne comporte pas de telles limites. Retour au texte

18 Art. L. 512-2 du CESEDA. Retour au texte

19 Art. 2(a) Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil. Retour au texte

20 Décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire. Retour au texte

21 Art. 28 de la Directive 2001/55/CE, op.cit. Retour au texte

22 Art. 1(1) de la Convention relative au statut des apatrides, adoptée à New York le 28 septembre 1954. Retour au texte

23 Art. 1(2) de la Convention relative au statut des apatrides, op.cit. Retour au texte

24 Notons que cette pratique n’est pas uniforme au niveau international, même si elle est constante en France depuis les années 1950. Retour au texte

25 Cette jurisprudence interdit notamment toute expulsion en cas de risque de traitements inhumains ou dégradants, qui seraient contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Voir notamment : CourEDH (plénière), SOERING c. ROYAUME UNI, 7 juillet 1989, no 14038/88 ; CourEDH (plénière), CRUZ VARAS ET AUTRES c. SUEDE, 20 mars 1991, no 15576/89 ; CourEDH (grande chambre), CHAHAL c. ROYAUME UNI, 15 novembre 1996, no 22414/93 ; CourEDH (grande chambre), SAADI c. ITALIE, 28 février 2008, no 37201/06. Retour au texte

26 CJUE, B. & D. c. BUNDESREPUBLIK DEUTSCHLAND, 9 novembre 2010, C-57/09 et C-101/09. Retour au texte

27 Voir l’intervention de Catherine Ménabé dans : I. Rome et D. Dibie (dir.), Femmes, droit et justice, Paris, Dalloz, 2019, p. 134-135. Retour au texte

28 C. Bellard, Les crimes au féminin, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 16-17. Retour au texte

29 M. van der Heidjen, « Women and Crime, 1750-2000 », P. Knepper et A. Johansen (dir.), The Oxford Handbook of the History of Crime and Criminal Justice, Oxford, Oxford University Press, 2016, p. 256-260. Retour au texte

30 Voir notamment : R. Cario et B. Sayous (dir.), Tabous et réalités du crime au féminin, Paris, L’Harmattan, 2011 et R. Cario, Femmes et criminelles, Toulouse, Érès, 1992, p. 330. Retour au texte

31 Cette cour a été renommée par l’article 29 de la loi no  2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile. Retour au texte

32 CRR, 15 juin 2000, no 347042, Diagana. Retour au texte

33 CRR, 16 juillet 1993, no 247745, M’Hamud. Retour au texte

34 J. Petit, « La motivation des décisions du juge administratif français », S. Caudal (dir), La motivation en droit public, Paris, Dalloz, 2013, p. 215 : « les motivations actuelles sont souvent plus amples ou moins concises que naguère ». Retour au texte

35 CRR, Diagana, op.cit., § 3. Retour au texte

36 Ibid. Retour au texte

37 CRR, SR, 19 juin 1996, no 280634, Mbarushimana. Retour au texte

38 CRR, 3 janvier 2005, no 434055, Mme N. ép. B. Retour au texte

39 CRR, 15 février 2007, no 564776, Mme K. veuve H. ; CE, 10e-9e ss-sect. réunies, 16 octobre 2009, no 311793, Habyarimana. Retour au texte

40 CNDA, 9 juillet 2015, no 14018172, §6. Retour au texte

41 En l’espèce, le DHKP-C (Devrimci Halk Kurtulus Partisi-Cephesi, Parti révolutionnaire de libération du peuple). Voir, pour la qualification de terroriste : Annexe de la Décision (PESC) 2022/152 du Conseil du 3 février 2022 portant mise à jour de la liste des personnes, groupes, et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3, et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2021/1192. Retour au texte

42 CNDA, 11 octobre 2018, no 17014478, C. Retour au texte

43 CNDA, 11 octobre 2018, no 16030591, C. Retour au texte

44 Ibid, § 16. Retour au texte

45 Cette analyse ressort de la décision de grande formation : CNDA, GF, 25 juin 2019, no 18027385, R. Retour au texte

46 CNDA, 30 août 2019, no 18052314, C+. Retour au texte

47 Il existe une exception, qui sera étudiée ci-dessous, concernant une femme libyenne, exclue sur ce fondement. Toutefois cette décision se distingue car cette requérante avait commis les faits en question en Libye et n’avait pas été mise en cause par la justice française, contrairement à la majorité des cas d’auteurs de traite des êtres humains dont a à connaître la CNDA. Retour au texte

48 Voir par exemple : CNDA, GF, 25 juin 2019, no 18027385, R ; CNDA, 19 juillet 2019, no 18020381 ; CNDA, 8 avril 2022, no 21063571. Notons que ces requérantes ont été exclues, mais sur d’autres fondements. Retour au texte

49 CNDA, 17 août 2022, no 17010148. Retour au texte

50 Ibid, § 2. Retour au texte

51 Ibid, § 9. Retour au texte

52 CNDA, 28 novembre 2023, no 23007820. Retour au texte

53 CNDA, 28 avril 2021, no 19028327. Retour au texte

54 CNDA, 20 mars 2023, no 22043941. Retour au texte

55 CNDA, 15 juillet 2022, no 22003396. Retour au texte

56 C. Lombroso, La femme délinquante, la prostituée et la femme normale, 1896 : « la criminelle-née est pour ainsi dire une exception à double titre, comme criminelle et comme femme […] elle doit donc, comme double exception, être plus monstrueuse ». Passage cité dans : C. Bellard, Les crimes au féminin, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 15. Retour au texte

57 M. van der Heidjen, « Women and Crime, 1750-2000 », P. Knepper et A. Johansen (dir.), The Oxford Handbook of the History of Crime and Criminal Justice, Oxford, Oxford University Press, 2016, p. 257. Retour au texte

58 Voir l’intervention de Catherine Ménabé dans : I. Rome et D. Dibie (dir.), Femmes, droit et justice, Paris, Dalloz, 2019, p. 132. Retour au texte

59 Voir notamment : CNDA, GF, 25 juin 2019, no 18027385, R ; CNDA, 19 juillet 2019, no 18020381 ; CNDA, 27 janvier 2021, no 19052586 ; CNDA, 8 avril 2022, no 21063571 ; CNDA, 18 août 2022, no 21027216 ; CNDA, 10 novembre 2022, no 22047047 ; CNDA, 11 juillet 2023, no 21052822 ; CNDA, 21 septembre 2023, no 23015136. Voir également, où l’exclusion n’est écartée que parce qu’en raison du critère spatio-temporel de l’article 1F(b) de la Convention de Genève : CNDA, 13 octobre 2023, no 21026067. Retour au texte

60 Notons toutefois que ces clauses d’exclusion ne s’appliquent qu’à la protection subsidiaire. Si l’exclusion pour crime grave existe pour le statut de réfugié·e, l’article en cause (1F(b) de la Convention de Genève) ne s’applique qu’à des faits commis en dehors du territoire français. C’était d’ailleurs un des enjeux de la qualification de tels faits en « agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies » sous l’article 1F(c) de la Convention de Genève, qui ne comporte pas de telles limites spatiales. Retour au texte

61 CNDA, 2 juin 2020, no 18031988, C+. Retour au texte

62 Ibid, § 9. Retour au texte

63 Ibid. Retour au texte

64 CE, Ass, 21 décembre 2012, no 332491, Darbo-Fofana. Retour au texte

65 CNDA, 12 novembre 2019, no 19007358, C+ ; CNDA, 8 février 2023, no 22051504. Retour au texte

66 CNDA, 25 janvier 2023, no 22052782. Retour au texte

67 Voir sur ce point : R. Cario et B. Sayous (dir.), Tabous et réalités du crime au féminin, Paris, L’Harmattan, 2011, notamment les contributions concernant les violences intrafamiliales et pédophiles perpétrées par les femmes. Retour au texte

68 CNDA, 22 août 2023, no 22015767. Retour au texte

69 Ibid, § 17-18. Retour au texte

70 CNDA, 13 février 2024, no 23030991. Retour au texte

71 Selon une condition fixée, pour les personnes relevant du statut de réfugié.e, par l’article 1F(b) de la Convention de Genève. Il n’existe pas de telle condition dans le cadre de la protection subsidiaire. Retour au texte

72 Sur la notion de la gravité du crime pour les exclusions pour « crime grave », voir notamment : EASO, « Practical Guide on Exclusion for Serious (Non-Political) Crimes », décembre 2021, p. 13-18, en ligne : https://euaa.europa.eu/sites/default/files/Practical_Guide_on_Exclusion_for_Serious_NonPolitical_Crimes.pdf (consulté le 19 février 2025). Retour au texte

73 Voir l’intervention de Catherine Ménabé dans : I. Rome et D. Dibie (dir.), Femmes, droit et justice, Paris, Dalloz, 2019, p. 131. Retour au texte

74 Pour reprendre la formule de J. Conaghan, Law and Gender, Oxford, Oxford University Press, 2013, p. 8. En anglais : « how gender is able to operate within the law while simultaneously appearing to be outside it. » Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Juliette Guiot, « Des femmes indignes d’être protégées ?  », Mélété [En ligne], 01 | 2025, mis en ligne le 03 juin 2025, consulté le 21 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/melete/index.php?id=138

Auteur

Juliette Guiot

Juliette Guiot est docteure en droit public. Elle a soutenu en 2024 sa thèse L’indignité et les clauses d’exclusion dans le droit d’asile français. Approches théorique et pratique à l’université Paris-Saclay.

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